LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 janvier 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 88 F-P+I
Pourvoi n° U 19-25.853
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Centre Val de Loire, dont le siège est place du général de Gaulle, 45955 Orléans cedex 9, a formé le pourvoi n° U 19-25.853 contre le jugement rendu le 17 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Créteil (pôle social), dans le litige l'opposant à M. B... D..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Centre Val de Loire, de la SCP Marc Lévis, avocat de M. D..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Créteil, 17 octobre 2019), rendu en dernier ressort, l'URSSAF du Centre Val de Loire (l'URSSAF) a, le 15 décembre 2017, adressé à M. D... (le cotisant), un appel de la cotisation subsidiaire maladie due, pour l'année 2016, au titre de la protection universelle maladie (la PUMA).
2. Le cotisant a saisi d'un recours un tribunal de grande instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief au jugement d'accueillir ce recours, alors « que l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dispose que la cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée ; qu'en l'espèce, les dispositions du décret du 3 mai 2017 pris en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale étaient nécessairement applicables à la date de l'appel de cotisation dont avait fait l'objet le cotisant en décembre 2017 au titre de la cotisation subsidiaire maladie due pour l'année 2016 ; que le cotisant avait donc, à cette date, connaissance des conditions intégrales d'application de la protection universelle maladie ; qu'en se plaçant en 2016 pour décider du contraire, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les articles L. 380-2, R. 380-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 du code civil, L. 380-2, D. 380-1, D. 380-2 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, les trois derniers, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-979 du 9 juillet 2016 :
4. Selon le deuxième de ces textes, les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle dont les conditions d'assujettissement, les modalités de détermination de l'assiette et le taux sont fixés par les trois derniers.
5. Pour dire que l'URSSAF ne peut réclamer la cotisation litigieuse et annuler l'appel de cotisations y afférent, le jugement relève en substance que l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne peut être lu et interprété que par référence à l'application des articles 7 et 8 du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 qui constituent ou modifient profondément les articles R. 380-3 à R. 380-6 et R. 380-9 du code de la sécurité sociale. Il retient que ces textes sont essentiels à l'application des dispositions de l'article L. 380-2 du même code et qu'en 2016, il n'était pas possible à l'assuré d'avoir connaissance des conditions intégrales d'application de la PUMA.
6. En statuant ainsi, alors que les textes susvisés étaient applicables à la cotisation appelée en 2017 au titre de l'assujettissement à la PUMA pour l'année 2016, le tribunal a violé ces derniers.
Et sur le même moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. L'URSSAF fait le même grief au jugement, alors « qu'il n'y a pas de nullité sans texte ; qu'aucun texte n'a prévu que le délai prévu par l'article R. 380-2 du code de la sécurité sociale pour appeler la cotisation était prescrit à peine de nullité ; qu'en jugeant qu'à défaut d'avoir appelé la cotisation subsidiaire maladie avant l'échéance du terme prévu par ces dispositions, l'appel de cotisation effectué le 15 décembre 2017 par l'URSSAF devait être annulé, le tribunal a violé les articles L. 380-2, D. 380-2, R. 380-4 du code de la sécurité sociale, dans leurs versions applicables au litige, et le principe pas de nullité sans texte. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse :
8. Selon ce texte, la cotisation assise sur les revenus non professionnels mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.
9. Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par ce texte a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible.
10. Pour annuler l'appel de cotisations litigieux, le jugement retient qu'il résulte des dispositions de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale que cette cotisation doit être appelée au plus tard le dernier jour ouvré de novembre, que passé ce délai, l'URSSAF n'est plus recevable à appeler la cotisation en cause, que le fait que l'organisme dispose d'un délai de trois ans pour recouvrer les cotisations n'implique pas qu'il puisse s'abstenir de respecter d'autres délais, notamment, celui de procéder à l'appel et au recouvrement des cotisations et qu'en l'espèce, l'URSSAF n'a pas appelé la cotisation litigieuse avant l'échéance du terme dont elle disposait.
11. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 octobre 2019, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Créteil ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Créteil ;
Condamne M. D... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF Centre Val de Loire
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir fait droit à l'ensemble des demandes présentées par B... D..., d'avoir dit que l'URSSAF Centre Val de Loire ne pouvait lui réclamer la cotisation subsidiaire maladie, d'avoir annulé par suite l'appel de cotisations contesté et d'avoir condamné l'URSSAF Centre Val de Loire au paiement des entiers dépens de l'instance et de la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que « sur l'appel tardif de la cotisation 2016 l'article R380-4 du code de la sécurité sociale dispose que la cotisation mentionnée à l'article L380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due ; en l'espèce, l'appel réalisé en 2017 au titre de l'année 2017, a été fait auprès de B... D... par courrier en date du 15 décembre 2017 ; il résulte cependant clairement des dispositions de l'article R380-4 du code de la sécurité sociale que l'appel de cotisation de la CSM due au titre de l'année 2016 devait intervenir impérativement avant jeudi 30 novembre 2017 ; les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile ne s'appliquent qu'aux actes judiciaires et non pas aux actes extra-judiciaires comme l'est en l'espèce l'appel a cotisations contesté ; le pouvoir réglementaire a choisi de limiter dans la temps la période pendant laquelle la CSM pouvait être appelée ; par un texte clair et dénué de toute équivoque, il indique que la CSM doit être appelée au plus tard le dernier jour ouvré de novembre ; passé ce délai, l'URSSAF n'est plus recevable à appeler la cotisation litigieuse ; le fait que l'URSSAF dispose d'un délai de trois ans pour recouvrer les cotisations n'implique pas qu'elle puisse s'abstenir de respecter d'autres délais notamment celui de procéder à l'appel et au recouvrement des cotisations ; si l'URSSAF dispose de trois années pour recouvrer la CSM mais ne peut le faire qu'à la condition d'avoir appelé la cotisation dans les délais légaux ; l'URSSAF ne peut justifier avoir appelé cette cotisation avant le 30 novembre 2017 ; faute d'avoir appeler la CSM avant l'échéance du terme dont elle disposait pour le faire , l'URSSAF n'était pas fondée à appeler et recouvrer la cotisation subsidiaire maladie supposée due par le cotisant ; en conséquence, il convient d'annuler l'appel de cotisation contesté et de condamner l'URSSAF Centre Val de Loire à rembourser à Monsieur D... la somme de 516 euros (
) sur la non-rétroactivité des textes réglementaires ayant vocation à préciser la loi du 21 décembre 2015 (article L380-2 CSS) l'article L380-2 du code de la sécurité sociale a été institué par l'article 32 de la loi du 21 décembre 2015 ; l'article D380-2 du code de la sécurité sociale qui le complète a été institué par le décret du 19 juillet 2016 ; les articles 7 et 8 du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 « relatif aux règles d'identification, d'affiliation et de rattachement des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale
» constituent une section au sein du décret intitulée « dispositions relatives au recouvrement des cotisations mentionnées aux articles L380-2 et L380-3-1 » compte tenu de l'intitulé de la section qui regroupe les articles 7 et 8 du décret du 3 mai 2017, et au regard du contenu normatif du décret qui constitue ou modifie profondément les articles R380-3 et R380-4, R380-5, R380-6 et R380-9 de ce code, force est de constater que ces textes sont essentiels à l'application des dispositions de l'article L380-2 du code de la sécurité sociale ; l'article L380-2 ne peut être lu ou interprété que par référence à l'application des articles 7 et 8 du décret du 3 mai 2017 ; un texte légal ou réglementaire ne peut pas être rétroactif, sauf si le texte le prévoit expressément ou si un texte de valeur supérieure dans la hiérarchie des normes le prévoit ; une jurisprudence constante affirme ces principes juridiques ; en l'espèce, les dispositions du décret du 03 mai 2017 n'indiquent pas être rétroactives et la loi du 21 décembre 2015 n'a rien prévu de tel concernant l'article L380-2 du code de la sécurité sociale ; il peut être constaté une « faille juridique », que le décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016 n'avait pu combler et dont peut bénéficier B... D... ; en 2016, il n'était pas possible à ce dernier d'avoir connaissance des conditions intégrales d'application de la protection universelle maladie ; il en découle que l'appel de cotisations fondé sur des textes juridiques ne portant effet que pour l'avenir sera annulé ; il serait inéquitable de laisser à la charge de B... D... les frais exposés par lui à l'occasion de la présente instance et la partie succombante sera donc condamnée à lui verser, dans le cadre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 200 euros ; le tribunal constate que le recours a été introduit le 4 mars 2019 ; de nouvelles dispositions ont été abrogé, à compter du 1er janvier 2019 la gratuité de la procédure dans les contentieux de la protection sociale ; il ressort des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens sauf décision contraire et motivée du juge ;
1. Alors qu'il n'y a pas de nullité de sans texte ; qu'aucun texte n'a prévu que le délai prévu par l'article R. 380-2 du code la sécurité sociale pour appeler la cotisation était prescrit à peine de nullité ; qu'en jugeant qu'à défaut d'avoir appelé la CSM avant l'échéance du terme prévu par ces dispositions, l'appel de cotisation effectué le 15 décembre 2017 par l'URSSAF Centre Val de Loire devait être annulé, le tribunal a violé les articles L. 380-2, D. 380-2, R. 380-4 du code de la sécurité sociale, dans leurs versions applicables au litige, et le principe pas de nullité sans texte ;
2. Alors que l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dispose que la cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée ; qu'en l'espèce, les dispositions du décret du décret du 3 mai 2017 pris en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale étaient nécessairement applicables à la date de l'appel de cotisation dont avait fait l'objet M. D... en décembre 2017 au titre de la cotisation subsidiaire maladie due pour l'année 2016 ; que M. D... avait donc, à cette date, connaissance des conditions intégrales d'application de la protection universelle maladie ; qu'en se plaçant en 2016 pour décider du contraire, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les articles L. 380-2, R. 380-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2 du code civil.