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25/11/2020 | FRANCE | N°19-10834

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 novembre 2020, 19-10834


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1099 F-D

Pourvoi n° U 19-10.834

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020

La société Bo travail !, société par action

s simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-10.834 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pô...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1099 F-D

Pourvoi n° U 19-10.834

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020

La société Bo travail !, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-10.834 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme M... V..., domiciliée [...] ,

2°/ à Pôle emploi de Paris, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Bo travail !, de Me Isabelle Galy, avocat de Mme V..., après débats en l'audience publique du 7 octobre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 novembre 2018), Mme V... a été engagée, à compter de 2011, en qualité de directrice de production par la société Bo travail ! (la société) suivant contrat à durée déterminée.

2. Le 9 juin 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier en contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée, dire que celui-ci avait duré du 26 novembre 2013 au 22 février 2016 et de le condamner au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la requalification de la relation contractuelle a pour effet de replacer le salarié dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée ; qu'à ce titre, le rappel de salaire ne peut porter que sur la différence entre les salaires qu'aurait dû percevoir le salarié si un contrat à durée indéterminée avait été conclu dès l'origine, et les salaires effectivement perçus au titre des périodes considérés par les contrats requalifiés ; qu'en calculant le rappel de salaire dû à la salariée sans tenir compte, comme l'y invitait la société, du fait que le salaire déjà perçu par la salariée, pour les jours de travail visés par les contrats de travail successifs, avait été payé à un taux horaire très supérieur, pour compenser le caractère précaire de la relation de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1, L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La requalification de la relation contractuelle qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité d'intermittent destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

6. La cour d'appel qui a retenu que la somme demandée par la salariée à titre de rappel de salaire ne pouvait être calculée à partir du salaire horaire d'un intermittent du spectacle, mais selon les minima applicables au regard de la convention collective pour la fonction de directeur de production occupée, et a évalué le montant de ce rappel en fonction de ces minima, sans déduction de la majoration que l'intéressée avait perçue en compensation de la précarité inhérente au contrat à durée déterminée de l'intermittent, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bo travail ! aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bo travail ! et la condamne à payer à Mme V... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Bo travail !

