LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 décembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1380 F-P+B+I
Pourvoi n° T 19-22.609
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme W....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 21 novembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020
M. T... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 19-22.609 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-2), dans le litige l'opposant à Mme Q... W..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. X..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme W..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 février 2019), un jugement du 21 juin 2017 du juge aux affaires familiales d'un tribunal de grande instance a prononcé le divorce de M. X... et de Mme W....
2. Par déclaration en date du 18 août 2018, M. X... a relevé appel de ce jugement, en ce qu'il le condamnait à verser à Mme W... une prestation compensatoire.
3. Par ordonnance du 6 septembre 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel irrecevable comme tardif.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel qu'il a interjeté du jugement de divorce rendu le 21 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Draguignan, alors :
« 1°/ que si les « exceptions » de nullité d'actes de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond, elles peuvent en revanche être soulevées après une demande au fond, en réponse à un moyen de défense soulevé par le défendeur ; qu'en effet, la nullité de l'acte de procédure ne se trouve alors pas couverte par la demande au fond antérieure, cet acte n'ayant été opposé au demandeur que postérieurement au dépôt de ses conclusions au fond ; qu'ainsi l'appelant auquel est opposée la tardiveté de l'appel peut lui-même opposer l'irrégularité de la signification, même après avoir conclu au fond, s'il est établi qu'il a conclu avant que l'intimé ne lui oppose l'irrecevabilité de son appel ; que dès lors en reprochant à M. X..., appelant, d'avoir déposé devant la Cour ses demandes au fond le 18 novembre 2017, sans soulever in limine litis devant le juge de la mise en l'état l'exception de nullité de l'acte de signification, lequel acte ne lui a pourtant été opposé par Mme W... pour faire valoir la tardiveté de l'appel, que le 17 janvier 2018, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 73, 74, 112 et 771 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
2°/ que la signification doit être faite à personne ou, si celle-ci s'avère impossible, à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence, peu importe que ceux-ci soient occupés sans droit ni titre ; qu'en écartant le moyen soulevé par M. X... qui reprochait à l'huissier et à son ex-épouse de ne pas lui avoir signifié le jugement au lieu où il habitait de façon notoire, en raison de son occupation illégale, sans droit ni titre, de celui-ci, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 654, 655, et 659 du code de procédure civile et 102 du Code civil, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles 74 et 914 du code de procédure civile que les exceptions de nullité d'actes de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond, dans des conclusions spécialement adressées au conseiller de la mise en état, seul compétent pour statuer sur l'irrecevabilité de l'appel et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel.
6. Ayant relevé que M. X... avait soulevé la nullité de la signification du jugement dans ses conclusions au fond en date du 18 novembre 2017, adressées à la cour d'appel, et non dans des conclusions destinées au magistrat de la mise en état, et que ce dernier avait été saisi le 17 janvier 2018 par Mme W... par des conclusions d'incident soulevant l'irrecevabilité de l'appel, formées elles-mêmes avant toute défense au fond, c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré M. X... irrecevable à soulever la nullité de la signification du jugement et jugé l'appel irrecevable comme tardif.
7. Dès lors, le moyen, qui s'attaque à des motifs surabondants en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. X... et le condamne à payer à la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel interjeté par M. X... à l'encontre du jugement de divorce rendu le 21 juin 2017 par le Tribunal de grande instance de Draguignan ;
AUX MOTIFS QUE « contrairement à ce que soutient M. X... le moyen tiré de la nullité d'un acte de signification est une exception de procédure au sens de l'article 73 précité, puisqu'il n'est pas formulé au soutien d'une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais pour obtenir le constat de l'irrégularité de la signification litigieuse.
L'article 74 alinéa 1er, du code de procédure civile précise que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond, et l'article 112 du même code prévoit pour sa part que la nullité est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond.
Par ailleurs l'article 771 du code de procédure civile attribue compétence exclusive au magistrat chargé de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure. L'article 914 du même code dispose pour sa part que ce magistrat est seul compétent pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel. Enfin l'article 772-1 du code de procédure civile prévoit que le magistrat chargé de la mise en état est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées, distinctes des conclusions au sens de l'article 753 du même code.
