La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2020 | FRANCE | N°19-20086

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 novembre 2020, 19-20086


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 novembre 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1362 F-D

Pourvoi n° A 19-20.086

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. et Mme B...,.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 mai 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE F

RANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

1°/ M. R... B...,

2°/ Mme X......

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 novembre 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1362 F-D

Pourvoi n° A 19-20.086

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. et Mme B...,.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 mai 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

1°/ M. R... B...,

2°/ Mme X... O..., épouse B...,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° A 19-20.086 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, sécurité sociale), dans le litige les opposant à la caisse d'allocations familiales du Nord, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. et Mme B..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la caisse d'allocations familiales du Nord, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 octobre 2018), M. B..., ressortissant serbe, et Mme O..., ressortissante bosnienne, sont entrés irrégulièrement en France en septembre 2003 avec leurs trois enfants. À la suite de l'annulation par le tribunal administratif de Lille de deux arrêtés leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, M. B... a obtenu, le 16 juillet 2014, une carte de séjour temporaire, mention « vie privée et familiale », et Mme O..., le 11 juin 2015, une carte de séjour temporaire.

2. Dès l'obtention de sa carte de séjour, M. B... a sollicité auprès de la caisse d'allocations familiales du Nord (la caisse) le bénéfice des prestations familiales pour ses huit enfants, à compter du 1er février 2013, date du dépôt de sa demande de titre de séjour auprès de la préfecture.

3. La caisse lui a accordé le bénéfice, à partir du 1er août 2014, des prestations familiales pour les cinq enfants nés en France, mais a refusé de lui accorder les prestations familiales pour les trois autres enfants nés hors du territoire national.

4. Les époux B... (les allocataires) ont saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Les allocataires font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande d'attribution rétroactive, à compter du 1er février 2013, des prestations familiales, alors « que le bénéfice des allocations familiales est accordé aux personnes résidant de façon effective, permanente et régulière en France, ayant la charge effective d'un ou plusieurs enfants, les prestations étant dues à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel les conditions d'ouverture du droit sont réunies ; que les époux B... dont il n'est pas contesté qu'ils ont la charge effective de leurs huit enfants, doivent être considérés comme résidant régulièrement en France depuis le 1er février 2013, date de leur demande de titre de séjour, en suite de l'annulation, par le juge administratif, des décisions du préfet du Nord du 24 janvier 2014 leur en refusant le bénéfice, et enjoignant en conséquence au préfet de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ; qu'en jugeant que les prestations familiales ne pouvaient leur être attribuées qu'à compter du premier jour du mois suivant celui de l'attribution effective du titre de séjour accordé par le jugement du 24 janvier 2014, la cour d'appel a violé les articles L. 512-1 et L. 552-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 552-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, les prestations familiales sont dues à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel les conditions de leur bénéfice sont réunies.

7. Pour refuser l'attribution des prestations familiales à compter du 1er février 2013, l'arrêt retient que les allocataires font une lecture erronée du jugement du tribunal administratif du 12 juin 2014, qui ne contient aucune disposition en vue de l'obtention d'un droit au séjour rétroactif, et qu'ils ne prennent pas en compte le fait que la faculté d'octroyer les prestations familiales à compter d'une date antérieure à celle de la décision de la caisse suppose que les conditions d'octroi desdites prestations soient réunies, et notamment celle relative à une résidence régulière en France. Il en déduit qu'en se référant à la date de détention effective d'un titre de séjour, la caisse a fait une juste application des dispositions légales et réglementaires.

