LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 février 2021
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 172 F-P
Pourvoi n° K 19-22.234
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2021
La société Comptoir des revêtements, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-22.234 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre), dans le litige l'opposant à la société Cabinet Y..., société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Comptoir des revêtements, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Cabinet Y..., après débats en l'audience publique du 5 janvier 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 juin 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 5 juillet 2017, pourvoi n° 16-22.878), par contrat du 23 août 2012, la société Comptoir des revêtements (la société) a confié à la société Cabinet Y... (le cabinet Y...) une mission d'analyse de la tarification du risque accident du travail de l'entreprise, de suivi en temps réel des accidents du travail, d'assistance dans les relations avec l'administration, de réalisation des démarches, de rédaction de réclamations et de recherche d'éventuelles erreurs.
2. A la suite d'un différend entre les parties, le cabinet Y... a assigné la société en paiement de ses honoraires puis, invoquant la nullité du contrat, a sollicité une certaine somme au titre de la restitution en valeur des prestations réalisées.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme au cabinet Y..., alors :
« 1°/ que l'obligation sur une cause illicite ne pouvant avoir aucun effet, le prestataire ne peut prétendre à un paiement à titre de restitution en valeur de la prestation effectuée en cas d'annulation d'un contrat illicite comme ayant été conclu au mépris des règles impératives d'exercice de la profession d'avocat ; qu'en condamnant la société à payer à la société cabinet Y... la somme de 25 355,95 euros, à raison de ce que la règle nemo auditur faisait uniquement obstacle à la restitution de contrats annulés pour cause d'immoralité et non lorsque le contrat est simplement illicite, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ qu'en cas d'annulation d'un contrat de prestations de services, la créance de restitution en valeur est égale, non pas au prix convenu dans le contrat annulé, mais à la valeur réelle des prestations fournies, qu'il appartient au juge de déterminer ; qu'en condamnant la société à payer à la société cabinet Y... la somme de 25 355,95 euros, en considération du coût moyen des prestations sur la base du taux de marge nette globale d'un exercice, tandis qu'il lui appartenait d'évaluer la valeur réelle de la prestation, la cour d'appel a violé les articles 1131, 1133 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que dans le cas d'un contrat illicite comme ayant été conclu au mépris des règles impératives d'exercice de la profession d'avocat, la restitution en valeur de la prestation effectuée peut être sollicitée par l'avocat.
5. Après avoir constaté la nullité du contrat du 23 août 2012 en raison de son illicéité, l'arrêt énonce, à bon droit, que la répétition des prestations peut être réclamée.
6. Ayant, ensuite, retenu que la demande en paiement formée par le cabinet Y... ne correspondait pas au prix des prestations fournies, la cour d'appel a souverainement estimé la valeur de celles-ci.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Comptoir des revêtements aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Comptoir des revêtements
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné la société Comptoir des revêtements à payer à la société Cabinet Saint Laurent la somme de 25 355,95 euros ;
AUX MOTIFS QUE la société Cabinet Saint Laurent sollicite la restitution en valeur des prestations exécutées ; que pour s'opposer à la demande de la société Cabinet Saint Laurent, la société Comptoir des Revêtements fait valoir en premier lieu que la nullité du contrat résulte du comportement fautif de la société Comptoir des Revêtements, ce qui fait selon elle à toute restitution de la part de la victime de l'illicéité en vertu de la règle "Nemo auditur propriam turpitudinem allegans" ; qu'il est de jurisprudence constante que la règle "Nemo auditur", fait uniquement obstacle à la restitution de contrats annulés pour cause d'immoralité ; que lorsque le contrat est simplement illicite, comme c'est le cas en l'espèce, la répétition des prestations peut être réclamée ; que la demande de la société Comptoir des Revêtements est bien fondée en son principe ; que pour arrêter son montant à la somme de 25.355,95 euros, la société Comptoir des Revêtements considère que le coût moyen de ses prestations s'établit à 94,9 % de leur prix ; qu'elle se fonde pour ce faire sur les comptes annuels de l'année 2013 qui révèlent un taux de marge nette de 5,1 % ; que la société Comptoir des Revêtements ne conteste pas le taux de marge nette de 5,1 % mais réplique que la société Cabinet Saint Laurent ne démontre pas en quoi la marge nette globale sur l'exercice 2013 correspond à la marge nette effectivement réalisée à la prestation fournie pour son compte ; mais que l'individualisation du coût de la prestation litigieuse s'avérant impossible, l'approche globale de la société Cabinet Saint Laurent sur la base de chiffres non contestés, est suffisante pour déterminer le coût moyen de ses prestations ; que son calcul étant validé par la cour, il sera fait droit à la demande en paiement de la société Cabinet Saint Laurent à hauteur de la somme de 25 355,95 euros ;
1°) ALORS QUE l'obligation sur une cause illicite ne pouvant avoir aucun effet, le prestataire ne peut prétendre à un paiement à titre de restitution en valeur de la prestation effectuée en cas d'annulation d'un contrat illicite comme ayant été conclu au mépris des règles impératives d'exercice de la profession d'avocat ; qu'en condamnant la société Comptoir des revêtements à payer à la société Cabinet Saint Laurent la somme de 25 355,95 euros, à raison de ce que la règle nemo auditur faisait uniquement obstacle à la restitution de contrats annulés pour cause d'immoralité et non lorsque le contrat est simplement illicite, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en cas d'annulation d'un contrat de prestations de services, la créance de restitution en valeur est égale, non pas au prix convenu dans le contrat annulé, mais à la valeur réelle des prestations fournies, qu'il appartient au juge de déterminer ; qu'en condamnant la société Comptoir des revêtements à payer à la société Cabinet Saint Laurent la somme de 25 355,95 euros, en considération du coût moyen des prestations sur la base du taux de marge nette globale d'un exercice, tandis qu'il lui appartenait d'évaluer la valeur réelle de la prestation, la cour d'appel a violé les articles 1131, 1133 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.