LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 mars 2021
Cassation partielle sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 303 F-P
Pourvoi n° N 19-21.086
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021
La société CGI France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 19-21.086 contre le jugement rendu le 2 août 2019 par le tribunal d'instance de Courbevoie (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Fédération nationale du personnel de l'encadrement, de l'informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie (FIECI CFE CGC),
2°/ au Syndicat national de l'encadrement des sociétés de services informatiques (SNEPSSI CFE CGC),
ayant tous deux leur siège [...] ,
3°/ au syndicat SICSTI CFTC, dont le siège est [...] ,
4°/ à la Fédération communication conseil culture CFDT (F3C CFDT), dont le siège est [...] ,
5°/ au syndicat SPECIS-UNSA, dont le siège est [...] ,
6°/ au syndicat Confédération générale du travail - CGI (CGT - CGI), dont le siège est [...] ,
7°/ à la Direccte d'Ile-de-France, dont le siège est [...] ,
8°/ à M. E... N..., domicilié chez M. R... I..., [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société CGI France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Fédération nationale du personnel de l'encadrement, de l'informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie, du Syndicat national de l'encadrement des sociétés de services informatiques et de M. N..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du syndicat SICSTI CFTC, après débats en l'audience publique du 13 janvier 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Courbevoie, 2 août 2019), la société CGI France a fixé, suivant une décision unilatérale en date du 11 décembre 2018, à trois le nombre de ses établissements distincts.
2. Par décision du 5 mars 2019, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le Direccte) d'Ile-de-France a rejeté la contestation formée contre la décision unilatérale et a retenu un découpage identique à celui arrêté par cette dernière.
3. Les syndicats FIECI CFE CGC, SNEPPSI CFE CGC, SICSTI CFTC et M. N... ont formé un recours, le 21 mars 2019, contre la décision du Direccte d'Ile de France.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief au jugement de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action soulevée par la société, le syndicat CGT-CGI et la Fédération communication, conseil et culture (F3C CFDT), de déclarer recevable la contestation portant sur la décision du 5 mars 2019 rendue par la Direccte d'Ile-de-France sur le nombre et le périmètre des établissements distincts, de fixer à douze le nombre d'établissements distincts et de reconnaître la qualité d'établissement distinct aux unités d'affaires « Business Unit Business Consulting », « Business Unit CPG Retail et Manufacturing », « Business Unit Energy Utilities Telco et Media », « Business Unit Financial Services », « Business Unit Transportations – Public Sector et Human Ressource », « Business Unit Grand Est », « Business Unit Grand Ouest », « Business Unit Grand Sud », l'unité d'affaires « Business Unit Nord », « Business Unit France Global Delivery Center », « Business Unit I2CE » et à l'entité « Fonctions corporatives », alors « que lorsqu'il est saisi d'un recours contre la décision de l'autorité administrative fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts, le tribunal d'instance ne peut, s'il annule cette décision au motif que l'autorité administrative n'a pas été valablement saisie et ne pouvait en conséquence se prononcer sur le découpage de l'entreprise, statuer lui-même sur la question du nombre et du périmètre des établissements distincts ; que selon l'article R. 2313-1 du code du travail, seules les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise peuvent, dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle ils en ont été informés, contester devant la Direccte la décision unilatérale de l'employeur fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'en l'absence de contestation formée dans le délai de quinze jours par l'une de ces organisations syndicales, la décision unilatérale de l'employeur devient définitive ; qu'en conséquence, en cas de contestation formée par une section syndicale, dépourvue de la personnalité juridique, la Direccte n'est pas valablement saisi et doit rejeter cette contestation, sans pouvoir se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance a constaté que la Direccte d'Ile-de-France avait été saisie par trois sections syndicales dépourvues de la personnalité juridique, ce qui rendait sa saisine irrégulière ; qu'en considérant cependant qu'après avoir annulé la décision de la Direccte ayant fixé à trois le nombre d'établissements distincts, il devait statuer à nouveau par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative sur la question du nombre et du périmètre des établissements distincts, le tribunal d'instance a violé les articles R. 2313-1 et L. 2313-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2313-5, alinéas 1 et 3, et R. 2313-1, alinéa 3, du code du travail :
5. Aux termes du premier de ces textes, en cas de litige portant sur la décision de l'employeur prévue à l'article L. 2313-4 du code du travail, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État. La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.
6. Selon l'article R. 2313-1, alinéa 3, dudit code les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise ou, lorsque les négociations se sont déroulées conformément au premier alinéa de l'article L. 2313-3 le comité social et économique peuvent, dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle ils ont été informés, contester la décision de l'employeur devant le Direccte.
7. Pour fixer le nombre d'établissements distincts de la société et délimiter leur périmètre, le jugement retient que, la saisine du Direccte d'Ile-de-France par des sections syndicales, dépourvues de personnalité juridique, étant irrégulière, il convient d'annuler la décision de ce dernier et, dès lors, de statuer à nouveau par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative.
