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10/03/2021 | FRANCE | N°19-21971

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 mars 2021, 19-21971


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Cassation sans renvoi

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 207 F-P

Pourvoi n° Z 19-21.971

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 MARS 2021

Mme M... V..., domiciliée [...] , succé

dant à la SCP [...] , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. O..., a formé le pourvoi n° Z 19-21.971 contre l'arrêt rendu le 2 juil...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Cassation sans renvoi

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 207 F-P

Pourvoi n° Z 19-21.971

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 MARS 2021

Mme M... V..., domiciliée [...] , succédant à la SCP [...] , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. O..., a formé le pourvoi n° Z 19-21.971 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant à M. K... O..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de Mme V..., ès qualités, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. O..., et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 janvier 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 2 juillet 2019), M. O... a, le 12 août 2008, bénéficié d'une procédure de sauvegarde pour laquelle un administrateur a été désigné. Le 22 décembre suivant, M. O... a déposé une déclaration notariée d'insaisissabilité de deux immeubles non affectés à l'exploitation, qui a été publiée le 7 janvier 2009. La procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire le 10 mai 2010, la date de cessation des paiements étant fixée au 12 août 2008. Le 11 septembre 2012, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, la société [...] , aux droits de laquelle vient Mme V..., a été désignée liquidateur.

2. Dans le cadre de sa mission de réalisation des actifs, le liquidateur, s'étant vu opposer la déclaration d'insaisissabilité, a assigné M. O... en inopposabilité de celle-ci.

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 4 août 2008 :

4. Il résulte de ce texte que, lorsque la personne physique qui exerce une activité professionnelle indépendante a déclaré insaisissables des droits sur un bien foncier non affecté à son usage professionnel, cette déclaration n'a d'effet que si elle a été publiée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, fût-elle une procédure de sauvegarde, qui réunit les créanciers en une collectivité et emporte, dès ce moment, appréhension de l'immeuble dans leur gage commun.

5. Pour dire la déclaration notariée d'insaisissabilité de M. O... opposable au liquidateur, l'arrêt relève que la désignation de l'administrateur n'avait pas ôté au débiteur le pouvoir d'exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration et retient que, la déclaration d'insaisissabilité n'étant pas un acte de disposition, elle ne fait pas partie des actes énumérés par l'article L. 622-7-II, du code de commerce que le juge-commissaire doit autoriser.

6. En statuant ainsi, après avoir relevé que la déclaration d'insaisissabilité avait été publiée après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare inopposable au liquidateur la déclaration d'insaisissabilité faite par M. O... par acte notarié du 22 décembre 2008 et publiée le 7 janvier 2009 ;

Condamne M. O... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour Mme V..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. O....

