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10/02/2021 | FRANCE | N°19-18903

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 février 2021, 19-18903


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 février 2021

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 197 FS-D

Pourvoi n° Q 19-18.903

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 FÉVRIER 2021

La société Réseau de transport d'électricité, société anonyme, dont le siège est

[...] , a formé le pourvoi n° Q 19-18.903 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2019 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'oppos...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 février 2021

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 197 FS-D

Pourvoi n° Q 19-18.903

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 FÉVRIER 2021

La société Réseau de transport d'électricité, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-18.903 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2019 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. I... A..., domicilié [...] ,

2°/ au syndicat CGT des Mines et de l'énergie de Loire-Atlantique, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Réseau de transport d'électricité, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. A... et du syndicat CGT des Mines et de l'énergie de Loire-Atlantique, et l'avis de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Richard, Le Lay, Mariette, M. Barincou, conseillers, M. Le Corre, Mmes Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 juin 2019), rendu en référé, M. A..., salarié de la société Réseau de transport d'électricité, a participé à des mouvements de grève qui ont donné lieu à l'envoi par l'employeur d'une lettre le 12 septembre 2016 suivie d'un avertissement notifié le 1er février 2018.

2. Il a saisi le juge des référés de la juridiction prud'homale afin de contester ces mesures.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du syndicat, de dire que les sanctions disciplinaires infligées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 par la société à M. A... constituent un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser et d'ordonner en conséquence à la société de retirer les sanctions disciplinaires infligées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 à M. A..., de le condamner à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts et au même titre, une somme de 500 euros au syndicat, alors :

« 2°/ que subsidiairement, la formation de référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'il n'y a pas de trouble manifestement illicite dès lors que la solution du litige est subordonnée à la qualification préalable d'un courrier dont le destinataire prétend qu'il est constitutif d'une sanction disciplinaire ; que le salarié prétendait que le courrier du 12 septembre 2016 était constitutif d'une sanction tandis que la société RTE avait fait valoir qu'il s'agissait d'une simple lettre de rappel de la réglementation en vigueur ; qu'en retenant l'existence d'un trouble manifestement illicite après avoir tranché une question de fond relative à la qualification du courrier précité, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-6 du code du travail et 809 du code de procédure civile.

3°/ que subsidiairement, constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que des observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; qu'une lettre de rappel de la réglementation applicable à l'accès à un local électrique réglementé, sans incidence sur la situation du salarié dans l'entreprise et qui ne figure pas dans son dossier disciplinaire, ne constitue pas une sanction disciplinaire ; qu'en disant que la lettre de rappel du 12 septembre 2016 devait être qualifiée de sanction disciplinaire, la cour d'appel a violé L. 1331-1 du code du travail.

4°/ que subsidiairement, une sanction ne peut être prononcée que par l'employeur ou par un délégataire disposant du pouvoir et de l'autorité nécessaire ; qu'en disant que la lettre de rappel du 12 septembre 2016 devait être qualifiée de sanction disciplinaire, peu important que son signataire n'ait pas eu le pouvoir de prononcer une telle sanction, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail.

5°/ que la déclaration individuelle d'intention dont le salarié a respecté les termes doit être prise en considération pour retenir sa qualité de gréviste ; que la cour d'appel a constaté, s'agissant des événements survenus le 14 décembre 2017, que le salarié avait badgé normalement à 9 heures 45 alors qu'il avait déclaré deux heures de grève de 7 heures 45 à 9 heures 45 ; qu'en retenant qu'il devait être considéré comme gréviste, sans constater que l'intrusion dans les locaux électriques intervenue le 14 décembre 2017 avait eu lieu pendant la période au cours de laquelle le salarié s'était déclaré gréviste, la cour d'appel a violé les articles L. 2511-1, L. 2512-1 et L. 2512-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Tout d'abord, il appartient au juge des référés, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue toute sanction prononcée à l'encontre d'un salarié gréviste auquel une faute lourde ne peut être reprochée.