8. En statuant ainsi, alors que, lorsque le juge annule la décision du Direccte fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts de l'entreprise en raison de la saisine de celui-ci par des parties dépourvues de la personnalité juridique et, dès lors, du droit d'agir, il ne peut statuer, à nouveau, sur ce nombre et sur ce périmètre, par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative, le tribunal a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. La critique du moyen ne vise pas les chefs du dispositif rejetant la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action soulevée par la société et le syndicat CGT-CGI de la Fédération communication, conseil et culture (F3C CFDT), et déclarant recevable la contestation formée par les syndicats FIECI CFE CGC, SNEPPSI CFE CGC, SICSTI CFTC et M. N..., que la cassation prononcée ne permet pas d'atteindre.
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action soulevée par la société CGI France et le syndicat CGT-CGI de la Fédération communication, conseil et culture (F3C CFDT), déclare recevable la contestation formée par les syndicats FIECI CFE CGC, SNEPPSI CFE CGC, SICSTI CFTC et M. N... et annule la décision en date du 5 mars 2019 rendue par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, le jugement rendu le 2 août 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Courbevoie ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société CGI France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR rejeté la fin de nonrecevoir tirée de la forclusion de l'action soulevée par la SASU CGI France, le syndicat CGT-CGI et la Fédération Communication, conseil et culture (F3C CFDT), d'AVOIR déclaré recevable la contestation portant sur la décision du 05 mars 2019 rendue par la Direccte d'Ile-de-France sur le nombre et le périmètre des établissements distincts au sens du comité social et économique au sein de la SASU CGI France, d'AVOIR fixé à douze le nombre d'établissements distincts au sens du comité social et économique au sein de la société CGI France, d'AVOIR reconnu la qualité d'établissement distinct au sens de l'article L. 2313-4 du code du travail à l'unité d'affaires « Business Unit Business Consulting », l'unité d'affaires « Business Unit CPG Retail et Manufacturing », l'unité d'affaires « Business Unit Energy Utilities Telco et Media », l'unité d'affaires « Business Unit Financial Services », l'unité d'affaires « Business Unit Transportations – Public Sector et Human Ressource », l'unité d'affaires « Business Unit Grand Est », l'unité d'affaires « Business Unit Grand Ouest », l'unité d'affaires « Business Unit Grand Sud », l'unité d'affaires « Business Unit Nord », l'unité d'affaires « Business Unit France Global Delivery Center », l'unité d'affaires « Business Unit I2CE » et l'entité « Fonctions corporatives » et d'AVOIR condamné la société CGI payer à la fédération FIECI – CFE-CGC, au syndicat SICSTI CFTC, à la fédération F3C CFDT et au syndicat CGT - CGI la somme de 2.000 euros à chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Si la saisine de l'autorité administrative en vue de contester une décision unilatérale de l'employeur relative au nombre et au périmètre des établissements distincts n'est soumise à aucune forme particulière, il n'en demeure pas moins que la contestation d'une telle décision unilatérale doit nécessairement être formée devant l'autorité administrative par une personne ayant qualité et intérêt à agir.
La section syndicale, qui n'est qu'une émanation du syndicat, n'a pas la personnalité juridique. Elle ne peut prétendre de ce fait à la qualité d'organisation syndicale.
En l'espèce, il résulte de la lecture du courrier recommandé de contestation du 20 décembre 2018 adressé à la DIRECCTE d'Ile-de-France (reçu en date du 21 décembre 2018) que l'autorité administrative a été saisie par des sections syndicales, qui sont pourtant dépourvues de personnalité juridique et qui ne disposaient donc pas de la capacité pour former ce recours administratif, peu important que les personnes physiques, signataires du courrier de contestation, disposaient d'une autre qualité les habilitant, le cas échéant, ce qui n'est d'ailleurs pas démontré, à former le recours administratif au nom et pour le compte de leur organisation syndicale, le courrier de contestation litigieux n'y faisant pas référence.
En effet, ce courrier précise uniquement, en entête, à l'emplacement où est habituellement indiquée l'identité de l'expéditeur, «Section CFE-CGC de CGI, Section CFTC CGI et Section UNSA de CGI » et a été signé par Monsieur E... N... (Section CFE — CGC de CGI), Monsieur B... G... (Section CFTC CGI) et Monsieur L... Y... (Section UNSA de CGI).
Or, il résulte des dispositions de l'article R. 2313-1 du Code du travail que, s'agissant des organisations syndicales, seules les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise, et non les sections syndicales elles-mêmes, peuvent contester auprès de l'autorité administrative la décision unilatérale de l'employeur prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 2313-4 du Code du travail.
La DIRECCTE d'Ile-de-France, qui a été saisie par des sections syndicales, qui sont dépourvues de la personnalité juridique et qui ne justifient donc pas de la capacité juridique pour former le recours contentieux prévu par les dispositions de l'alinéa 3 de l'article R. 2313-4 du Code du travail, et qui a, à tort, qualifié, dans sa décision du 05 mars 2019, les sections syndicales requérantes d'organisations syndicales, n'a, en conséquence, pas été valablement saisie, cette saisine irrégulière devant conduire à l'annulation de la décision subséquente rendue par la DIRECCTE d'Ile-de-France en date du 05 mars 2019.
