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19/05/2021 | FRANCE | N°20-12520

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 mai 2021, 20-12520


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

NL4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 354 FS-P

Pourvoi n° X 20-12.520

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2021

La société Veronneau, société à responsabilité limité

e, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-12.520 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re cham...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

NL4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 354 FS-P

Pourvoi n° X 20-12.520

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2021

La société Veronneau, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-12.520 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [H] [T],

2°/ à Mme [K] [T],

domiciliés toux deux [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Veronneau, de la SCP Boullez, avocat de M. et Mme [T], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mars 2021 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Darret-Courgeon, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mme Champ, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 novembre 2019), ayant entrepris la construction d'une maison d'habitation, M. et Mme [T] ont confié à la société Veronneau des travaux de gros oeuvre. Un procès-verbal de réception des travaux avec réserves a été établi le 1er août 2013.

2. Invoquant le défaut de paiement d'une facture émise le 31 décembre 2013, la société Veronneau a, le 24 décembre 2015, assigné en paiement M. et Mme [T]. Ces derniers ont opposé la prescription de l'action.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Veronneau fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action en paiement du solde des travaux, alors « que le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en paiement d'une facture de travaux se situe au jour de son établissement ; que, pour déclarer la société Veronneau prescrite en son action en paiement de la facture correspondant au solde des travaux réalisés, la cour d'appel fixe au 1er septembre 2013 le point de départ de la prescription de cette action ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que cette facture était datée du 31 décembre 2013, de sorte que l'action de la société Veronneau n'était pas prescrite lorsqu'elle avait assigné, le 24 décembre 2015, M. et Mme [T] en paiement du solde de cette facture, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, et 2224 du code civil :

4. Aux termes du premier de ces textes, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Selon le second, le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

5. S'il a été jugé que le point de départ du délai biennal de prescription se situait, conformément à l'article 2224 du code civil, au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée (1re Civ., 16 avril 2015, pourvoi n° 13-24.024, Bull. 2015, I, n° 100 ; 1re Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-13.278, Bull. 2017, I, n° 111), il a été spécifiquement retenu, comme point de départ, dans le cas d'une action en paiement de travaux formée contre un consommateur, le jour de l'établissement de la facture (1re Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-10.908, Bull. 2015, I, n° 136 ; 1re Civ., 9 juin 2017, pourvoi n° 16-12.457, Bull. 2017, I, n° 136).

6. Cependant, la Cour de cassation retient désormais que l'action en paiement de factures formée contre un professionnel, soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, se prescrit à compter de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d'agir, pouvant être fixée à la date de l'achèvement des prestations (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036, publié).

7. Au regard des dispositions de l'article 2224 du code civil dont l'application a été admise pour déterminer le point de départ du délai de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, et afin d'harmoniser le point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux et services, il y a donc lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d'exercer son action, laquelle peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations.

8. Pour déclarer irrecevable, comme prescrite, l'action en paiement formée par la société Veronneau, l'arrêt retient que la facture datée du 31 décembre 2013 a été établie près de sept mois après l'exécution de la prestation en méconnaissance des délais d'établissement impartis par les articles L. 441-3 du code de commerce et 289 du code général des impôts, que sa date n'est pas certaine et que le délai de prescription a commencé à courir le 1er septembre 2013, date à laquelle la facture aurait au plus tard dû être émise.

9. Au vu de la jurisprudence, énoncée au point 5, relative à la fixation du point de départ du délai de prescription de l'action en paiement de travaux formée contre un consommateur à la date d'établissement de la facture, la prescription de l'action de la société Veronneau serait susceptible d'être écartée, tandis que la modification de ce point de départ, conformément au point 7, pourrait conduire à admettre la prescription au regard des constatations de la cour d'appel relatives à la date d'exécution de la prestation.

10. Cependant, si la jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui été fait sur la base et sur la foi de la jurisprudence ancienne, il en va différemment si la mise en oeuvre de ce principe affecte irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action.

11. L'application de la jurisprudence nouvelle à la présente instance aboutirait à priver la société Veronneau, qui n'a pu raisonnablement anticiper une modification de la jurisprudence, d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en lui interdisant l'accès au juge, de sorte qu'il est justifié de faire exception au principe de cette application immédiate, en prenant en compte la date d'établissement de la facture comme constituant le point de départ de la prescription au jour de l'assignation de M. et Mme [T].

