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20/05/2021 | FRANCE | N°20-10905

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 20 mai 2021, 20-10905


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mai 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 446 F-D

Pourvoi n° S 20-10.905

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2021

La société Jesapaal, société civile immobilière, dont

le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 20-10.905 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2018 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mai 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 446 F-D

Pourvoi n° S 20-10.905

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2021

La société Jesapaal, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 20-10.905 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2018 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Foncia Rives de Manche, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Jesapaal, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Foncia Rives de Manche, après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 18 janvier 2018), un propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail depuis plus de douze ans, par suite de tacite reconduction, a délivré au locataire un congé avec offre de renouvellement et proposition de fixation du loyer à la somme de 11 400 euros avec effet au 31 août 2005.

2. Le 13 février 2007, la SCI Jesapaal (la SCI), devenue propriétaire de ces locaux, a confié un mandat de gestion à la société Jean Lavigne, aux droits de laquelle vient la société société Foncia rives de Manche (la société Foncia).

3. Soutenant que la société Foncia avait commis une faute contractuelle en ne saisissant pas le juge des loyers commerciaux d'une demande de fixation du prix du bail renouvelé avant l'acquisition de la prescription biennale, la SCI l'a assignée en indemnisation de son préjudice financier.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de condamner la société Foncia au paiement de la seule somme de 22 503 euros en réparation de la perte de loyers subie du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2008 et de rejeter le surplus de ses demandes, alors :

« 1°/ que le préjudice subi par le bailleur résultant la faute de commise par le mandataire qui s'est abstenu de saisir le juge d'une demande de fixation du loyer du bail renouvelé est constitué par la perte de chance de percevoir les loyers au montant qui aurait été fixé par le juge, ce pendant la durée du bail, peu important que le bailleur puisse, trois ans après la date d'effet du bail renouvelé, saisir à nouveau le juge des loyers ; qu'en décidant au contraire que le préjudice subi par la SCI était la perte de chance d'obtenir du juge des loyers commerciaux la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er septembre 2005 à la valeur locative du fait de l'absence de saisine de ce magistrat par l'EURL Lavigne avant le 31 août 2007 et que ce préjudice a cessé dès que la bailleresse a recouvré la possibilité de saisir à nouveau ce magistrat en vue de voir fixer le loyer à la valeur locative, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en se fondant, pour limiter la période d'indemnisation, sur la circonstance que la SCI n'avait engagé aucune procédure de révision du bail que ce soit le 1er septembre 2008 ou le 1er septembre 2011 alors que dans une lettre officielle adressée le 6 septembre 2011 au conseil de la société Foncia (son conseil admettait lui-même qu'une telle procédure « aurait pour intérêt de ramener le loyer à la valeur locative et de mettre ainsi fin à la période pour laquelle ma cliente entend être indemnisée »), la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

5. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

6. Seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable. L'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences, sans que la victime soit tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable.

7. Pour limiter l'indemnisation du préjudice de la SCI, l'arrêt retient qu'en ne saisissant pas, avant l'acquisition de la prescription biennale, le juge des loyers commerciaux d'une demande en fixation du montant du loyer du bail renouvelé à la valeur locative, la société Lavigne a commis une faute dans l'exécution de son mandat de gérance, mais que le préjudice subi par la SCI, qui s'analyse en une perte de chance d'obtenir la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er septembre 2005 à la valeur locative telle que proposée par l'expert judiciaire, a cessé dès que la bailleresse a recouvré la possibilité de saisir à nouveau ce magistrat en vue de voir fixer le loyer à la valeur locative, en application de l'article L. 145-38 du code de commerce qui autorise le bailleur à demander la révision du loyer tous les trois ans et pour la première fois le 1er septembre 2008.

8. En statuant ainsi, alors que la procédure de révision judiciaire du loyer prévue par l'article L. 145-38 du code de commerce ne permettait pas à la bailleresse d'obtenir la fixation du loyer à la valeur locative dans les mêmes conditions que celles résultant des dispositions de l'article L. 135-34 du même code, qui prévoient notamment que le déplafonnement est de plein droit lorsque, par l'effet d'une tacite reconduction, la durée du bail excède douze ans, de sorte que la SCI avait été privée de la chance d'obtenir le déplafonnement du prix du bail renouvelé selon ces dernières dispositions, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE,mais seulement en ce qu'il a :
- condamné la société Foncia rives de Manche venant aux droits de la société Foncia Bastard à payer à la SCI Jesapaal la somme de 22 503 euros en réparation de la perte de loyers subie du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2008 ;
- débouté la SCI Jesapaal du surplus de ses demandes ;
- condamné la SCI Jesapaal aux dépens de la procédure d'appel,
- condamné la SCI Jesapaal à payer à la société Foncia rives de Manche la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la SCI Jesapaal de sa demande au titre des frais irrépétibles,

