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19/05/2021 | FRANCE | N°20-14123

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 2021, 20-14123


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 608 F-D

Pourvoi n° Q 20-14.123

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

La société Razel Bec, société par actions simpli

fiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-14.123 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provenc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 608 F-D

Pourvoi n° Q 20-14.123

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

La société Razel Bec, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-14.123 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à M. [U] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et TapieTapie, avocat de la société Razel Bec, après débats en l'audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 janvier 2020), M. [T] a été engagé par la société Razel Bec à compter du 1er juillet 2005, en qualité de maçon, la relation de travail étant soumise à la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992.

2. Par suite de la dénonciation de l'accord d'entreprise du 24 octobre 2001, l'employeur a établi un document intitulé « Conditions de déplacement DRS applicables au 1er novembre 2013 ».

3. Le 5 décembre 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel d'indemnités de déplacement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié la somme de 2 436 euros, outre une indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de lui ordonner de se conformer aux dispositions de la convention collective pour le calcul des indemnités de grand déplacement, alors « que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, après avoir constaté que la société Razel-Bec concluait à l'irrecevabilité des demandes de M. [T] qui ne justifiait pas de son intérêt à agir, n'a pas recherché, ainsi qu'elle était invitée, si le salarié rapportait la preuve de cet intérêt à agir, contesté par l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Ayant retenu que l'unique moyen invoqué par l'employeur tendant à soulever l'irrecevabilité de la demande du salarié pour défaut d'intérêt à agir visait l'article 9 du code de procédure civile et relevait du fond, la cour d'appel, qui a fait ressortir que ce moyen ne constituait pas une fin de non-recevoir mais un moyen de défense au fond, en a exactement déduit qu'en l'absence de véritable moyen d'irrecevabilité, la demande était recevable.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation sans indiquer les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en affirmant qu' une somme de 58 euros minimum permet de couvrir les dépenses quotidiennes normales exigées par l'article 8.11 de la convention collective, sans avoir indiqué dans sa décision les éléments qui permettaient de retenir ce montant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine par la cour d'appel de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Razel Bec aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et TapieTapie, avocat aux Conseils, pour la société Razel Bec

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Razel-Becà payer au salarié la somme de 2436 euros, outre 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de lui avoir ordonné de se conformer aux dispositions de la convention collective pour le calcul des indemnités de grand déplacement ;