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR dit que la déclaration d'insaisissabilité faite par M. K... O... sur les biens immobiliers situés à Mont-Notre-Dame (02) cadastrés section [...] , [...] et [...] , par acte notarié du 22 décembre 2008, publiée le 7 janvier 2009 au bureau des hypothèques de Soissons et mentionnée le 10 février 2009 au registre du commerce et des sociétés de Reims, est régulière et D'AVOIR déclaré opposable à Me M... V... en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. K... O... la déclaration d'insaisissabilité faite par ce dernier par acte notarié du 22 décembre 2008 publié le 7 janvier 2009, et débouté l'exposante de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE l'article L.526-1 alinéa 1er du code de commerce, dans sa version en vigueur lors de la déclaration d'insaisissabilité litigieuse et de sa publication, applicable au litige, dispose: « Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu'elle n'a pas affecté à son usage professionnel. Cette déclaration, publiée au bureau des hypothèques (...], n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant » ; que l'article L.526-2, dans sa version applicable au litige, dispose : « La déclaration, reçue par notaire sous peine de nullité, contient la description détaillée des biens et l'indication de leur caractère propre, commun ou indivis. L'acte est publié au bureau des hypothèques (..) de sa situation. Lorsque la personne est immatriculée dans un registre de publicité légale à caractère professionnel, la déclaration doit y être mentionnée. ( ] » ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées au débat que la déclaration d'insaisissabilité a été faite devant notaire le 22 décembre 2008, qu'elle porte sur une maison d'habitation située à Mont-Notre-Dame (02) constituant la résidence principale de M. O... et cadastrée section [...] , [...] et [...], qu'elle mentionne que les parcelles cadastrées section [...] et [...] appartiennent en propre et en totalité à M. O... et que la parcelle [...] dépend de la communauté de biens avec Mme H..., qu'elle a été publiée au bureau des hypothèques (devenu bureau de la publicité foncière) le 7 janvier 2009 et a été mentionnée au registre du commerce et des sociétés le 10 février 2009 ; qu'elle est donc régulière au regard des dispositions de l'article L.526-2 précité ; que cette déclaration a été faite et publiée pendant la période d'observation de la procédure de sauvegarde, soit avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, mais après la date de cessation des paiements, fixée rétroactivement par le jugement d'ouverture du redressement au 12 août 2008, soit pendant la période suspecte ; que l'article L.632-1 du code de commerce énumère les actes qui sont nuls de plein droit lorsqu'ils sont intervenus après la date de cessation des paiements ; que depuis le 1er juillet 2014, la déclaration d'insaisissabilité fait partie des actes interdits pendant cette période suspecte ; qu'avant cette date et à la date de la déclaration de M. O... et de sa publication, cet acte n'était pas interdit ; que la déclaration d'insaisissabilité ne fait pas non plus partie des actes susceptibles d'être annulés en application des articles L.632-2 et L.632-3 pour reconstituer l'actif du débiteur ; que par ailleurs, il résulte des articles L.622-1 et L.622-3 du code de commerce que pendant la période d'observation de la sauvegarde, lorsqu'un administrateur est désigné, il est chargé par le tribunal de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l'assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d'entre eux, mais le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur. ; qu'ainsi, M. O... n'était nullement, à l'époque où il a fait cette déclaration, dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens par le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde comme il l'est en revanche dorénavant par l'effet du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ; qu'en outre, l'article L.622-7 II du code de commerce énumère les actes que le juge-commissaire peut autoriser pendant la période d'observation ; qu'il peut notamment autoriser le débiteur à accomplir un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise ; que la déclaration d'insaisissabilité ne fait pas partie des actes que le juge-commissaire peut autoriser ; qu'elle ne constitue pas un acte de disposition puisqu'au contraire elle vise à maintenir un ou plusieurs bien(s) dans le patrimoine du débiteur ; qu'elle n'entrait pas non plus dans la mission de l'administrateur ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que sauf à priver l'article L.526-1 du code de commerce de toute portée, une déclaration d'insaisissabilité régulièrement publiée ne permet pas au liquidateur judiciaire d'intégrer les biens concernés dans l'actif du débiteur dès lors qu'elle a été faite avant l'ouverture de la liquidation judiciaire ; que la déclaration d'insaisissabilité faite par M. O... est donc parfaitement opposable au liquidateur judiciaire ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

ALORS QUE la déclaration notariée d'insaisissabilité n'est opposable qu'après publication au fichier immobilier et aux registres professionnels le cas échéant ; que l'exposante faisait valoir que la déclaration notariée d'insaisissabilité faite le 22 décembre 2008 a été publiée au fichier le 7 janvier 2009, soit postérieurement au 12 août 2008 date d'ouverture de la procédure de sauvegarde, que s'agissant d'un acte grave au sens de l'article L 622-7 II du code de commerce le débiteur devait être autorisé par le juge-commissaire ; qu'ayant relevé que cette déclaration a été faite et publiée pendant la période d'observation de la procédure de sauvegarde, soit avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, mais après la date de cessation des paiements, fixée rétroactivement par le jugement d'ouverture du redressement au 12 août 2008, soit pendant la période suspecte, puis considéré que l'article L.622-7 II du code de commerce énumère les actes que le juge-commissaire peut autoriser pendant la période d'observation, qu'il peut notamment autoriser le débiteur à accomplir un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise, que la déclaration d'insaisissabilité ne fait pas partie des actes que le juge-commissaire peut autoriser, qu'elle ne constitue pas un acte de disposition puisqu'au contraire elle vise à maintenir un ou plusieurs bien(s) dans le patrimoine du débiteur, la cour d'appel qui en déduit que la déclaration notariée d'inaliénabilité est régulière et opposable au liquidateur judicaire, quand un tel acte accompli au cours de la période suspecte avait pour effet d'exclure du patrimoine soumis à la procédure collective l'essentiel de l'actif constitué des biens immobiliers non professionnels du débiteur, la cour d'appel a violé l'article L.622-7 II du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-21971
Date de la décision : 10/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Organes - Liquidateur - Déclaration d'insaisissabilité - Opposabilité - Déclaration publiée avant l'ouverture de la liquidation - Portée

Il résulte de l'article L. 526-1 du code de commerce qu'une déclaration, par une personne physique qui exerce une activité professionnelle indépendante, de l'insaisissabilité des droits sur un bien foncier non affecté à son usage professionnel n'a d'effet que si elle a été publiée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, fût-elle une procédure de sauvegarde


Références :

article L. 526-1 du code de commerce.

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 02 juillet 2019

Sur l'opposabilité de la déclaration d'insaisissabilité publiée avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, à rapprocher : Com., 22 mars 2016, pourvoi n° 14-21267, Bull. 2016, IV, n° 46 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 mar. 2021, pourvoi n°19-21971, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.21971
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