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05/05/2021 | FRANCE | N°19-20922

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 mai 2021, 19-20922


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mai 2021

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 338 F-D

Pourvoi n° J 19-20.922

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 MAI 2021

La société Entreprise Olival, société à responsabilité li

mitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 19-20.922 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, ch...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mai 2021

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 338 F-D

Pourvoi n° J 19-20.922

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 MAI 2021

La société Entreprise Olival, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 19-20.922 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [D] [X],

2°/ à M. [C] [V],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société Entreprise Olival, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [X] et de M. [V], après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2019), Mme [X] et M. [V] (les maîtres de l'ouvrage) ont fait édifier deux immeubles à usage d'habitation. Suivant acte sous seing privé du 17 juin 2010, ils ont conclu un marché de travaux avec la société Entreprise Olival (la société) pour la réalisation du terrassement et du gros oeuvre.

2. Plusieurs factures émises le 11 mai 2012 n'ayant pas été réglées, la société les a mis en demeure et, le 19 août 2015, les a assignés en paiement et allocation de dommages-intérêts. Les maîtres de l'ouvrage ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action en paiement, alors « que celui qui agit dans le cadre d'une activité professionnelle, même accessoire telle qu'une activité de loueur d'appartement, ne peut se prévaloir de la qualité de consommateur ; qu'il s'ensuit que l'exercice par les maîtres de l'ouvrage d'une activité de restaurateur et de cuisinier n'était pas exclusif de l'exercice par ces derniers d'une activité professionnelle consistant dans la construction de logements destinés à la location ; qu'en affirmant, pour décider que les maîtres de l'ouvrage n'agissaient pas à des fins professionnelles mais comme consommateurs, que la construction de deux immeubles affectés à la location non meublée ne relevait pas de leur activité déclarée de restaurateur, pour l'un, et de cuisinier, pour l'autre, à défaut d'exercer une activité professionnelle dans la promotion immobilière ou la construction, ou en tant que marchands de biens, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2, devenu l'article L. 218-2, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. Les maîtres de l'ouvrage contestent la recevabilité du moyen. Ils font valoir que la société n'aurait jamais soutenu que l'opération de construction d'immeuble à destination locative constituait un accessoire de leur activité professionnelle principale.

5. Cependant, il ressort des conclusions de la société devant la cour d'appel que celle-ci a bien contesté la qualité de consommateur revendiquée par les maîtres de l'ouvrage.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation :

7. Selon ce texte, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Il en résulte que cette prescription ne s'applique pas aux actions consenties pour les besoins d'une activité professionnelle, fût-elle accessoire.

8. Pour dire irrecevable comme prescrite l'action de la société, l'arrêt se borne à retenir que les maîtres de l'ouvrage sont des personnes physiques qui exercent les activités de restauratrice et cuisinier, que la construction de deux immeubles d'habitation en vue de la location d'appartements non meublés, même si elle est destinée à leur procurer des revenus, n'entre pas dans le champ de ces activités et qu'il s'agit donc de consommateurs, de sorte que l'action de la société intentée plus de deux ans après l'émission des factures est atteinte par la prescription biennale.

9. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à écarter l'éventualité que les maîtres de l'ouvrage aient agi dans l'exercice d'une activité professionnelle accessoire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il limite la portée de l'appel à la disposition du jugement déclarant irrecevable la demande en paiement des factures n° 12/04/55, 12/04/54 et 12/04/53 aux montants respectifs de 6 912,88 euros, 4 341,48 euros, 13 241,75 euros, l'arrêt rendu le 7 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne Mme [X] et M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise Olival.

Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré irrecevables comme étant prescrites, les demandes formées par la société ENTREPRISE OLIVAL contre deux maîtres de l'ouvrage, Mme [D] [X] et M. [C] [V], afin d'obtenir paiement de trois factures d'un montant de 6.912,88 ?, de 4.314,48 ? et de 13.241,78 ? à raison des travaux réalisés pour l'édification de deux immeubles destinés à la location ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation : "L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans" ; qu'à la date à laquelle les factures ont été émises, le 11 avril 2012, l'article préliminaire du code de la consommation définissant le consommateur n'existait pas ;qu'en revanche, l'article 2 de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 énonçait qu'il s'agissait de toute personne physique agissant à des fins qui n'entraient pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; qu'en l'espèce, Madame [X] et Monsieur [V], personnes physiques, affirment qu'ils exercent les activités de restauratrice et cuisinier, affirmation qui n'est pas contestée par la société Olival ; qu'à l'évidence, la construction de deux immeubles d'habitation en vue de la location d'appartements dont il n'est pas contesté qu'ils soient non meublés, même si elle est destinée à leur procurer des revenus, n'entre pas dans le cadre de ces activités ;que par ailleurs, ni la présence d'un maître d'oeuvre, ni les conditions dans lesquelles le marché a été signé n'ont d'incidence sur la qualité dans laquelle ils se sont engagés ; qu'ainsi, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'ils avaient agi, en l'espèce, en qualité de consommateurs ; que l'article L. 121-17 du code de la consommation disposait, à la date des factures : "Ne sont pas soumis aux dispositions de la présente section les contrats : (?) 3° Conclus pour la construction et la vente des biens immobiliers ou portant sur d'autres droits relatifs à des biens immobiliers, à l'exception de la location" ; que cependant cet article, inclus dans la section 2, chapitre 1er , titre II du livre 1er de la partie législative du code n'excluait que les seules dispositions de cette section ; qu'or l'article L. 137-2 ne figurait pas dans cette section puisqu'il s'inscrivait dans le chapitre VII du titre III du livre 1er ; que dès lors les dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation sont bien applicables en l'espèce ; que le décompte général établi le 22 février 2014 n'a pas eu pour effet de reporter la date d'exigibilité des factures litigieuses, dont il n'est pas contesté qu'elles sont afférentes à des travaux supplémentaires au regard de la commande initiale ; qu'il a simplement récapitulé les dépenses et paiements liés au marché afin d'établir le solde dû par le maître d'ouvrage ; qu'ainsi, c'est à la date d'exigibilité des trois factures que doit être fixé le point de départ du délai de prescription ; que les trois factures sont datées du 11 avril 2012 ; qu'or le devis accepté porte que le paiement s'effectue à trente jours ; qu'ainsi, le délai de prescription a commencé à courir le 12 mai 2012 ; qu'il est vrai que le maître d'oeuvre a inclus ces trois factures dans son propre décompte général, envoyé à l'entreprise pour vérification par courriel du 07 avril 2014 (pièces 24 et 24 bis de l'appelante) ; que cependant, il n'est pas démontré que les maîtres d'ouvrage aient donné mandat au maître d'oeuvre pour reconnaître qu'ils en devaient le paiement ; qu'en particulier, c'est en qualité de locataire d'ouvrage et non de mandataire que le maître d'oeuvre a été chargé, par contrat du 10 juillet 2009, d'établir, dans le cadre de la mission "Direction de l'exécution des contrats de travaux", le décompte de fin de chantier ; que dans ces conditions, l'établissement du décompte par le maître d'oeuvre n'a pas interrompu la prescription ; que l'assignation n'est pas produite et, après avoir indiqué, en page 2, qu'elle avait été délivrée le 19 août 2015, le tribunal précise, en page 3, qu'elle est du 08 septembre 2015 ; qu'il est constant, en tout état de cause, qu'elle a été délivrée après le 12 mai 2014, après expiration du délai de prescription ;que dès lors c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré les demandes en paiement des factures n° 12/04/55, 12/04/54 et 12/04/53 irrecevables car prescrites ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Madame [D] [X] et Monsieur [C] [V] invoquent la prescription de l'action de la société ENTREPRISE OLIVAL au titre des trais factures du 11 avril 2012 en application des dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation selon lesquelles l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, sont prescrits par deux ans ; que la société ENTREPRISE OLIVAL conteste que Madame [D] [X] et Monsieur [C] [V] aient la qualité de consommateurs au motif qu'ils ont fait édifier deux immeubles de trois étages destinés à la location ; que le seul fait que Madame [D] [X] et Monsieur [C] [V] aient entrepris une opération de construction immobilière en vue de se procurer un revenu locatif ne suffit pas à établir qu'ils sont des professionnels de l'immobilier n'ayant pas la qualité de consommateur au sens des dispositions de l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation ; qu'il n'est pas démontré par la demanderesse que Madame [X] et Monsieur [V], qui se disent restauratrice et cuisinier, ont une activité professionnelle dans la promotion immobilière ou la construction, ou en tant que marchands de biens ; qu'ils sont des personnes physiques ayant contracté avec la société ENTREPRISE OLIVAL pour un objet sans rapport avec leur activité professionnelle déclarée ; qu'il doit donc être considéré qu'ils ont conclu ce contrat avec la qualité de consommateurs ; qu'au termes du devis du 17 juin 2010, accepté par les maîtres de l'ouvrage, il a été convenu que les paiement s'effectueraient à trente jours ; qu'en conséquence, le paiement des factures n° 12/04/55, 12/04/54 et 12/04/53, aux montants respectifs de 6.912,88 euros TTC, 4.341,48 euros TTC et 13.241,78 euros TTC a été exigible à la date du 11 mai 2012 et que la prescription de l'action en paiement desdites factures est acquise depuis le 12 mai 2014 ; que l'assignation ayant été délivrée le 8 septembre 2015, la demande tendant à la condamnation de Madame [X] et Monsieur [V] au paiement de ces factures sera déclarée irrecevable ;