En conséquence, il convient d'annuler la décision en date du 05 mars 2019 rendue par la DIRECCTE d'Ile-de-France ayant fixé à trois le nombre des établissements distincts au sens du comité social et économique au sein de la SASU CGI France et, dès lors, de statuer, à nouveau, par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative, sur la question du nombre et du périmètre des établissements distincts au sens du comité social et économique au sein de la SASU CGI France » ;
ALORS QUE lorsqu'il est saisi d'un recours contre la décision de l'autorité administrative fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts, le tribunal d'instance ne peut, s'il annule cette décision au motif que l'autorité administrative n'a pas été valablement saisie et ne pouvait en conséquence se prononcer sur le découpage de l'entreprise, statuer lui-même sur la question du nombre et du périmètre des établissements distincts ; que selon l'article R. 2313-1 du code du travail, seules les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise peuvent, dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle ils en ont été informés, contester devant la Direccte la décision unilatérale de l'employeur fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'en l'absence de contestation formée dans le délai de 15 jours par l'une de ces organisations syndicales, la décision unilatérale de l'employeur devient définitive ; qu'en conséquence, en cas de contestation formée par une section syndicale, dépourvue de la personnalité juridique, la Direccte n'est pas valablement saisi et doit rejeter cette contestation, sans pouvoir se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance a constaté que la Direccte d'Ile-de-France avait été saisie par trois sections syndicales dépourvues de la personnalité juridique, ce qui rendait sa saisine irrégulière ; qu'en considérant cependant qu'après avoir annulé la décision de la Direccte ayant fixé à trois le nombre d'établissements distincts, il devait statuer à nouveau par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative sur la question du nombre et du périmètre des établissements distincts, le tribunal d'instance a violé les articles R. 2313-1 et L. 2313-5 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIREIl est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR fixé à douze le nombre d'établissements distincts au sens du comité social et économique au sein de la société CGI France, d'AVOIR reconnu la qualité d'établissements distincts au sens de l'article L. 2313-4 du code du travail à l'unité d'affaires « Business Unit Business Consulting », l'unité d'affaires « Business Unit CPG Retail et Manufacturing », l'unité d'affaires « Business Unit Energy Utilities Telco et Media », l'unité d'affaires « Business Unit Financial Services », l'unité d'affaires « Business Unit Transportations – Public Sector et Human Ressource », l'unité d'affaires « Business Unit Grand Est », l'unité d'affaires « Business Unit Grand Ouest », l'unité d'affaires « Business Unit Grand Sud », l'unité d'affaires « Business Unit Nord », l'unité d'affaires « Business Unit France Global Delivery Center », l'unité d'affaires « Business Unit 12 CE » et l'entité « Fonctions corporatives » et d'AVOIR condamné la société CGI payer à la fédération FIECI – CFE-CGC, au syndicat SICSTI CFTC, à la fédération F3C CFDT et au syndicat CGT - CGI la somme de 2.000 euros à chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Caractérise au sens de l'article L. 2313-4 du Code du travail un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service.
Selon l'article L. 2313-4 du Code du travail, l'existence d'un établissement distinct au sein duquel doit être créé un comité social et économique d'établissement s'apprécie au regard de « l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ». Cette autonomie de gestion doit seulement être suffisante, dans plusieurs de ses aspects (gestion du personnel et gestion de l'activité économique), compte tenu de l'objectif poursuivi, qui est de permettre au responsable d'établissement de présider utilement ce comité, c'est-à -dire l'informer, le consulter et engager un dialogue utile avec ses membres, sans impliquer une indépendance totale de l'établissement par rapport à la structure centrale d'entreprise.
Cette autonomie doit s'apprécier, non pas en appréhendant de manière isolée chaque prérogative et attribution du responsable d'établissement, mais en prenant en compte dans leur ensemble ces prérogatives et attributions, et en portant ainsi une appréciation globale pour déterminer si, prises dans leur ensemble, elles caractérisent un degré suffisant d'autonomie.
La détermination de l'autonomie suffisante pour la reconnaissance de l'établissement distinct au sens de la mise en place d'un comité social et économique d'établissement doit prendre en compte la fusion au sein des comités sociaux et économiques des attributions et prérogatives de représentation anciennement dévolues aux comités d'entreprise, aux délégués du personnel et aux comités d'hygiène et de sécurité, et de l'impératif que les conditions de fonctionnement du comité social et économique permettent une prise en compte effective de l'intérêt des salariés, notamment ceux exerçant leur activité hors de l'entreprise ou dans des unités dispersées.
En l'espèce, la SASU CGI France compte un effectif supérieur à 10.000 salariés. Le siège social de cette entreprise se situe dans le [...]. La SASU CGI France exerce son activité sur vingt-deux sites géographiques répartis dans toute la France. L'entreprise est composée, en sus des directions fonctionnelles qui se situent au siège social de l'entreprise (telles que la Direction des ressources humaines, la Direction des finances, la Direction juridique, la Direction des opérations, etc...) et qui sont chacune supervisées par un vice-président, de plusieurs unités d'affaires (dites Business Unit ou BU), qui sont actuellement au nombre de onze et qui sont chacune dirigées par un « B U Leader » assisté de quatre vice-présidents.
Les requérants démontrent que les onze unités d'affaires (dites Business Unit ou BU) et l'entité «Fonctions corporatives» constituent chacune des établissements distincts au sens de l'article L. 2313-4 du Code du travail, en ce qu'elles présentent une autonomie suffisante tant en ce qui concerne la gestion du personnel que l'exécution du service compte tenu des prérogatives et attributions dévolues aux responsables de chacune de ces entités appréciées dans leur ensemble.
