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04/03/2021 | FRANCE | N°19-22193

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 mars 2021, 19-22193


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2021

Cassation sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 180 F-P

Pourvoi n° R 19-22.193

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société Manufactures industrielles lyonnaises (MIL), sociÃ

©té à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° R 19-22.193 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2019 pa...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2021

Cassation sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 180 F-P

Pourvoi n° R 19-22.193

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société Manufactures industrielles lyonnaises (MIL), société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° R 19-22.193 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), dans le litige l'opposant à M. B... P..., domicilié [...], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Manufactures industrielles lyonnaises, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. P..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 juillet 2019), et les productions, après avoir fait délivrer, le 18 juin 2018, un commandement de payer valant saisie immobilière à M. P..., la société Manufactures industrielles lyonnaises (la société) l'a assigné, par acte du 25 septembre 2018, à une audience d'orientation.

2. M. P... a interjeté appel du jugement d'orientation, rendu après une audience à laquelle il n'avait pas comparu, ordonnant la vente forcée des biens saisis.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution et 562 du code de procédure civile :

4. En application du premier de ces textes, les contestations et demandes incidentes soulevées après l'audience d'orientation ne sont recevables que si elles portent sur des actes de la procédure de saisie immobilière postérieurs à cette audience ou si, nées de circonstances postérieures à celle-ci, elles sont de nature à interdire la poursuite de la saisie.

5. Néanmoins, statuant en appel d'un jugement d'orientation, la cour d'appel est tenue d'examiner, au préalable, le moyen présenté par le débiteur saisi qui n'avait pas comparu à l'audience d'orientation, tendant à la nullité de l'assignation qui lui avait été délivrée pour cette audience.

6. Il résulte du second de ces textes qu'en cas d'annulation du jugement d'orientation découlant de la nullité de l'acte introductif d'instance, la dévolution ne s'opère pas pour le tout, de sorte que la cour d'appel ne peut pas statuer sur une demande tendant à l'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière.

7. Pour annuler le commandement de payer valant saisie immobilière et, en conséquence, tous les actes subséquents de la procédure de saisie immobilière, en ce compris le jugement d'orientation, l'arrêt retient, après avoir relevé les diligences accomplies par les différents huissiers de justice pour délivrer le commandement de payer valant saisie immobilière, l'assignation à l'audience d'orientation et signifier le jugement d'orientation, qu'en définitive, au stade de la délivrance du commandement de saisie immobilière, l'huissier de justice mandaté par la société ignorait l'adresse du débiteur et n'avait aucun motif de considérer que le bien saisi pouvait constituer son domicile.

8. Il ajoute qu'au contraire, la connaissance du précédent usufruit de la mère de M. P... était plutôt de nature à convaincre l'huissier instrumentaire qu'il ne s'agissait pas du domicile de l'intéressé, que ne disposant pas de son adresse, il lui appartenait de faire la recherche qu'il n'a faite qu'au stade de la délivrance de l'assignation pour découvrir que M. P... était gérant d'une SARL L'Etincelle et qu'une levée d'extrait du registre du commerce et des sociétés aurait alors permis de confirmer l'adresse personnelle du gérant et qu'au demeurant, un simple courrier envoyé à l'adresse de la société L'Etincelle aurait aussi suffit à informer M. P... de l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution.

9. Il en déduit que la délivrance des actes à l'adresse du bien saisi, en connaissance du fait qu'il ne correspondait pas au domicile du débiteur, a fait grief à M. P... en ne lui permettant pas d'assurer sa défense devant le juge de l'exécution, ce qui le prive de tout moyen de contestation en cause d'appel en vertu de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. L'assignation à l'audience d'orientation étant irrégulière et cette irrégularité ayant causé un grief au débiteur, il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4, 5 et 6 qu'il convient de prononcer l'annulation de l'assignation du 25 septembre 2018 à l'audience d'orientation et, en conséquence, du jugement d'orientation rendu le 15 janvier 2019.

