LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 février 2021
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 247 FS-P
Pourvoi n° Y 18-24.243
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 FÉVRIER 2021
La société Pharmacie des archives, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 18-24.243 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à M. Q... T..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Pharmacie des archives, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. T..., et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 janvier 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Prieur, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2018), M. T... a été engagé à compter du 21 novembre 2009 par la société Pharmacie des archives en qualité de pharmacien. La relation de travail était régie par la convention collective nationale de la pharmacie d'officine du 3 décembre 1997. Les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail le 3 juillet 2012.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme au titre des dimanches travaillés, alors « que l'article 13 relatif à la durée du travail de la convention collective nationale de la pharmacie d'officine prévoit que "pour les pharmacies demeurant ouvertes au public, tout travail effectué après 20 h bénéficiera d'une majoration horaire de 20 % pour les heures comprises entre 20 heures et 22 heures entre 5 h et 8 heures et de 40 % pour les heures comprises entre 22 heures et 5 heures. Tout salarié appelé à travailler à l'officine un dimanche de garde bénéficiera d'un repos compensateur d'égale durée à prendre, en accord avec l'employeur, dans la semaine qui précède ou qui suit", étant précisé qu'aux termes de l'article L. 5125-22 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable en la cause "Un service de garde est organisé pour répondre aux besoins du public en dehors des jours d'ouverture généralement pratiqués par les officines dans une zone déterminée. Un service d'urgence est organisé pour répondre aux demandes urgentes en dehors des heures d'ouverture généralement pratiquées par ces officines" ; qu'il résulte des termes clairs et précis de l'article 13 de la convention collective susvisé que celui-ci ne prévoit donc un repos compensateur, lequel a pour objet d'éviter que le salarié effectue dans la même semaine une semaine travaillé et un service de garde, que si le salarié est appelé à travailler à l'officine un dimanche de garde et non pas si la pharmacie bénéficie d'une dérogation permanente pour ouvrir tous les dimanches et que le repos hebdomadaire est alors accordé par roulement ; qu'en énonçant cependant que la convention collective ne distingue pas les dimanches travaillés selon que la pharmacie est ouverte tous les dimanches ou qu'elle n'est ouverte que pour assurer un service de garde, la mention "dimanche de garde" dans le texte précité n'emportant pas la distinction qu'invoque la société Pharmacie des archives, la cour d'appel a violé l'article 13 de ladite convention collective, ensemble l'article L. 5125-22 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 13 de la convention collective nationale de la pharmacie d'officine du 3 décembre 1997 :
4. Aux termes de ce texte, tout salarié appelé à travailler à l'officine un dimanche de garde bénéficiera d'un repos compensateur d'égale durée à prendre, en accord avec l'employeur, dans la semaine qui précède ou qui suit. Il en résulte que ce repos destiné à compenser la privation du repos hebdomadaire et le surcroît de travail effectué par le salarié du fait d'une demande ponctuelle de son employeur visant à ce qu'il travaille un jour habituellement non travaillé à raison d'un service de garde le dimanche, ne bénéficie pas au salarié lorsque l'officine ouvre habituellement le dimanche.
5. Pour condamner l'employeur au paiement d'une somme au titre des dimanches travaillés, l'arrêt retient que le salarié est bien fondé dans son principe à réclamer l'application des dispositions de la convention collective relativement aux dimanches travaillés et aux jours fériés travaillés au motif que la convention collective ne distingue pas les dimanches travaillés selon que la pharmacie est ouverte tous les dimanches ou qu'elle n'est ouverte que pour assurer un service de garde, que la mention « dimanche de garde » dans ce texte n'emporte pas la distinction qu'invoque l'employeur.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquence de la cassation
7. La cassation prononcée ne s'étend pas aux chefs du dispositif relatifs à la condamnation de l'employeur aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile justifiée par les condamnations prononcées par ailleurs.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Pharmacie des archives à payer à M. T... les sommes de 16 373,37 euros au titre des dimanches travaillés et de 1 637,33 euros au titre des congés payés afférents aux dimanches travaillés, l'arrêt rendu le 11 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. T... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Pharmacie des archives
IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Pharmacie des Archives à payer à M. T... les sommes de 16.373,37 € au titre des dimanches travaillés et de 1.637,33 € au titre des congés payés afférents aux dimanches travaillés,
AU MOTIF QUE M. T... sollicite les sommes de 17.458,51 € à titre de rappel de salaire pour les dimanches travaillés et de 1.745,85 € au titre des congés payés afférents, de 3.045,90 € à titre de rappel de salaire pour les jours fériés travaillés et de 304,58 € au titre des congés payés afférents. Il fait valoir, à l'appui de ces demandes qu'il a travaillé les jours fériés et les dimanches sans bénéficier du repos compensateur prévu par les dispositions conventionnelles. La société Pharmacie des Archives s'oppose à cette demande et fait valoir, à l'appui de sa contestation que le travail du dimanche au sein de la pharmacie ne constituait pas pour M. T... un travail exceptionnel, mais bien un travail habituel pour lequel la règle consiste à accorder le repos hebdomadaire dominical par roulement, ainsi que le prévoit l'article L. 3132-12 du code du Travail ; selon la société, en effet, la pharmacie était ouverte tous les dimanches sans qu'il ne s'agisse de dimanche de garde et, du fait qu'elle est en zone touristique, bénéficie d'une dérogation permanente ; ainsi M. T... travaillait un dimanche sur deux, et bénéficiait bien d'un repos hebdomadaire dominical, un dimanche sur deux ; elle ajoute que M. T..., contrairement à ce qu'il indique, n'a pas travaillé les dimanches 26 décembre 2010, 30 janvier 2011, 7 août 2011 et 3 juin 2012 comme cela ressort tant du récapitulatif du chiffre d'affaires vendeur que des plannings (pièces n° 4 et 1 employeur et 11 salarié) en sorte que la cour devra réduire les prétentions de M. T... à de plus justes proportions. La convention collective applicable dispose en son article 13 :
« Tout salarié appelé â travailler à l'officine un dimanche de garde bénéficiera d'un repos compensateur d'égale durée à prendre, en accord avec l'employeur, dans la semaine qui précède ou qui suit.