12. En statuant comme il a été dit, la cour d'appel, qui a fait abstraction de la date d'établissement de la facture qu'il lui incombait, le cas échéant, de déterminer, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Veronneau prescrite en son action en paiement du solde des travaux, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne M. et Mme [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Veronneau

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la société VERONNEAU prescrite en son action en paiement du solde des travaux par application des dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, « l'article L. 137-2 ancien du code de la consommation applicable au litige (L218-2 nouveau) dispose que « l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans » ; le point de départ de ce délai de prescription se situe en principe au jour d'établissement de la facture dont il est demandé paiement ; l'article L. 441-3 ancien du code de commerce (L. 441-9 nouveau) précise que « tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation », que « le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service », que « la facture doit mentionner le nom des parties ainsi que leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus » et qu'elle « mentionne également la date à laquelle le règlement doit intervenir » ; l'article 289 du code général des impôts dispose pour sa part que « tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers », que « la facture est, en principe, émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services » et que si elle « peut toutefois être établie de manière périodique pour plusieurs livraisons de biens ou prestations de services distinctes réalisées entre l'assujetti et son client au titre du même mois civil», une telle facture « est établie au plus tard à la fin de ce même mois » ; le procès-verbal de réception des travaux réalisés par la société VERONNEAU est en date du 1er août 2013 ; deux réserves y ont été mentionnées : « mauvaise évacuation des eaux usées entre le regard situé derrière la maison et celui situé devant la maison » et « traces d'humidité dans la chambre du bas et le séjour sur sol en béton » ; la société VERONNEAU ne justifie d'aucune sollicitation du maître d'oeuvre en vue de la reprise de ces désordres, ni d'une telle reprise ou tentative de reprise, de telle sorte que la date d'achèvement de sa prestation à l'issue de laquelle sa facturation devait être réalisée est celle de la réception des travaux ; la facture litigieuse en date du 31 décembre 2013 a été émise en manquement des règles précitées, près de 7 mois après l'exécution de la prestation ; le certificat de paiement afférent à cette facture ne rappelle pas la date de la situation de travaux considérée ; il est en date du 30 avril 2015 ; la date de la facture précitée, émise unilatéralement par l'entreprise, n'est corroborée par aucun élément objectif du dossier ; elle n'est donc pas certaine ; le premier juge ne l'a dès lors justement pas justement retenue ; il s'ensuit que le délai de prescription a commencé à courir à compter du 1er septembre 2013, date à laquelle la facture aurait au plus tard dû être émise ; l'acte introductif d'instance étant du 24 décembre 2015, le délai de prescription était à cette date écoulé ; le premier juge a en conséquence justement retenu l'irrecevabilité de la demande en paiement de la société VERONNEAU ; le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef » (arrêt p. 6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, « à titre liminaire Monsieur et Madame [T] soulèvent la prescription de l'action biennale en paiement au visa les dispositions de l'article L 137-2 du code de la consommation ; ils font ainsi valoir que la facture dont le paiement est réclamé, en date du 31 décembre 2013 soit cinq mois après la réception des travaux, n'a pas de date certaine ; ils font observer que le solde du montant des travaux était connu et exigible au jour de la réception des travaux et que la société VERONNEAU, qui ne s'est pas manifestée auprès d'eux entre août 2013 et novembre 2015, n'a évoqué cette facture qu'en décembre 2015 ; ils font soutenir que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 1er août 2013, ce qui rend l'action de la société VERONNEAU radicalement irrecevable ; aux termes de l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ; le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en paiement de la facture litigieuse se situe au jour de son établissement (Cass. civ. 1ère, 3 juin 2015, n°14-10.908) ; aux termes de l'article 289 du code général des impôts : I. - 1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers : a. Pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, et qui ne sont pas exonérées en application des articles 261 à 261 E ; b. Pour les livraisons de biens visées aux articles 258 A et 258 B et pour les livraisons de biens exonérées en application du I de l'article 262 ter et II de l'article 298 sexies ; c. Pour les acomptes qui lui sont versés avant que l'une des opérations visées aux a et b ne soit effectuée, à l'exception des livraisons de biens exonérées en application du I de l'article 262 ter et du II de l'article 298 sexies ; d. Pour les livraisons aux enchères publiques de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité. 2. (...) 