8. De ces constatations, faisant ressortir que les conditions du bénéfice des prestations familiales n'étaient réunies qu'au jour de l'obtention du titre de séjour, et non au jour du dépôt de la demande de titre, la cour d'appel a exactement déduit que les allocataires ne pouvaient prétendre aux prestations familiales qu'à compter du 1er août 2014.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. Les allocataires font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande d'attribution des prestations familiales pour les trois enfants nés hors du territoire national, alors « qu'en application de l'article 1 § 2 de la convention générale de sécurité sociale signée entre la France et la Yougoslavie le 5 janvier 1950, publiée par le décret n° 51-457 du 19 avril 1951, rendue applicable dans les relations entre la France et la Serbie par l'accord entre le gouvernement de la République française et le conseil des ministres de Serbie et Monténégro relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et la République fédérative de Yougoslavie, signé le 26 mars 2003, publié par le décret n° 2003-457 du 16 mai 2003, et rendue applicable dans les relations entre la France et la Bosnie-Herzégovine par l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et la République socialiste fédérative de Yougoslavie, signées à Paris et à Sarajevo les 3 et 4 décembre 2003, publié par le décret n°2004-96 du 26 janvier 2004, les ressortissants de ces Etats sont soumis respectivement aux législations concernant les prestations familiales énumérées à l'article 2 de la même convention, qui y sont applicables, et en bénéficient dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces Etats, ce qui exclut que la législation de l'un des Etats contractants soumette l'octroi d'une prestation familiale à un ressortissant des autres Etats à des conditions supplémentaires ou plus rigoureuses par rapport à celles applicables à ses propres ressortissants ; qu'ayant constaté que M. B... était de nationalité serbe et Mme O... de nationalité bosniaque, la cour d'appel qui les a déboutés de leur demande tendant à l'attribution de prestations familiales pour leurs trois filles ainées, nées hors de France, faute de production d'une attestation de l'autorité préfectorale précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, documents qui ne sont pas exigés des ressortissants français, a statué sur le fondement de textes instituant une discrimination directement fondée sur la nationalité, en violation des articles 1 § 2 et 2 de la convention générale du 5 janvier 1950 susvisée. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1, § 2, et 2 de la convention générale entre la France et la Yougoslavie sur la sécurité sociale signée le 5 janvier 1950, publiée par le décret n° 51-457 du 19 avril 1951, rendue applicable dans les relations entre la France et la Serbie par l'accord entre le gouvernement de la République française et le conseil des ministres de Serbie-et-Monténégro relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et la République fédérative de Yougoslavie, signé le 26 mars 2003, publié par le décret n° 2003-457 du 16 mai 2003, et rendue applicable dans les relations entre la France et la Bosnie-Herzégovine par l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et la République socialiste fédérative de Yougoslavie, signées à Paris et à Sarajevo les 3 et 4 décembre 2003, publié par le décret n° 2004-96 du 26 janvier 2004 :

10. Selon le premier de ces textes, seul applicable au droit à prestations du chef de l'enfant qui réside également sur le territoire français, les ressortissants français, serbes, ou bosniens qui n'ont pas la qualité de travailleur salarié ou assimilé au sens des législations de sécurité sociale comprises dans le champ d'application de la Convention, sont soumis respectivement aux législations concernant les prestations familiales énumérées au second de ces textes, applicables en Serbie, en Bosnie et en France, et en bénéficient dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces pays.

11. Pour débouter les allocataires de leur demande d'attribution des prestations familiales au bénéfice de leurs trois enfants nés hors du territoire national, l'arrêt retient que la convention de sécurité sociale conclue entre la France et la Yougoslavie, dont l'application a été maintenue pour les citoyens serbes et bosniens suivant deux accords de 2003, ne contient aucune disposition tendant à écarter de manière expresse la nécessité de fournir un document relatif à l'entrée des enfants sur le territoire français, et plus particulièrement l'attestation préfectorale visée par l'article D. 512-2, qui avec l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, instituent certes une différence de traitement mais reposant sur une justification objective et raisonnable. Il en déduit que la question de l'entrée régulière des enfants demeure et doit être examinée au regard de la législation française.

12. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations, que les trois enfants résident en France avec leurs parents, titulaires d'un titre de séjour, ce dont il résulte que ces derniers peuvent prétendre au bénéfice des prestations familiales dans les mêmes conditions que les allocataires de nationalité française, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

13. Les allocataires font le même grief à l'arrêt, alors « que la cassation à intervenir sur les deuxième et troisième branches entraînera la cassation de l'arrêt en ce que la cour d'appel a débouté les exposants de leur demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du refus de la CAF du Nord de leur allouer les prestations auxquelles ils ont droit par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

14. La cassation prononcée sur le moyen, pris en sa deuxième branche, entraîne la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il rejette les demandes en indemnisation du préjudice subi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que ni M. B..., ni Mme O... n'ont le droit aux prestations familiales pour la période antérieure au 1er août 2014 et les déboute de leur demande en paiement des prestations familiales pour la période antérieure au 1eraoût 2014, l'arrêt rendu le 26 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la caisse d'allocations familiales du Nord aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse d'allocations familiales du Nord et la condamne à payer à la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt.

P/Le conseiller referendaire rapporteur empêché le president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme B...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que M. R... B... est de nationalité serbe tandis que Mme X... O... ne justifie d'aucune nationalité et a demandé le statut d'apatride selon l'attestation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 5 décembre 2014, d'AVOIR dit que M. B... est titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale » valable un an à compter du 16 juillet 2014 prorogée jusqu'au 15 janvier 2016, d'AVOIR dit que Mme O... est titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale» valable un an à compter du 11 juin 2015, en l'état des pièces produites aux débats, d'AVOIR constaté que pour leurs 5 enfants nés en France la CAF du Nord paie à M. B... et à Mme O... les prestations familiales depuis le 1er août 2014, d'AVOIR dit que ni M. B..., ni Mme O... n'ont droit aux prestations familiales pour la période antérieure au 1er août 2014, d'AVOIR constaté que M. B... et Mme O... ne produisent pas l'un des documents mentionnés à l‘article D 512-2 du code de la sécurité sociale pour leurs trois filles W..., K... et H... nées à l'étranger et de nationalité serbe, d'AVOIR dit que les articles L 512-2 et R 512-2 du code de la sécurité sociale ne sont pas discriminatoires pour M. B... et Mme O... et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale étant conformes aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, d'AVOIR débouté M. B... et Mme O... de leur demande en paiement des prestations familiales pour la période antérieure au 1er août 2014, de leur demande en paiement des prestations familiales pour leurs trois enfants mineurs d'âge W..., K... et H... nées à l'étranger et de nationalité serbe, de leur demande d'annulation de la décision de la commission de recours amiable du 19 février 2015, de leur demande de dommages intérêts dirigée contre la CAF du Nord, et de leur demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS PROPRES QUE de l'union de M. B..., ressortissant serbe, et de Mme O..., ressortissante bosnienne, sont nés huit enfants : W... B... le [...] à Turin en ltalie, K... B... le [...] à Hambourg en Allemagne, H... B... le [...] à Hambourg en Allemagne, L... B... le [...] à Lille, Q... B... le [...] à Lille, F... B... le [...] à Lille, U... B... le [...] à Lens, G... B... le 27 mars 2014 à Armentières (arrêt p.2 § 2) ; que sur la demande d'octroi de prestations familiales, l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale prévoit que toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales dans les conditions prévues par le présent livre sous réserve que ce ou ces derniers ne soient pas bénéficiaires, à titre personnel, d'une ou plusieurs prestations familiales, de l'allocation de logement sociale ou de l'aide personnalisée au logement ; que le précédent alinéa ne s'applique pas aux travailleurs détachés temporairement en France pour y exercer une activité professionnelle et exemptés d'affiliation au régime français de sécurité sociale en application d'une convention internationale de sécurité sociale ou d'un règlement communautaire ainsi qu'aux personnes à leur charge, sous réserve de stipulation particulière de cette convention ; que l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale dispose pour sa part que bénéficient de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen et de la Confédération suisse qui remplissent les conditions exigées pour résider régulièrement en France, la résidence étant appréciée dans les conditions fixées pour l'application de l'article L. 512-1 ; que bénéficient également de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France ; que ces étrangers bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées de l'une des situations suivantes: leur naissance en France, leur entrée régulière dans le cadre de la procédure du regroupement familial visée au livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur qualité de membre de famille de réfugié, leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 10° de l'article L.3l3-ll du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-13 du même code, leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de l'une des cartes de séjour mentionnées à l'article L. 313-8 du même code, leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 7° de l'article L. 313-11 du même code à la condition que le ou les enfants en cause soient entrés en France au plus tard en même temps que l'un de leurs parents titulaires de la carte susmentionnée ; qu'un décret fixe la liste des titres et justifications attestant de la régularité de l'entrée et du séjour des bénéficiaires étrangers "détermine également la nature des documents exigés pour justifier que les enfants que ces étrangers ont à charge et au titre desquels des prestations familiales sont demandées remplissent les conditions prévues aux alinéas précédents» ; que l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale dispose que la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production de l'un des documents suivants : extrait d'acte de naissance en France, certificat de contrôle médical de l'enfant, délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration â l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial, livret de famille délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, un acte de naissance établi, le cas échéant, par cet office, lorsque l'enfant est membre de famille d'un réfugié, d'un apatride ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire et lorsque l'enfant n'est pas l'enfant du réfugié, de l'apatride ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, cet acte de naissance est accompagné d'un jugement confiant la tutelle de cet enfant à l'étranger qui demande à bénéficier des prestations familiales, visa délivré par l'autorité consulaire et comportant le nom de l'enfant d'un étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-8 ou à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, attestation délivrée par l'autorité préfectorale, précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, titre de séjour délivré à l'étranger âgé de seize à dix-huit ans dans les conditions fixées par l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est également justifiée, pour les enfants majeurs ouvrant droit aux prestations familiales, par l'un des titres