La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/12/2020 | FRANCE | N°19-17179

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 décembre 2020, 19-17179


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1166 F-D

Pourvoi n° R 19-17.179

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

Mme M... C..., domicilié

e [...] , a formé le pourvoi n° R 19-17.179 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1166 F-D

Pourvoi n° R 19-17.179

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

Mme M... C..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° R 19-17.179 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés (l'ADAPEI), dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme C..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'ADAPEI, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Pecqueur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 26 novembre 2018), Mme C... a été engagée en qualité d'éducatrice spécialisée le 3 novembre 1995 par l'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés (l'ADAPEI) et, par avenant du 7 septembre 2009, a été nommée chef de service avec effet rétroactif au 1er septembre 2004.

2. Mme C... a été licenciée pour faute grave le 10 juin 2014.

3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement était fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes de condamnation de l'ADAPEI à lui payer des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour rupture abusive, de dommages- intérêts pour préjudice moral et psychologique, alors « que constitue une modification unilatérale du contrat de travail justifiant le refus du salarié, le fait d'imposer à un chef de service une mission d'étude qui le prive de toute fonction d'encadrement inhérente à son poste ; qu'ayant constaté que Mme C..., chef de service, s'était vu contrainte de réaliser une mission d'étude et en se bornant à affirmer, sans en justifier, qu'une telle mission entrait dans le cadre de ses fonctions de chef de service conformément aux dispositions de l'article 2-2.2 de la convention collective du 15 mars 1966, sans rechercher si son poste n'avait pas été vidé de sa substance par la perte de toute fonction hiérarchique à l'égard des éducateurs spécialisés qu'elle encadrait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2-2.2 de l'annex 6 de la convention collective du 15 mars 1966, de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 1121-1 du code du travail et 2.2 de l'annexe 6 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 :

5. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et selon le deuxième, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.

6. Il résulte de l'article 2.2 de l'annexe 6 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 que la liste des emplois concernés des cadres chefs de service ou ayant une mission de responsabilité hiérarchique est :
- chef de service éducatif, pédagogique, animation, social, paramédical, atelier ;
- chef de service technique (personnel, administratif, financier, gestion, informatique...) ;
- chargé de recherche ou de mission ;
- conseiller technique, attaché ou assistant de direction.

7. Pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que la mission d'étude confiée à l'intéressée dont elle a refusé l'exécution, entrait dans le cadre de ses fonctions de chef de service conformément aux dispositions de l'article 2-2.2 de la convention collective du 15 mars 1966.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la salariée conservait les fonctions d'encadrement et les responsabilités hiérarchiques antérieurement exercées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne l'ADAPEI à payer à Mme C... la somme de 3 974,92 euros pour non respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 26 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;

Condamne l'ADAPEI aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'ADAPEI et la condamne à payer à Mme C... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme C...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme C... était fondé sur une faute grave et d'AVOIR débouté Mme C... de ses demandes de condamnation de l'ADAPEI à lui payer des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour rupture abusive, de dommages et intérêts pour préjudice moral et psychologique ;