Aux motifs que la société Razel-Bec conclut à l'irrecevabilité des demandes, M. [T] ne justifiant pas de son intérêt à agir, à défaut de préciser sur quels chantiers il a été affecté à compter de novembre 2013, quelles indemnités ont été versées mensuellement, quelles indemnités il aurait dû percevoir, et le calcul de la différence ; le moyen invoqué vise l'article 9 du code de procédure civile et relève du fond ; en l'absence de véritable moyen d'irrecevabilité, la demande doit être déclarée recevable ; au fond, M. [T] expose que la modification unilatérale faite par l'employeur à compter du 1er novembre 2013 est illicite : (...) et que : l'indemnité des grands déplacements entre 50 et 100 kilomètres est contraire à l'article8.11 de la convention collective qui prévoit une indemnité correspondant aux dépenses normales engagées par le salarié qui ne peut regagner son domicile le soir ; la règle nouvelle fait varier le montant de l'indemnité en fonction de l'éloignement du chantier soit 42 euros par jour entre 50 et 100 kilomètres et 70 euros par jour au-delà de 100 km, alors que les dépenses pour se loger et se nourrir sont identiques quelque soit l'éloignement, que l'indemnité de 42 euros ne couvre pas les besoins du salarié en grand déplacement ; la notion de transport d'1heure 30 sur la base d'une distance à vol d'oiseau entre le domicile et le chantier est erronée ; la convention collective ne prévoit pas de limite à une durée supérieure à 1h30, et tient compte des moyens de transport en commun utilisables, alors que la société Razel Bec retient une estimation à vol d'oiseau irréaliste ; l'inspection du travail a retenu que l'indemnisation des déplacements établie par la société Razel Bec « n'est pas conforme » ; la société répond que : l'article L. 2261-13 du code du travail ne concerne que les salaires et non le remboursement des frais ; (...) pour les indemnités de grands déplacements, M. [T] ne chiffre pas sa demande ; la convention collective prévoit une indemnité lorsque le salarié ne peut regagner son lieu de résidence chaque soir, la référence à un éloignement étant une présomption de grands déplacements, ne contient aucune disposition sur un montant minimal et indemnise forfaitairement les ouvriers des frais supplémentaires entraînés par les déplacements inhérents à la mobilité de leur lieu de travail, comprenant les indemnités de repas, de frais de transport et de trajet ; il s'agit de rembourser les frais professionnels engagés par le salarié en raison d'une contrainte effectivement supportée ; que les conditions de déplacement applicables au 1er novembre 2013 au sein de la société Razel Bec prévoient un calcul de la distance à vol d'oiseau, une indemnité de petits déplacements si le chantier se trouve à moins de 50 km de l'agence, une indemnité de grands déplacements d'un montant de 42 euros si le chantier se trouve à une distance du domicile de 50 à 100 kilomètres et une indemnité de grands déplacements d'un montant de 70 euros si le chantier se trouve à plus de 100 km du domicile ; si l'intimée ne conteste pas le caractère moins favorable des dispositions nouvelles, il appartient au salarié de démontrer la non-conformité de celles-ci avec la convention collective applicable ; en ce qui concerne les petits déplacements(...), la demande de M. [T] doit être rejetée ;en ce qui concerne les grands déplacements, l'article 8.10 de la convention collective des ouvriers travaux publics prévoit qu'est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille dans un chantier dont l'éloignement lui interdit compte tenu des moyens de transport en commun utilisables, de regagner chaque soir le lieu de résidence qu'il a déclaré lors de son embauchage ; selon l'article 8.11, l'indemnité correspond aux dépenses journalières normales qu'engage le déplacé pour se nourrir et se loger en sus des dépenses habituelles qu'il engagerait s'il n'était pas déplacé ; M. [T] fait valoir à bon droit que le calcul de la distance à vol d'oiseau n'est pas conforme au visa des «moyens de transport en commun utilisables» figurant à l'article 8.10, la distance à vol d'oiseau pouvant être inférieure à la distance nécessitée par les moyens de transport en commun existants ; de même, les dépenses destinées à se nourrir et à se loger ne sauraient varier selon la distance entre le chantier et le lieu de résidence ; si par ailleurs, aucun montant minimal n'est indiqué dans la convention collective, l'indemnité de grands déplacements doit cependant correspondre aux « dépenses journalières normales » ; or la somme de 42 euros pour se loger et se nourrir par jour est un montant qui ne peut couvrir la dépense normale du salarié ; les règles critiquées par M. [T] l'ont été à juste titre et ce dernier est fondé à en contester l'application ; au demeurant, il produit un courrier du 28 février 2014 de l'inspection du travail de la région Provence Alpes Côte d'Azur qui vise le titre VIII déplacements de la convention collective et énonce que le document établi par la société Razel Becà compter du 1er novembre 2013 n'est pas conforme ; que M. [T] réclame 10 500 euros et produit des tableaux comparatifs des versements avant et après novembre 2013qui selon lui font apparaître en 2012/2013 une somme mensuelle moyenne de 1087 euros, tandis qu'à compter de novembre 2013, la moyenne a été réduite à 647 euros, ce qui représente une perte mensuelle de 439 euros ; il estime qu'une indemnité forfaitaire de 58 euros correspond aux frais occasionnés par les déplacements professionnels, il précise qu'il effectue toujours le même nombre d'heures de travail et se trouve conduit à se déplacer de manière identique sur différents chantiers ; la société Razel Bec répond que M. [T] doit justifier des déplacements effectivement accomplis car les frais sont variables au fil des mois et ne peuvent pas faire l'objet d'une moyenne, qu'elle verse systématiquement une indemnité de grand déplacement de 42 euros pour tout chantier situé entre 50 km et 100 Km à vol d'oiseau du domicile du salarié, sans exiger qu'il rapporte la preuve d'avoir dormi sur place, ce qui est assurément une facilité, que la moyenne d'indemnisation de janvier 2012 à octobre 2013 ne peut être retenue ; que l'article 8.11 de la convention collective ne fait pas référence à l'obligation pour le salarié de fournir des justificatifs afin de se voir allouer l'indemnité, de nature forfaitaire ; que de nombre 2013 à décembre 2014, M. [T] a reçu 198 indemnités de grands déplacements ; il convient de considérer qu'une somme de 58 euros minimum permet de couvrir les dépenses quotidiennes normales exigées par l'article 8.11 de la convention collective, ce qui permet de fixer à la somme de 11 484 euros celle qui aurait dû être versée au demandeur ; que celui-ci ayant reçu la somme de 9048 euros sur la période, il lui est dû la somme de 2436 euros ; la société Razel Bec doit être condamnée à payer ce montant outre intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2014 ; il y a lieu par ailleurs d'ordonner à la société de se conformer aux dispositions de la convention collective pour le calcul des indemnités de grand déplacement;

Alors 1°) que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, après avoir constaté que la société Razel-Bec concluait à l'irrecevabilité des demandes de M. [T] qui ne justifiait pas de son intérêt à agir, n'a pas recherché, ainsi qu'elle était invitée, si le salarié rapportait la preuve de cet intérêt à agir, contesté par l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation sans indiquer les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en affirmant qu'« une somme de 58 euros minimum permet de couvrir les dépenses quotidiennes normales » exigées par l'article 8.11 de la convention collective, sans avoir indiqué dans sa décision les éléments qui permettaient de retenir ce montant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 3°) et en tout état de cause, que selon l'article 8.11, l'indemnité de grand déplacement est destinée à compenser « le coût d'un second logement pour l'intéressé, les dépenses supplémentaires de nourriture, qu'il vive à l'hôtel, chez des particuliers ou en cantonnement, les autres dépenses supplémentaires qu'entraîne pour lui l'éloignement de son foyer » ; qu'en statuant sans avoir caractérisé en quoi une somme de 58 euros par jour était nécessaire pour couvrir les dépenses journalières normales qu'engageait le salarié déplacé en sus de ses dépenses habituelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8.11 de la convention collective des ouvriers travaux public ;

Alors 4°) qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que le salarié produisait un courrier du 28 février 2014 de l'inspection du travail de la région Provence Alpes Côte d'Azur visant le titre VIII déplacements de la convention collective, énonçant « que le document établi par la société Razel Bec à compter du 1er novembre 2013 n'est pas conforme », sans avoir constaté en quoi ce document ne respectait pas la convention collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8.11 de la convention collective des ouvriers travaux public.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-14123
Date de la décision : 19/05/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 2021, pourvoi n°20-14123


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14123
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