A titre préalable, la SASU CGI France reconnaît elle-même, dans plusieurs documents internes produits aux débats, qu'elle est organisée, et ce de manière ancienne et durable (procès-verbal du comité central d'entreprise du 27 septembre 2018: « X... A... affirme que l'existence d'unités d'affaires différentes ne constitue pas une nouveauté pour l'entreprise »), selon un modèle « décentralisé de proximité » (document intitulé « Organisation, Gouvernante et Ajustements / Organisation / Principes Fondamentaux », document intitulé « CGI Update » et délégations de pouvoirs consenties aux responsables des unités d'affaires notamment). Il doit être relevé que, si la SASU CGI France invoque le caractère évolutif de ses unités d'affaires, il apparaît qu'entre 2013 et 2019, le nombre de ses unités d'affaires est passé de dix entités à douze entités, ce qui n'établit pas l'instabilité de son organisation qu'elle qualifie elle-même comme étant décentralisée. Il ressort, en outre, de la lecture du préambule des délégations de pouvoirs consenties aux responsables des unités d'affaires produites aux débats que « l'importance des effectifs de CGI France, la diversité de ses domaines d'activité et l'implantation géographique décentralisée des différentes entités qui la composent, conduisent le délégant à déléguer une partie de ses pouvoirs au délégataire », que « la présente délégation s'appuie, d'une part, sur l'expérience, sur la compétence et sur l'autonomie dont dispose le délégataire dans l'exercice de ses fonctions et, d'autre part, sur les besoins de l'organisation et les modalités de fonctionnement de CGI France », que « le délégataire reconnaît qu'en raison de sa formation, de son expérience professionnelle, des pouvoirs qui lui sont confiés et de l'autorité qui en découle, il est en mesure d'assumer personnellement et avec l'autonomie suffisante chacune des missions expressément visées et détaillées dans la présente délégation de pouvoirs » et que « dans l'exercice de ses fonctions, le délégataire bénéficie du support de la Direction financière, de la Direction juridique, de la direction des ressources humaines chaque fois qu'elles sont sollicitées expressément par le délégataire investi des pouvoirs précités ». Ces délégations de pouvoirs ainsi consenties aux responsables des unités d'affaires couvrent un champ très élargi, dès lors qu'elles portent à la fois sur la gestion opérationnelle de l'unité d'affaires et l'organisation interne de ladite unité et qu'elles offrent au délégataire une autonomie dans la gestion du budget alloué annuellement à l'unité d'affaires dont il a la charge et dans l'organisation interne de son unité, notamment en matière de gestion de son personnel et en matière d'exécution du service. Le rappel dans ces délégations de pouvoirs que le responsable de l'unité d'affaires peut voir, en cas de non-respect de la réglementation applicable, sa responsabilité personnelle mise en cause, confirme qu'il dispose d'une large autonomie, tant en matière de gestion du personnel qu'en matière d'exécution du service.
En matière de gestion du personnel, il est justifié que les responsables de chacune des unités d'affaires et de l'entité « Fonctions corporatives » disposent de prérogatives et d'attributions caractérisant une autonomie suffisante de chacune de ces entités au sens de l'article L. 2313-4 du Code du travail, dès lors qu'ils disposent d'une autonomie élargie en matière de recrutement, de gestion des carrières des collaborateurs dont ils ont la charge, de rémunération, de pouvoir disciplinaire et de gestion courante des ressources humaines. La circonstance que la politique en matière de gestion du personnel soit harmonisée au niveau de l'entreprise, par le biais de l'application d'un cadre et de procédures unifiées décidés par la Direction, de la mise en place de documents-types et de l'intervention de services directement rattachés à la Direction chargés de s'assurer localement de l'application du cadre édicté par cette dernière, ne remet pas en cause l'autonomie suffisante dont disposent les responsables de ces entités en matière de gestion du personnel.
Le document interne de la SASU CGI France « recrutement /principes/ approche et responsabilité du recrutement» précise ainsi expressément que le recrutement «incombe directement aux vice-présidents et aux directeurs responsables de la relation client et de la prestation de services », que « l'entrevue, la sélection et l'embauche ne peuvent pas être déléguées, imparties ni confiées à des agences de recrutement », qu'au «sein des unités d'affaires « BU » axées sur la proximité avec les clients, le recrutement incombe aux vice-présidents et aux directeurs qui sont responsables [...] de la gestion des membres à l'échelle locale » et que « dans les centres de prestations de services, les vice-présidents, les directeurs et les chefs de service chargés de la prestation de services sont responsables du recrutement et de la gestion des membres de leur équipe ». Il ressort également de la lecture des trois offres d'emploi diffusées par la SASU CGI France concernant des postes de directeur / Business Manager que les responsables des unités d'affaires ont pour fonctions et responsabilités de gérer les collaborateurs qu'ils supervisent, d'assurer la gestion de carrière de ces collaborateurs, notamment en matière d'évaluation, d'affectation, d'évolution et de formation, et de recruter les nouveaux collaborateurs. En vertu des délégations de pouvoirs consenties aux responsables des unités d'affaires de la SASU CGI France, ces derniers disposent, en matière de gestion du personnel, ainsi du pouvoir d'assurer et de faire assurer au sein de la Business Unit dont ils ont la charge et sur les équipes rattachées à celle-ci et qu'ils encadrent, le respect des textes applicables en matière de durée du travail, d'heures supplémentaires, de travail dominical, de harcèlement, de stress au travail et de discrimination notamment, de gérer les salariés de leur unité d'affaires, de participer au recrutement du personnel travaillant sous leur autorité, de participer au suivi de carrière des collaborateurs affectés à leur Business Unit, de proposer à la Direction des ressources humaines de la SASU CGI France une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement en cas de manquement de l'un des salariés de leur Business Unit, de négocier et signer les éventuelles transactions conclues avec les salariés de leur Business Unit, de faire dispenser au personnel de leur Business Unité les formations qui s'avéreraient nécessaires pour l'accomplissement de leur mission. En vertu de ces délégations de pouvoirs, les responsables des unités d'affaires disposent d'une autonomie dans l'organisation interne de la Business Unit dont ils ont la charge, étant expressément indiqué que le délégataire est habilité à « prendre toutes les mesures d'organisation qu'il jugera nécessaires concernant les missions dont il est responsable » et qu'il bénéficie « du support des départements juridiques, finances, et ressources humaines de CGI ».