l'arrêt rendu le 18 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen,

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société Foncia rives de Manche aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Jesapaal.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Foncia rives de Manche venant aux droits de la société Foncia Bastard à payer à la SCI Jesapaal la seule somme de 22 503 ? en réparation de la perte de loyers subie du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2008 et d'avoir débouté la SCI Jesapaal du surplus de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE par acte authentique du 30 août 1990 la SCI "[Personne géo-morale 1][Personne géo-morale 1]" donnait à bail à la SARL "la vie belle" des locaux situés [Adresse 3] pour une durée de 9 années commençant à courir le 1er janvier 1991 pour se terminer le 31 décembre 1999 ; par acte authentique du 16 novembre 1995 la SARL "la vie belle" cédait son bail à Mme [Z] que la bailleresse autorisait à exercer dans les lieux loués l'activité de salon de coiffure et d'esthétisme ; que le bail parvenu à son terme le 31 décembre 1999 s'est poursuivi par tacite reconduction ; que par acte d'huissier du 8 février 2005 la SCI du [Personne géo-morale 1] notifiait à Mme [Z] un congé avec offre de renouvellement dans les conditions prévues par l'article 145-9 du code de commerce pour le 31 août 2005 en demandant la fixation du loyer annuel à la somme de 11 400 ? ; que par lettre du 26 août 2005 Mme [Z] faisait valoir qu'elle acceptait le principe du renouvellement, mais entendait limiter le montant du loyer à la somme annuelle de 4 000 ? ; que par acte authentique du 31 janvier 2007 la SCI "[Personne géo-morale 1]" vendait l'immeuble abritant les locaux loués à Mme [Z] à la SCI Jesapaal ; que le 13 février 2007 la SCI Jesapaal donnait mandat de gérer cet immeuble à l'EURL Jean Lavigne dont les parts sociales étaient cédées le 13 avril 2007 à la société Foncia Bastard aux droits de laquelle vient la société Foncia rives de Manche (ci-après la société Foncia), l'EURL étant dissoute et son patrimoine transmis à l'associée unique, la société Foncia, le 5 décembre 2017 ; que par une lettre du 17 septembre 2007 maître [D], conseil de Mme [Z], écrivait à la SCI Jesapaal que plus de deux années s'étaient écoulées depuis le 1er septembre 2005 sans qu'aucune demande de fixation du prix du bail renouvelé n'ait été faite, que la prescription biennale étant acquise le renouvellement du bail s'était donc opéré à compter du 1er septembre 2005 "aux mêmes clauses et conditions que celles du bail antérieur et à l'ancien prix" ; qu'en vue de chiffrer le préjudice qu'elle estimait subir du fait de l'impossibilité d'obtenir la fixation d'un loyer "déplafonné" à l'encontre de sa locataire la SCI Jesapaal a obtenu la désignation, par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Caen du 2 décembre 2010, de M. [A] en qualité d'expert judiciaire avec mission d'évaluer la valeur locative des locaux donnés à bail ; que celui-ci a déposé son rapport le 5 septembre 2011 ;

ET AUX MOTIFS QU'il est constant que le 8 février 2005 la SCI "[Personne géo-morale 1]" aux droits de laquelle vient la SCI Jesapaal, a délivré à Mme [Z] un congé avec offre de renouvellement pour le 31 août 2005, renouvellement dont le principe a été accepté par Mme [Z], les parties au bail étant en désaccord sur le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er septembre 2005 ; qu'il n'est pas discuté que plus de deux années s'étant écoulées depuis le 1er septembre 2005 sans qu'aucune demande de fixation du prix du bail renouvelé n'ait été faite, la prescription biennale était acquise et le renouvellement du bail s'est opéré à compter du 1er septembre 2005 aux mêmes clauses et conditions que celles du bail antérieur et notamment moyennant le paiement du même loyer ; qu'il n'est également pas discuté qu'au terme du mandat donné le 13 février 2007 par la SCI Jesapaal à l'EURL Jean Lavigne celle-ci avait le pouvoir d'engager "toutes actions judiciaires, tous commandements, sommations et citations devant les tribunaux" ; que le rachat des parts de l'EURL Lavigne par la SAS Foncia Bastard le 13 avril 2007 n'a eu aucune incidence sur l'identité du titulaire du mandat de gestion qui est resté l'EURL Lavigne et ce jusqu'à sa dissolution et la transmission de son patrimoine à son associée unique, la société Foncia, le 5 décembre 2017 ; qu'il est acquis qu'entre le 13 février 2007, date de prise d'effet de son mandat, et le 31 août 2007, date d'acquisition de la prescription biennale, l'EURL Jean Lavigne, pourtant confrontée au désaccord des parties au bail sur ce point, n'a engagé aucune action en vue de faire fixer le montant du loyer du bail renouvelé depuis le 1er septembre 2005 ; qu'en ne saisissant pas le juge des loyers commerciaux d'une demande à cette fin avant l'acquisition de la prescription l'EURL Lavigne a commis une faute dans l'exécution de son mandat de gérance ; que cette faute constitue le fait générateur du préjudice allégué par la SCI Jesapaal qui se plaint d'avoir été privée de la possibilité de percevoir un loyer déplafonné et fixé à la valeur locative à compter du 1er septembre 2005 et réclame à titre indemnitaire la différence entre ce loyer évalué à dire d'expert et le loyer acquitté actuellement par Mme [Z] ; que lors de la transmission universelle du patrimoine d'une société dissoute à l'associé unique celui-ci recueille les créances et les dettes nées antérieurement à la dissolution dans le patrimoine social au titre des contrats conclus par la société dissoute ; qu'en l'espèce son fait générateur étant l'acquisition de la prescription le 31 août 2007 la créance indemnitaire alléguée par la SCI Jesapaal et la dette correspondante dans le patrimoine de l'EURL Lavigne sont nées antérieurement à la transmission universelle du patrimoine de l'EURL Lavigne à la société Foncia le 5 décembre 2007 ; qu'en ce qu'elles font partie du patrimoine transmis la société Foncia doit donc répondre des conséquences dommageables de la faute commise par l'EURL Lavigne sans qu'il y ait lieu de rechercher si le mandat de gestion de l'EURL Lavigne a été transmis ou pas à la société Foncia ; que la durée du bail expiré étant supérieure à 12 ans le déplafonnement du loyer était acquis à la SCI Jesapaal qui pouvait prétendre le voir fixer à la valeur locative telle que définie par les dispositions de l'article L. 145-33 du code de commerce ; que si le déplafonnement du loyer implique qu'il doit être fixé à la valeur locative l'aléa judiciaire inhérent à sa fixation par le juge des loyers commerciaux implique que la valeur locative finalement retenue ne se confond pas obligatoirement avec l'évaluation proposée à dire d'expert ; que le préjudice subi par la SCI Jesapaal faute pour l'EURL Lavigne d'avoir saisi le juge des loyers commerciaux d'une demande de fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative dans le délai imparti ne correspond donc pas à la différence arithmétique existant entre le loyer déplafonné fixé à la valeur locative proposée par l'expert et le loyer que la bailleresse a effectivement perçu, mais s'analyse en une perte de chance d'obtenir du juge des loyers commerciaux la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er septembre 2005 à la valeur locative telle que proposée par l'expert judiciaire, M. [A] ; qu'au soutien de sa demande d'annulation du rapport d'expertise la société Foncia reproche à M. [A] d'avoir vérifié, hors la présence des parties, que les locaux donnés à bail auxquels on accède par des locaux sur rue appartenant à Mme [Z] bénéficiaient également d'un accès indépendant par le hall d'accès commun du n° 11 de la rue de la république ; que l'expert judiciaire s'est borné à constater l'existence matérielle de cet accès indépendant dont il a rendu compte en intégrant à son rapport les photographies prises sur les lieux et en mettant les parties en mesure de faire valoir leurs observations dans le cadre des dires formulés auxquels il a répondu dans leur intégralité la violation alléguée du principe du contradictoire n'est pas caractérisée ; que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société Foncia de sa demande d'annulation du rapport d'expertise ; que, sur le fond la société Foncia reproche à l'expert de ne pas avoir tenu compte de l'absence d'accès direct à la rue des locaux donnés à bail à Mme [Z] dans le calcul de la surface pondérée retenue pour fixer leur valeur locative ; qu'il ressort au contraire du rapport d'expertise que M. [A] a pris en compte la configuration des lieux et cet éloignement des locaux par rapport à la rue dans le choix des coefficients de pondération appliqués aux différentes surfaces données à bail à Mme [Z] ; que M. [A] a notamment précisé en réponse à un dire adressé sur ce point par la société Foncia "que la pondération a été établie en fonction des caractéristiques actuelles des lieux et en tenant compte des locaux sur rue" dont Mme [Z] est propriétaire ; que le grief fait à l'expert judiciaire sur ce point n'est donc pas fondé ; qu'au terme de son rapport M. [A] propose "de fixer le loyer à la date du 31 août 2005 à la somme de 230 ?/m2 U.P soit :
- dans la première hypothèse (prise en compte des surfaces de l'immeuble en l'état actuel) : 230 ? x 54,16 m2U.P = 12 457 ? (ramené le cas échéant à la somme de 12 457 ? - 335 ? = 12 122 ?/an en tenant compte de la taxe foncière 2006 de l'immeuble)
- dans la deuxième hypothèse (prise en compte des surfaces de l'immeuble avant travaux) : 230 ? x 36,52 m2 U.P = 8 400 ? (ramené le cas échéant à la somme de 8 400 ?- 335 ? = 8 065 ?/an en tenant compte de la taxe foncière 2006 de l'immeuble)" ;
