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06/01/2021 | FRANCE | N°19-18633

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 janvier 2021, 19-18633


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 21 F-D

Pourvoi n° W 19-18.633

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JANVIER 2021

Mme Y... C..., domiciliée [...] , a fo

rmé le pourvoi n° W 19-18.633 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 21 F-D

Pourvoi n° W 19-18.633

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JANVIER 2021

Mme Y... C..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° W 19-18.633 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Craft Paris, dont le siège est [...] , anciennement dénommée M Stories et McCann G Agency, société par actions simplifiée, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme C..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Craft Paris, après débats en l'audience publique du 12 novembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 avril 2019), Mme C... a été engagée le 1er juin 2002, par la société Craft Paris (anciennement dénommée SAS M Stories et McCann G Agency) en qualité de « directrice de trafic et de qualité » (salariée cadre). Une rupture conventionnelle du contrat de travail a pris effet le 24 juillet 2012.

2. Le 6 décembre 2013, Mme C... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

3. Le 10 juin 2017, la salariée a relevé appel du jugement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir condamner l'employeur au paiement de sommes à titre de rappel de primes exceptionnelles, d'heures supplémentaires, d'indemnité au titre des repos compensateurs, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour violation du droit au repos, à la santé et à la vie privée et familiale, alors « que le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions régulièrement déposées et signifiées par les parties ; qu'en se prononçant au visa des conclusions de l'appelante notifiées le 11 février 2019 quand le 15 février 2019, soit avant que n'intervienne la clôture fixée au 18 février 2019 par le conseiller de la mise en état, Mme C... avait déposé au greffe et signifié via le RPVA"de nouvelles conclusions complétant son argumentation, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur les dernières conclusions de la salariée, a méconnu le principe précité et violé l'article 954, alinéa 4, du code de procédure civile, ensemble l'article 455, alinéa 1, du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 455, alinéa 1, et 954, alinéa 3, devenu alinéa 4, du code de procédure civile :

5. Il résulte de ces textes que le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées.

6. Pour rejeter les demandes de la salariée, la cour d'appel s'est prononcée au visa des conclusions notifiées le 11 février 2019.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions que la salariée avait fait signifier via le réseau privé virtuel avocats (RPVA), le 15 février 2019, des conclusions modifiant ses prétentions, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs dont il ne ressort pas qu'elle aurait pris en considération ces conclusions, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation n'atteint pas le chef de dispositif jugeant que la convention individuelle de forfait en jours est inopposable à Mme C..., lequel n'est pas critiqué par le pourvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la clause contractuelle relative au forfait en jours est inopposable à Mme C..., l'arrêt rendu le 11 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Craft Paris aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Craft Paris et la condamne à payer à Mme C... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme C...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame C... de ses demandes tendant à voir condamner la société CRAFT PARIS au paiement de sommes à titre de rappel de primes exceptionnelle, d'heures supplémentaires, d'indemnité au titre des repos compensateurs, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour violation du droit au repos, à la santé et à la vie privée et familiale ;

AU VISA des conclusions de l'appelante, Mme C..., notifiées le 11 février 2019 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles la Cour d'appel se référe pour plus ample exposé, et des écritures de l'intimée, la société Craft Paris, notifiées le 1er février 2019 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé ;

ALORS QUE le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions régulièrement déposées et signifiées par les parties ; qu'en se prononçant au visa des conclusions de l'appelante notifiées le 11 février 2019 quand le 15 février 2019, soit avant que n'intervienne la clôture fixée au 18 février 2019 par le conseiller de la mise en état, Madame C... avait déposé au greffe et signifié via le « RPVA » de nouvelles conclusions complétant son argumentation, la Cour d'appel, qui n'a pas statué sur les dernières conclusions de la salariée, a méconnu le principe précité et violé l'article 954, alinéa 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 455, alinéa 1 du même code.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Ce moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame C... de sa demande en paiement de la somme de 13.600 euros à titre de prime exceptionnelle ;