S'agissant plus particulièrement du recrutement, si lesdites délégations de pouvoirs indiquent que « la Direction des ressources humaines de CGI France est chargée de procéder à l'ensemble des entretiens d'embauche, à la rédaction des contrats de travail », il résulte de la lecture du document «Ressources humaines» annexé à ces délégations que le pouvoir de décision en matière de mouvement du personnel (embauche, promotion, transfert, départ autre que démission), à l'exception des nominations aux postes de responsables des unités d'affaires ou sous-unités d'affaires, appartient aux responsables des unités d'affaires. Le fait que certains recrutements doivent être validés par la Direction de l'entreprise ne remet para cause l'autonomie des unités d'affaires en matière de recrutement du personnel, dès lors que les salariés pour lesquels le recrutement suppose cette validation ne représentent qu'une très faible partie de l'effectif total_ de l'entreprise et qu'il s'agit des recrutements des salariés à hautes responsabilités égales ou supérieures au coefficient 190 ou des salariés rattachés aux services support de l'entreprise. En outre, il est justifié que les responsables des Business Unit établissent, pour la Business Unit dont ils ont la charge, le budget annuel, lequel inclut les recrutements ainsi que les augmentations (documents intitulés « Global Operations » pour l'année 2019, qui sont établis par chacune des Business Unit), ce qui témoigne encore d'une autonomie suffisante de ces unités d'affaires en matière de recrutement de leur personnel.
La politique de rémunération des salariés (augmentation du fixe, variable) est ainsi différenciée selon les Business Unit et les coefficients, tel que cela ressort de la lecture de la synthèse du rapport du Cabinet SEXTANT Expertise pour l'année 2016. Ces différences confirment que les responsables des unités d'affaires disposent d'une autonomie suffisante en matière de rémunération. Si le principe du versement et le mode de calcul des primes exceptionnelles dites « plan participation profit » allouées sous forme d'enveloppe globale aux unités d'affaires, dès lors que la Business Unit a atteint les résultats fixés, obéissent à des règles identiques édictées au niveau de l'entreprise, il apparaît que le montant de ces primes peut varier d'une unité d'affaires à une autre mais également d'un salarié à un autre, notamment en fonction de l'appréciation des responsables de la Business Unit (document interne de la SASU CGI France intitulé « Plan Participation Profit (PPP) », qui précise le mode de calcul de ces primes en indiquant expressément que « ce mode de calcul n'exclut pas la prise en compte d'ajustements relevant de la responsabilité managériale » et procès-verbal du comité central d'entreprise du 20 novembre 2018). Le courriel du 11 juin 2018 de la Direction de l'entreprise confirme que cette dernière valide uniquement le principe et le montant global des primes exceptionnelles allouées à chacune des unités d'affaires, la répartition de ces primes entre les salariés de la Business Unité étant ensuite décidée par les responsables desdites unités.
Les responsables de chacune des Business Unit disposent également d'une large autonomie en matière de gestion de carrière des salariés rattachés à leur unité d'affaires, notamment en matière d'évaluation (document interne de la SASU CGI France intitulé « calendrier RH : Management de la performance » dont il ressort que les entretiens annuels et intermédiaires sont menés par les responsables de la Business Unit et document interne de la SASU CGI France intitulé « Performance et planifications de carrière / Processus / Cadre de gestion du partenariat membre »), de mutation ou de formation (courriel du 05 août 2016 d'un responsable d'une unité d'affaires au Directeur des ressources humaines l'informant de la mutation d'un salarié et procès-verbal du comité central d'entreprise du 20 novembre 2018 dont il ressort que les propositions de formation offertes aux salariés sont disparates d'une unité d'affaires à une autre, ce qui témoigne de l'autonomie de ces entités en matière de formation du personnel). Les responsables des unités d'affaires disposent également d'un pouvoir disciplinaire à l'encontre des salariés dont ils ont la charge. Ils ont ainsi le pouvoir de prononcer des sanctions disciplinaires et de mettre en oeuvre les procédures de licenciement. En effet, si la Direction des ressources humaines de l'entreprise intervient, dans ce cadre, notamment pour s'assurer du respect de la législation en vigueur et pour la rédaction des courriers et documents inhérents à ces procédures, cette intervention n'est pas de nature à remettre en cause l'autonomie dont disposent les responsables des unités d'affaires dans l'exercice du pouvoir disciplinaire à l'égard des salariés dont ils ont la charge : à ce titre, les courriers de notification d'avertissement, les courtiers de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, les courriers de licenciement, le courrier adressé à l'Inspection du travail en vue d'autoriser le licenciement d'un salarié titulaire de mandats de représentant du personnel, qui sont produits aux débats, sont signés par des responsables d'unités d'affaires. En outre, les délégations de pouvoirs consenties aux responsables des unités d'affaires précisent que le délégataire a notamment pour missions de proposer à la Direction des ressources humaines de la SASU CGI France une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement et qu'il arrêtera avec la Direction des ressources humaines la sanction éventuelle, les responsables des unités d'affaires étant donc investi d'un rôle actif et d'un pouvoir décisionnel, notamment dans le choix de la sanction à prononcer en concertation avec la Direction des ressources humaines, dans le cadre des procédures disciplinaires engagées à l'encontre de salariés dont ils ont la charge. Ils sont également, en vertu desdites délégations de pouvoirs, habilités à décider, négocier et signer avec un salarié une rupture conventionnelle.