14. La dévolution ne s'opérant pas pour le tout, il n'y a pas lieu de statuer sur les autres demandes.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation délivrée le 25 septembre 2018 ;

En conséquence, ANNULE le jugement d'orientation rendu le 15 janvier 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon (RG 18/00154) ;

DIT n'y avoir lieu de statuer sur les autres demandes ;

Condamne la société Manufactures industrielles lyonnaises aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Lyon ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Manufactures industrielles lyonnaises tant devant la cour d'appel de Lyon que devant la Cour de cassation et la condamne à payer à M. P... les sommes de 1 000 euros, au titre de l'instance d'appel, et de 3 000 euros, au titre de l'instance de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un et signé par lui et Mme T..., en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Manufactures industrielles lyonnaises (MIL)

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé le commandement valant saisie immobilière délivré le 18 juin 2018 par la Selarl Juriskalis à la requête de la société Manufactures Industrielles Lyonnaises à l'encontre de B... P... et d'AVOIR, en conséquence, annulé tous les actes subséquents de la procédure de saisie immobilière, en ce compris le jugement prononcé le 15 janvier 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon ;

AUX MOTIFS QUE le commandement de saisie a été délivré le 18 juin 2018 à l'adresse du [...] où l'huissier de justice Me C... Y... (SELARL Juriskalis) a précisé avoir vérifié le nom du destinataire sur la boîte aux lettres et sur la porte et recueilli la confirmation du syndic ; le 2 août 2018, l'huissier de justice Me D... G... (SELARL Juriskalis) a dressé un procès-verbal de description de l'appartement saisi dans lequel il a rencontré M. P... qui s'est présenté comme un ami de M. P..., chargé par lui d'enlever le mobilier ; pour l'assignation à l'audience d'orientation, Me C... Y... a constaté que M. P... était introuvable à l'appartement de Rillieux-la-Pape et dressé procès-verbal de recherches infructueuses ; au préalable, après une recherche internet, Me Y... a découvert que M. P... est gérant d'une société L'Etincelle ayant son siège [...] ; elle a chargé une consoeur de Bois-Colombes, Me W... S... , pour tenter une signification à M. P... à cette adresse le 25 septembre 2018 ; Me Le Roux, qui cherchait le lieu de travail de M. P..., n'a pas découvert d'enseigne L'Etincelle mais deux autres commerces où les personnes présentes ont déclaré ne pas connaître M. P... ; Me Le Roux a précisé que le nom de P... ne figurait nulle part ; la lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée par l'huissier de justice le 25 septembre 2018 à l'adresse de Rillieux-la-Pape a été retournée non réclamée ; la signification du jugement d'orientation a donné lieu à un nouveau procès-verbal de recherches infructueuses de Me Y... le 11 février 2019, l'huissier de justice ayant vainement tenté de joindre téléphoniquement J... P..., épouse de B... P..., après avoir découvert son adresse au [...] et avoir vainement tenté de la joindre par téléphone ; la lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée par l'huissier de justice a finalement été retirée à une date non indiquée dans l'accusé de réception. M. P... soutient que les divers actes de la procédure ont été délivrés à l'adresse du bien saisi qui n'a jamais été la sienne. Il s'agit du domicile de sa défunte mère, ce qui explique que le nom de P... figure sur la sonnette et sur la porte, ainsi que l'a relevé l'huissier de justice instrumentaire ; il rappelle