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a requalifié en contrat à durée indéterminée les contrats de travail à durée déterminée de Mme V..., dit que le contrat à durée indéterminée a duré du 26 novembre 2013 au 22 février 2016 et condamné la société BO TRAVAIL à verser 45 880,56 euros de rappel de salaire, 6 180 euros d'indemnité de requalification, 9 268 euros d'indemnités compensatrice de préavis, 926,80 euros de congés payés y afférents, 2 317 euros d'indemnité de licenciement et 27 804 euros de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS D'ABORD QUE « l'article L, 1242-1 du code du travail dispose qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il ne peut être conclu que pour les cas énumérés à l'article L. 1242-2 du même code et doit comporter la définition précise de son motif en application des dispositions de l'article L. 1242-12. L'article L, 1245-1 prévoit que la méconnaissance, notamment de ces dispositions, entraîne la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, les contrats à durée déterminée dits d'usage peuvent être conclus de façon successive, sans durée maximale légale, à condition de ne pas avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, de concerner des emplois par nature temporaire et relevant des dispositions de l'article D. 1242-1 du code du travail, dont le 6° vise les spectacles, l'action culturelle, la production cinématographique et l'édition phonographique. Le renouvellement de contrats à durée déterminée successifs doit être justifié par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi. En l'espèce, la salariée a conclu une première série de quatre contrats à durée déterminée en 2011, puis une seconde de 41 contrats de décembre 2013 à février 2016. La requalification est demandée à partir du 26 novembre 2013, date d'un mail (pièce rf7) où M. B... informe les destinataires de ce message que la salariée rejoint l'entreprise. Le contrat à durée déterminée ne sera signé que le 2 décembre 2013. Si les mails produits (pièces n°7 et 51) ne traduisent pas une activité professionnelle au profit de l'employeur il en va autrement des attestations de MM. D... et U... (pièces n°99 et 100) de sorte que le début de la relation de travail sera fixé au 26 novembre 2013. L'employeur se prévaut du refus de la salariée de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée. Cependant, l'attestation de Mme L... (pièce n°82) ne porte que sur une offre conditionnée à la reconduction d'une émission de documentaires et donc soumise à un aléa, ce qui ne saurait avoir une influence sur la demande de requalification. Il soutient qu'il existe des éléments précis et concrets établissant la caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par la salariée soit comme directrice de production, les contrats ayant été conclus pour un programme audiovisuel déterminé et limité dans le temps.
Il est renvoyé, pages 14 à 16 des conclusions, à 17 documentaires pour un temps de travail évalué à 167 jours dans le cadre de l'émission "les routes d'échappées belles" qui n'a pas été reconduite pour 2017. L'employeur ajoute que quatre autres productions, page 17 des conclusions, ont été gérées par Mme C... et que la salariée s'est rajoutée de façon autoritaire au générique, sans démontrer cette affirmation. Les déclarations des revenus 2013 et 2014 (pièces n°65 et 66) permettent de retenir une rémunération de la part de l'employeur de 2 311 euros sur un total de 13 831 E, soit 17 % et 22 885 E sur 29 829 E soit 77 %. Pour les années 2014 et 2015 (pièce n° 166 et 167), il sera relevé les sommes respectivement de 22 885 e sur 29 829 € et 16 766 E sur 32 938 e. L'attestation de M. D..., producteur exécutif pour l'employeur de juillet 2013 à octobre 2015, indique que la salariée a travaillé tous les jours de la semaine pour l'employeur, sauf pendant son congé maternité. M. U... fait état d'un travail suivi entre le 29 novembre 2013 et le 2 décembre 2014. Il en va de même selon l'attestation de Mme K... (pièce n°122). Il est produit plusieurs centaines de mails (pièces n°50 à 89, 98, 124, 137 à 145). L'employeur prétend qu'il faut distinguer entre une première période de novembre 2013 à septembre 2015 puis à partir d'octobre 2015. Sur la première période, il importe peu qu'une autorisation de travail en dehors des locaux ait été accordée seulement du 6 au 10 juillet 2015 et non auparavant, dès lors que l'employeur a bénéficié de l'activité professionnelle de la salariée y compris lorsqu'elle travaillait à l'extérieur de l'entreprise. De même, les mails laconiques listés pages 27 et 28 des conclusions ne suffisent pas à écarter tout travail ni à quantifier le temps de travail. Le même raisonnement se poursuit sur la période à compter d'octobre 2015. De l'ensemble de ces éléments, il résulte que l'employeur ne démontre pas que le recours successifs au contrat à durée déterminée était justifié selon les critères énoncés ci-avant, de sorte que la requalification en contrat à durée indéterminée s'impose. Ce contrat a pris fin sans respect de la procédure de licenciement. Il est donc dû à la salariée une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le calcul de cette indemnité dépend du dernier salaire mensuel perçu avant saisine du conseil de prud'hommes ou de la moyenne mensuelle perçue, si le dernier salaire est phis faible, la somme de 6 180 E sera donc allouée, sur la base de 45 E par heure ou 360 E par jour. Pour les autres indemnités, il convient de déterminer le salaire de référence notamment au regard du rappel de salaire sollicité » ;