AUX MOTFS QUE sur la prime exceptionnelle, Mme C... indique que depuis 2004 son employeur lui versait régulièrement une prime dénommée « prime exceptionnelle » mais qu'elle a omis de lui verser cette prime en 2012 au titre, selon elle, de l'année 2011 ; qu'elle fait valoir que l'employeur peut verser un bonus ou une prime sans même qu'il y soit référence dans le contrat de travail et que la liberté de l'employeur pour arrêter les modalités de calcul d'un bonus discrétionnaire et le montant alloué à chaque salarié n'est pas totale, devant respecter le principe "à travail égal, salaire égal" et que l'employeur ne peut pas assortir la prime qu'il institue de conditions portant atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié ; que la société Craft Paris, qui considère que les primes exceptionnelles n'étaient pas liées aux résultats de l'année N-l, réplique que lesdites primes ne présentaient aucun caractère obligatoire, que Mme C... ne pouvait y prétendre en 2012 et que celle-ci n'établit nullement les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement ; qu'il résulte du principe "à travail égal, salaire égal", dont s'inspirent les articles L. 1242-14, L. 1242-15, L. 2261-22.9, L. 2271-1.80 et L. 3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; que sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L. 3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ; qu'en application de l'article 1353 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de Mme C... ne prévoyait pas que sa rémunération comporterait une part variable calculée sur la base des résultats de l'année N-l ; qu'il n'est pas non plus justifié d'un engagement unilatéral de son employeur en ce sens, ni d'un usage en ce sens au sein de l'entreprise faute en particulier de fixité, dans la mesure où les primes versées connaissaient une variation d'une année à l'autre et d'un salarié à l'autre sans découler de l'application d'une règle préétablie ou d'un critère fixe et précis ; que les primes qui étaient dénommées « primes exceptionnelles » sur les bulletins de salaires et qui ont été versées pour des montants marqués par une forte variation (par exemple, 4 500 euros versés en 2005, 24 000 euros versés en 2010, 13 600 euros versés en 2011) à Mme C... correspondaient ainsi à des primes discrétionnaires ; que Mme C... se réfère à des attestations émanant de deux anciens collaborateurs (M. F... et Mme I...), respectivement chef de projet et directrice de production et de M. K..., ayant occupé la fonction de directeur général d'une société tierce, fournisseur de la société Me Cann G Agency ; que comme le fait observer l'intimée, il ressort de ces attestations que M. F... a démissionné en 2009, que Mme I... a signé une rupture conventionnelle en 2011, de sorte que ses deux salariés avaient quitté l'entreprise avant l'année 2012 correspondant à l'année de versement de la prime revendiquée par Mme C..., tandis que M. K... ne fait que rapporter les propos de cette dernière ; que le lien entre le montant des primes exceptionnelles allouées et réclamées et le sur-engagement invoqué par la salariée ou les heures supplémentaires alléguées qui font l'objet d'une demande de rappel de salaire distincte, n'est pas non plus caractérisé ; qu'il ressort d'ailleurs de l'attestation de Mme I... que « les primes ne sont pas proportionnelles aux investissements de chacun » ; que Mme C... n'établit pas, compte tenu de ces éléments, d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'elle ne justifie pas que ces primes, qualifiées d' « exceptionnelles » et à caractère discrétionnaire, aient été assorties de conditions portant atteinte à ses libertés et droits fondamentaux ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de prime exceptionnelle ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE vu les documents contractuels et autres pièces versées aux débats par les parties, l'employeur peut décider de verser un bonus ou une prime, sans même qu'il y soit fait référence dans le contrat de travail ; qu'il peut s'agir d'une gratification bénévole versée de manière exceptionnelle et dont le montant et les bénéficiaires sont fixées discrétionnairement par l'employeur ; que Madame C... engagea une procédure en référé le 29/03/2013 afin d'obtenir le versement de cette prime exceptionnelle ; que celle-ci n'aboutit pas, le juge ayant considéré qu'il n'y avait pas lieu à référé au motif que l'obligation était contestable, et ce en retenant que le montant de la prime n'était pas détaillé par un mode précis de calcul ; (
) ; que ne constitue pas un élément de salaire la prime versée de façon constante et générale mais dont le montant est variable selon les années et les salariés sans que ces variations soient liées entre elles ; qu'en effet, outre le fait que la convention collective applicable ne prévoit aucune disposition en ce sens, le Conseil relèvera qu'il n'a jamais été convenu contractuellement entre Madame C... et la société M STORIES que sa rémunération comporterait une part variable calculée sur la base des résultats de l'année N-l ; qu'aucun engagement unilatéral n'a été pris en ce sens par la société M STORIES ; qu'il est manifeste que les primes exceptionnelles dont a bénéficié Madame C... ne résultent pas d'un usage d'entreprise dans la mesure où elles ne remplissent pas le critère de fixité, leur montant n'étant pas prédéfini ou établi selon des règles prédéfinies ayant permis à Madame C... d'en connaître le montant à l'avance ; que les primes exceptionnelles qui ont été versées à Madame C... ne présentaient aucun lien avec les résultats de l'année N-l ; que la société M STORIES intitule les dites primes de « primes d'objectif » et non pas de « primes exceptionnelles » ; qu'elles ne présentent pas non plus un lien avec les prétendues heures supplémentaires qui auraient été effectuées par Madame C... ; que Madame C... a reçu entre 2006 et 2008 des primes d'un montant bien différent (de 4.500 euros à 22.500 euros) alors que selon ses propres dires elle a effectué le même nombre d'heures sur cette période ;

