LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 mars 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 280 FS-D
Pourvoi n° T 20-10.745
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2021
1°/ Mme Y... R...,
2°/ Mme G... X...,
toutes deux domiciliées [...] ,
ont formé le pourvoi n° T 20-10.745 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant à Mme S... F..., épouse V..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de Mmes R... et X..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme V..., et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Nivôse, Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 octobre 2019), par acte du 29 février 2012, Mme V... a vendu une maison d'habitation à Mmes R... et X....
2. Invoquant l'apparition de fissures, Mmes R... et X... ont, après expertise, assigné Mme V... en indemnisation sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mmes R... et X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'indemnisation, alors « qu'un vice ne peut être qualifié d'apparent qu'autant que l'acquéreur a pu se convaincre, lors de la vente, de sa gravité, de son ampleur et de ses conséquences ; qu'en se bornant à retenir, pour conclure au caractère apparent du vice invoqué, que les fissures avaient été grossièrement colmatées par la venderesse et étaient nécessairement visibles par les acquéreurs, sans caractériser que ces derniers avaient, lors de la vente, connaissance que ces fissures avaient une cause structurelle et risquaient d'entraîner l'effondrement d'une partie de la maison, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir la connaissance par les acquéreurs de la gravité, de l'ampleur et des conséquences du vice constitué par les fissures et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a relevé que les fissurations avaient été colmatées de façon grossière par le vendeur, l'huissier de justice ayant constaté, le 26 septembre 2012, la présence de silicone déchiré sur un interstice de huit millimètres avec un jour « particulièrement visible témoignant de l'absence de ferraillage » au niveau de l'escalier extérieur, et de mastic sur le flanc Est, ainsi qu'un décrochement « inquiétant » du pilier d'arcade, et ayant noté que certaines reprises d'enduit étaient d'une couleur différente, que le crépi avait été repris sur la façade Sud et qu'était visible du mastic boursouflé en façade Ouest.
5. Elle a souverainement retenu que les acquéreurs ne pouvaient pas prétendre ne pas avoir vu les désordres ainsi caractérisés par une apparence manifeste, même pour un non-professionnel.
6. Sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée sur la connaissance par les acquéreurs de la gravité, de l'ampleur et des conséquences du vice constitué par les fissures, elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes R... et X... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mmes R... et X...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté Madame Y... R... et Madame G... X... de leurs demandes tendant à voir condamner Madame S... F..., veuve V..., à leur verser les sommes de 185 664 euros correspondant au coût des travaux de reprise des désordres constatés, 50 696 euros en réparation du préjudice de jouissance subi, 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi et 20 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires.
AUX MOTIFS QUE suivant acte reçu par Me N..., notaire à Aubagne le 29 février 2012, Mme V... a vendu à Mme R... et à Mme X... une maison d'habitation à [...] au prix de 410 000 euros : que le contrat contient une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés au bénéfice du vendeur ; que constatant l'apparition de fissures, les acheteurs ont sollicité l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire et l'expert a déposé son rapport le 24 octobre 2016 après qu'une première expertise eut fait l'objet d'un rapport en l'état en l'absence de règlement d'une consignation complémentaire à acquitter ; que dans le jugement attaqué, le tribunal a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise et a essentiellement considéré, au fond, qu'il résultait de ce rapport que le bien a subi un phénomène de basculement de l'extension réalisée et que la construction d'origine a présenté d'importantes fissurations évolutives notamment entre 2013 et 2016 ; que le jugement retient que selon l'expert, l'extension a été posée sur un dallage reposant sur un sol argileux, les profondeurs hors gel et hors front de dessiccation n'ont pas été respectées et il n'y a pas de drainage périphérique ; qu'il explique le basculement de l'extension nord par l'absence de fondation, cette partie du bâtiment étant posée sur un simple carrelage, lui-même, assis sur des matériaux argileux, et l'apparition des fissurations sur la construction initiale par le fait que les fondations de la maison sont implantées sur des horizons d'assises non satisfaisants se situant dans des matériaux argileux ; qu'il précise que les fissurations, qui existaient avant la vente, avaient fait l'objet de réparations visibles puisque l'huissier de justice les avaient constatées alors