LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 avril 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 336 F-D
Pourvoi n° D 20-15.010
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021
La société Nouvelle aventure, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 20-15.010 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. K... C..., domicilié [...] ,
2°/ à M. A... C..., domicilié [...] ,
3°/ à M. U... P..., domicilié [...] ,
4°/ à Mme Y... P..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Nouvelle aventure, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de MM. K... et A... C..., après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 décembre 2019), le 1er juillet 2005, la SCI Nouvelle aventure a donné à bail un logement à V... P..., décédée le [...], en laissant pour lui succéder ses trois enfants, U..., Y... et J... P....
2. Le [...], J... P... est décédée, en laissant pour lui succéder ses deux enfants, MM. K... et A... C....
3. Soutenant que les lieux étaient toujours occupés par les meubles et les effets personnels laissés par l'ex-locataire, la SCI Nouvelle aventure a assigné M. U... P..., Mme Y... P... et MM. K... et A... C... en paiement d'une indemnité d'occupation.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La SCI Nouvelle aventure fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que l'occupation sans droit ni titre d'un immeuble confère à son propriétaire un droit au paiement d'une indemnité d'occupation, dont le versement s'impose tant que l'occupant n'a pas libéré les lieux, ce qui est le cas lorsqu'il continue à y entreposer ses effets personnels ; qu'en l'espèce, il n'était pas discuté que la totalité des biens meubles de Mme V... P..., décédée le [...], étaient restés entreposés dans le logement que lui louait la société Nouvelle aventure, et que cette dernière n'avait perçu aucun loyer ni indemnité en contrepartie de cette occupation ; qu'en déboutant cependant la société Nouvelle aventure de sa demande dirigée contre les héritiers, tendant au versement d'une indemnité pour l'occupation de son bien depuis le [...], la cour d'appel a violé les articles 544 du code civil et 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
5. Il résulte de ce texte qu'une indemnité d'occupation est due en raison de la faute quasi-délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux.
6. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que l'immeuble a été en partie mis en location depuis le 26 août 2017 et que la SCI Nouvelle aventure ne s'explique pas sur les motifs pour lesquels elle n'a pas donné suite à la proposition de MM. C... de déplacer le mobilier en présence d'un commissaire priseur.
7. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle ordonnait l'enlèvement du mobilier entreposé dans les lieux, ce dont il résultait que ceux-ci n'étaient pas libérés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y a ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. U... P..., Mme Y... P... et MM. K... et A... C... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. K... et A... C... et les condamne, ainsi que M. U... P... et Mme Y... P..., in solidum à payer à la SCI Nouvelle aventure la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Nouvelle aventure.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Nouvelle aventure de sa demande tendant au paiement d'une indemnité provisionnelle au titre de l'occupation du logement sis [...] ) ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande d'indemnité d'occupation, le président du tribunal de grande instance a exactement retenu que l'immeuble avait été a moins en partie mis en location depuis le 26 août 2017, étant précisé que la société Nouvelle aventure ne s'explique pas sur les motifs pour lesquels elle n'a pas donné suite à la proposition de déplacement des meubles en présence du commissaire-priseur ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le juge des référés apprécie souverainement le montant des provisions qu'il alloue ; qu'il peut prendre en considération à la fois l'ampleur prévisible du dommage mais aussi l'utilité immédiate que représenterait, pour le demandeur, le versement d'une provision ainsi que, lorsque le défendeur est un assureur tenu à une obligation de présenter une offre d'indemnisation, les démarches amiables pour obtenir une provision ; qu'en l'espèce, la SCI Nouvelle aventure sollicite l'octroi d'une provision par la succession de Mme P... V... correspondant à une occupation des locaux depuis le [...] sans versement à quelque titre que ce soit selon elle ; que néanmoins, il ressort des pièces fournies au dossier, notamment des photographies accompagnant une annonce immobilière pour un logement libre au 26 août 2017 que la société a manifestement pu reprendre possession de son bien pour y effectuer des travaux de remise à neuf en vue de sa mise en location, ce qui vient contredire la demande de provision ; que dès lors, en l'état actuel du dossier, il n'y a pas lieu à l'octroi d'une provision ;
1°) ALORS QUE l'occupation sans droit ni titre d'un immeuble confère à son propriétaire un droit au paiement d'une indemnité d'occupation, dont le versement s'impose tant que l'occupant n'a pas libéré les lieux, ce qui est le cas lorsqu'il continue à y entreposer ses effets personnels ; qu'en l'espèce, il n'était pas discuté que la totalité des biens meubles de Mme V... P..., décédée le [...], étaient restés entreposés dans le logement que lui louait la société Nouvelle aventure, et que cette dernière n'avait perçu aucun loyer ni indemnité en contrepartie de cette occupation ; qu'en déboutant cependant la société Nouvelle aventure de sa demande dirigée contre les héritiers, tendant au versement d'une indemnité pour l'occupation de son bien depuis le [...], la cour d'appel a violé les articles 544 du code civil et 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, pour débouter la société Nouvelle aventure de sa demande tendant au paiement d'une indemnité provisionnelle au titre de l'occupation du logement sis au [...] , la cour d'appel a jugé qu'il était établi que « l'immeuble avait été au moins en partie mis en location depuis le 26 août 2017 » (arrêt, p. 4 § 4) ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Nouvelle aventure faisant valoir que le logement mis en location depuis le 26 août 2017 était un autre logement, sis au numéro [...] et non au numéro 1, de sorte qu'elle pouvait prétendre au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle au titre de l'indisponibilité du logement litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, subsidiairement, en déboutant la société Nouvelle aventure de la totalité de sa demande tendant au paiement d'une indemnité provisionnelle au titre de l'occupation du logement litigieux, sans rechercher, à tout le moins, si la société était fondée à réclamer le versement d'une indemnité provisionnelle pour l'occupation du logement entre le [...], date du décès de Mme V... P..., et le 26 août 2017, date de la prétendue mise en location par la société Nouvelle aventure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil et de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code.