mentionnés à l'article D. 512-1 ; qu'en l'espèce les époux B... soutiennent qu'il ne peut être exigé de leur part la justification de la délivrance par la préfecture de l'attestation visée par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, dès lors que la convention générale de 1950 entre la France et la Yougoslavie prohibe toute discrimination en instaurant un principe d'égalité de traitement entre les citoyens visés par ce texte et les citoyens français, pour lesquels une telle exigence n'est pas posée ; qu'ils font valoir à ce titre que la convention de 1950, dont la continuité d'application a été instaurée par les accords du 26 mars 2003 pour les citoyens serbes et du 4 décembre2013 pour les citoyens bosniaques, vise expressément la législation sur les prestations familiales ; qu'en réponse la CAF reproche aux époux B... de ne pas rapporter la preuve de la régularité de l'entrée sur le territoire national de leurs trois enfants aînés et soutient que les conditions d'octroi instaurées par la législation française ne violent ni les dispositions de la convention européenne des droits de l'homme ni celles de la convention internationale des droits de l'enfant, et que l'existence d'un accord de sécurité sociale entre la France et la Yougoslavie n'est pas de nature à remettre en cause l'exigence d'une justification d'une entrée régulière ; qu'il résulte des textes précités que pour bénéficier des prestations familiales pour leurs trois enfants aînés, les époux B..., non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, doivent remplir l'une des conditions énumérées à l'alinéa 3 de l'article L 512-2 du code de la sécurité sociale et justifier de la régularité de l'entrée et du séjour de ses enfants par la production de l'un des documents énumérés à l'article D 512-2 dudit code ; qu'en outre la liste de l'article D 512-2 est limitative de sorte que la preuve de telles situations visées par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale comme un regroupement familial ou une entrée de l'enfant en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents ne peut résulter respectivement que du certificat médical de l'OFII ou que de l'attestation délivrée par l'autorité préfectorale ; que par ailleurs les articles L.512-2 et D.512-2, qui revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en ce qui concerne la convention de sécurité sociale conclue entre la France et la Yougoslavie, dont l'application a été maintenue pour les citoyens serbes et bosniaques suivant deux accords de 2003, il convient de constater qu'elle ne contient aucune disposition tendant à écarter de manière expresse la nécessité de fournir un document relatif à l'entrée des enfants sur le territoire français, et plus particulièrement l'attestation préfectorale visée par l'article D 512-2, qui avec l'article L.512-2 du code de la sécurité sociale instituent certes une différence de traitement mais reposant sur une justification objective et raisonnable, de sorte que les époux B... ne peuvent pas se prévaloir d'une discrimination ; qu'en conséquence la question de l'entrée régulière des enfants demeure et doit être examinée au regard de la législation française ; qu'il convient au regard de l'ensemble de ces éléments de confirmer par substitution de motifs le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux B... de leur demande pour leurs trois enfants aînés ; que sur la demande tendant au bénéfice rétroactif des prestations familiales, les époux B... demandent à bénéficier des prestations familiales à compter du 1er février 2013 au motif que le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 12 juin 2014 a régularisé leur situation et qu'ils ont obtenu un droit au séjour rétroactif ; qu'il apparaît toutefois qu'ils font une lecture erronée du jugement du 12 juin 2014, qui ne contient aucune dispositions en ce sens, et ne prennent pas en compte le fait que la faculté d'octroyer les prestations familiales à compter d'une date antérieure à celle de la décision de la caisse suppose que les conditions d'octroi desdites prestations soient réunies, et notamment celle relative à une résidence régulière en France ; qu'en se référant à la date de détention effective d'un titre de séjour la CAF de Lille a fait une juste application des dispositions légales et réglementaires, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point, qui a bien statué sur cette demande contrairement aux allégations des époux B..., par des dispositions concernant leurs 5 enfants les plus jeunes puisque le tribunal ne faisait pas droit à leur demande pour les trois aînés ; que sur la demande en dommages et intérêts, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux B... de leur demande en dommages et intérêts dès lors qu'aucune faute ne peut être imputée à la CAF de Lille (arrêt p.2 § dernier à p.6 § 2) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il n'est pas discuté que M. R... B... et Mme X... O... sont arrivés en France en septembre 2003 de façon irrégulière selon les règles administratives applicables ; qu'ils se sont mariés à Haubourdin le 7 mai 2005 ; que de leur union sont nés 8 enfants : W... B... le [...] à Turin en ltalie, K... B... le [...] à Hambourg en Allemagne, H... B... le [...] à Hambourg en Allemagne, L... B... le [...] à Lille, Q... B... le [...] à Lille, F... B... le [...] à Lille, U... B... le [...] à Lens, G... B... le 27 mars 201 à Armentières ; que par jugement en date du 12 juin 2014 le tribunal administratif de Lille a enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. R... B... et à Mme X... O... une carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale » dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement ; que le tribunal administratif, dans le dispositif de ce jugement auquel s'attache l'autorité de la chose jugée, ne statue pas sur l'entrée régulière ou irrégulière sur le territoire national des trois enfants du couple nés à l'étranger à savoir W..., K... et H... ; que M. R... B... est titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale » valable un an à compter du 16 juillet 2014 ; que la validité de cette carte a été prorogée jusqu'au 15 janvier 2016 en l'état des pièces produites aux débats ; que Mme X... O... est titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale » valable un an à compter du 11 juin 2015, en l'état des pièces produites aux débats (jugement p.4 § 10, p.5 § 2 à 5) : que M. B... et Mme O... ne sont pas ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; qu'ils sont titulaires d'un titre de séjour exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France ; qu'en application de l'article L 512-2 du code de la sécurité sociale ils bénéficient de plein droit des prestations familiales sous réserve de justifier pour les enfants qui sont à leur charge de leur naissance en France ; que pour leurs 5 enfants nés en France, la caisse d'allocations familiales du Nord leur paie les prestations familiales depuis le 1er août 2014 premier jour du mois qui suit la validité du titre de séjour délivré à M. B... ; qu'avant le 16 juillet 2014 M. B... et Mme O... ne justifient pas d'un séjour régulier sur le territoire national et n'ont pas droit aux prestations familiales ; qu'ils sont déboutés de leur demande en paiement des prestations familiales pour la période avant le 1er août 2014 (jugement p.6 § 1 et 2) ; que sur la demande de dommages-intérêts, M. B... et Mme O... ont obtenu de la caisse d'allocations familiales du Nord le paiement à compter du 1er août 2014 des prestations familiales pour leurs cinq enfants nés en France ; qu'ils n'ont pas droit aux prestations familiales pour leurs trois enfants aînés ni pour leur cinq autres enfants pour la période avant le 1er août 2014 ; qu'ils n'établissent pas que la caisse d'allocations familiales du Nord a commis une faute en leur refusant le paiement des prestations auxquelles ils n'avaient pas droit ; qu'ils sont déboutés de leur demande de dommages intérêts (jugement p.7 § 7) ;