qu'il n'est pas un professionnel et qu'un simple examen de la façade pouvait permettre de constater l'existence de travaux de reprise réalisés grossièrement, rappelant donc les constatations faites le 26 septembre 2012 par cet huissier ; qu'au soutien de leur recours, les appelantes font valoir qu'il y a eu une véritable volonté de la part du vendeur de cacher l'état de la maison, que celle-ci a fait l'objet, avant sa vente, d'une reprise totale de ses façades et que les fissures avaient fait l'objet d'un rebouchage avec la pose d'enduit, l'immeuble ayant ainsi fait l'objet d'un maquillage afin de pouvoir permettre sa vente ; que d'ailleurs, l'expert judiciaire a demandé dans l'urgence la mise en place d'étais devant le risque d'effondrement d'une partie de la maison ; que le problème de basculement est directement lié à celui des fissurations importantes de l'ouvrage et qu'il s'agit d'un problème général de construction ; que l'un des principaux points de camouflage et de l'ouvrage est la jonction du basculement de l'extension ; que Mme V... souligne que le rapport d'expertise judiciaire n'invoque à aucun moment la connaissance du vice de construction par les vendeurs, non professionnels pour un désordre intervenu pour la première fois postérieurement à la vente, le désordre étant causé par l'absence de fondations et le défaut de respect des profondeurs hors gel et de drainage ; que le mouvement de terrain de 2010 n'est pas à l'origine des dégradations invoquées par les acheteurs et qu'il avait entraîné quelques fissures sur les murs de la villa visiblement colmatées par le vendeur ; que ces fissures ne portaient pas atteinte à la structure de l'immeuble et n'avaient rien à voir avec les malfaçons invoquées par les acquéreurs et déterminées par l'expert judiciaire ; qu'attendu qu'en page 15 de son rapport, l'expert conclut, au titre de l'origine des désordres, que le basculement de l'extension nord résulte de l'absence de fondations dans cette partie du bâtiment qui est posé sur simple dallage, lui-même assis sur des matériaux argileux, que les fissurations affectant la villa résultent d'assises de fondations n'ayant pas atteint des horizons satisfaisants et se situant dans des matériaux argileux ; qu'attendu que l'expert ne relie à aucun moment de son étude les fissures colmatées par le vendeur à un problème ponctuel consécutif au moment de terrain classé catastrophe naturelle de 2010, et qu'il conclut, en page 16, après avoir rappelé les constatations de l'huissier du 26 septembre 2012, que les désordres de fissurations sont antérieurs à la vente du 29 février 2012, la cour soulignant à ce propos que les vices étudiés qui concernent le basculement de l'extension et les fissurations de la villa, ont une cause structurelle qui elle aussi existait avant la vente, que les fissurations n'ont cessé d'évoluer ainsi que l'a noté l'expert entre ses deux séries d'intervention en 2013 et 2014 et que compte tenu de leur importance dès septembre 2012, elles étaient existantes avant la vente ; qu'attendu qu'en l'état de la clause exclusion de garantie insérée à l'acte, la question qui se pose est celle de la connaissance par les vendeurs de ces vices et celle de leur apparence pour les acquéreurs ; qu'attendu que le constat d'huissier des acquéreurs en date du 26 septembre 2012 et les relevés de l'expert judiciaire faits en avril 2013 qui concluent respectivement à des écarts importants – selon l'expert de 6 mm (escalier extérieur), de 5 mm (désolidarisation entre le plafond et le mur dans le WC) et de 2 à 2,5 cm (décalage des poutres de la terrasse, également décalage entre le sol de la terrasse et le mur du bâtiment, et décalage entre l'arche et la façade) – permettent de retenir, compte tenu de la cause structurelle, tant du basculement que des fissurations, que de tels désordres n'ont pu apparaître brutalement entre la vente de février 2012 et les constatations ainsi faites quelques mois plus tard et ce d'autant qu'aucun phénomène climatique particulier sur cette période n'est relevé, ni même invoqué ; que par ailleurs les fissurations avaient été colmatées par le vendeur et ce de façon grossière vu les observations de l'huissier à cet égard lequel : - relève au niveau de l'escalier extérieur du silicone déchiré sur un interstice de 8mm avec un jour « particulièrement visible témoignant de l'absence de ferraillage », - constate du mastic de couleur grise sur le flanc Est, et un décrochement « inquiétant » du pilier d'arcade ; - note également que certaines reprises d'enduit sont d'une couleur différente, - constate que le crépi a été repris sur la façade sud, - relève des projections de ce crépi sur la pergola et sur la porte du garage, - et note enfin un mastic boursouflé en façade ouest ; qu'attendu, par suite, d'une part, que le vendeur ne peut prétendre ni avoir ignoré l'existence des vices en litige, ni n'avoir connu que les vices consécutifs au mouvement de terrain de 2010 et d'autre part, que les acquéreurs ne peuvent, non plus, prétendre ne pas avoir vu les désordres ainsi caractérisés par une apparence manifeste, même pour un non professionnel ; qu'attendu que les appelantes seront, en conséquence, déboutées des fins de leur appel et que le jugement sera confirmé ;
AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE l'article 1641 du code civil précise : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus » ; que l'article 1643 du même code dispose : « Il est tenu des vices cachés, quant même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie » ; que l'article 1644 prévoit : « Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix » ; qu'enfin l'article 1645 indique : « Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix s'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur » ; qu'il ressort du rapport d'expertise déposé le 24 octobre 2016 que la villa acquise le 29 février 2012 a présenté un phénomène de basculement de l'extension réalisée et que la construction d'origine a présenté d'importantes fissurations dont l'expert a constaté le caractère évolutif puisqu'il a relevé une aggravation des désordres entre sa première intervention ayant donné lieu au dépôt d'un rapport en l'état en novembre 2013 et son intervention postérieure ayant donné lieu au dépôt du rapport du 24 octobre 2016 ; qu'il précise que le phénomène de basculement de l'extension de la villa au Nord trouve son origine dans l'absence de fondation, l'extension étant posée sur un dallage reposant sur un sol argileux ; qu'il relève par ailleurs que les profondeurs hors gel et hors fronde dessiccation n'ont pas été respectées et qu'il n'a été prévu aucun système de drainage périphérique ; que par ailleurs, il explique l'apparition de fissurations sur la construction initiale par le fait que les fondations de la villa sont implantées sur des horizons d'assises non satisfaisants se situant dans des matériaux argileux (argiles sableuses, sables à cailloutis et sables argileux) ; que contrairement à ce que soutient la défenderesse, il n'impute pas les désordres affectant la construction vendue aux travaux réalisés par les propriétaires de la villa mitoyenne et pas davantage aux mouvements de terrains survenu le 19 avril 2010 ayant donné lieu à l'adoption d'un arrêté d'état de catastrophe naturelle ; que l'expert indique que le phénomène de basculement de l'extension réalisée au Nord est apparu le 26 septembre 2012 ; qu'il précise en revanche que les fissurations existaient antérieurement à la vente rappelant les contestations effectuées par l'huissier dans le procès-verbal de constat établi le 26 septembre 2012 ; que cet officier ministériel a en effet constaté l'existence de fissurations outre le décrochement de l'escalier de la façade, soulignant qu'un joint de dilation avait été camouflé par un mastic silicone sur lequel un badigeon d'enduit a été réalisé ; qu'il relève qu'un mastic silicone a également été appliqué sur le flanc Est de la bâtisse et que la fissure horizontale présente au niveau de l'entrée de l'appartement du rez-de-chaussée a été camouflée par une reprise d'enduit, l'enduit étant d'une couleur différente de celui appliquée sur le reste de la façade ; qu'il indique en outre qu'en partie Est toujours sur la façade, une fissure a fait l'objet de travaux de reprise par la pose d'un mastic d'étanchéité dissimulé par une reprise d'enduit générale ; qu'enfin, en façade Ouest, il relève l'existence d'une boursouflure caractérisant la réalisation de travaux de colmatage par application d'un mastic recouvert de peinture ou d'enduit de rénovation ; qu'il ressort de ce procès-verbal de constat que des fissures sont apparues antérieurement à la vente et ont fait l'objet de travaux de reprise qui étaient parfaitement visibles, sans procéder à des investigations particulières puisque l'huissier les a constatés alors même qu'il n'est pas un professionnel de l'immobilier ; que Madame Y... R... et Madame G... X... ne peuvent valablement soutenir que ces fissures constituent un vice caché au sens des dispositions de l'article 1641 du code civil dans la mesure où par un simple examen de la façade, elles pouvaient constater l'existence de travaux de reprise réalisés grossièrement ; qu'enfin, il n'est nullement démontré que le basculement de l'extension réalisée est intervenu antérieurement à la vente ; que Madame Y... R... et Madame G... X... qui échouent à rapporter l'existence de vices cachés seront dès lors déboutées de leurs demandes ;
ALORS QU' un vice ne peut être qualifié d'apparent qu'autant que l'acquéreur a pu se convaincre, lors de la vente, de sa gravité, de son ampleur et de ses conséquences ; qu'en se bornant à retenir, pour conclure au caractère apparent du vice invoqué, que les fissures avaient été grossièrement colmatées par la venderesse et étaient nécessairement visibles par les acquéreurs, sans caractériser que ces derniers avaient, lors de la vente, connaissance que ces fissures avaient une cause structurelle et risquaient d'entraîner l'effondrement d'une partie de la maison, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir la connaissance par les acquéreurs de la gravité, de l'ampleur et des conséquences du vice constitué par les fissures et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil.