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01/04/2021 | FRANCE | N°20-11122

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 01 avril 2021, 20-11122


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er avril 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 295 F-P

Pourvoi n° C 20-11.122

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. F....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 2 décembre 2019

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
____

_____________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER AVRIL 2021

M. M... F..., domicilié [...], a formé le pourvoi ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er avril 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 295 F-P

Pourvoi n° C 20-11.122

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. F....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 2 décembre 2019

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER AVRIL 2021

M. M... F..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° C 20-11.122 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions, dont le siège est [...], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. F..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 28 mars 2019), le 9 janvier 2013, M. F... a déposé plainte pour des faits de violences volontaires commis à son encontre le 5 janvier 2013.

2. Le 25 septembre 2014, le procureur de la république l'a avisé du classement sans suite de sa plainte en raison de l'absence de preuves suffisantes contre la personne en cause.

3. M. F... a saisi un juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile.

4. Par ordonnance en date du 14 mars 2016, après dépôt du rapport de l'expertise médico-légale qu'il avait ordonnée, le juge d'instruction s'est déclaré incompétent au motif que les faits objets de la plainte constituaient une contravention.

5. Par requête déposée le 2 mars 2017, M. F... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) pour obtenir la réparation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. M. F... fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en ses demandes, alors « que, à tout le moins, lorsque des poursuites pénales sont exercées, le délai pour demander une indemnisation à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive ; que l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction se déclare incompétent est une décision statuant définitivement sur l'action publique au sens de ce texte ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 706-5 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-5 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi 2020-833 du 2 juillet 2020 :

7. Selon ce texte, à peine de forclusion, la demande d'indemnité doit être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction. Lorsque des poursuites pénales sont exercées, ce délai est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive.

8. Pour dire M. F... irrecevable en sa demande, l'arrêt relève que l'ordonnance d'incompétence, rendue par le juge d'instruction le 14 mars 2016, a mis fin à l'action publique déclenchée par sa plainte avec constitution de partie civile mais n'a pas éteint l'action publique.

9. Il énonce que le délai légal pour saisir la commission a couru à compter du 9 mars 2013, a été prorogé par la mise en mouvement de l'action publique et a expiré le lundi 4 avril 2016, date à laquelle l'ordonnance d'incompétence, notifiée le 24 mars 2016, qui emporte extinction de l'instance pénale, est devenue définitive.

10. Il en déduit que la requête en indemnisation déposée après cette date est atteinte de forclusion.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. F... avait saisi la CIVI le 2 mars 2017, soit dans le délai d'un an à compter du 4 avril 2016, date à laquelle l'ordonnance d'incompétence du juge d'instruction, dont elle avait retenu qu'elle avait mis fin à l'action publique déclenchée par la plainte avec constitution de partie civile, était devenue définitive, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. F...