3. La facture est, en principe, émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services. Pour les livraisons de biens exonérées en application du I de l'article 262 ter et du II de l'article 298 sexies et pour les prestations de services pour lesquelles la taxe est due par le preneur en application de l'article 196 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, la facture est émise au plus tard le 15 du mois suivant celui au cours duquel s'est produit le fait générateur. Elle peut être établie de manière périodique pour plusieurs livraisons de biens ou prestations de services distinctes réalisées au profit d'un même acquéreur ou preneur pour lesquelles la taxe devient exigible au cours d'un même mois civil. Cette facture est établie au plus tard à la fin de ce même mois ; il résulte donc de ces dispositions qu'une facture doit être délivrée dès la réalisation de la vente ou dès la prestation du service. Un différé de 15 jours de la facturation peut être admis pour les nécessités de la gestion administrative des entreprises ; la facturation peut être établie de manière périodique pour plusieurs livraisons de biens ou prestations de services distinctes réalisées au profit d'un même client pour lesquelles la taxe devient exigible au cours d'un même mois civil ; cette facture périodique ou récapitulative doit être établie au plus tard à la fin de ce même mois : le délai de facturation ne peut pas dépasser un mois ; or en l'espèce il est constant que le procès-verbal de réception avec réserves a été signé le 1er août 2013 ; la réception est définie par l'article 1792-6 du code civil comme l'acte par lequel le maître d'ouvrage déclare accepter totalement l'ouvrage avec ou sans réserves ; elle est le point de départ de la garantie annale de parfait achèvement ; les réserves émises en l'espèce ont porté sur une mauvaise évacuation des eaux usées entre le regard situé derrière la maison et celui situé devant la maison et des traces d'humidité de la chambre du bas et le séjour sur sol en béton ; ces réserves ne dispensaient nullement la société VERONNEAU de son obligation d'établir la facture dès réception des travaux et en toute hypothèse dans les quinze jours suivants ; le tribunal ne peut que constater que le certificat de paiement établi le 30 avril 2015, par le maître d'oeuvre dont la mission est notamment de veiller à la tenue des délais et des coûts et de vérifier les factures adressées par les entreprises, ne mentionne pas la situation n° 3 correspondant à la facture du 31 décembre 2013, alors qu'il fait mention des situations n° 1 et n°2 et d'une facture d'avenant n° 1 pour 3.375,76 euros ; en outre la facture versée aux débats n'a jamais donné lieu à rappel ou mise en demeure ; le courrier recommandé avec AR adressé le 18 novembre 2015 aux époux [T], soit 27 mois après la réception des travaux, constitue la première mise en demeure adressée à ces derniers ; il est symptomatique de relever que cette mise en demeure pour le moins tardive fait uniquement mention au certificat de paiement émis le 30 avril 2015 par Monsieur [Q] maître d'oeuvre à la somme de 41.557, 35 euros mais que n'y est pas jointe la facture n°131254 du 31 décembre 2015 pour un montant quelque peu différent soit 43.744,57 euros ; il n'y est pas plus réclamé le paiement de cette somme, ce qui ne manque pas de surprendre ; en effet la société demanderesse fait expressément soutenir dans ses conclusions, que la facture a bien entendu été envoyée aux consorts [T] dès émission, et ce par l'intermédiaire du maître d'oeuvre ; la société VERONNEAU prétend avoir établi la facture contestée après la levée des réserves figurant au procès-verbal de réception ; elle ne démontre ni que ces réserves ont été effectivement levées, ni a fortiori à quelle date elle y aurait remédié ; la société VERONNEAU indique encore de manière erronée que les époux [T] ont été destinataires d'un certificat de paiement quant au solde à verser en avril 2013, alors que ledit certificat est daté du 30 avril 2015 ; il résulte de ce qui précède que la facture du 31 décembre 2013 n'a aucune date certaine ; en toute hypothèse il appartenait à la société VERONNEAU d'établir sa facture correspondant au solde de travaux complètement achevés et ayant fait l'objet d'une réception le 1er août 2015 [lire : 2013] dans les deux à quatre semaines suivant la réception ; au vu de ces observations la société VERONNEAU qui a agi par voie d'assignation signifiée le 24 décembre 2015 sera déclarée prescrite en son action en paiement du solde des travaux par application des dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation, faute de date certaine de la facture fondant la demande en paiement » (jugement, pp. 3 et 4) ;