ALORS D'UNE PART QUE si l'employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé et que les règles déterminant l'octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables ; qu'en se fondant, pour débouter Madame C... de sa demande au titre de la « prime exceptionnelle » versée par la société CRAFT PARIS en 2012, sur le fait que cette prime présentait un caractère discrétionnaire, sans caractériser l'existence de critères définis préalablement, et contrôlables, pour son attribution, la Cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » ;

ALORS D'AUTRE PART QU'il appartient seulement au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération à charge pour l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ; qu'en retenant, pour refuser à Madame C... le bénéfice de la prime exceptionnelle de l'année 2012 ; que compte tenu du caractère discrétionnaire de la prime, elle n'établissait pas d'éléments de fait caractérisant une inégalité de rémunération, la Cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve de l'inégalité de traitement sur la seule salariée, a violé l'article 1353 du code civil, ensemble le principe « à travail égal, salaire égal » ;

ALORS EN OUTRE QUE le caractère discrétionnaire d'une rémunération ne permet pas à un employeur de traiter différemment des salariés placés dans une situation comparable au regard de l'avantage considéré ; qu'en se bornant à affirmer que Madame C... n'établissait pas d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération sans rechercher, comme elle y était invitée, si tous les salariés de l'agence, à l'exception de la salariée, n'avaient perçu au mois d'avril 2012 la prime versée comme chaque année, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » ;

ALORS ENFIN QU'à tout le moins en s'abstenant de répondre au moyen des conclusions de Madame C... faisant avoir qu'elle était la seule salariée de l'entreprise à ne pas avoir perçu de « prime exceptionnelle » au mois d'avril 2012, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame C... de sa demande en paiement de sommes à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, d'une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos, d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale ;

AUX MOTIFS QUE sur les heures supplémentaires, en application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'au nom du droit à la santé et au repos du salarié, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; qu'il ressort du contrat de travail, modifié par avenant du 10 mars 2003, que le temps de travail est fixé comme suit : « Compte tenu de vos fonctions, vous relevez de la catégorie des cadres autonomes visés par le chapitre III de l'accord collectif sur l'Aménagement et la Réduction du Temps de Travail applicable à la société, conclu le 19 août 2002. Vous êtes soumis à un forfait annuel de 209 jours » ; qu'il était aussi précisé que « Votre rémunération, vos fonctions et vos responsabilités au sein de notre entreprise vous permettent de disposer d'une large autonomie quant à l'organisation de votre temps de travail, dans la limite de la prise obligatoire d'un repos quotidien de 11 heures consécutives et d'un repos hebdomadaire de 35 heures. » ; que l'accord d'entreprise ainsi visé comportait des rappels des règles du repos quotidien ou hebdomadaire mais ne fixait pas de modalités concrètes précises d'application de ces règles et de modalités de suivi de l'organisation du travail des intéressés et de leur charge de travail ; qu'en outre, il n'est pas justifié de l'organisation, par l'employeur, de l'entretien annuel obligatoire prévu pour évaluer la charge de travail, l'intimée ne pouvant seulement alléguer d'un défaut de signalement de difficultés à cet égard par la salariée ; qu'il s'ensuit que la clause contractuelle relative au forfait-jour est inopposable à Mme C...;

QUE celle-ci forme une demande de rappels d'heures supplémentaires effectuées entre 2008 et 2011 à hauteur de 109 980,71 euros et subsidiairement de 82 433,55 euros à titre de rappels d'heures supplémentaires effectuées entre 2009 et 2011 ; que pour étayer ses dires, elle produit notamment :
•un calcul de rappel d'heures supplémentaires aux périodes suivantes : du 1er avril au 31 décembre 2008, du 1er janvier au 21 décembre 2009, du 1er janvier au 31 décembre 2010 (décomposé en 4 trimestres) et du 1er janvier au 31 décembre 2011 à compter du 29/03/2013, soit jusqu'au 29/03/2008 ; qu'au cours de chacune de ces périodes et le cas échéant de ces sous-périodes, Mme C... affirme avoir travaillé de manière constante respectivement 61 heures et 12 heures un week-end sur deux, 55 heures et 48 heures, correspondant à des plages horaires identiques au sein de chacune de ces périodes, sans précision des heures de travail correspondantes ;
•des attestations de ses époux, mère, soeur et fille et d'une proche, dont l'intimée est fondé à contester le caractère probant eu égard aux relations familiales ou amicales de leurs auteurs avec la salariée et de l'absence d'indication des horaires et dates précis de travail par ses témoins qui n'étaient pas présents dans l'entreprise;
•des attestations de collègues de travail et d'un prestataire ; qu'ainsi, Mme M..., chef de projet, atteste de manière générale que Mme C... « ne comptait pas ses heures de travail et acceptait toutes les missions qui lui étaient confiées » et M. F..., également chef de projet évoque « les nombreuses heures, ni récupérées, ni rémunérées que nous passions dans l'entreprise », sans toutefois apporter davantage de précisions sur les tâches ou horaires effectués ; que M. K..., directeur général de la société Come Back Graphic de 2003, prestataire principal de l'agence qui indique qu'il était en collaboration avec Mme C... pour l'impression des documents de communication internes et externes du groupe GDF Suez et atteste qu' « elle travaillait sans relâche bien au-delà des 35 heures légales. Elle passait plusieurs soirées par semaine et plusieurs WE par mois chez son client, à la demande de son employeur, pour réaliser des documents qu'il souhaitait produire. Nous n'étions informés de ces demandes qu'au dernier moment. Je devais donc trouver des ressources le soir pour la nuit à venir, le vendredi pour le WE (...). Mme C... devait également se rendre disponible et se voyait contrainte de sacrifier sa vie personnelle (...) seule Mme C... assurait ce service auprès de GDF Suez, la nuit et le WE. (...) » ; qu'il est observé que cette attestation demeure elle aussi imprécise sur les horaires précis effectués par Mme C..., outre que M. K... ne faisait pas partie de la société Me Cann G Agency et fait état d'un travail auprès de la société tierce dont il n'était pas davantage membre ;
•cinq courriels professionnels ; que comme le fait observer l'intimée, ces courriels, adressés à des horaires de bureau correspondent à des demandes adressées par Mme C... concernant l'exécution de travaux durant le week-end ou le soir, notamment auprès du prestataire ; que les éléments produits par Mme C... ne sont ainsi pas suffisants à étayer ses prétentions ; que ses demandes relatives aux heures supplémentaires, et par suite à l'indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos, aux congés payés afférents, à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et aux dommages et intérêts pour violation du droit au repos et atteinte à la santé et pour violation du droit à la vie privée et familiale, seront par conséquent rejetées ; que le jugement sera donc confirmé de ces chefs ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que le juge doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ; qu'avant