ET AUX MOTIFS ENSUITE QU'« en cas de requalification, le rappel de salaire ne peut porter sur un calcul correspondant au statut d'intermittent mais sur la situation du salarié qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. En l'espèce, la salariée demande une somme calculée sur la base de 297 jours, à l'exclusion des contrats à durée déterminée rémunérés, soit 18 jours en 2013, 107 jours en 2014, 106 jours en 2015 (déduction faite du congé maternité et de 33 jours consacré à des missions pour les sociétés Gédeon et les films d'ici) et 66 jours en 2016. Ainsi, elle doit démontrer être restée à la disposition de l'employeur pendant les périodes séparant les contrats à durée déterminée, soit les périodes dites interstitielles. Il est fait état, d'une part, des contrats à durée déterminée et, d'autre part, des différents mails selon le descriptif complet et précis figurant pages 15 et 16 de ses conclusions. Nonobstant les critiques de l'employeur sur le contenu de ces mails, lesquels ne peuvent traduire un temps de travail précis, une réponse ayant pu demander plusieurs heures de travail, force est de constater que la fréquence des mails implique que la salariée restait à la disposition de l'employeur pour les périodes considérées, le travail très limité pour deux autres sociétés en 2015 ne faisant pas obstacle à cette démonstration. La somme demandée ne peut être calculée à partir à partir du salaire horaire d'un intermittent du spectacle de 45 e, mais de 19,31 e selon les minima applicables pour la fonction au regard de la convention collective. Sur la base de 297 jours, 8 heures par jour, le rappel sera évalué à 45 880,56 e. En tenant compte de cette rémunération, d'une ancienneté de 2 ans et 6 mois et de la convention collective applicable, l'indemnité de préavis sera évaluée à hauteur de deux mois sur la moyenne mensuelle des salaires à 4 634 E, soit 9 268 E, 926,80 E de congés payés afférents, 2 317 e d'indemnité de licenciement (2/10 par mois ramené à l'ancienneté) et 27 804 e de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS QUE, premièrement, à l'effet de déterminer si le recours à des contrats à durée déterminée d'usage est justifié, le juge est tenu de rechercher si des éléments concrets établissent le caractère par nature temporaire de l'emploi ; qu'en se bornant à relever qu'étaient produites des attestations précisant que Mme V... était très présente de 2013 à 2015 – fait qui n'était pas contesté – et que des centaines de mails étaient produits – circonstance inopérante – pour juger que le recours au contrat à durée déterminée d'usage n'était pas justifié, sans rechercher si l'emploi occupé par Mme V... n'était pas par nature temporaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale 1242-1 et 1242-2 du code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, les juges doivent analyser, même sommairement, les éléments sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en se bornant à relever, pour établir la permanence du poste occupé par Mme V..., qu'il « est produit plusieurs centaines de mails », sans en analyser, même de façon succincte, le contenu, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, troisièmement, la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en retenant d'un côté qu'il résultait de certaines attestations que Mme V... était présente tous les jours sur le site de la société BO TRAVAIL tout en constatant que la salariée avait travaillé, pendant la même période, de l'extérieur de l'entreprise, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, quatrièmement, les juges du fond ne doivent pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en retenant que « les mails laconiques listés pages 27 et 28 des conclusions [de l'employeur] ne suffisent pas à écarter tout travail ni à quantifier le temps de travail », quand les mails analysés à cet endroit étaient ceux produits par la salariée et dont l'employeur contestait la valeur probante, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions de la société BO TRAVAIL, a violé l'article 4 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a requalifié en contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée de Mme V..., dit que le contrat à durée indéterminée a duré du 26 novembre 2013 au 22 février 2016 et condamné la société BO ! TRAVAIL à verser 45 880,56 euros de rappel de salaire, 6 180 euros d'indemnité de requalification, 9 268 euros d'indemnités compensatrice de préavis, 926,80 euros de congés payés y afférents, 2 317 euros d'indemnité de licenciement et 27 804 euros de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS D'ABORD QUE « l'article L, 1242-1 du code du travail dispose qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il ne peut être conclu que pour les cas énumérés à l'article L. 1242-2 du même code et doit comporter la définition précise de son motif en application des dispositions de l'article L. 1242-12. L'article L, 1245-1 prévoit que la méconnaissance, notamment de ces dispositions, entraîne la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, les contrats à durée déterminée dits d'usage peuvent être conclus de façon successive, sans durée maximale légale, à condition de ne pas avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, de concerner des emplois par nature temporaire et relevant des dispositions de l'article D. 1242-1 du code du travail, dont le 6° vise les spectacles, l'action culturelle, la production cinématographique et l'édition phonographique. Le renouvellement de contrats à durée déterminée successifs doit être justifié par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi. En l'espèce, la salariée a conclu une première série de quatre contrats à durée déterminée en 2011, puis une seconde de 41 contrats de décembre 2013 à février 2016. La requalification est demandée à partir du 26 novembre 2013, date d'un mail (pièce rf7) où M. B... informe les destinataires de ce message que la salariée rejoint l'entreprise. Le contrat à durée déterminée ne sera signé que le 2 décembre 2013. Si les mails produits (pièces n°7 et 51) ne traduisent pas une activité professionnelle au profit de l'employeur il en va autrement des attestations de MM. D... et U... (pièces n°99 et 100) de sorte que le début de la relation de travail sera fixé au 26 novembre 2013. L'employeur se prévaut du refus de la salariée de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée. Cependant, l'attestation de Mme L... (pièce n°82) ne porte que sur une offre conditionnée à la reconduction d'une émission de documentaires et donc soumise à un aléa, ce qui ne saurait avoir une influence sur la demande de requalification. Il soutient qu'il existe des éléments précis et concrets établissant la caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par la salariée soit comme directrice de production, les contrats ayant été conclus pour un programme audiovisuel déterminé et limité dans le temps.
Il est renvoyé, pages 14 à 16 des conclusions, à 17 documentaires pour un temps de travail évalué à 167 jours dans le cadre de l'émission "les routes d'échappées belles" qui n'a pas été reconduite pour 2017. L'employeur ajoute que quatre autres productions, page 17 des conclusions, ont été gérées par Mme C... et que la salariée s'est rajoutée de façon autoritaire au générique, sans démontrer cette affirmation. Les déclarations des revenus 2013 et 2014 (pièces n°65 et 66) permettent de retenir une rémunération de la part de l'employeur de 2 311 euros sur un total de 13 831 E, soit 17 % et 22 885 E sur 29 829 E soit 77 %. Pour les années 2014 et 2015 (pièce n° 166 et 167), il sera relevé les sommes respectivement de 22 885 e sur 29 829 € et 16 766 E sur 32 938 e. L'attestation de M. D..., producteur exécutif pour l'employeur de juillet 2013 à octobre 2015, indique que la salariée a travaillé tous les jours de la semaine pour l'employeur, sauf pendant son congé maternité. M. U... fait état d'un travail suivi entre le 29 novembre 2013 et le 2 décembre 2014. Il en va de même selon l'attestation de Mme K... (pièce n°122). Il est produit plusieurs centaines de mails (pièces n°50 à 89, 98, 124, 137 à 145). L'employeur prétend qu'il faut distinguer entre une première période de novembre 2013 à septembre 2015 puis à partir d'octobre 2015. Sur la première période, il importe peu qu'une autorisation de travail en dehors des locaux ait été accordée seulement du 6 au 10 juillet 2015 et non auparavant, dès lors que l'employeur a bénéficié de l'activité professionnelle de la salariée y compris lorsqu'elle travaillait à l'extérieur de l'entreprise. De même, les mails laconiques listés pages 27 et 28 des conclusions ne suffisent pas à écarter tout travail ni à quantifier le temps de travail. Le même raisonnement se poursuit sur la période à compter d'octobre 2015. De l'ensemble de ces éléments, il résulte que l'employeur ne démontre pas que le recours successifs au contrat à durée déterminée était justifié selon les critères énoncés ci-avant, de sorte que la requalification en contrat à durée indéterminée s'impose. Ce contrat a pris fin sans respect de la procédure de licenciement. Il est donc dû à la salariée une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le calcul de cette indemnité dépend du dernier salaire mensuel perçu avant saisine du conseil de prud'hommes ou de la moyenne mensuelle perçue, si le dernier salaire est phis faible, la somme de 6 180 E sera donc allouée, sur la base de 45 E par heure ou 360 E par jour. Pour les autres indemnités, il convient de déterminer le salaire de référence notamment au regard du rappel de salaire sollicité » ;