En cas de travail à l'officine un jour férié autre que le 1er mai, le salarié bénéficiera également d'un repos compensateur de même durée dont les modalités seront définies d'un commun accord entre l'employeur et le salarié ».
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que M. T... est bien fondé dans son principe à réclamer l'application des dispositions de la convention collective relativement aux dimanches travaillés et aux jours fériés travaillés au motif que la convention collective ne distingue pas les dimanches travaillés selon que la pharmacie est ouverte tous les dimanches ou qu'elle n'est ouverte que pour assurer un service de garde, la mention « dimanche de garde » dans le texte précité n'emportant pas la distinction qu'invoque la société Pharmacie des Archives. En ce qui concerne le quantum des demandes, la société Pharmacie des Archives est bien fondée à s'opposer au paiement relatif aux dimanches travaillés les 26 décembre 2010, 30 janvier 2011, 7 août 2011 et 3 juin 2012 au motif que le planning produit par le salarié (pièce n° 11 salarié) corroboré par le récapitulatif du chiffre d'affaires vendeur et le planning produits par la société Pharmacie des Archives (pièces n° 4 et 1 employeur) établit que M. T... n'était pas de service ces dimanches là. Dans ces conditions, le décompte produit par M. T... dans ses conclusions (pages 21 et 22) doit être corrigé comme suit : 20.504,41 € (total des salaires perçus pour les dimanches travaillés et les jours fériés travaillés) - 1.085,16 € et la cour retient que M. T... est bien fondé dans ses prétentions à hauteur de 19.419,25 € dont 16.373,37 € au titre des dimanches travaillés et 3.045,88 € au titre des jours fériés travaillés, et à hauteur de 1.637,33 € au titre des congés payés afférents aux dimanches travaillés et 304,58 € au titre des congés payés afférents aux jours fériés travaillés. Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Pharmacie des Archives à payer à M. T... la somme de 3.045,88 € au titre des jours fériés travaillés. Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté M. T... de ses demandes relatives aux dimanches travaillés, et, statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, la cour condamne la société Pharmacie des Archives à payer à M. T... les sommes de 16.373,37 € au titre des dimanches travaillés, de 1.637,33 € au titre des congés payés afférents aux dimanches travaillés et de 304,58 € au titre des congés payés afférents aux jours fériés travaillés.
- ALORS QUE D'UNE PART aux termes de l'article L. 3132-12 du code du travail, certains établissements dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement ; qu'en l'espèce, la société la Pharmacie des Archives avait démontré qu'elle se trouvait dans une zone touristique et bénéficiait d'une dérogation permanente de droit pour ouvrir tous les dimanches conformément aux dispositions de l'article R. 3135-2 du code du travail ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait sans rechercher comme elle y était expressément invitée par la société exposante (notamment p 10 et 11 de ses conclusions) et comme l'avait d'ailleurs relevé le conseil de Prud'hommes s'il ne ressortait pas des pièces produites que le planning de travail de M. T... comportait sa présence au travail une semaine sur deux le dimanche par roulement, ce dont il résultait que ce mode d'organisation ne privait pas M. T..., qui ne travaillait donc pas à titre exceptionnel le dimanche, de son repos hebdomadaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 3132-12, L. 3132-20 du code du travail et R. 3132-5 et suivants du même code ;
- ALORS QUE D'AUTRE PART et en tout état de cause l'article 13 relatif à la durée du travail de la convention collective nationale de la pharmacie d'officine prévoit que « pour les pharmacies demeurant ouvertes au public, tout travail effectué après 20 h bénéficiera d'une majoration horaire de 20 % pour les heures comprises entre 20 heures et 22 heures entre 5 h et 8 heures et de 40 % pour les heures comprises entre 22 heures et 5 heures. Tout salarié appelé à travailler à l'officine un dimanche de garde bénéficiera d'un repos compensateur d'égale durée à prendre, en accord avec l'employeur, dans la semaine qui précède ou qui suit », étant précisé qu'aux termes de l'article L. 5125-22 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable en la cause « Un service de garde est organisé pour répondre aux besoins du public en dehors des jours d'ouverture généralement pratiqués par les officines dans une zone déterminée. Un service d'urgence est organisé pour répondre aux demandes urgentes en dehors des heures d'ouverture généralement pratiquées par ces officines » ; qu'il résulte des termes clairs et précis de l'article 13 de la convention collective susvisé que celui-ci ne prévoit donc un repos compensateur, lequel a pour objet d'éviter que la salarié effectue dans la même semaine une semaine travaillé et un service de garde, que si le salarié est appelé à travailler à l'officine un dimanche de garde et non pas si la pharmacie bénéficie d'une dérogation permanente pour ouvrir tous les dimanches et que le repos hebdomadaire est alors accordé par roulement ; qu'en énonçant cependant que la convention collective ne distingue pas les dimanches travaillés selon que la pharmacie est ouverte tous les dimanches ou qu'elle n'est ouverte que pour assurer un service de garde, la mention « dimanche de garde » dans le texte précité n'emportant pas la distinction qu'invoque la société Pharmacie des Archives, la cour d'appel a violé l'article 13 de ladite convention collective, ensemble l'article L. 5125-22 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable.