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20/01/2021 | FRANCE | N°18-86067

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 janvier 2021, 18-86067


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Y 18-86.067 F-D

N° 84

SM12
20 JANVIER 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 JANVIER 2021

La direction générale des douanes et des droits indirects a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 24 septembre 2018, qui

a débouté l'administration des douanes de ses demandes après relaxe de la société SAS Foodex pour fausses déclarations d'espè...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Y 18-86.067 F-D

N° 84

SM12
20 JANVIER 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 JANVIER 2021

La direction générale des douanes et des droits indirects a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 24 septembre 2018, qui a débouté l'administration des douanes de ses demandes après relaxe de la société SAS Foodex pour fausses déclarations d'espèces réputées importations sans déclaration de marchandises fortement taxées.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits ;

Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Direction générale des douanes et des droits indirects, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la SAS Foodex, et les conclusions de M. Valleix, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 29 septembre 2009, l'administration des douanes et des droits indirects a procédé au contrôle des opérations d'importation en France d'algues réalisées par la société SAS Foodex (société Foodex).

3. Il a été constaté que cette société importait de Chine, du Japon et des Etats Unis des algues qu'elle déclarait à la position tarifaire 12 12 20 00,emportant leur exonération de droits de douanes.

4. Après analyse dans un laboratoire agréé, l'administration des douanes a apprécié que les algues importées, qui avaient été calcinées après avoir été séchées, étaient en réalité des algues transformées, ce qui les rendaient redevables de la position tarifaire 2008 99 67, les droits dus étant de 20,8 %.

5. Vingt-deux procès verbaux ont été dressés par l'administration des douanes entre le 29 septembre 2009 et le 28 juillet 2011, qui a fait citer la société Foodex devant le tribunal correctionnel pour avoir, de septembre 2006 à décembre 2010, commis une fausse déclaration d'espèce à l'occasion d'opérations d'importation d'algues d'une valeur de 2 005 403 euros ayant permis d'éluder des droits et taxes à hauteur de 372 637 euros.

6. Par jugement en date du 22 mars 2016, le tribunal correctionnel après avoir relaxé la prévenue, a rejeté les demandes de l'administration des douanes.

7. La direction générale des douanes et des droits indirects a formé appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation du règlement n° 1055/2012 de la Commission du 9 novembre 2012, de l'annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, de l'article 412 du code des douanes et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale.

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, après avoir constaté que l'infraction reprochée selon la citation introductive d'instance a été abrogée, dit que la contravention de l'article 412-2° du code des douanes n'était pas établie en son élément matériel, a débouté l'administration des douanes de l'ensemble de ses demandes et a mis hors de cause la société Foodex, alors :

« 1°/ que dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, de manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la nomenclature combinée la plus spécifique ; qu'en considérant que les algues grillées litigieuses devaient être classées, comme l'avait fait la société Foodex, dans la sous-position tarifaire 12 12 20 00 du fait que la position 12 12 visait de manière générale les « algues » sans aucune exclusion d'un type d'algue en particulier, quand la sous position tarifaire plus spécifique 12 12 20 00, ne visant expressément dans son intitulé que les « algues (
) fraîches, réfrigérées, congelées ou séchées, même pulvérisées », ne pouvait être appliquée à des algues grillées comme celles en litige, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/qu'il convient de se référer, pour opérer le classement tarifaire des marchandises, aux notes explicatives du système harmonisé qui constituent des moyens importants pour assurer une application uniforme du tarif douanier commun et fournissent, en tant que telles et lues dans leur sens littéral, des éléments valables pour son interprétation ; qu'en considérant que les algues grillées litigieuses devaient être classées, comme l'avait fait la société Foodex, dans la sous-position tarifaire 12 12 20 00 du fait que les notes explicatives relatives à cette sous-position, si elles mentionnaient que les algues concernées « peuvent être fraîches, réfrigérées, congelées, séchées ou pulvérisées », ne comportaient pas la mention « mais non autrement préparées », quand il résultait de ces notes explicatives, lues en tant que telles, dans leur sens littéral et conformément à l'intitulé même de la sous-position qu'elles explicitaient, que la sous-position tarifaire 12 12 20 00 ne pouvait être appliquée à des algues autres que les algues fraîches, réfrigérées, congelées, séchées ou pulvérisées, sans qu'il soit besoin d'une exclusion expresse des autres modes de préparation non visés par cette énumération, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés ;