qu'il ressort du procès-verbal de constat de l'état antérieur des lieux en date du 16 janvier 1996 et du rapport d'expertise que les travaux réalisés par Mme [Z] ont complètement transformé des locaux vétustes à usage de réserve pour les rendre conformes à la nouvelle destination des lieux autorisée par la bailleresse à savoir un salon de coiffure et d'esthétique ; que la société Foncia fait valoir qu'"il est au moins un aléa sur cette question tenant à celle de savoir si ces travaux exclusivement financés par le preneur peuvent ou non profiter dès le premier renouvellement au bailleur, et entraîne en conséquence le déplafonnement" ; que le moyen est inopérant d'une part parce que le déplafonnement du loyer du bail renouvelé est acquis du seul fait de la durée du bail expiré supérieure à douze ans, d'autre part parce que les travaux litigieux ne se sont pas bornés à améliorer l'existant, mais ont modifié les caractéristiques des locaux donnés à bail de sorte qu'il ne s'agit pas de travaux d'amélioration pour laquelle la question se poserait de savoir s'ils peuvent profiter ou non au bailleur dès le premier renouvellement ; qu'il est dès lors fortement probable que c'est au travers de la modification des caractéristiques du local considéré que ces travaux auraient été pris en compte par le juge des loyers commerciaux s'il avait été saisi aux fins d'évaluation de la valeur locative du loyer du bail renouvelé le 1er septembre 2005 ; que la société Foncia reproche aussi au premier juge de ne pas avoir déduit la quote-part de la taxe foncière supportée par la locataire du montant du loyer annuel. Mais dès lors que le bail qui fait la loi des parties, la met à la charge de la locataire la quote-part de la taxe foncière supportée par Mme [Z] n'a pas à être déduite du loyer ; que la société Foncia ne discute pas la fixation par l'expert du prix du m² pondéré à 230 ?/an pour un emplacement commercial très favorable à proximité immédiate du quai [Localité 1] à [Localité 2] sur la base d'une fourchette de prix de location de référence compris entre 160 ? et 300 ? /m² dans le secteur concerné ; que, par conséquent la valeur locative annuelle constituant l'assiette de calcul de la perte de chance subie par la SCI Jesapaal doit être fixée à 12 457 ? par an. Au regard des éléments précédemment développés l'aléa affectant la détermination par le juge de cette valeur locative apparaît réduit. La perte de chance de la voir fixer à 12 457 ?/an subie par la SCI Jesapaal doit donc être fixée à 80 % de ce montant soit 9 965,60 ?/an ; qu'il n'est pas discuté que le loyer annuel actuellement réglé par Mme [Z] s'élève à 2 464,60 ? soit une perte annuelle de 7 501 ? pour la SCI Jesapaal ; que sa venderesse, la SCI "rue de la république" a subrogé la SCI Jesapaal "dans tous les droits du vendeur relativement au bien" en page 9 de l'acte de vente de l'immeuble situé à la même adresse en date du 31 janvier 2007 ; que les droits visés par la subrogation sont tous ceux détenus par la SCI venderesse "relativement au bien"y compris les créances non encore recouvrées ; que si l'EURL Lavigne aux droits de laquelle vient la société Foncia avait saisi le juge des loyers commerciaux d'une demande de fixation du loyer des locaux donnés à bail à Mme [Z] à la valeur locative avant l'acquisition de la prescription le 31 août 2007 la SCI Jesapaal aurait été en droit de prétendre à la fixation du loyer à la valeur locative retenue par le juge à compter du 1er septembre 2005, date de prise d'effet du bail renouvelé ; que les droits dans lesquels sa venderesse a subrogé la SCI Jesapaal comprennent donc la créance indemnitaire correspondant à la perte de loyers qu'elle a subie entre le 1er septembre 2005 et le 31 janvier 2007 ; que le préjudice subi par la SCI Jesapaal étant la perte de chance d'obtenir du juge des loyers commerciaux la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er septembre 2005 à la valeur locative du fait de l'absence de saisine de ce magistrat par l'EURL Lavigne avant le 31 août 2007 ce préjudice a cessé dès que la bailleresse a recouvré la possibilité de saisir à nouveau ce magistrat en vue de voir fixer le loyer à la valeur locative ; que les dispositions de l'article L 145-38 du code de commerce autorisaient la SCI Jesapaal à saisir le juge des loyers commerciaux d'une demande de révision du loyer tous les trois ans à compter de la date d'entrée en jouissance et pour la première fois le 1er septembre 2008 ; qu'or la SCI Jesapaal n'a engagé aucune procédure de révision du bail que ce soit le 1er septembre 2008 ou le 1er septembre 2011 alors que dans une lettre officielle adressée le 6 septembre 2011 au conseil de la société Foncia (pièce 33 de l'intimée) son conseil admettait lui-même qu'une telle procédure "aurait pour intérêt de ramener le loyer à la valeur locative et de mettre ainsi fin à la période pour laquelle ma cliente entend être indemnisée" ; qu'il ressort du même courrier qu'en réalité la SCI Jesapaal a fait le choix de mettre fin au bail la liant à Mme [Z], sans succès jusqu'à présent puisque par arrêt du 9 janvier 2014 cette cour l'a déboutée de sa demande de résiliation du bail pour manquements de la locataire à ses obligations et que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la cour de cassation le 24 mars 2015 ; qu'au terme du bail le 31 août 2014 la SCI Jesapaal n'a pas plus saisi le juge des loyers commerciaux d'une demande de fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative à compter du 1er septembre 2014, mais a fait délivrer à la locataire le 27 juin 2014 un congé sans offre de renouvellement pour motifs graves et légitimes pour le 31 décembre 2014, le contentieux généré par ce congé étant toujours en cours ; que la société Foncia n'a pas à subir les conséquences des choix procéduraux de la SCI Jesapaal dont le préjudice généré par le manquement imputable à l'EURL Lavigne a pris fin dès qu'elle a recouvré la possibilité d'agir en vue de voir fixer le loyer à la valeur locative c'est-à-dire le 1er septembre 2008 ; que, par conséquent la société Foncia doit être condamnée à payer à la SCI Jesapaal la somme de 22 503 ? correspondant à l'indemnisation de la perte de loyers subie sur la période du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2008 (7501 ? x3), l'intimée étant déboutée du surplus de sa demande indemnitaire et de sa demande de sursis à statuer et le jugement déféré réformé en conséquence ;