Il en résulte que l'argument de la nullité de la signification du jugement déféré devait être soulevé avant toute défense au fond devant le magistrat chargé de la mise en état, puisque ce dernier était en l'occurrence saisi de l'instruction de l'affaire.
Or, en l'espèce, Monsieur X... a soulevé l'argument de la nullité de la signification du jugement dans ses conclusions au fond en date du 18 novembre 2017, adressées à la cour, et non dans des conclusions destinées au magistrat chargé de la mise en état. Ce dernier a été saisi le 17 janvier 2018 par Mme W... par des conclusions d'incident soulevant l'irrecevabilité de l'appel formées elle-même avant toute défense au fond.
Monsieur X... est dès lors irrecevable à soulever la nullité de la signification du jugement de première instance. » ;
AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE «
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la décision dont appel a été rendue par jugement contradictoire par le juge aux affaires familiales de Draguignan le 21 juin 2017 et signifié à M. X... par acte extra-judiciaire déposé à l'étude le 13 juillet 2017, après que l'huissier instrumentaire ait accompli les diligences imposées par les articles 656 et 658 du code de procédure civile.
L'huissier a ainsi acté dans l'acte litigieux avoir interrogé la personne sur place qui lui a indiqué que le requis était parti depuis le mois de septembre dernier, sans pouvoir communiquer de nouvelle adresse.
L'huissier a également noté que le nom de M. X... ne figurait plus sur la boîte aux lettres et que la mairie le connaissait à l'adresse de l'ancien domicile conjugal.
Il est toutefois constant que M. X..., qui se domicilie de fait à l'ancien domicile conjugal, occupe ce bien immobilier sans droit, ni titre, puisque, au cours de la procédure de divorce, la jouissance de l'immeuble a été attribuée à titre gratuit à Mme W... qui est restée dans les lieux jusqu'au 14 avril 2017 date à laquelle elle a quitté la région.
M. X... a ensuite occupé les lieux destinés à la vente pour désintéresser les créanciers du couple, ce qui a suscité un dépôt de plainte de Mme W... auprès des services de gendarmerie de Saint-Pol-de-Léon (29) dès qu'elle a eu connaissance de cette occupation illicite.
Dans ces conditions, M. X... ne saurait se prévaloir de la nullité de l'acte de signification, au motif que celui-ci aurait été délivré à sa dernière adresse connue dans le cadre de la procédure de divorce, alors qu'il était notoire qu'il occupait de manière illégale, sans droit ni titre l'ancien domicile conjugal. Surabondamment, M. X... invoque dans des conclusions au fond une exception de procédure, qu'il aurait dû soulever in limine litis par conclusions de procédure. Ses moyens seront donc rejetés et son appel tardif, au regard du délai imparti par l'article 538 du code de procédure civile, sera déclaré irrecevable. »
1°) ALORS QUE si les « exceptions » de nullité d'actes de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond, elles peuvent en revanche être soulevées après une demande au fond, en réponse à un moyen de défense soulevé par le défendeur ; qu'en effet, la nullité de l'acte de procédure ne se trouve alors pas couverte par la demande au fond antérieure, cet acte n'ayant été opposé au demandeur que postérieurement au dépôt de ses conclusions au fond ; qu'ainsi l'appelant auquel est opposée la tardiveté de l'appel peut lui-même opposer l'irrégularité de la signification, même après avoir conclu au fond, s'il est établi qu'il a conclu avant que l'intimé ne lui oppose l'irrecevabilité de son appel ; que dès lors en reprochant à M. X..., appelant, d'avoir déposé devant la Cour ses demandes au fond le 18 novembre 2017, sans soulever in limine litis devant le juge de la mise en l'état l'exception de nullité de l'acte de signification, lequel acte ne lui a pourtant été opposé par Mme W... pour faire valoir la tardiveté de l'appel, que le 17 janvier 2018, la Cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 73, 74, 112, et 771 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
2°) ALORS QUE la signification doit être faite à personne ou, si celle-ci s'avère impossible, à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence, peu importe que ceux-ci soient occupés sans droit ni titre ; qu'en écartant le moyen soulevé par M. X... qui reprochait à l'huissier et à son ex-épouse de ne pas lui avoir signifié le jugement au lieu où il habitait de façon notoire, en raison de son occupation illégale, sans droit ni titre, de celui-ci, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 654, 655, et 659 du Code de procédure civile et 102 du Code civil, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.