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16/12/2020 | FRANCE | N°18-26711

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 2020, 18-26711


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1225 F-D

Pourvoi n° F 18-26.711

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. N....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 juin 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

La société WRA, socié...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1225 F-D

Pourvoi n° F 18-26.711

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. N....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 juin 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

La société WRA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sodalis, a formé le pourvoi n° F 18-26.711 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale - prud'hommes), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. L... N..., domicilié [...] ,

2°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Lille, dont le siège est [...] ,

3°/ à Pôle emploi Haut-de-France, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société WRA, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sodalis, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. N..., après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Joly, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 octobre 2018), M. N... a été engagé en qualité de soudeur par la société Sodalis dans le cadre de contrats à durée déterminée, entre le 3 décembre 2009 et le 16 août 2014.

2. Le 8 juin 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir notamment un rappel d'indemnités de grand déplacement.

3. Par jugement du 20 février 2018, la société Sodalis a été placée en liquidation judiciaire, la société WRA étant nommée en qualité de mandataire liquidateur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de fixer au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Sodalis les créances du salarié à titre de rappel d'indemnités de grand déplacement, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que le liquidateur judiciaire de la société Sodalis faisait valoir dans ses écritures que le salarié avait perçu sur la période litigieuse la somme de 21 338,60 euros au titre de ses déplacements, tandis qu'il n'aurait perçu en application du système conventionnel d'indemnité de séjour que la somme de 17 149,86 euros, tableau de calcul à l'appui ; qu'en affirmant qu'il n'est nullement démontré que le régime mis en place au sein de l'entreprise est plus favorable sur la période considérée que celui résultant de l'application des dispositions conventionnelles, sans examiner ni même viser le tableau de calcul versé aux débats comparant les sommes perçues par le salarié pour chaque déplacement qu'il avait effectué aux sommes qui lui auraient été versées en application de l'accord collectif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, les jugements doivent être motivés.

6. Pour allouer au salarié un rappel d'indemnités de grand déplacement, la cour d'appel a retenu qu'il résulte de l'article 3.5.1. de l'accord national du 26 février 1976 relatif aux conditions de déplacement dans le secteur de la métallurgie que l'indemnité de séjour, qui a pour objet de compenser forfaitairement les frais supplémentaires engagés par le salarié en cas de grand déplacement, constitue un remboursement de frais qui doit être versé au salarié pour toute la durée du déplacement, samedis et dimanches compris, qu'il est constant que la société Sodalis n'a pas fait application de l'article 3.5.1 susvisé et n'a pas réglé au salarié l'indemnité de séjour pour les jours non ouvrables des périodes d'exécution de la mission en grand déplacement, qu'il n'est nullement démontré que le régime de l'indemnité mis en place par l'employeur était plus favorable, sur la période considérée, que celui résultant de l'application des dispositions conventionnelles, que le salarié est dès lors bien fondé à réclamer paiement des indemnités de séjour visées à l'accord national du 26 février 1976 qui ne lui ont pas été réglées alors que les conditions prévues à l'accord étaient remplies.

7. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l'indemnité versée par l'employeur était moins favorable que l'indemnité de séjour prévue pour les grands déplacements par l'article 3.5 de l'accord national du 26 février 2016, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen pris en sa première branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Sodalis la créance de M. N... à la somme de 4 039 euros à titre de rappel d'indemnités de grand déplacement, l'arrêt rendu le 26 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne M. N... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société WRA, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sodalis

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR par confirmation du jugement entrepris fixé au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Sodalis les créances de M. N... à titre de rappel des indemnités de grands déplacements à la somme de 4 039,00 € et au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile à la somme de 500,00 €, d'AVOIR déclaré le présent arrêt opposable à l'AGS qui sera tenue de garantir le paiement des sommes allouées à M. N... dans les limites légales et réglementaires de sa garantie résultant des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, à l'exclusion des sommes allouées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens et sous réserve de l'absence de fonds disponibles entre les mains du liquidateur et d'AVOIR condamné Me K..., pris en sa qualité de liquidateur de la société Sodalis à payer à M. N... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. N... soutient que l'accord du 26 février 1976 sur les conditions de déplacement auquel renvoie l'avenant mensuel de la convention collective de la métallurgique dunkerquoise prévoit que l'indemnité de séjour est versée pour tous les jours de la semaine, ouvrable ou non, d'exécution normale de la mission, donc samedi et dimanche compris, de telle sorte qu'il lui est encore dû la somme de 4 039,45 euros. Me K..., es qualité de liquidateur judiciaire de la société Sodalis, fait au contraire valoir que l'accord du 26 février 1976 n'est pas applicable en l'espèce à la société Sodalis et que même à la supposer applicable, M. N... a perçu une indemnité plus favorable en raison de la clause plus favorable de son contrat de travail, de telle sorte qu'il n'y a pas lieu à appliquer la convention collective qui prévoit, certes, un paiement de l'indemnité par jour calendaire, mais sur une base bien plus faible que celle du contrat de travail, la comparaison des avantages devant s'opérer globalement. Enfin, les conditions de transport ont nettement évolué depuis plus de 40 ans, et le salarié peut désormais rentrer chez lui à la f111 de chaque semaine.
L'article 11 (intitulé «Déplacements») de l'avenant «mensuels» de la convention collective de la métallurgie de la région de Dunkerque dispose que les conditions de déplacement des mensuels occupant des emplois non sédentaires sont réglées conformément aux dispositions prévues par l'accord national du 26 février 1976 relatif à ce sujet, qui leur sont applicables. Il résulte d'abord de ce renvoi express que cet accord du 26 février 1976 sur les conditions de déplacements est applicable à la relation de travail de M. N....
L'accord du 26 février 1976 relatif aux conditions de déplacement dans le cadre de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne, auquel se réfère expressément l'article 11 de l'avenant "mensuels" à la convention collective de la métallurgie de la région de Dunkerque relatif aux conditions de déplacement des mensuels occupant des emplois non sédentaires, définit le grand déplacement comme "celui, en raison de l'éloignement et du temps de voyage, empêche le salarié de rejoindre chaque soir son point de départ. Est considéré comme telle déplacement sur un lieu d'activité éloigné de plus de 50 kms du point de départ et qui nécessite un temps normal de voyage aller-retour supérieur à 2h30 par moyen de transport en commun ou mis à disposition".
Selon l'article 3.5 de cet accord, le salarié en grand déplacement perçoit une indemnité de séjour qui ne peut être confondue avec les salaires et appointements et qui "est versée pour tous les jours de la semaine, ouvrables ou non, d'exécution normale de mission."