ALORS QUE 1°), le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en paiement d'une facture de travaux se situe au jour de son établissement ; que, pour déclarer la société VERONNEAU prescrite en son action en paiement de la facture correspondant au solde des travaux réalisés, la cour d'appel fixe au 1er septembre 2013 le point de départ de la prescription de cette action ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que cette facture était datée du 31 décembre 2013 (arrêt, p. 6), de sorte que l'action de la société VERONNEAU n'était pas prescrite lorsqu'elle avait assigné, le 24 décembre 2015, les époux [T] en paiement du solde de cette facture, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation ;

ALORS QUE 2°), le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en paiement d'une facture de travaux se situe au jour de son établissement ; que, pour déclarer la société VERONNEAU prescrite en son action en paiement de la facture du 31 décembre 2013 correspondant au solde des travaux, la cour d'appel énonce que l'entreprise de travaux a manqué à son obligation d'établir sa facture dans le délai maximum d'un mois suivant la réception des travaux, laquelle était intervenue le 1er août 2013, compte tenu des termes de l'article L. 441-3, devenu L. 441-9 du code de commerce et de l'article 289 du code général des impôts, de sorte que le délai de prescription avait commencé à courir à compter du 1er septembre 2013, date à laquelle la facture aurait dû, au plus tard, être émise ; qu'en statuant ainsi, quand l'éventuel non-respect des dispositions des textes précités ne peut avoir pour effet de modifier le point de départ de la prescription de l'action en paiement dont dispose le professionnel pour les services qu'il fournit à un consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, ensemble les articles L. 441-3, devenu L. 441-9 du code de commerce et 289 du code général des impôts, par fausse application ;

ALORS QUE 3°), le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en paiement d'une facture de travaux se situe au jour de son établissement ; que, pour déclarer la société VERONNEAU prescrite en son action en paiement de la facture correspondant au solde des travaux, la cour d'appel affirme encore que la date de la facture, fixée de manière unilatérale, près de sept mois après l'exécution de la prestation, ne serait corroborée par aucun élément objectif du dossier, et elle en déduit que cette date ne serait pas certaine ; qu'en statuant ainsi, quand, pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de la facture portant la date du 31 décembre 2013, le point de départ du délai de prescription devait être fixé à la date apposée sur cette facture, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-12520
Date de la décision : 19/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Paiement - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Point de départ - Date de connaissance des faits permettant au professionnel d'exercer son action - Détermination

CASSATION - Arrêt - Arrêt de revirement - Règle nouvelle - Application dans le temps - Application à l'instance en cours - Exclusion - Cas - Partie privée d'un procès équitable - Applications diverses CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Equité - Egalité des armes - Violation - Cas - Application immédiate d'une règle jurisprudentielle nouvelle - Applications diverses - Accès au juge

En application des articles 2224 du code civil et L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, il y a désormais lieu de prendre en compte, pour fixer le point de départ du délai biennal de prescription de l'action en paiement de travaux et services engagée à l'encontre de consommateurs par un professionnel, la date de la connaissance des faits permettant à ce dernier d'exercer son action. Cette date peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations. Toutefois, dès lors que l'application, au cas d'espèce, de la jurisprudence nouvelle aboutirait à priver ce professionnel d'accès au juge, il est justifié de faire exception au principe de cette application immédiate, et de prendre en compte la date d'établissement de la facture comme constituant le point de départ de la prescription au jour de l'assignation des consommateurs. Dès lors, la cour d'appel, qui a fait abstraction de la date d'établissement de la facture qu'il lui incombait, le cas échéant, de déterminer, a violé les textes susvisés


Références :

Article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation

article 2224 du code civil

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 05 novembre 2019

En sens contraire : 1re Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-10908, Bull. 2015, I, n° 136 (cassation partielle) ;

A rapprocher : Ass. plén., 21 décembre 2006, pourvoi n° 00-20493, Bull. 2006, Ass. plén, n° 15 (rejet)

arrêt cité ;

1re Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 07-14932, Bull. 2009, I, n° 124 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 mai. 2021, pourvoi n°20-12520, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade, SCP Boullez

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12520
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