1°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé, une contradiction entre les motifs et le dispositif équivalant à un défaut de motifs ; que constatant que Mme O... était ressortissante bosniaque, la cour d'appel qui a néanmoins confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté que Mme O... ne justifiait d'aucune nationalité et avait demandé le statut d'apatride selon l'attestation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 5 décembre 2014, a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, violant l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en application de l'article 1 § 2 de la convention générale de sécurité sociale signée entre la France et la Yougoslavie le 5 janvier 1950, publiée par le décret n° 51-457 du 19 avril 1951, rendue applicable dans les relations entre la France et la Serbie par l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Serbie et Monténégro relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et la République fédérative de Yougoslavie, signé le 26 mars 2003, publié par le décret n° 2003-457 du 16 mai 2003, et rendue applicable dans les relations entre la France et la Bosnie-Herzégovine par l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et la République socialiste fédérative de Yougoslavie, signées à Paris et à Sarajevo les 3 et 4 décembre 2003, publié par le décret n°2004-96 du 26 janvier 2004, les ressortissants de ces Etats sont soumis respectivement aux législations concernant les prestations familiales énumérées à l'article 2 de la même convention, qui y sont applicables, et en bénéficient dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces Etats, ce qui exclut que la législation de l'un des Etats contractants soumette l'octroi d'une prestation familiale à un ressortissant des autres Etats à des conditions supplémentaires ou plus rigoureuses par rapport à celles applicables à ses propres ressortissants ; qu'ayant constaté que M. B... était de nationalité serbe et Mme O... de nationalité bosniaque, la cour d'appel qui les a déboutés de leur demande tendant à l'attribution de prestations familiales pour leurs trois filles ainées, nées hors de France, faute de production d'une attestation de l'autorité préfectorale précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, documents qui ne sont pas exigés des ressortissants français, a statué sur le fondement de textes instituant une discrimination directement fondée sur la nationalité, en violation des articles 1 § 2 et 2 de la convention générale du 5 janvier 1950 susvisée ;

