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19/05/2021 | FRANCE | N°19-24412

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 2021, 19-24412


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 566 F-D

Pourvoi n° C 19-24.412

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 septembre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_____________

____________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

M. [F] ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 566 F-D

Pourvoi n° C 19-24.412

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 septembre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

M. [F] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 19-24.412 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [E] [F], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [E], de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 23 mars 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 18 juin 2018), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 12 octobre 2016, pourvoi n° 15-19.830), M. [E] a été engagé par la société Pirogue le 1er août 1995, en qualité d'ouvrier agricole.

2. Le 1er janvier 2010, la société Pirogue a consenti un bail à ferme à M. [F] pour l'exploitation des terrains situés sur la commune du Lorrain avec les salariés y attachés et reprise de l'ancienneté.

3. Le 8 février 2011, le salarié a été licencié pour motif économique.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. M. [E] fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages-intérêts pour non-respect du droit individuel à la formation, alors « que, si celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que, tenu à une obligation de formation, il appartient à l'employeur de faire la preuve de son respect ; qu'en retenant que M. [E] n'invoquait ni ne démontrait la nécessité d'une adaptation à son poste de travail, et ne faisait état ni d'une évolution technologique, ni d'une évolution des emplois dans son domaine d'activité nécessitant une formation utile à l'adaptation à son poste de travail, quand il appartenait à M. [F] de faire la preuve du respect de l'obligation de formation mise à sa charge, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil et l'article L. 6321-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, applicable au litige :

5. Selon le premier de ces textes, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

6. Aux termes du second, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

7. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation, l'arrêt retient que le salarié, embauché en qualité d'ouvrier agricole pour travailler à l'exploitation d'une bananeraie, n'invoque ni ne démontre la nécessité d'une adaptation à son poste de travail, ne fait état ni d'une évolution technologique, ni d'une évolution des emplois dans son domaine d'activité qui nécessiterait une formation utile à l'adaptation à son poste de travail, étant relevé que sa capacité à occuper un emploi n'est pas affectée par une quelconque évolution des conditions dans lesquelles il exerce son activité.

8. En statuant ainsi, alors que le salarié soutenait qu'il n'avait bénéficié d'aucune formation et que l'obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi relève de l'initiative de l'employeur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [E] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect du droit à la formation, l'arrêt rendu le 18 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [F] à payer à la société Delamarre et Jehannin la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour M. [E]

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Monsieur [E] pour non-respect du droit individuel à la formation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« L'article L. 6323-9 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 1er janvier 2015, prévoit que la mise en oeuvre du droit individuel à la formation relève de l'initiative du salarié, en accord avec son employeur. Le choix de l'action de formation envisagée, qui peut prendre en compte les priorités définies à l'article L. 6323-8, est arrêté par accord écrit du salarié et d l'employeur.

En l'espèce il n'est nullement établi que le salarié ait pris l'initiative de la mise en oeuvre de son droit individuel à la formation.

Il ne peut donc être reproché à l'employeur de ne pas y avoir fait droit.

M. [E] fonde sa demande de dommages et intérêts à la fois sur le non-respect du droit individuel à la formation, ce qui, comme il vient d'être expliqué, est inopérant, mais aussi sur l'absence de formation professionnelle continue qui le laisserait inadapté au marché de l'emploi.

En ce qui concerne l'obligation mise à la charge de l'employeur en matière de formation professionnelle continue, l'article L. 6321-1 du code du travail dans sa version en vigueur du 26 novembre 2009 au 7 mars 2014, prévoit que « l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations », étant relevé qu'il n'y a que dans les entreprises employant au moins cinquante salariés, qu'il est fait obligation à l'employeur d'organiser pour chacun de ses salariés dans l'année qui suit leur quarante-cinquième anniversaire un entretien professionnel au cours duquel il informe le salarié notamment sur ses droits en matière d'accès à un bilan d'étape professionnel, à un bilan de compétence ou à une action de professionnalisation.

M. [E], embauché en qualité d'ouvrier agricole pour travailler à l'exploitation d'une bananeraie, n'invoque ni ne démontre la nécessité d'une adaptation à son poste de travail. M. [E] ne fait état ni d'une évolution technologique, ni d'une évolution des emplois dans son domaine d'activité qui nécessiterait une formation utile à l'adaptation à son poste de travail, étant relevé que la capacité de M. [E] à occuper un emploi, n'est pas affectée par une quelconque évolution des conditions dans lesquelles il exerce son activité.

En conséquence il ne peut être constaté une violation par l'employeur des obligations mises à sa charge par l'article L. 6321-1 suscité. M. [E] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non respect du droit individuel à la formation » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

« Le salarié qui présente une demande de dommages-intérêts n'explicite toutefois pas sa demande.

En tout état de cause, force est de constater que le certificat de travail de M. [F] [E] du 04/02/2011 produit par l'employeur (pièce n° 9) porte la mention des heures acquises et non utilisées au titre du DIF (120,00 heures) ; qu'en ce sens, il apparaît que les droits du salarié ont été respectés ; qu'il sera débouté de ce chef »,

ALORS, D'UNE PART, QUE

L'obligation de formation qui pèse sur l'employeur ne consiste pas seulement à assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail au sein de l'entreprise, mais implique aussi de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi ; qu'en se bornant, pour rejeter les conclusions indemnitaires de Monsieur [E], à constater que le poste d'ouvrier agricole occupé par ce dernier ne nécessitait aucune formation liée à une évolution technologique ou à une évolution du domaine d'activité concerné, sans rechercher si l'absence de formation n'avait pas obéré les chances d'insertion du salarié sur le marché du travail en général et sa capacité à retrouver un emploi en cas de perte de celui qu'il exerçait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 6321-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE

Si celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que, tenu à une obligation de formation, il appartient à l'employeur de faire la preuve de son respect ; qu'en retenant que Monsieur [E] n'invoquait ni ne démontrait la nécessité d'une adaptation à son poste de travail, et ne faisait état ni d'une évolution technologique, ni d'une évolution des emplois dans son domaine d'activité nécessitant une formation utile à l'adaptation à son poste de travail, quand il appartenait à Monsieur [F] de faire la preuve du respect de l'obligation de formation mise à sa charge, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-24412
Date de la décision : 19/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 18 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 2021, pourvoi n°19-24412


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24412
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