la saisine du Conseil de Prud'hommes, le salarié n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires ; que la société n'a jamais demandé au salarié de réaliser des heures supplémentaires ; que de par son positionnement dans la classification de la convention collective dont il dépendait, le salarié était considéré comme cadre autonome ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu de l'article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient seulement au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; que la Cour d'appel a constaté d'abord que Madame C... avait versé aux débats un décompte hebdomadaire des heures supplémentaires mentionnant une moyenne de 61 heures et 12 heures de travail au cours des années 2008 et 2009, 61 heures puis 55 heures et 48 heures au cours de l'année 2010 et 48 heures au cours de l'année 2012 ; qu'elle a relevé ensuite qu'elle produisait des attestations de membres de sa famille et proches témoignant de son rythme de travail intense ainsi que des attestations de collègues de travail et d'un prestataire de l'agence ayant travaillé avec la salariée pendant plusieurs années sur le contrat de production conclu avec le groupe GDF SUEZ, ce dernier expliquant que la salariée passait plusieurs soirées par semaine et plusieurs week-end par mois chez le client à la demande de son employeur, et en outre des courriels professionnels relatifs à l'exécution de travaux durant le week-end ou le soir avec le prestataire ; que dès lors, en déclarant pour débouter la salariée de sa demande que les éléments produits par celle-ci n'étayaient pas ses prétentions quand il résultait de ses constatations que Madame C... avait produit un décompte des heures supplémentaires qu'elle estimait avoir réalisées ainsi que d'autres éléments relatifs aux heures de travail alléguées, documents auxquels l'employeur pouvait répondre, la Cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART QUE il est interdit aux juges de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'afin d'étayer ses demandes, la salariée expliquait, dans ses conclusions soutenues oralement, avoir travaillé, d'une part, de 2006 au mois de septembre 2010 inclus, de 9H30 à 21H30 avec une heure de pause, puis en nocturne jusqu'à au moins 00H30, au moins deux fois par semaine jusqu'en juin 2010 et, d'autre part, de 2007 au 2ème semestre 2010, au moins un week-end sur deux de 13H à 19H le samedi et le dimanche, soit 6 heures de travail effectif, en précisant, pour l'année 2011 au cours de laquelle elle poursuivait sa formation de coaching deux jours par mois et effectuait un stage en entreprise un jour par semaine, qu'elle travaillait, en dehors de ces jours-là, de 9H30 à 22H30 avec une heure de pause, soit douze heures de travail effectif ; qu'en énonçant qu'au cours de chacune des périodes annuelles et le cas échéant des sous-périodes qu'elle vise, Madame C... affirme avoir travaillé de manière constante respectivement 61 heures et 12 heures un week-end sur deux, 55 heures et 48 heures, sans précision des heures de travail correspondantes, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de la salariée, méconnaissant les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE la renonciation à un droit ne présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté ; que l'absence de réclamation de la salariée pendant l'exécution du contrat de travail ne pouvait valoir renonciation au paiement des heures supplémentaires ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que Madame C... n'avait pas émis de réclamation avant la saisine du Conseil de Prud'hommes, pour la débouter de ses demandes, la Cour d'appel a violé les articles L. 3171-4 du Code du travail et l'article 1134, devenu les articles 1103 et 1104 du Code civil ;