3°) ALORS QUE le bénéfice des allocations familiales est accordé aux personnes résidant de façon effective, permanente et régulière en France, ayant la charge effective d'un ou plusieurs enfants, les prestations étant dues à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel les conditions d'ouverture du droit sont réunies ; que les époux B... dont il n'est pas contesté qu'ils ont la charge effective de leurs huit enfants, doivent être considérés comme résidant régulièrement en France depuis le 1er février 2013, date de leur demande de titre de séjour, en suite de l'annulation, par le juge administratif, des décisions du préfet du Nord du 24 janvier 2014 leur en refusant le bénéfice, et enjoignant en conséquence au préfet de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ; qu'en jugeant que les prestations familiales ne pouvaient leur être attribuées qu'à compter du premier jour du mois suivant celui de l'attribution effective du titre de séjour accordé par le jugement du 24 janvier 2014, la cour d'appel a violé les articles L. 512-1 et L. 552-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige ;

4°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur les deuxième et troisième branches entrainera la cassation de l'arrêt en ce que la cour d'appel a débouté les exposants de leur demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du refus de la CAF du Nord de leur allouer les prestations auxquelles ils ont droit par application de l'article 624 du code de procédure civile.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-20086
Date de la décision : 26/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 26 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 nov. 2020, pourvoi n°19-20086


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.20086
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award