Les requérants démontrent, par la production de divers courriers et documents signés par des responsables de Business Unit, que chacune des unités d'affaires dispose d'une autonomie élargie en matière de gestion courante du personnel : ainsi, les responsables des unités d'affaires signent les contrats de travail, les attestations de travail et les renouvellements de période d'essai, la validation des demandes de congés, de report de congés et des notes de frais et la gestion des heures de délégation des représentants du personnel sont traitées au niveau de chacune des unités d'affaires et les responsables des unités d'affaires ont le pouvoir d'accorder les autorisations de télétravail aux salariés rattachés à l'unité d'affaires dont ils ont la charge (conditions de passage en télétravail fixées par l'accord d'entreprise sur la mise en place du télétravail à domicile et fiche télétravail signée par un responsable d'unités d'affaires).
Les réunions des comités d'établissement sont présidées par des responsables d'unités d'affaires, qui sont, dans le cadre des élections des instances représentatives du personnel, assimilés à l'employeur (protocole d'accord préélectoral des dernières élections professionnelles et projet de protocole d'accord préélectoral en vue de la mise en place du comité social et économique), ce qui témoigne encore qu'ils disposent d'un pouvoir de direction et de contrôle à l'égard des salariés dont ils ont la charge et qu'ils sont en capacité d'informer, consulter et engager un dialogue utile avec les représentants du personnel (procès-verbal de la réunion ordinaire du comité d'établissement CGI Grand Ouest du 23 novembre 2018, procès-verbal de la réunion ordinaire du comité d'établissement CGI Grand Est du 18 décembre 2018, ordre du jour de la réunion du comité d'établissement FGDC du 15 février 2019 notamment). La circonstance que les responsables des unités d'affaires soient assistés, dans le cadre de ces réunions des comités d'établissement, par un membre d'un service directement rattaché à la Direction de l'entreprise n'est pas de nature à remettre en cause l'autonomie suffisante dont ils disposent pour présider ces comités.
En matière d'exécution du service, il est également démontré que les unités d'affaires disposent également d'une autonomie suffisante au sens des dispositions de l'article L. 2313-4 du Code du travail. Dans le cadre d'un document interne intitulé « CGI Update », la SASU CGI France présente elle-même ses unités d'affaires comme étant autonomes et disposant d'une grande flexibilité pour gérer le secteur économique et géographique dont elles ont la charge, ce document précisant que le responsable de l'unité d'affaires est habilité à gérer l'entreprise tout en étant responsable de son succès. Le document interne intitulé « Organisation / Gouvernante et Ajustements / Organisation / Principes fondamentaux », qui indique expressément que les unités d'affaires sont responsables de la relation client dans leur marché métropolitain et que « toutes les unités d'affaires sont des centres de profit, responsables de leurs résultats », pose le principe de l'autonomie et de la pleine responsabilité des unités d'affaires dans la direction de leurs activités conformément aux Assises de gestion. La définition des objectifs et des stratégies économiques et commerciales au niveau de l'entreprise, tout comme l'intervention de services rattachés à la Direction, comme la Direction juridique, la Direction des achats ou la Direction administrative et financière, auprès des unités d'affaires en qualité de support et le fait que les unités d'affaires ne soient pas responsables de la gestion de leurs locaux ne font aucunement obstacle à une autonomie certaine laissée aux unités d'affaires notamment dans l'organisation et la mise en oeuvre des moyens humains et matériels pour diriger le secteur économique et géographique qui leur est confié. En vertu des délégations de pouvoirs qui leur sont consenties, les responsables des unités d'affaires sont ainsi habilités à « proposer des offres commerciales sur le marché relatif à la Business Unit, assurer la réalisation des prestations correspondantes confiées par les clients de la Business Unit en y allouant les moyens adéquats, en particulier le personnel, évaluer les besoins en personnel et en moyens nécessaires à l'accomplissement desdites prestations, gérer les budgets, établir les documents prévisionnels liés au fonctionnement de la Business Unit [
], préparer l'ensemble de la documentation administrative et financière permettant le suivi du fonctionnement de sa Business Unit [...], négocier et signer les contrats (en ce compris les contrats commerciaux, tels que les contrats fournisseurs, les contrats avec les prestataires de service et les contrats avec les sous-traitants), assurer leur suivi, leur conservation et les éventuels conflits y afférents, sous réserve d'avoir respecté l'ensemble des règles et processus d'approbation prévus au sein du Groupe CGI et dans les limites et conditions fixées dans l'OMF, et superviser les vérifications à faire pour s'assurer de l'obtention de tout certificat et démarches nécessaires à toute procédure de certification dans le cadre de l'exercice de certains métiers », les missions ainsi dévolues aux responsables des unités d'affaires confirmant que celles-ci disposent d'une autonomie élargie dans l'exécution de leur service.
