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14/04/2021 | FRANCE | N°20-83420

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 avril 2021, 20-83420


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° N 20-83.420 F-D

N° 00494

CK
14 AVRIL 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 AVRIL 2021

M. [T] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 8-2, en date du 4 juin 2020, qui, pour association de malfaiteurs terroriste, l'a conda

mné à cinq ans d'emprisonnement dont trente mois avec sursis et cinq ans d'interdiction des droits civils et civiques.

Un...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° N 20-83.420 F-D

N° 00494

CK
14 AVRIL 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 AVRIL 2021

M. [T] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 8-2, en date du 4 juin 2020, qui, pour association de malfaiteurs terroriste, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement dont trente mois avec sursis et cinq ans d'interdiction des droits civils et civiques.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [T] [U], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme [P] a signalé à la police, en juillet 2013, la disparition de son fils, M. [W] [A]. Les investigations pratiquées ont démontré qu'il était parti en Syrie, et qu'il était en relation avec M. [T] [U].

3. Il est apparu que M. [U], qui a vécu en France jusqu'en 2009, date à laquelle il est parti s'établir au Liban, s'est rendu en Syrie, où il a rejoint la brigade Ahrar Al Sham, dans la région d'Alep. Il a séjourné en Syrie du 28 juin au 30 septembre 2013, puis en octobre et novembre 2013. Un mandat de recherche a été décerné à son encontre, en octobre 2014. Sachant qu'il était recherché, il est rentré en France, le 14 septembre 2015, date à laquelle il a été interpellé à son arrivée sur le sol français, mis en examen et placé en détention provisoire, puis assigné à résidence sous surveillance électronique, avant d'être placé sous contrôle judiciaire.

4. Par ordonnance du 21 mars 2018, des juges d'instruction de Paris l'ont renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir participé à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, de courant 2012 jusqu'au 13 septembre 2015.

4. Par jugement du 12 décembre 2018, le tribunal correctionnel de Paris l'a relaxé et a ordonné la restitution des scellés le concernant.

5. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le deuxième et le troisième moyens

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi, au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [T] [U] coupable de faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, alors :

« 1°/ que, si les juridictions peuvent reconnaître comme terroriste un groupe qui n'est pas classifié comme tel par les organisations internationales, il en va nécessairement autrement lorsque la France s'est expressément opposée, par le biais de ses représentants auprès des organisations internationales, à la classification dudit groupe comme terroriste ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. [U], en invoquant le « caractère terroriste du groupe Ahrar Al-Sham » qu'il a rejoint, lorsqu'il est acquis qu'en mai 2016, la France a fait usage de son droit de véto au Conseil de sécurité de l'ONU afin de s'opposer à la classification de ce groupe comme organisation terroriste, la cour d'appel a violé l'article 421-2-1 du code pénal ;

2°/ qu'en tout état de cause, en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. [U], en invoquant le « caractère terroriste du groupe Ahrar Al-Sham » qu'il a rejoint, lorsqu'il est constant, d'une part, que ce groupe n'a jamais été qualifié d'organisation terroriste par l'Union Européenne, l'ONU, ni aucune autorité de référence, et d'autre part, qu'il ressort des éléments de la procédure que les actions reprochées à ce groupe, si elles peuvent s'analyser comme des actes de guerre, ne constituent aucunement des actes terroristes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 421-1, 421-2-1 et 461-1 du code pénal ;

3°/ qu'en affirmant, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. [U], que celui-ci a « en connaissance de cause du caractère terroriste du groupe Ahrar Al Sham, participé à un groupement ou une entente établie » en vue de la préparation d'actes de terrorisme, lorsqu'il est acquis d'une part, que ce groupe n'a jamais été qualifié de groupe terroriste par l'Union européenne, l'ONU ni aucune autorité de référence, d'autre part, que le prévenu ne pouvait avoir connaissance d'aucun des actes tirés des rapports de l'ONU et de l'ONG Human Rights Watch, sur lesquels la cour d'appel s'est fondée pour affirmer le caractère prétendument terroriste de ce groupe, et enfin que rien ne lui permettait d'avoir conscience du prétendu caractère terroriste des actes dont il a eu connaissance, ce dont il résulte que M. [U] ne pouvait qu'ignorer le caractère terroriste allégué de ce groupe, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 7, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 421-1, 421-2-1 et 461-1 du code pénal. »

Réponse de la Cour

8. Pour déclarer le demandeur coupable de participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, la cour d'appel énonce qu'il a rallié le groupe Ahrar Al Sham, en Syrie, qu'il a été doté d'une arme et l'a manipulée, qu'il voulait participer au djihad armé et souhaitait mourir en martyr, qu'il admirait les actions de l'organisation dite « Etat islamique », tout en craignant de la rejoindre, et qu'il a manifesté le souhait de mener des attentats et de participer à des tueries.

9. La juridiction du second degré retient que le prévenu savait que le groupe auquel il appartenait recourait à des attentats commis à l'aide de véhicules remplis d'explosifs qui étaient mis à feu à distance. Elle souligne que ces attentats, même dirigés contre d'autres combattants, ont pour effet de causer des destructions d'immeubles et de terroriser la population, quand ils ne contribuent pas à tuer ou blesser des civils.

10. La cour d'appel en déduit que M. [U] a, en connaissance du caractère terroriste du groupe Ahrar Al Sham, participé à un groupement, formé avec les autres membres de ce groupe, en vue de la préparation, caractérisée par sa venue clandestine en Syrie, son intégration à ce groupe, sa dotation en arme, et sa manipulation de cette arme, d'actes de terrorisme, parmi lesquels des atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité physique, des infractions à la législation sur les armes, des destructions et dégradations, prévus par l'article 421-1 du code pénal, et qu'il a ainsi perpétré un acte de terrorisme, les faits étant caractérisés pour la période de courant 2013 à novembre 2013.

11. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir les griefs allégués :

12. D'une part, elle s'est déterminée en retenant la participation concrète du prévenu à la préparation d'actes de terrorisme, indépendamment de la qualification générale donnée à une organisation déterminée, par une décision juridictionnelle, même définitive, rendue dans une affaire distincte et inopposable au prévenu.

13. D'autre part, la qualification d'actes de terrorisme doit être recherchée, par le juge répressif français, saisi d'une poursuite contre un prévenu, par le seul examen des faits qui lui sont reprochés au regard des critères de l'article 421-1 du code pénal. La juridiction pénale n'est pas tenue par la qualification donnée à une organisation par un classement international qui ne s'impose pas au juge en droit interne, faute de convention internationale régulièrement ratifiée le prévoyant. Chargé d'apprécier une responsabilité individuelle dans un acte déterminé, le juge n'est pas davantage lié par une prise de position diplomatique portant sur la qualification d'une organisation.

14. Ainsi le moyen ne peut-il être admis.

15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze avril deux mille vingt et un.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 20-83420
Date de la décision : 14/04/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 avr. 2021, pourvoi n°20-83420


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.83420
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