6. Ensuite, ayant relevé que la lettre du 12 septembre 2016 rappelait la présence non autorisée et fautive à plusieurs reprises du salarié dans le local électrique, l'invitant de manière impérative à respecter les règles régissant l'accès à un tel local et que l'employeur se référait à cet écrit dans l'avertissement ultérieurement prononcé, la cour d'appel en a exactement déduit que cette lettre, qui stigmatisait le comportement du salarié considéré comme fautif, constituait une sanction disciplinaire.

7. Par ailleurs, la cour d'appel a constaté, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que le salarié avait, le 14 décembre 2017, cessé le travail pour participer à un mouvement concerté de cessation du travail et se trouvait parmi les salariés grévistes, ce dont il résultait que le salarié avait la qualité de gréviste.

8. Enfin, ayant constaté que les sanctions des 12 septembre 2016 et 1er février 2018 reprochaient au salarié une présence non autorisée dans les locaux à l'exception de tout autre grief, en sorte qu'il ne pouvait lui être imputé une faute lourde, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elles constituaient un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser.

9. Le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Réseau de transport d'électricité aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Réseau de transport d'électricité et la condamne à payer à M. A... et au syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique la somme globale de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Réseau de transport d'électricité

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable l'action du syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique, dit que les sanctions disciplinaires infligées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 par la société RTE à M. A... constituent un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser et d'avoir ordonné en conséquence à la société RTE de retirer les sanctions disciplinaires infligées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 à M. A..., dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt ; d'avoir condamné la société RTE à verser à M. A... la somme de 1 000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts et au même titre, une somme de 500 euros au syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique, les mêmes sommes bénéficiant aux mêmes parties en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE [
] ; le présent litige portant sur la nullité de sanctions disciplinaires résultant de l'exercice par les salariés de leur droit de grève, infligées à l'un de ses représentants, le syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique justifie d'un intérêt à agir, lequel peut d'autant moins être contesté que ledit syndicat est à l'initiative des mouvements de grève auxquels M. A... a participé ;
Que son intervention doit donc être déclarée recevable ;
Que les appelants soutiennent que les faits reprochés à M. A... relèvent de l'exercice normal de son droit de grève et de ses mandats de représentants du personnel et qu'ils ne constituent en outre pas des fautes lourdes, de sorte que les deux sanctions prononcées sur ce seul motif encourent la nullité et doivent être retirées ;
Que la société RTE prétend qu'en demandant le retrait des sanctions, M. A... sollicite en réalité l'annulation de la lettre de rappel à la règle et de l'avertissement, ce que la formation de référé ne peut faire puisqu'elle ne dispose pas du pouvoir de trancher le fond du litige ; qu'elle fait valoir que le salarié n'est pas fondé à se prévaloir de la violation d'une quelconque règle de droit, laquelle caractériserait un trouble manifestement illicite ; qu'en outre aucune urgence ne peut être caractérisée puisque le salarié a attendu près de deux ans pour contester le courrier de rappel à la règle et six mois pour contester l'avertissement ;
Que la saisine du juge des référés en vue de faire cesser un trouble manifestement illicite n'est pas soumise aux conditions d'urgence ni d'absence de contestation sérieuse ;

Que selon les articles L.1132-2 et L.1132-4 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de l'exercice normal du droit de grève et tout acte pris en méconnaissance de cette disposition est nul ;
Que seule une faute lourde peut justifier une sanction disciplinaire à l'encontre d'un salarié gréviste ; que la faute lourde est la faute d'une exceptionnelle gravité et commise avec l'intention de nuire à l'employeur, qui a pour effet de désorganiser l'entreprise ou d'empêcher les salariés non-grévistes d'accomplir leur travail ;
Qu'elle suppose la participation personnelle du salarié aux faits illicites qui lui sont reprochés ;
Que sur la qualité de gréviste du salarié, M. A... fait valoir qu'il a pris part aux mouvements de grève qui ont conduit les salariés grévistes à occuper des postes électriques le 17 mai 2016, le 24 mai 2016 et le 14 décembre 2017 ; que quand bien même il ne se serait pas déclaré comme gréviste, il bénéficie d'une convention de gestion lui permettant de consacrer 100 % de son temps de travail à l'exercice de ses mandats de représentant du personnel, ce qui fait de lui un permanent ;
Que la société RTE considère que le 14 décembre 2017 M. A... n'était plus déclaré comme gréviste à partir de 9 heures 45 ; que selon l'extraction du logiciel de temps, il a déclaré ce jour là deux heures de grève entre 7 heures 45 et 9 heures 45 puis a effectué ses horaires normaux de travail à compter de 9 heures 45 ;
Qu'en l'espèce, il est acquis que des mouvements de grève avec occupations de sites ont eu lieu au sein de l'entreprise durant les mois de mai et juin 2016 ; que le 27 octobre 2017, la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT a déposé un préavis de grève portant sur la période du 6 novembre 2017 au 31 décembre 2017 et que le syndicat CGT a appelé les salariés à faire grève le jeudi 14 décembre 2017 ;
Qu'il ressort en outre des constatations des huissiers requis par la société RTE pour se rendre sur les sites occupés afin de procéder à des constatations, que M. A... se trouvait parmi les salariés grévistes et qu'il a participé aux mouvements de grève avec intrusion dans des locaux électriques - le 17 mai 2016 à Cordemais (Loire-Atlantique), le 14 décembre 2017 à Cordemais - ce que l'intéressé ne remet pas en cause ;
Que le simple fait qu'il ait cessé le travail de façon concertée, fut-ce pour une durée limitée, suffit à établir qu'il était gréviste ; qu'il apparaît au surplus, selon les bulletins de paie des mois de juin 2016 et janvier 2018, que l'employeur a opéré une retenue sur salaire pour absence ;
Que dans ces conditions, le salarié doit être considéré comme gréviste, peu important qu'il se soit ou pas déclaré comme tel, qu'il ait badgé normalement à compter de 9 h 45 le 14 décembre 2017 et qu'il ait agi ou pas dans le cadre de son mandat de représentant syndical ;

Qu'il convient ensuite d'examiner pour chacun des événements ayant donné lieu à notification à M. A... d'un courrier, lettre de rappel à la règle ou avertissement, si les faits reprochés sont constitutifs d'une faute lourde ;
Que s'agissant de la lettre de rappel à la règle du 12 septembre 2016, le courrier ayant pour objet « Lettre de rappel à la règle » adressé par la société RTE le 12 septembre 2016 à M. A... est ainsi rédigé :
« Votre présence a été constatée :
1. à l'intérieur du poste de Cordemais le 17 mai 2016 et ce alors que l'ouverture des 2 départs à 400 kV Louisfert 2 et Galoreaux a été réalisée, entraînant la mise en défaut de la protection différentielle de barres de 400 kV et l'envoi par le CNES d'un message A' d'atteinte à la sûreté,
2. à l'intérieur du poste de Joli Mai le 24 mai 2016 et ce alors que l'ouverture du départ à 63 kV Chabossière a été réalisée, entraînant la coupure de 20 MW sur Nantes, Orvault et Saint Herblain.
Nous vous rappelons, par la présente, que l'accès à un local électrique est strictement réglementé et nécessite une autorisation préalable du chargé d'exploitation.
Tel n'était pas votre cas.
La prise en local entraîne la perte d'observabilité de l'installation par le chargé de conduite empêchant la bonne exécution de son activité.
L'ouverture non maîtrisée d'un «départ» relève d'un mode dégradé pour le pilotage du réseau de nature à porter atteinte à la sécurité d'alimentation électrique.
Je considère ces règles comme essentielles et vous invite, à l'avenir, à les respecter scrupuleusement » ;
Que M. A... soutient que cette lettre constitue une sanction disciplinaire puisqu'elle énonce des reproches à l'égard de son comportement ;
Qu'il considère qu'elle est illicite, la sanction disciplinaire n'ayant pas été prévue dans le règlement intérieur et ne figurant pas dans le statut national du personnel ;
Que la société RTE réplique que l'objet de la lettre était strictement limité au rappel de la réglementation en vigueur en matière d'accès à un local électrique et ne visait pas à stigmatiser un comportement jugé fautif ; que l'employeur n'a pas manifesté la volonté de sanctionner M. A... ; que le courrier, qui n'a pas été intégré au dossier disciplinaire du salarié, n'a pas eu de répercussion sur sa présence dans l'entreprise ; que de surcroît le signataire de la lettre n'était pas titulaire du pouvoir de notifier une sanction disciplinaire ; que la lettre de rappel à la règle du 12 septembre 2016 ne peut s'analyser en une sanction disciplinaire ;
Que l'article L.1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ;