En matière budgétaire, les délégations de pouvoirs consenties aux responsables des Business Unit confirment que « le délégataire est autonome dans l'utilisation des moyens financiers qui lui sont alloués pour la conduite de sa Business Unit dans les limites fixées par les règles internes et notamment l'OMF », ce qui caractérise un degré d'autonomie suffisant en matière de gestion budgétaire. Ils élaborent ainsi les documents budgétaires de leur unité d'affaires (document intitulé «Processus annuel de planification stratégique ») et sont autonomes dans la gestion du budget qui est alloué à la Business Unit. La circonstance que les plans annuels budgétaires de chacune des unités d'affaires soient, après leur élaboration par les responsables de chacune des unités d'affaires, révisés par la Direction de l'entreprise ne remet pas en cause l'autonomie dont disposent les responsables de ces unités tant dans leur élaboration que dans la gestion du budget annuel alloué à leur unité. Les responsables des unités d'affaires sont également tenus de présenter les résultats économiques et sociaux de leur unité d'affaires (documents intitulés « Global Operations »), étant observé que les résultats de la SASU CGI France sont présentés par unités d'affaires.
Dans le cadre de l'activité économique des unités d'affaires, il ressort de la lecture du document interne de la SASU CGI France intitulé « Niveaux d'approbation des ententes avec les clients » que les responsables des unités d'affaires sont ainsi habilités à signer seuls des contrats d'une valeur maximale d'un million d'euros et que la signature des contrats d'un montant supérieur requiert la double approbation de la Direction et du responsable de la Business Unit, qui dispose donc, même pour ces contrats d'un montant très important, d'un pouvoir décisionnel partagé.
En outre, les instances représentatives du personnel au sein de la SASU CGI France sont actuellement les suivantes : un comité central d'entreprise, quatre comités d'établissement, dix-sept instances de délégués du personnel, dix-neuf instances CHSCT.
Pour rappel, la SASU CGI France compte un nombre très important de salariés (plus de 10.000), qui sont affectés sur vingt-deux sites géographiques répartis sur le territoire national.
Compte tenu des instances représentatives du personnel actuelles, du nombre important de salariés et de l'éloignement géographique de certains sites, la mise en place d'un comité social et économique unique au niveau de l'entreprise, comme le sollicite la SASU CGI France, aurait pour conséquence une importante perte de proximité entre les salariés et leurs représentants, qui serait nécessairement préjudiciable aux salariés.
L'ensemble des éléments précités, qui mettent en évidence une autonomie suffisante des douze entités composant la SASU CGI France, notamment en matière de gestion du personnel et d'exécution du service, ainsi que la prise en compte effective des intérêts des salariés, en particulier quant à la nécessité de maintenir une représentation de proximité (anciennement dévolue aux délégués du personnel) et quant aux prérogatives en matière de santé et de sécurité anciennement dévolues au CHSCT, justifient de reconnaître à chacune des unités d'affaires et à l'entité «Fonctions corporatives » la qualité d'établissement distinct au sens du comité social et économique.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer à douze le nombre d'établissements distincts au sens du comité social et économique au sein de la SASU CGI France et de reconnaître la qualité d'établissement distinct au sens de l'article L. 2313-4 du Code du travail à :
- l'unité d'affaires « Business Unit Business Consulting »,
- l'unité d'affaires « Business Unit CPG Retail et Manufacturing »,
- l'unité d'affaires « Business Unit Energy Utilities Telco et Media »,
- l'unité d'affaires «Business Unit Financial Services »,
- l'unité d'affaires « Business Unit Transportations — Public Sector et Human Ressource »,
- l'unité d'affaires « Business Unit Grand Est »,
— l'unité d'affaires «Business Unit Grand Ouest »,
— l'unité d'affaires « Business Unit Grand Sud »,
- l'unité d'affaires «Business Unit Nord »,
l'unité d'affaires « Business Unit France Global Delivery Center »,
l'unité d'affaires «Business Unit 12CE »
- et l'entité « Fonctions corporatives ».
