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16/12/2020 | FRANCE | N°19-21091

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2020, 19-21091


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 833 F-P

Pourvoi n° T 19-21.091

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

1°/ la société Montaigne Fashion Group, soci

été anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ la société EMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , en la pe...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 833 F-P

Pourvoi n° T 19-21.091

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

1°/ la société Montaigne Fashion Group, société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ la société EMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , en la personne de M. G... W..., agissant en qualité de liquidateur de la société Montaigne Fashion Group,

ont formé le pourvoi n° T 19-21.091 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige les opposant à l'Autorité des marchés financiers, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Montaigne Fashion Group et de la société EMJ, ès qualités, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 juin 2019), à la suite de l'enquête ouverte par l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) sur l'information financière et le marché du titre Montaigne Fashion Group, le président de l'AMF a, après examen du rapport d'enquête par le collège de cette autorité, notifié deux griefs à la société Montaigne Fashion Group (la société MFG).

2. Le 11 décembre 2017, la société MFG a saisi le président de l'AMF d'un recours gracieux tendant au retrait d'un des griefs notifiés, l'estimant dépourvu de toute motivation.

3. Aucune suite n'ayant été réservée à ce recours, la société MFG a, le 11 janvier 2019, saisi la cour d'appel de Paris d'un recours en annulation contre la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Montaigne Fashion Group fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable, alors :

« 1°/ que la notification de griefs émanant du collège de l'AMF ne constitue pas un acte préparatoire de la décision de la commission des sanctions, mais une décision individuelle pouvant faire grief et à ce titre susceptible d'un recours conformément aux dispositions de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, de sorte qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ledit texte par refus d'application ;

2°/ que toute décision individuelle émanant du collège faisant grief est susceptible d'un recours ouvert par l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, de sorte qu'en se déterminant sur la base de la considération selon laquelle l'article L. 621-14-1 du code monétaire et financier ne prévoirait pas de recours contre la notification de griefs indépendamment de la décision de la Commission des sanctions, la cour d'appel a violé l'article L. 621-30 dudit code ;

3°/ que, subsidiairement, les actes simplement préparatoires font grief en raison de la gravité des effets qu'ils déploient par eux-mêmes et que tel est le cas lorsque la notification de griefs émanant du collège de l'AMF porte atteinte à la présomption d'innocence ; qu'ainsi, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la rédaction à l'indicatif de la notification de griefs ne portait pas atteinte à la présomption d'innocence de la société MFG, ce qui rendait immédiatement recevable le recours de celle-ci contre cette décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Le propre d'une notification de griefs est de formuler une accusation afin de mettre les personnes concernées en mesure de se défendre. C'est donc à bon droit qu'ayant rappelé que, conformément à l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, la notification des griefs ouvre la phase contradictoire de la procédure de sanction, qui se poursuit le cas échéant jusqu'à la décision rendue par la commission des sanctions sur le bien-fondé de cette accusation, décision elle-même susceptible du recours prévu à l'article L. 621-30 du même code, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le sens et la portée de l'article L. 621-14-1 du même code et qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par la troisième branche, en a déduit que cet acte ne pouvait faire l'objet d'un recours autonome devant elle.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Montaigne Fashion Group aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Montaigne Fashion Group et la société EMJ, ès qualités.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable le recours déposé au greffe de la cour d'appel de Paris le 11 janvier 2019 par la société Montaigne Fashion Group ;