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a déclaré M. F... irrecevable en ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « l'article 706-5 du code de procédure pénale dispose que, à peine de forclusion, la demande d'indemnité doit être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction ; que lorsque des poursuites pénales sont exercées, ce délai est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive ; qu'en droit, il y a chose jugée au pénal lorsque les faits ont donné lieu à une poursuite terminée par une action définitive sur le fond ; que les décisions qui peuvent avoir autorité de chose jugée au pénal ont pour effet d'éteindre, pour l'avenir, l'action publique pour les mêmes faits même sous une qualification différente et ce, que la personne poursuivie ait été condamnée, relaxée ou acquittée ; que selon l'appelant, contestant la décision de la commission l'ayant déclaré forclos, l'ordonnance d'incompétence du juge d'instruction en date du 14 mars 2016 est une décision juridictionnelle qui a eu pour effet d'éteindre définitivement l'action publique, aucune poursuite n'étant alors plus possible ; que le délai pour saisir la commission a donc été prorogé d'un an à compter de cette date, de sorte que sa requête déposée le 2 mars 2017 est recevable ; que la décision par laquelle le juge répressif se déclare incompétent pour connaître des faits poursuivis ne statue pas sur le fond de l'action publique dont, précisément, il ne peut connaître, sa décision emportant seulement extinction de l'instance pénale et non de l'action publique qui peut encore être exercée, dans le temps de la prescription, par la partie poursuivante ; que l'ordonnance d'incompétence rendue par le juge d'instruction a donc mis fin à la mise en mouvement de l'action publique déclenchée par la plainte avec constitution de partie civile, mais n'a pas éteint l'action publique que, à l'évidence, M. F... a renoncé à reprendre à défaut de charges suffisantes pour citer directement quiconque devant le tribunal de police alors que le parquet avait classé l'affaire sans suite ; qu'il s'ensuit que le délai légal requis pour saisir la commission, qui a couru à compter du 9 mars 2013, prorogé par la mise en mouvement de l'action publique, a expiré à compter de la date à laquelle l'ordonnance d'incompétence, emportant extinction de l'instance pénale, notifiée le 24 mars 2016, est devenue définitive, soit le 4 avril 2016, à minuit, le 3 avril étant un dimanche ; que la requête en indemnisation ayant été déposée après cette date, elle est atteinte de forclusion ; qu'en l'absence de demande de relevé de forclusion pour motif légitime et de contestation des motifs de la commission ayant constaté que le requérant ne justifiait de ce qu'il aurait été empêché de faire valoir ses droits dans les délais requis, la décision sera entièrement confirmée » (arrêt, pp. 4-5) ;

ALORS QUE, premièrement, le jugement rendu sur des motifs inintelligibles est dépourvu de motifs ; qu'en énonçant que « l'ordonnance d'incompétence rendue par le juge d'instruction a donc mis fin à la mise en mouvement de l'action publique déclenchée par la plainte avec constitution de partie civile mais n'a pas éteint l'action publique » (arrêt, p. 4 antépénultième alinéa), les juges du fond ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ; que ce faisant ils ont violé l'article 455 du code de procédure pénale ;

ALORS QUE, deuxièmement, lorsque des poursuites pénales sont exercées, le délai pour présenter à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction une demande d'indemnité est prorogé et n'expire qu'un an après la décision qui a statué définitivement sur l'action publique ; qu'en déclarant la demande de M. F... irrecevable, après avoir, d'une part, constaté que l'action publique avait été engagée et, d'autre part, décidé que l'ordonnance du 14 mars 2016 ne statuait pas sur l'action publique, les juges du fond ont violé l'article 706-5 du code de procédure pénale ;

ALORS QUE, à tout le moins, lorsque des poursuites pénales sont exercées, le délai pour demander une indemnisation à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive ; que l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction se déclare incompétent est une décision statuant définitivement sur l'action publique au sens de ce texte ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 706-5 du code de procédure pénale ;

ALORS QUE, quatrièmement, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en opposant à M. F... qu'il avait renoncé à citer M. C... devant le tribunal de police, les juges du fond ont violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-11122
Date de la décision : 01/04/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Demande - Délai - Point de départ - Décision statuant définitivement sur l'action publique ou l'action civile - Cas - Ordonnance d'incompétence du juge d'instruction

En application de l'article 706-5 du code de procédure pénale, lorsque des poursuites pénales sont exercées, le délai prévu, à peine de forclusion, pour présenter la demande d'indemnité expire un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l`action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt d'une cour d'appel qui constate la forclusion de l'action du requérant a la date à laquelle l'ordonnance d'incompétence du juge d'instruction, dont elle avait retenu qu'elle avait mis fin à l'action publique engagée par sa plainte avec constitution de partie civile, était devenue définitive, alors que cette date constituait le point de départ du délai d'un an prévu par cet article


Références :

article 706-5 du code de procédure pénale.

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 28 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 01 avr. 2021, pourvoi n°20-11122, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.11122
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