Que dans le courrier du 12 septembre 2016, l'employeur constate que M. A... n'est pas titulaire d'une autorisation du chargé d'exploitation lui permettant d'accéder au local électrique dans lequel il a pénétré et l'invite de manière impérative à respecter les règles régissant l'accès à un tel local ;
Que l'employeur ne peut soutenir sans contradiction que ce courrier, qui rappelle la présence non autorisée et donc fautive de M. A..., à deux reprises, dans des locaux électriques strictement réglementés, ne constitue qu'une simple lettre de rappel à la règle et qu'elle n'a pas été versée à son dossier disciplinaire, alors qu'il y fait expressément référence dans l'avertissement qui sera ensuite notifié au salarié le 1er février 2018 ;
Qu'il en découle que cette lettre avait bien pour objet de stigmatiser un comportement regardé comme fautif et qui constituait un précédent dans le cadre du dossier disciplinaire du salarié ;
Que la lettre du 12 septembre 2016 qui sanctionne un comportement fautif doit être assimilée à une sanction disciplinaire, peu important comme le fait valoir l'employeur que le signataire n'avait pas le pouvoir de prononcer une sanction disciplinaire, dès lors qu'en pratique tel a été le cas, l'employeur regardant en outre cette lettre comme un précédent ;
Qu'or les faits sanctionnés qui s'inscrivent dans le cadre d'un mouvement de grève auquel le salarié a pris part, ne peuvent être considérés comme constitutifs d'une faute lourde ;
Qu'en effet, il ne résulte pas des constatations opérées par les huissiers qui se sont déplacés sur les sites occupés le 17 mai 2016 et le 24 mai 2016, que M. A... a personnellement pris part aux actions de coupure d'électricité ou à d'autres actes illicites ;
Qu'en toute hypothèse, le courrier litigieux n'évoque pas d'autre fait fautif que la présence non autorisée dans les locaux ;
Qu'enfin, le salarié ayant commis les faits reprochés dans le cadre d'un mouvement de grève, il ne pouvait en être tiré aucune conséquence à son encontre dès lors que la faute lourde n'était pas caractérisée ;
Que la sanction est donc injustifiée et sa nullité doit être retenue en application des articles L.1132-2 et L.1132-4 du code du travail ;
Que s'agissant de l'avertissement du 1er février 2018, il est ainsi rédigé :
« Au regard du courrier de rappel à la règle en date du 12 septembre 2016, et conformément à l'entretien que vous avez eu le 1er février 2018 avec M. C... N..., j'ai décidé de vous infliger l'une des sanctions prévues à l'article 6 du Statut National : « avertissement » à dater du 1er février 2018 pour les motifs suivants :
Présence non autorisée au poste de Cordemais le 14 décembre 2017 » ;
Que M. A... soutient que cet avertissement est illicite en ce qu'il sanctionne l'occupation des locaux de l'entreprise alors qu'un tel acte relève de l'exercice normal de son droit de grève ; que le comportement sanctionné, qui ne constitue pas une faute lourde, ne peut pas faire l'objet d'une sanction disciplinaire ; qu'une sanction disciplinaire prise en raison de faits tirés de l'exercice de mandats représentatifs encourt la nullité ;