1. ALORS QUE celui qui agit dans le cadre d'une activité professionnelle, même accessoire telle qu'une activité de loueur d'appartement, ne peut se prévaloir de la qualité de consommateur ; qu'il s'ensuit que l'exercice par Mme [X] et M. [V] d'une activité de restauratrice et de cuisinier n'était pas exclusif de l'exercice par ces derniers d'une activité professionnelle consistant dans la construction de logements destinés à la location ; qu'en affirmant, pour décider que Mme [X] et M. [V] n'agissaient pas à des fins professionnelles mais comme consommateurs, que la construction de deux immeubles affectés à la location non meublée ne relevait pas de leur activité déclarée de restauratrice, pour l'une, et de cuisinier pour l'autre, à défaut d'exercer une activité professionnelle dans la promotion immobilière ou la construction, ou en tant que marchands de biens, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2, devenu l'article L. 218-2, du code de la consommation ;

2. ALORS QUE présente un caractère professionnel, une activité lucrative exercée à titre habituel ; qu'il s'ensuit que relève d'une activité professionnelle exclusive de la prescription biennale de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, la construction de deux immeubles à usage d'habitation en vue de leur division en appartements destinés à la location ; qu'en affirmant le contraire, après avoir constaté que la construction de logements ne relevait pas de leur activité déclarée de restauratrice, pour l'une, et de cuisinier pour l'autre, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2, devenu l'article L. 218-2, du code de la consommation ;

3. ALORS QUE le champ d'application de l'article L. 137-2, devenue L. 218-2, du code de la consommation dépend de la finalité poursuivie par les parties, à l'exclusion de l'objet du contrat ; qu'en se déterminant, par motifs adoptés, en considération de l'objet du contrat qui ne relevait pas de l'activité déclarée par Mme [X] et M. [V] au lieu de tenir compte de la finalité qu'ils poursuivaient et qui imprimait à leur activité, un caractère professionnel, en raison des revenus habituels que leur procurait la location de plusieurs appartements, la cour d'appel a violé la disposition précitée ;

4. ALORS QUE l'exercice d'une activité professionnelle ne dépend pas du point de savoir si elle est déclarée ou non ; qu'en affirmant que la construction de deux immeubles affectés à la location non meublée ne relevait pas de leur activité déclarée de restauratrice, pour l'une, et de cuisinier pour l'autre, à défaut d'exercer une activité professionnelle dans la promotion immobilière ou la construction, ou en tant que marchands de biens, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2, devenu l'article L. 218-2, du code de la consommation.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-20922
Date de la décision : 05/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 mai. 2021, pourvoi n°19-20922


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20922
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