AUX MOTIFS QUE « La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
« Madame, Le Conseil d'Administration de l'ADAPEI a examiné les faits suivants vous concernant :
- Le 18 mars 2014, le Directeur vous a confié une mission d'étude quantitative et qualitative de la population du SESSAD dont vous êtes le chef de service, dans le but de définir les futures orientations pour ce service. Le 7 avril 2014, le Directeur vous a demandé de lui rendre compte de l'état de la mission qu'il vous a confiée.
Le 27 avril 2014, face à votre refus, le Directeur a réitéré sa demande, vous a mis en garde contre votre insubordination et votre irresponsabilité compte tenu de vos fonctions de cadre chef de service et vous a notifié une observation.
Le 9 mai 2014, toujours sans réponse de votre part, le Directeur vous a convoquée à un entretien préalable à sanction par lettre recommandée avec AR pour le 16 mai 2014 à 10 heures et auquel vous ne vous êtes pas présentée.
Le 23 mai 2014, par lettre recommandée avec AR, le Directeur vous a convoquée à un nouvel entretien préalable pour le 4 juin 2014 en vous précisant que le conseil d'Administration de l'ADAPEI envisageait de vous licencier.
Le 4 juin 2014, le Directeur et Madame L... X..., représentant l'ADAPEI ont pris acte de votre absence à cet entretien.
Le Conseil d'Administration de l'ADAPEI a d'autre part considéré les points suivants : la mission d'étude qui vous a été confiée par le Directeur, relève bien des dispositions de l'article 2-2.2 de l'annexe 6 de la convention collective du 15 mars 1966 définissant vos attributions de cadre ayant mission de responsabilité hiérarchique telles qu'elles, figurent [dans] votre contrat de travail.
- Votre refus caractérisé de rendre compte de cette mission et de la réaliser en dépit des rappels et des mises en garde du Directeur, prive le SESSAD de données essentielles nécessaires à la poursuite des objectifs pour lesquels il est agréé, entrave le fonctionnement et l'évolution dudit SESSAD et constitue un acte d'insubordination contraire à vos fonctions de cadre.
Votre absence aux entretiens auxquels vous avez été convoquée par lettre recommandée avec AR, atteste d'une part de votre refus de justifier votre conduite et d'autre part de votre volonté de ne pas y remédier.
Le Conseil d'Administration de PADAPEI estime alors que votre refus de rendre compte de votre mission constitue une faute professionnelle grave compte tenu de vos responsabilités de chef de service, qu'il nuit au fonctionnement et au développement du SESSAD et compromet la poursuite de votre contrat de travail.
Par conséquent, le Conseil d'Administration de l'ADAPEI vous notifie votre licenciement immédiat pour faute grave, sans préavis ni indemnité.
(
).
L'employeur reproche ainsi à Mme M... C... d'avoir refusé d'exécuter une mission d'étude quantitative et qualitative de la population du SESSAD dont elle était le chef de service.
Mme M... C... soutient qu'une telle mission n'entrait pas dans le cadre de ses fonctions de chef de service et reproche à l'employeur d'avoir modifié unilatéralement son contrat de travail en la privant de la fonction d'encadrement.
Il convient de rappeler ici que l'employeur, responsable de l'activité de l'association, en assume les risques et prend les décisions ; qu'il lui appartient de décider de l'affectation, des horaires réguliers de travail des salariés ; qu'il peut changer le travail effectué par un salarié, dès l'instant où il correspond à ses qualifications, sauf à commettre un abus de droit ou exercer une discrimination prohibée (ce que Mme M... C... n'établit pas) ; que si la modification décidée unilatéralement par l'employeur porte sur un élément essentiel du contrat, le salarié n'a que deux possibilités : accepter la modification ou la refuser et invoquer la rupture du contrat aux torts de l'employeur.
En l'espèce, le Docteur A..., expert psychiatre, a adressé le 10 septembre 2013 une correspondance à l'employeur de Mme M... C..., dans les termes suivants : « Je tiens à vous faire part de mon inquiétude quant au bon fonctionnement de l'équipe SESSAD. Depuis quelques semaines se précise la rumeur de reprise de travail de Madame M... C..., absente depuis de longs mois. L'équipe enfin stable depuis quelques mois, élabore petit à petit des modalités de travail sereines avec collaboration efficace et confiante (...) Pour mémoire, je vous résume le contenu des différents courriers et entretiens concernant le mode de fonctionnement de Madame C..., que j'ai déjà pu aborder avec vous. En tant que psychiatre, il m'apparaît que Madame C... présente un fonctionnement hautement pathogène, induit par sa personnalité structurée de façon très pathologique. Ces éléments contre-indiquent totalement qu'elle puisse exercer une quelconque activité en relation directe avec les familles et professionnels, au sein d'une structure médico-sociale, ainsi que des responsabilités mettant en jeu des relations humaines Sa méticulosité et sa persévérance pourraient lui servir dans une tâche de recherche contribuant ainsi à enrichir la réflexion collective, sans nuire à une dynamique d'équipe, tout en étant narcissiquement acceptable pour elle ».
C'est dans ces conditions, que Mme M... C... s'est vue confier une mission d'étude.
Contrairement à ce que soutient Mme M... C... et à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes, la cour considère que la mission d'étude confiée à l'intéressée entrait dans le cadre de ses fonctions de chef de service conformément aux dispositions de l'article 2-2.2 de la convention collective du 15 mars 1966, alors au surplus que Mme M... C... avait, à sa demande, bénéficié d'une formation qualifiante de « Master en management par la qualité, option social et médico-social », d'une durée d'une année à Bordeaux ; que l'ADAPEI avait participé au règlement des frais de transport et d'hébergement en pension complète, générés par l'éloignement de sa salariée.
En refusant d'exécuter la mission qui lui était confiée, Mme M... C... a donc commis une faute grave justifiant son licenciement sans indemnité ni préavis » ;