que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 24 octobre 2002 mentionne son ancienne adresse [...] . Il demeure actuellement à Levallois Perret où d'autres huissiers ont pu le trouver ; c'est en venant faire des travaux dans l'ancien appartement de sa mère qu'il a découvert l'avis de passage et chargé un ami de retirer pour lui la lettre recommandée du 11 février 2019, ce qui lui a permis de découvrir la procédure de saisie immobilière ; sur ce, le créancier poursuivant reste taisant sur les éléments dont il disposait de nature à le convaincre que M. P... pouvait être domicilié à l'adresse du bien saisi ; il ressort des termes du procès-verbal de saisie que le créancier ou son mandataire avait pu déterminer que M. P... avait acquis le bien en 1982 en nue-propriété avec Mme R..., née en [...], qui en avait acquis l'usufruit, et qu'à la suite du décès de Mme R..., M. P... était devenu propriétaire en totalité du bien ; dès lors que Mme R..., mère de M. P..., était détentrice de l'usufruit de l'appartement, il était peu probable que celui-ci ait constitué le domicile de M. P... ; dans la mesure où Mme R... était veuve P..., l'indication du nom de P... sur la porte et la boîte aux lettres n'était pas probante ; de même, le syndic a pu confirmer que les lots de copropriété était au nom de P... ; contrairement à ce que soutient le créancier poursuivant, le procès-verbal de description de l'appartement a mis en évidence le fait que M. P... n'habitait pas dans les lieux et il est pour le moins regrettable que Me G... ait omis d'interroger la personne présente sur l'adresse effective du débiteur alors qu'il avait, sous les yeux, la démonstration que l'appartement ne constituait pas - ou à tout le moins ne constituait plus - son logement ; l'appelant verse aux débats une sommation de prendre position sur la succession de I... P..., décédée le 21 mars 2017, délivrée en 2018 à la requête de la recette des finances des Hospices Civils de Lyon ; par ailleurs, il justifie de sa domiciliation au [...] par un constat d'huissier de justice et diverses pièces versées aux débats, en particulier un bail du 8 juillet 2011, quittances de loyer, facture EDF) ; en définitive, au stade de la délivrance du commandement de saisie immobilière, l'huissier de justice mandaté par la SARL Manufactures Industrielles Lyonnaises ignorait l'adresse du débiteur et n'avait aucun motif de considérer que le bien saisi pouvait constituer son domicile ; au contraire, comme il a été dit, la connaissance du précédent usufruit de la mère de M. P... était plutôt de nature à convaincre l'huissier instrumentaire qu'il ne s'agissait pas du domicile de l'intéressé ; ne disposant pas de son adresse, il lui appartenait de faire la recherche qu'il n'a faite qu'au stade de la délivrance de l'assignation pour découvrir que M. P... était gérant d'une SARL L'Etincelle ; une levée d'extrait du registre du commerce et des sociétés aurait alors permis de confirmer l'adresse personnelle du gérant ; au demeurant, un simple courrier envoyé à l'adresse de la société L'Etincelle aurait aussi suffi à informer M. P... de l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution ; la délivrance des actes à l'adresse du bien saisi, en connaissance du fait qu'il ne correspondait pas au domicile du débiteur, a fait grief à M. P... en ne lui permettant pas d'assurer sa défense devant le juge de l'exécution, ce qui le prive de tout moyen de contestation en cause d'appel en vertu de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution ; dans ces conditions, la Cour ne peut qu'annuler le commandement de saisie immobilière et, par suite, l'ensemble de la procédure subséquente, en ce compris le jugement attaqué ;