3°/qu'un règlement interprétatif et non constitutif, qui n'apporte aucune innovation mais se contente d'interpréter le droit existant, peut servir à déterminer le classement tarifaire de marchandises, même s'il est postérieur à la date à laquelle elles ont été importées ; qu'en considérant que le classement tarifaire des algues litigieuses ne pouvait être déterminé par référence au règlement n° 1055/2012 de la Commission du 9 novembre 2012 du fait qu'il avait été édicté postérieurement aux importations en litige, quand ce règlement, qui s'était borné à expliciter les notes explicatives afférentes aux positions tarifaires des chapitres 12 et 20 en rappelant que seules les algues fraîches, réfrigérées, congelées, séchées ou pulvérisées pouvaient relever de la position 12 12, à l'exclusion des autres algues telles que les algues grillées, n'apportait aucune innovation et se contentait d'interpréter la réglementation préexistante, de sorte qu'il pouvait servir de fondement au classement tarifaire des algues en cause, même si elles avaient été importées antérieurement à son édiction, la cour d'appel a encore une fois violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

10. Après avoir constaté que le délit pour lequel la société Foodex a été poursuivie a été abrogé, pour dire que la contravention de fausse déclaration d'espèce prévue à l'article 412 2° du code des douanes n'est pas établie et relaxer la prévenue, l'arrêt attaqué énonce notamment que compte tenu de la nécessité légale de se placer à l'époque des faits, toute référence à des textes normatifs postérieurs est inopérante et que le règlement communautaire du 9 novembre 2012 ne saurait avoir d'effet juridique sur les faits de l'espèce qui sont antérieurs dans le temps.

11. Il relève qu'à l'époque des faits, la position tarifaire 1212 avait pour intitulé "algues", que selon les notes explicatives du système harmonisé,"toutes les algues comestibles ou non relevaient de la présente position" et qu'il doit être retenu qu'aucune exclusion d'un type d'algue en particulier de ce tarif n'était stipulée.

12. Il retient que l'administration poursuivante manque devant la Cour à réfuter le moyen de la société intimée qui relève que ces notes explicatives mentionnant que les "algues peuvent être fraîches, réfrigérées, congelées séchées ou pulvérisées" et ne comprenant pas la mention "mais non autrement préparées", les modes de préparation ou de conservation des algues n'étaient pas limitativement énumérés et que le fait que les algues importées avaient aussi fait l'objet d'une brève calcination n'était donc pas exclu de la position tarifaire 1212, le sens du tarif douanier n'étant pas sujet à interprétation comme le prétend l'administration des douanes.

13. Les juges ajoutent que l'intitulé de la position et l'absence d'exclusion du mode de conditionnement employé des textes conduisent à classer les algues litigieuses dans la position 1212, sans qu'une autre position tarifaire fût applicable et que l'on ne peut, comme le fait l'administration des douanes, partir du postulat que les algues ayant subi un processus de calcination elles devaient nécessairement être redevables d'une autre position (la position 2008996799) alors qu'aucun texte à l'époque ne l'édictait.

14.La cour d'appel en conclut que la société Foodex a déclaré ses importations selon le tarif douanier alors en vigueur.

15. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

16. En effet, en premier lieu, selon la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne un règlement qui précise les conditions de classement dans une position, même s'il n'est destiné qu'à clarifier le classement tarifaire d'une marchandise, revêt un caractère constitutif et ne saurait produire des effets rétroactifs (CJCE, arrêt du 24 novembre 1971, Kurt Siemers et Co, C-30-71 ; CJCE, arrêt du 7 juin 2001, CBA Computer, C-479/99).

17. En conséquence, c'est à bon droit que les juges ont considéré que la classification des algues importées par la société Foodex ne pouvait être déterminée en application du règlement n°1055/2012 en date du 9 novembre 2012, entré en vigueur postérieurement aux dites importations.

18. En second lieu, il résulte des règles n°1 et 3a) d'interprétation de la nomenclature combinée (règlement 2658/87/CEE du 23 juillet 1987) que le classement des marchandises est déterminé d'après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre. La jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union précise que la position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les dispositions d'une portée plus générale ( CJCE, arrêt du 3 juin 1992, Hauptzollamt Mannheim, C-318/90) et que le critère décisif doit être recherché, dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, d'une manière générale, dans les caractéristiques et propriétés objectives des marchandises, telles que définies par leur libellé( CJCE, arrêt du 11 décembre 2008, Kip Europe SA e.a., C-362/07 et Hewlett Packard International SARL, C-363/07).

19. La note explicative du système harmonisée à laquelle renvoie la note de la nomenclature combinée relative à la sous-position 12122000, la plus spécifique, libellée "Algues" précise que cette sous-position comprend toutes les algues comestibles ou non et qu'elles peuvent être fraîches, réfrigérées, congelées, séchées ou pulvérisées.

20. Ces spécifications n'excluent pas la possibilité de faire subir aux algues un autre mode de traitement, dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, qu'il serait de nature à leur faire perdre leurs caractéristiques essentielles, propres à leur espèce.

21. Ainsi, le moyen doit être écarté.

22. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt janvier deux mille vingt et un.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-86067
Date de la décision : 20/01/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jan. 2021, pourvoi n°18-86067


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.86067
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