ALORS DE QUATRIEME PART, et en toute hypothèse, QUE l'autonomie dont peut disposer un salarié dans l'organisation de son temps de travail, dès lors que l'intéressé n'est pas soumis à un forfait en jours, ne dispense pas l'employeur de fournir les éléments de nature à justifier des horaires effectifs du salarié en réponse à sa demande en paiement d'heures supplémentaires ; qu'après avoir elle-même déclaré inopposable à Madame C... la clause de forfait-jours figurant dans l'avenant à son contrat de travail du 10 mars 2003, la Cour d'appel, en retenant pour rejeter la demande en paiement d'heures supplémentaire, par motifs adoptés des premiers juges, que de par son positionnement dans la classification de la convention collective, la salariée était considérée comme cadre autonome, a statué par un motif inopérant, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

ALORS DE CINQUIEME PART QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires en se fondant sur l'insuffisance de preuves apportées par un salarié dès lors que celui-ci a produit des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en déboutant Madame C... de sa demande en se fondant sur l'insuffisance prétendue des seuls éléments fournis par cette dernière, qu'elle déduit de motifs inopérants, la Cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du Code civil.

ALORS DE SIXIEME PART QUE constituent des heures supplémentaires ouvrant droit à rémunération les heures de travail accomplies au-delà de l'horaire collectif de travail avec l'accord implicite de l'employeur et les heures rendues nécessaires pour l'accomplissement du travail demandé au salarié ; qu'en se bornant à retenir que la société CRAFT PARIS n'avait jamais demandé à la salariée de faire des heures supplémentaires, sans rechercher si l'ampleur des tâches que l'employeur confiait à Madame C..., en sa qualité de directrice pour l'édition, ayant en charge l'exécution du contrat de production publicitaire conclu avec le principal client de l'agence, n'imposait pas la réalisation d'heures de travail au-delà de la durée légale du travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-28 et L. 3171-4 du code du travail ;

ALORS DE SEPTIEME PART QUE la Cour d'appel ayant retenu que la demande de la salariée en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé devait être rejetée par suite du rejet de sa demande relative aux heures supplémentaires, la cassation de l'arrêt, en ce qu'il a débouté Madame C... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, entraînera donc, par application de l'article 624 du code de procédure civile, sa cassation en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

ET ALORS ENFIN QUE la Cour d'appel ayant retenu que la demande de la salariée en paiement de dommages-intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale devait être rejetée par suite du rejet de sa demande relative aux heures supplémentaires, la cassation de l'arrêt, en ce qu'il a débouté Madame C... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, entraînera donc, par application de l'article 624 du code de procédure civile, sa cassation en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande d'indemnisation pour violation du droit à la vie privée et familiale.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame C... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation du droit au repos et atteinte à la santé ;

AUX MOTIFS QUE sur les heures supplémentaires,
. les éléments produits par Mme C... ne sont ainsi pas suffisants à étayer ses prétentions ; que ses demandes relatives aux heures supplémentaires, et par suite à l'indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos, aux congés payés afférents, à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et aux dommages et intérêts pour violation du droit au repos et atteinte à la santé et pour violation du droit à la vie privée et familiale, seront par conséquent rejetées ; que le jugement sera donc confirmé de ces chefs ;

ALORS D'UNE PART QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que pour rejeter la demande de Madame C... en paiement de dommages intérêts pour violation de la législation sur le droit au repos et atteinte à la santé, la Cour d'appel s'est bornée à énoncer que cette demande doit être rejetée par suite du rejet de la demande en paiement d'heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi sans donner aucun motif à sa décision, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART, et en toute hypothèse, QUE la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées fixées par le droit interne incombe au seul l'employeur ; que la Cour d'appel ne pouvait débouter Madame C... de sa demande d'indemnisation au titre du repos quotidien et hebdomadaire au prétexte que les éléments produits par elle n'étaient pas suffisants pour étayer ses prétentions quand il revenait à la seule société CRAFT PARIS de démontrer qu'elle avait respecté les dispositions légales relatives aux temps de repos, et à la Cour d'appel de tirer les conséquences de la carence à cet égard de l'employeur ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles L. 3131-1, L. 3132-1 et L. 3132-2 du code du travail, ensemble l'article 1315, devenu l'article 1353 du Code civil ;

ET ALORS ENFIN, SUBSIDIAIREMENT, QUE la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation relatif aux heures supplémentaires entrainera par voie de conséquence, la cassation du dispositif de l'arrêt ayant débouté Madame C... de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des règles sur les temps de repos, en application des articles 624 et 625 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-18633
Date de la décision : 06/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 11 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jan. 2021, pourvoi n°19-18633


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.18633
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