ALORS QUE les contestations et demandes incidentes soulevées après l'audience d'orientation ne sont recevables que si elles portent sur des actes de la procédure de saisie immobilière postérieurs à cette audience ou si, nées de circonstances postérieures à celle-ci, elles sont de nature à interdire la poursuite de la saisie ; que M. P..., non comparant en première instance, a soulevé en appel la nullité du commandement de payer et de tous les actes subséquents ; qu'en faisant droit à cette demande sans relever d'office l'irrecevabilité de la demande tendant à l'annulation du commandement de payer valant saisie présentée après l'audience d'orientation et ne portant pas sur des actes postérieurs à celle-ci, la cour d'appel a violé l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 125 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé le commandement valant saisie immobilière délivré le 18 juin 2018 par la Selarl Juriskalis à la requête de la société Manufactures Industrielles Lyonnaises à l'encontre de B... P... et d'AVOIR, en conséquence, annulé tous les actes subséquents de la procédure de saisie immobilière, en ce compris le jugement prononcé le 15 janvier 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon ;

AUX MOTIFS QUE le commandement de saisie a été délivré le 18 juin 2018 à l'adresse du [...] où l'huissier de justice Me C... Y... (SELARL Juriskalis) a précisé avoir vérifié le nom du destinataire sur la boîte aux lettres et sur la porte et recueilli la confirmation du syndic ; le 2 août 2018, l'huissier de justice Me D... G... (SELARL Juriskalis) a dressé un procès-verbal de description de l'appartement saisi dans lequel il a rencontré M. P... qui s'est présenté comme un ami de M. P..., chargé par lui d'enlever le mobilier ; pour l'assignation à l'audience d'orientation, Me C... Y... a constaté que M. P... était introuvable à l'appartement de Rillieux-la-Pape et dressé procès-verbal de recherches infructueuses ; au préalable, après une recherche internet, Me Y... a découvert que M. P... est gérant d'une société L'Etincelle ayant son siège [...] ; elle a chargé une consoeur de Bois-Colombes, Me W... S... , pour tenter une signification à M. P... à cette adresse le 25 septembre 2018 ; Me Le Roux, qui cherchait le lieu de travail de M. P..., n'a pas découvert d'enseigne L'Etincelle mais deux autres commerces où les personnes présentes ont déclaré ne pas connaître M. P... ; Me Le Roux a précisé que le nom de P... ne figurait nulle part ; la lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée par l'huissier de justice le 25 septembre 2018 à l'adresse de Rillieux-la-Pape a été retournée non réclamée ; la signification du jugement d'orientation a donné lieu à un nouveau procès-verbal de recherches infructueuses de Me Y... le 11 février 2019, l'huissier de justice ayant vainement tenté de joindre téléphoniquement J... P..., épouse de B... P..., après avoir découvert son adresse au [...] et avoir vainement tenté de la joindre par téléphone ; la lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée par l'huissier de justice a finalement été retirée à une date non indiquée dans l'accusé de réception. M. P... soutient que les divers actes de la procédure ont été délivrés à l'adresse du bien saisi qui n'a jamais été la sienne. Il s'agit du domicile de sa défunte mère, ce qui explique que le nom de P... figure sur la sonnette et sur la porte, ainsi que l'a relevé l'huissier de justice instrumentaire ; il rappelle que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 24 octobre 2002 mentionne son ancienne adresse [...]. Il demeure actuellement à Levallois Perret où d'autres huissiers ont pu le trouver ; c'est en venant faire des travaux dans l'ancien appartement de sa mère qu'il a découvert l'avis de passage et chargé un ami de retirer pour lui la lettre recommandée du 11 février 2019, ce qui lui a permis de découvrir la procédure de saisie immobilière ; sur ce, le créancier poursuivant reste taisant sur les éléments dont il disposait de nature à le convaincre que M. P... pouvait être domicilié à l'adresse du bien saisi ; il ressort des termes du procès-verbal de saisie que le créancier ou son mandataire avait pu déterminer que M. P... avait acquis le bien en 1982 en nue-propriété avec Mme R..., née en [...], qui en avait acquis l'usufruit, et qu'à la suite du décès de Mme R..., M. P... était devenu propriétaire en totalité du bien ; dès lors que Mme R..., mère de M. P..., était détentrice de l'usufruit de l'appartement, il était peu probable que celui-ci ait constitué le domicile de M. P... ; dans la mesure où Mme R... était veuve P..., l'indication du nom de P... sur la porte et la boîte aux lettres n'était pas probante ; de même, le syndic a pu confirmer que les lots de copropriété était au nom de P... ; contrairement à ce que soutient le créancier poursuivant, le procès-verbal de description de l'appartement a mis en évidence le fait que M. P... n'habitait pas dans les lieux et il est pour le moins regrettable que Me G... ait omis d'interroger la personne présente sur l'adresse effective du débiteur alors qu'il avait, sous les yeux, la démonstration que l'appartement ne constituait pas - ou à tout le moins ne constituait plus - son logement ; l'appelant verse aux débats une sommation de prendre position sur la succession de I... P..., décédée le 21 mars 2017, délivrée en 2018 à la requête de la recette des finances des Hospices Civils de Lyon ; par ailleurs, il justifie de sa domiciliation au [...] par un constat d'huissier de justice et diverses pièces versées aux débats, en particulier un bail du 8 juillet 2011, quittances de loyer, facture EDF) ; en définitive, au stade de la délivrance du commandement de saisie immobilière, l'huissier de justice mandaté par la SARL Manufactures Industrielles Lyonnaises ignorait l'adresse du débiteur et n'avait aucun motif de considérer que le bien saisi pouvait constituer son domicile ; au contraire, comme il a été dit, la connaissance du précédent usufruit de la mère de M. P... était plutôt de nature à convaincre l'huissier instrumentaire qu'il ne s'agissait pas du domicile de l'intéressé ; ne disposant pas de son adresse, il lui appartenait de faire la recherche qu'il n'a faite qu'au stade de la délivrance de l'assignation pour découvrir que M. P... était gérant d'une SARL L'Etincelle ; une levée d'extrait du registre du commerce et des sociétés aurait alors permis de confirmer l'adresse personnelle du gérant ; au demeurant, un simple courrier envoyé à l'adresse de la société L'Etincelle aurait aussi suffi à informer M. P... de l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution ; la délivrance des actes à l'adresse du bien saisi, en connaissance du fait qu'il ne correspondait pas au domicile du débiteur, a fait grief à M. P... en ne lui permettant pas d'assurer sa défense devant le juge de l'exécution, ce qui le prive de tout moyen de contestation en cause d'appel en vertu de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution ; dans ces conditions, la Cour ne peut qu'annuler le commandement de saisie immobilière et, par suite, l'ensemble de la procédure subséquente, en ce compris le jugement attaqué ;