1°- ALORS QUE constitue une modification unilatérale du contrat de travail justifiant le refus du salarié, le fait d'imposer à un chef de service une mission d'étude qui le prive de toute fonction d'encadrement inhérente à son poste ; qu'ayant constaté que Mme C..., chef de service, s'était vu contrainte de réaliser une mission d'étude et en se bornant à affirmer, sans en justifier, qu'une telle mission entrait dans le cadre de ses fonctions de chef de service conformément aux dispositions de l'article 2-2.2 de la convention collective du 15 mars 1966, sans rechercher si le poste de Mme C... n'avait pas été vidé de sa substance par la perte de toute fonction hiérarchique à l'égard des éducateurs spécialisés qu'elle encadrait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2-2.2 de l'annexe 6 de la convention collective du 15 mars 1966, de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°- ALORS de plus qu'ayant constaté que la mission d'étude imposée à Mme C... avait été décidée par l'ADAPEI à la suite de la correspondance que lui a adressée un expert-psychiatre du 10 septembre 2013, laquelle vise à exclure Mme C... de toute relation tant avec les familles qu'avec les professionnels, ce dont il s'induit que l'objectif de l'ADAPEI était bien de l'évincer définitivement de son poste de chef de service qui s'exerce avec les familles et les professionnels et en jugeant cependant que le refus d'exécuter la mission était constitutif d'une faute grave au motif inopérant que la mission litigieuse aurait relevé de ses fonctions de chef de service, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3° - ALORS QUE Mme C... a fait valoir que depuis la reprise de son travail après un long arrêt de travail consécutif à un accident du travail, l'ADAPEI n'avait eu de cesse de la reléguer au poste de « cadre chargé d'études et de projets » pour s'opposer à son retour effectif dans ses fonctions de chef de service ; que la mission d'étude qu'elle avait refusée de réaliser après avoir pu enfin réintégrer son emploi de chef de service à temps plein après l'intervention du médecin du travail et de l'inspection du travail, n'était autre que celle à laquelle l'ADAPEI avait dû renoncer après l'intervention de ces autorités ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments déterminants et de nature à établir l'absence du caractère fautif du refus d'exécuter la mission litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

4°- ALORS de surcroît QUE la lettre de licenciement ne reproche pas à Mme C... d'avoir refusé de réaliser une mission d'étude alors qu'elle aurait bénéficié à cet effet d'une formation qualifiante, coûteuse pour l'ADAPEI ; qu'en se fondant sur ce grief pour en déduire que Mme C... a commis une faute grave, la cour d'appel qui a méconnu les termes du litige tels que fixés par la lettre de licenciement, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-17179
Date de la décision : 09/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 26 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 déc. 2020, pourvoi n°19-17179


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.17179
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award