1. ALORS QUE selon l'article L. 2313-4 du code du travail, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place du comité social et économique sont fixés au regard du seul critère de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement ; que la loi n'a posé aucune exigence de proximité de l'instance élue avec les salariés, de sorte que ni l'importance des effectifs dans l'entreprise, ni l'éloignement des différents sites de l'entreprise, ni le nombre et la configuration des anciennes instances représentatives du personnel ne doivent être pris en compte pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'en affirmant qu'il convenait, pour apprécier le degré d'autonomie des responsables d'établissement, de tenir compte de la fusion, au sein des comités sociaux et économique, des attributions anciennement dévolues aux comités d'entreprise, aux délégués du personnel et aux CHSCT et de l'impératif que les conditions de fonctionnement du comité permettent une prise en compte effective de l'intérêt des salariés, notamment ceux exerçant leur activité hors de l'entreprise ou dans des unités dispersées et en appréciant en conséquence l'autonomie des responsables des unités d'affaires de la société CGI, en considération de la nécessité de « maintenir une représentation de proximité », compte tenu de l'effectif de l'entreprise supérieur à 10.000 salariés, de l'existence de 22 sites géographiques répartis sur le territoire national et de la configuration des instances représentatives du personnel antérieures, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;
2. ALORS QUE l'établissement distinct au sens du comité social et économique est celui qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service pour que les principales missions et le fonctionnement normal du comité puissent être assurés à ce niveau ; que lorsqu'il appréhende le degré d'autonomie d'un établissement, le juge doit tenir compte de l'ensemble des mentions de la délégation de pouvoirs consentie à son responsable et en particulier des clauses qui limitent ses pouvoirs ou soumettent ses actes de gestion à une validation de la direction centrale ; qu'en se focalisant, en l'espèce, pour apprécier l'autonomie des unités d'affaires, sur la définition générale, dans le préambule des délégations de pouvoirs des responsables d'unité d'affaires, du champ couvert par ces délégations de pouvoirs, sans tenir compte de l'ensemble des autres clauses de ces délégations de pouvoirs et de son annexe (le document intitulé « Operations Management Framework »), qui limitent de manière importante, dans le domaine de l'exécution du service, comme dans le domaine de la gestion du personnel, les possibilités d'engagement des responsables d'unités d'affaires, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;
3. ALORS QUE l'établissement distinct, cadre d'implantation du comité social et économique, est celui qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service pour que les principales missions et le fonctionnement normal du comité puissent être assurés à ce niveau ; que l'autonomie de gestion doit être appréciée au regard des pouvoirs effectivement dévolus au responsable de l'établissement et concrètement exercés par ce dernier ; qu'en l'espèce, la société CGI avait produit aux débats de nombreux courriers électroniques échangés entre le Président de la société ou la Direction des ressources humaines et les responsables d'unités d'affaires qui faisaient apparaître notamment que le Président validait les budgets de recrutement octroyés aux différentes unités d'affaires et pouvait décider d'arrêter tout recrutement en cours d'année en fonction des résultats observés (pièces n° 11 et 12), que tout recrutement d'un collaborateur sur un poste d'un coefficient égal ou supérieur à 190 et d'un personnel fonctionnel était soumise au Président, qui appréciait le profil de l'intéressé et le besoin du recrutement étayé par le responsable de l'unité d'affaires concernée (pièces n° 21, 23, 24, 28, 29 et pièces n° 32 et 34), que les changements de situation individuelle (promotions : pièces n° 40, 42, 43 ; augmentations de salaires : pièces n° 45, 46 ; octroi de primes : pièces n° 49 bis) étaient également décidés par le Président ou bien encore que la Direction centrale fixe le cadre budgétaire de chaque unité d'affaires (pièce n° 69) et pouvait refuser de valider les prévisionnels proposés par les responsables d'unités d'affaires (pièce n° 81) ; qu'en se fondant sur les seuls documents internes de présentation générale de l'organisation de l'entreprise et sur les délégations de pouvoirs générales consenties aux responsables d'unités d'affaires, pour retenir que les responsables d'unités d'affaires disposent d'une autonomie élargie en matière de gestion du personnel, sans confronter les mentions de ces documents avec les échanges de courriers électroniques par lesquels le Président de la société et la Direction des ressources humaines interviennent quotidiennement dans la gestion du personnel des différentes unités d'affaires, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-4 du code du travail ;
4. ALORS QUE pour permettre l'implantation durable d'un comité social et économique en son sein, l'établissement distinct doit présenter une certaine stabilité, de sorte que le juge doit s'assurer que le responsable d'établissement dispose d'une autonomie de gestion, en matière économique et sociale sur un périmètre relativement stable ; qu'en l'espèce, la société CGI soutenait que les unités d'affaires ou business units, qui n'ont jamais été retenues jusqu'alors comme cadre d'implantation des instances représentatives du personnel, ne présentaient pas une stabilité suffisante pour y implanter un comité social et économique d'établissement appelé à exercer ses fonctions pendant quatre années, dans la mesure où le nombre et le périmètre de ces unités d'affaires variaient au gré du développement de l'activité de l'entreprise ; qu'elle démontrait que, depuis les dernières élections des comités d'établissement, en 2014, trois unités d'affaires avaient disparu et quatre nouvelles unités d'affaires avaient été créées et que toutes les autres unités d'affaires avaient évolué dans leur périmètre, au point qu'environ un quart de l'effectif de l'entreprise (2.263 salariés) était passé d'une unité d'affaires à une autre ; qu'en retenant que la seule augmentation du nombre des unités d'affaires de dix à douze entre 2013 et 2019 n'établit pas une instabilité de l'organisation dès lors que la société CGI France est organisée de manière durable en unités d'affaires, sans rechercher si au-delà du nombre d'unités d'affaires, leur configuration n'évolue pas fréquemment au point qu'elles ne présentent pas la stabilité suffisante pour permettre la mise en place durable d'un comité social et économique en leur sein, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-4 du code du travail.