Que la société RTE rétorque que l'avertissement sanctionne une présence non autorisée dans un lieu spécifique soumis à une réglementation particulière et non une simple occupation des locaux ; que le salarié n'a pas jugé utile de contester cet avertissement en usant de la procédure rappelée dans le courrier lui notifiant la sanction ;
Que la cour observe que la lettre d'avertissement énonce clairement que le motif justifiant la notification de la sanction est la « présence non autorisée au poste de Cordemais le 14 décembre 2017 » ;
Qu'aucun autre motif n'est invoqué ;
Que la seule présence non autorisée dans le poste de Cordemais ne constitue pas une faute lourde, seule susceptible de justifier une sanction disciplinaire en cas de grève, dès lors qu'il n'est pas établi que le salarié a commis un acte avec l'intention de nuire à l'employeur ou qu'il a entravé la liberté du travail des autres salariés ;
Que l'avertissement est donc injustifié et sa nullité doit être retenue ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que ces mesures qui sanctionnent des faits qui ne peuvent être qualifiés de faute lourde ne répondent pas aux exigences de l'article L.1132-2 du code du travail selon lequel aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de l'exercice normal du droit de grève ;
Que de surcroît, le prononcé d'une sanction injustifiée à l'encontre d'un salarié titulaire d'un mandat de représentation du personnel est de nature à porter atteinte à l'exercice de ce mandat Que M. A... est ainsi bien fondé à se prévaloir de la violation des dispositions précitées du code du travail, laquelle caractérise un trouble manifestement illicite qui, nonobstant l'existence d'une contestation sérieuse, autorise la formation de référé à ordonner à la société RTE de retirer les sanctions disciplinaires infligées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 à M. A... dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision ;
Que la société RTE sera en outre condamnée à verser à M. A... la somme de 1 000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

1) ALORS QUE le juge des référés n'est pas compétent pour prononcer la nullité d'une sanction et en ordonner le retrait ; qu'en ordonnant le retrait de la lettre de rappel du 12 septembre 2016 et de l'avertissement du 1er février 2018, après avoir dit que le premier courrier devait être considéré comme une sanction disciplinaire, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles R.1455-6 du code du travail et 809 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE subsidiairement, la formation de référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'il n'y a pas de trouble manifestement illicite dès lors que la solution du litige est subordonnée à la qualification préalable d'un courrier dont le destinataire prétend qu'il est constitutif d'une sanction disciplinaire; que le salarié prétendait que le courrier du 12 septembre 2016 était constitutif d'une sanction tandis que la société RTE avait fait valoir qu'il s'agissait d'une simple lettre de rappel de la réglementation en vigueur ; qu'en retenant l'existence d'un trouble manifestement illicite après avoir tranché une question de fond relative à la qualification du courrier précité, la cour d'appel a violé les articles R.1455-6 du code du travail et 809 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE subsidiairement, constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que des observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; qu'une lettre de rappel de la réglementation applicable à l'accès à un local électrique réglementé, sans incidence sur la situation du salarié dans l'entreprise et qui ne figure pas dans son dossier disciplinaire, ne constitue pas une sanction disciplinaire ; qu'en disant que la lettre de rappel du 12 septembre 2016 devait être qualifiée de sanction disciplinaire, la cour d'appel a violé L.1331-1 du code du travail ;

4) ALORS QUE subsidiairement, une sanction ne peut être prononcée que par l'employeur ou par un délégataire disposant du pouvoir et de l'autorité nécessaire ; qu'en disant que la lettre de rappel du 12 septembre 2016 devait être qualifiée de sanction disciplinaire, peu important que son signataire n'ait pas eu le pouvoir de prononcer une telle sanction, la cour d'appel a violé L.1331-1 du code du travail ;

5) ALORS QUE la déclaration individuelle d'intention dont le salarié a respecté les termes doit être prise en considération pour retenir sa qualité de gréviste ; que la cour d'appel a constaté, s'agissant des événements survenus le 14 décembre 2017, que le salarié avait badgé normalement à 9h45 alors qu'il avait déclaré deux heures de grève de 7h45 à 9h45 ; qu'en retenant qu'il devait être considéré comme gréviste, sans constater que l'intrusion dans les locaux électriques intervenue le 14 décembre 2017 avait eu lieu pendant la période au cours de laquelle le salarié s'était déclaré gréviste, la cour d'appel a violé les articles L.2511-1, L.2512-1 et L.2512-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-18903
Date de la décision : 10/02/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 fév. 2021, pourvoi n°19-18903


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.18903
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