1°) ALORS QUE le préjudice subi par le bailleur résultant la faute de commise par le mandataire qui s'est abstenu de saisir le juge d'une demande de fixation du loyer du bail renouvelé est constitué par la perte de chance de percevoir les loyers au montant qui aurait été fixé par le juge, ce pendant la durée du bail, peu important que le bailleur puisse, trois ans après la date d'effet du bail renouvelé, saisir à nouveau le juge des loyers ;
qu'en décidant au contraire que le préjudice subi par la SCI Jesapaal était la perte de chance d'obtenir du juge des loyers commerciaux la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er septembre 2005 à la valeur locative du fait de l'absence de saisine de ce magistrat par l'EURL Lavigne avant le 31 août 2007 et que ce préjudice a cessé dès que la bailleresse a recouvré la possibilité de saisir à nouveau ce magistrat en vue de voir fixer le loyer à la valeur locative, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en se fondant, pour limiter la période d'indemnisation, sur la circonstance que la SCI Jesapaal n'avait engagé aucune procédure de révision du bail que ce soit le 1er septembre 2008 ou le 1er septembre 2011 alors que dans une lettre officielle adressée le 6 septembre 2011 au conseil de la société Foncia (son conseil admettait luimême qu'une telle procédure "aurait pour intérêt de ramener le loyer à la valeur locative et de mettre ainsi fin à la période pour laquelle ma cliente entend être indemnisée", la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-10905
Date de la décision : 20/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 18 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 20 mai. 2021, pourvoi n°20-10905


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.10905
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