Il en résulte que nonobstant son caractère forfaitaire, cette indemnité qui a pour objet de compenser forfaitairement les frais supplémentaires engagés par le salarié en cas de grand déplacement constitue un remboursement de frais qui doit être versé au salarié pour toute la durée du déplacement, samedis et dimanches compris.
En l'espèce il est constant que la SARL Sodalis n'a pas fait application de l'article 3-5.1 de l'accord national du 26 février 1976 et n'a pas réglé au salarié l'indemnité de séjour pour les jours non ouvrables des périodes d'exécution de la mission en grand déplacement; que, pour s'exonérer du paiement de cette indemnité, l'entreprise ne peut valablement arguer de ce qu'elle a appliqué des dispositions plus favorables que celles prévues par la convention collective dans la mesure où les indemnités journalières effectivement versées au salarié ne l'ont été que du lundi au vendredi, de sorte que le principe de "faveur" allégué ne peut être invoqué que pour ces jours précis et non pour les samedi et dimanche pour lesquels aucune indemnité n'a été versée. En tout état de cause, il n'est nullement démontré que le régime mis en place au sein de l'entreprise était plus favorable, sur la période considérée, que celui résultant de l'application des dispositions conventionnelles ;
M. N... est dès lors bien fondé à réclamer le paiement des indemnités de séjour visé à l'accord national du 26 février 1976 qui ne lui ont pas été réglées alors que les conditions prévues à l'accord étaient remplies et qui s'élèvent, selon le décompte produit par le salarié et sur lequel la SARL Sodalis ne formule aucune observation, à la somme de 4 039,00 euros au titre de rappel d'indemnité de grand déplacement »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'accord du 26 février 1976 sur les conditions de déplacement dans les entreprises appartenant aux industries de la transformation et de la production des métaux prévoit que l'indemnité de séjour est versée pour tous les jours de la semaine, ouvrables ou non, d'exécution normale de la mission.
Attendu que la Convention Collective de la Métallurgie Dunkerquoise prévoit qu'il faut se reporter à l'accord National du 26 février 1976 pour les conditions de déplacement.
Attendu que l'employeur n'a pas versé l'indemnité de grand déplacement lors des samedis et dimanches.
Vu le décompte des sommes de grand déplacement versées sur les fiches de paie, il y a lieu d'allouer à Monsieur N... J... la somme de 4 039 €00 au titre de rappel d'indemnité de grand déplacement. »

1/ ALORS QUE la comparaison des avantages contenus dans deux normes en concours, pour la détermination du plus favorable ayant seul vocation à s'appliquer, doit se faire par catégorie d'avantages ayant le même objet ou la même cause ; que l'accord national du 26 février 1976 relatif aux conditions de déplacement dans le secteur de la métallurgie prévoit dans son article 3.5.1 pour le salarié en grand déplacement le versement d'une indemnité de séjour pour chaque jour de la semaine, ouvrable ou non, compris dans la durée de la mission, et précise dans son article 3.5.5 que « la comparaison de l'indemnité de séjour existant dans l'entreprise sera faite globalement quels que soient les éléments composants ; seule l'indemnité la plus avantageuse sera retenue sans cumul total ou partiel » ; qu'il était acquis aux débats que la société Sodalis versait en l'espèce à ses salariés à l'occasion de chacun de leurs déplacements, une indemnité de déplacement versée chaque jour ouvrable compris dans la durée de leur mission ; que ces deux dispositifs avaient pour même objet de rembourser les frais de repas et d'hébergement occasionnés par les déplacements des salariés sur les chantiers ; qu'en retenant que la comparaison ne pouvait s'opérer que pour les seuls jours ouvrables où les deux indemnités avaient vocation à être versées, lorsque la comparaison devait être opérée en considération des deux systèmes dans leur globalité, la cour d'appel a violé l'article 3.5.5 de l'accord national du 26 février 1976 relatif aux conditions de déplacement et l'article L 2254-1 du code du travail ;

2/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que le liquidateur judiciaire de la société Sodalis faisait valoir dans ses écritures que le salarié avait perçu sur la période litigieuse la somme de 21 338, 60 euros au titre de ses déplacements, tandis qu'il n'aurait perçu en application du système conventionnel d'indemnité de séjour que la somme de 17 149, 86 euros, tableau de calcul à l'appui (conclusions d'appel de l'exposant p 11, pièce d'appel n° 43) ; qu'en affirmant qu'il n'est nullement démontré que le régime mis en place au sein de l'entreprise est plus favorable sur la période considérée que celui résultant de l'application des dispositions conventionnelles, sans examiner ni même viser le tableau de calcul versé aux débats comparant les sommes perçues par le salarié pour chaque déplacement qu'il avait effectué aux sommes qui lui auraient été versées en application de l'accord collectif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-26711
Date de la décision : 16/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 26 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 déc. 2020, pourvoi n°18-26711


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26711
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