AUX MOTIFS QUE la cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, « [l]'examen des recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers autres que celles, y compris les sanctions prononcées à leur encontre, relatives aux personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 est de la compétence du juge judiciaire » ; que la société MFG saisi la cour d'un recours dans les termes reproduits au paragraphe 6 du présent arrêt ; que la cour relève à titre liminaire que la décision du Conseil d'État du 19 décembre 2018, fondée sur les articles L. 621-9, R. 621-45 et L. 621-30 du code monétaire et financier, par laquelle il s'est déclaré incompétent pour connaître du recours exercé par la société MFG, s'est borné à relever que la requérante ne figure pas au nombre des personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 du code précité, à l'égard desquelles le Conseil d'État est compétent, sans pour autant se prononcer sur l'existence d'un recours immédiat ouvert devant le juge judiciaire pour le type de décision en cause ; que l'article L. 621-15 alinéas 1er et 2 du code monétaire et financier dispose : « Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; Sous réserve de l'article L. 465-3-6, s'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées ; il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres (
) » ; qu'il résulte de cette disposition que la notification de griefs ouvre la phase contradictoire de la procédure de sanction, dont la première étape, l'instruction s'achève par le dépôt d'un rapport ; que ce rapport reprend l'ensemble des éléments recueillis ainsi que, le cas échéant, le contenu des auditions de la personne mise en cause et dont le contenu peut encore être discuté en séance devant la Commission des sanctions, est ainsi destiné à éclairer cette dernière sur l'ensemble du dossier au cours de l'ultime phase de la procédure, à l'issue de laquelle cette commission adopte une décision susceptible de recours ; qu'il est donc inexact de dire, comme le fait la société MFG qu'une condamnation est susceptible d'être prononcée « sur la seule foi » de la notification de griefs, étant précisé que la Commission des sanctions peut considérer que tout ou partie des griefs notifiés ne sont pas établis ; qu'en outre, la Commission des sanctions, qui est saisie tant de la régularité de la procédure que du bien-fondé des accusations, est en mesure de tirer les conséquences d'une éventuelle irrégularité en n'entrant pas, le cas échéant, en voie de condamnation ; que tel pourrait notamment être le cas si la Commission constatait que les termes dans lesquels la notification de griefs a été rédigée n'ont pas permis à son destinataire de comprendre ce qui lui est reproché et qu'il a ainsi été porté une atteinte irrémédiable à ses droits de la défense ; que relevant de la catégorie des actes préparatoires, ne donnant lieu à aucune publicité de la part de l'AMF et servant de cadre aux services d'instruction comme à la Commission des sanctions, laquelle rend sa décision dans le respect des limites qu'elle pose, la notification de griefs ne constitue pas un acte faisant grief indépendamment de la décision de la Commission et, par voie de conséquence, n'entre pas dans le champ de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier ; qu'une personne mise en cause ne peut donc contester, devant la présent cour, la régularité de la notification de griefs qui lui a été adressée que dans le cadre du recours formé contre la décision de la Commission des sanctions mettant fin à la procédure ouverte par cette notification ; qu'à cet égard, c'est en vain que la société MFG des dispositions de l'article L. 621-14-1 du code monétaire et financier ; que si le législateur a expressément prévu, au sixième alinéa de cet article, que les décision du Collège et de la Commission des sanctions de l'AMF prises dans le cadre de la procédure de composition administrative sont soumises aux voies de recours prévues à l'article L. 621-30 du code de commerce, admettant ainsi l'existence de recours exercés de manière autonome contre leurs décisions respectives, en revanche aucune disposition de ce code n'ouvre de recours équivalent contre l'acte de notification de griefs auquel procède le Collège de l'AMF ; que l'absence de disposition similaire s'agissant de la notification de griefs démontre au contraire que le législateur n'a pas entendu ouvrir un recours contre cet acte indépendamment de la décision de la Commission des sanctions ; qu'en l'espèce, la société MFG, qui est irrecevable à exercer un recours juridictionnel direct et immédiat à l'encontre de la notification de griefs elle-même, l'est a fortiori à introduire un recours contre la décision née du silence conservé par l'AMF sur sa demande de retrait d'une partie des griefs notifiés ; que la cour ajoute que la régularité d'une notification de griefs peut être contestée à l'occasion du recours exercé conte la décision de la Commission des sanctions, de sorte que son destinataire n'est pas privé de tout accès au juge concernant le contrôle de la régularité de la procédure engagée contre lui ; qu'il s'ensuit que le recours de la société MFG est irrecevable ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE la notification de griefs émanant du Collège de l'Autorité des Marchés Financiers ne constitue pas un acte préparatoire de la décision de la Commission des sanctions, mais une décision individuelle pouvant faire grief et à ce titre susceptible d'un recours conformément aux dispositions de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, de sorte qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ledit texte par refus d'application ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE toute décision individuelle émanant du Collège faisant grief est susceptible d'un recours ouvert par l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, de sorte qu'en se déterminant sur la base de la considération selon laquelle l'article L. 621-14-1 du code monétaire et financier ne prévoirait pas de recours contre la notification de griefs indépendamment de la décision de la Commission des sanctions, la cour d'appel a violé l'article L. 621-30 dudit code ;

ALORS, DE TROISIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE les actes simplement préparatoires font grief en raison de la gravité des effets qu'ils déploient par eux-mêmes et que tel est le cas lorsque la notification de griefs émanant du Collège de l'Autorité des Marchés Financiers porte atteinte à la présomption d'innocence ; qu'ainsi, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la rédaction à l'indicatif de la notification de griefs ne portait pas atteinte à la présomption d'innocence de la société MFG, ce qui rendait immédiatement recevable le recours de celle-ci contre cette décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-21091
Date de la décision : 16/12/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BOURSE - Autorité des marchés financiers - Voies de recours - Décisions susceptibles - Exclusion - Cas - Notification de griefs

Le propre d'une notification de griefs est de formuler une accusation afin de mettre les personnes concernées en mesure de se défendre. C'est donc à bon droit qu'ayant rappelé que, conformément à l'articles L. 621-15 du code monétaire et financier, la notification des griefs ouvre la phase contradictoire de la procédure de sanction, qui se poursuit le cas échéant jusqu'à la décision rendue par la commission des sanctions sur le bien-fondé de cette accusation, décision elle-même susceptible du recours prévu à l'article L. 621-30 du même code, une cour d'appel en a déduit que cet acte ne pouvait faire l'objet d'un recours autonome devant elle


Références :

articles L. 621-15 et L. 621-30 du code monétaire et financier.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 déc. 2020, pourvoi n°19-21091, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.21091
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