1) ALORS QUE la vérification par l'huissier que le nom du destinataire de l'acte figure bien sur une boîte aux lettres à l'adresse à laquelle il signifie l'acte est, en l'absence d'autres circonstances, suffisante à justifier de diligences pour vérifier l'adresse du destinataire ; qu'en retenant, pour annuler le commandement de saisie du 18 juin 2018 et les actes subséquents, que l'huissier ignorait l'adresse du débiteur et n'avait aucun motif de considérer que le bien saisi pouvait constituer son domicile quand il ressortait de ses propres constatations que l'acte de signification indiquait, s'agissant des modalités de sa remise, que le nom du débiteur figurait non seulement sur une boîte aux lettres mais également sur la porte de l'appartement et qu'il avait en outre été confirmé par le syndic, de sorte que le domicile du destinataire avait été confirmé et que l'huissier n'avait pas à effectuer d'autres diligences, la cour d'appel a violé les articles 655 et 656 du code de procédure civile ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE la nullité d'un acte pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver l'existence d'un grief en lien avec l'irrégularité invoquée ; qu'en retenant, pour prononcer l'annulation du commandement de payer, que l'irrégularité de la signification dudit commandement consistant en la délivrance à une adresse que l'huissier savait ne pas être celle de M. P..., avait causé un grief consistant en l'empêchement de M. P... d'assurer sa défense devant le juge de l'exécution quand cette irrégularité d'un simple acte préparatoire de la saisie immobilière préalable à l'assignation à une audience d'orientation ne pouvait être en lien avec l'absence de représentation de M. P... à l'audience d'orientation, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de grief en lien avec l'irrégularité qu'elle a constaté, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 114 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-22193
Date de la décision : 04/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SAISIE IMMOBILIERE - Procédure - Audience d'orientation - Contestations et demandes incidentes - Recevabilité - Conditions - Moment - Détermination - Portée

APPEL CIVIL - Effet dévolutif - Limites - Annulation du jugement d'orientation découlant de la nullité de l'acte introductif d'instance - Demande tendant à l'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière

En application de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, les contestations et demandes incidentes soulevées après l'audience d'orientation ne sont recevables que si elles portent sur des actes de la procédure de saisie immobilière postérieurs à cette audience ou si, nées de circonstances postérieures à celle-ci, elles sont de nature à interdire la poursuite de la saisie. Néanmoins, statuant en appel d'un jugement d'orientation, la cour d'appel est tenue d'examiner, au préalable, le moyen présenté par le débiteur saisi qui n'avait pas comparu à l'audience d'orientation, tendant à la nullité de l'assignation qui lui avait été délivrée pour cette audience. Il résulte de l'article 562 du code de procédure civile qu'en cas d'annulation du jugement d'orientation découlant de la nullité de l'acte introductif d'instance, la dévolution ne s'opère pas pour le tout, de sorte que la cour d'appel ne peut pas statuer sur une demande tendant à l'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière


Références :

article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution

article 562 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 04 juillet 2019

Sur l'obligation pour la cour d'appel qui rejette la contestation tendant à la nullité de l'assignation à l'audience d'orientation de relever, d'office, l'irrecevabilité de toutes les demandes formulées devant elle par le débiteur saisi, non comparant à l'audience d'orientation, à rapprocher :2e Civ., 10 février 2011, pourvois n° 10-11.944 et 10-11.946, Bull. 2011, II, n° 39 (cassation partielle sans renvoi ).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 mar. 2021, pourvoi n°19-22193, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.22193
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