ET AUX MOTIFS ENSUITE QU'« en cas de requalification, le rappel de salaire ne peut porter sur un calcul correspondant au statut d'intermittent mais sur la situation du salarié qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. En l'espèce, la salariée demande une somme calculée sur la base de 297 jours, à l'exclusion des contrats à durée déterminée rémunérés, soit 18 jours en 2013, 107 jours en 2014, 106 jours en 2015 (déduction faite du congé maternité et de 33 jours consacré à des missions pour les sociétés Gédeon et les films d'ici) et 66 jours en 2016. Ainsi, elle doit démontrer être restée à la disposition de l'employeur pendant les périodes séparant les contrats à durée déterminée, soit les périodes dites interstitielles. Il est fait état, d'une part, des contrats à durée déterminée et, d'autre part, des différents mails selon le descriptif complet et précis figurant pages 15 et 16 de ses conclusions. Nonobstant les critiques de l'employeur sur le contenu de ces mails, lesquels ne peuvent traduire un temps de travail précis, une réponse ayant pu demander plusieurs heures de travail, force est de constater que la fréquence des mails implique que la salariée restait à la disposition de l'employeur pour les périodes considérées, le travail très limité pour deux autres sociétés en 2015 ne faisant pas obstacle à cette démonstration. La somme demandée ne peut être calculée à partir à partir du salaire horaire d'un intermittent du spectacle de 45 e, mais de 19,31 e selon les minima applicables pour la fonction au regard de la convention collective. Sur la base de 297 jours, 8 heures par jour, le rappel sera évalué à 45 880,56 e. En tenant compte de cette rémunération, d'une ancienneté de 2 ans et 6 mois et de la convention collective applicable, l'indemnité de préavis sera évaluée à hauteur de deux mois sur la moyenne mensuelle des salaires à 4 634 E, soit 9 268 E, 926,80 E de congés payés afférents, 2 317 e d'indemnité de licenciement (2/10 par mois ramené à l'ancienneté) et 27 804 e de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse »

ALORS QUE, le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s'il établit qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes ; qu'en retenant que « nonobstant les critiques de l'employeur sur le contenu des mails [
] la fréquence de mails implique que le salarié restait à la disposition de l'employeur pour les périodes considérées », sans préciser ni à quelle période se rapportaient les emails en cause, ni en quoi, soit à raison de leur teneur, soit de leur destinataire, ils permettaient d'établir que Mme V... s'était tenue à la disposition de la société BO TRAVAIL durant l'ensemble des périodes interstitielles, ce que l'employeur contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil devenu 1103 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a requalifié en contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée de Mme V..., dit que le contrat à durée indéterminée a duré du 26 novembre 2013 au 22 février 2016 et condamné la société BO ! TRAVAIL à verser 45 880,56 euros de rappel de salaire, 6 180 euros d'indemnité de requalification, 9 268 euros d'indemnités compensatrice de préavis, 926,80 euros de congés payés y afférents, 2 317 euros d'indemnité de licenciement et 27 804 euros de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS D'ABORD QUE « l'article L, 1242-1 du code du travail dispose qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il ne peut être conclu que pour les cas énumérés à l'article L. 1242-2 du même code et doit comporter la définition précise de son motif en application des dispositions de l'article L. 1242-12. L'article L, 1245-1 prévoit que la méconnaissance, notamment de ces dispositions, entraîne la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, les contrats à durée déterminée dits d'usage peuvent être conclus de façon successive, sans durée maximale légale, à condition de ne pas avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, de concerner des emplois par nature temporaire et relevant des dispositions de l'article D.1242-1 du code du travail, dont le 6° vise les spectacles, l'action culturelle, la production cinématographique et l'édition phonographique. Le renouvellement de contrats à durée déterminée successifs doit être justifié par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi. En l'espèce, la salariée a conclu une première série de quatre contrats à durée déterminée en 2011, puis une seconde de 41 contrats de décembre 2013 à février 2016. La requalification est demandée à partir du 26 novembre 2013, date d'un mail (pièce rf7) où M. B... informe les destinataires de ce message que la salariée rejoint l'entreprise. Le contrat à durée déterminée ne sera signé que le 2 décembre 2013. Si les mails produits (pièces n°7 et 51) ne traduisent pas une activité professionnelle au profit de l'employeur il en va autrement des attestations de MM. D... et U... (pièces n°99 et 100) de sorte que le début de la relation de travail sera fixé au 26 novembre 2013. L'employeur se prévaut du refus de la salariée de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée. Cependant, l'attestation de Mme L... (pièce n°82) ne porte que sur une offre conditionnée à la reconduction d'une émission de documentaires et donc soumise à un aléa, ce qui ne saurait avoir une influence sur la demande de requalification. Il soutient qu'il existe des éléments précis et concrets établissant la caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par la salariée soit comme directrice de production, les contrats ayant été conclus pour un programme audiovisuel déterminé et limité dans le temps.
Il est renvoyé, pages 14 à 16 des conclusions, à 17 documentaires pour un temps de travail évalué à 167 jours dans le cadre de l'émission "les routes d'échappées belles" qui n'a pas été reconduite pour 2017. L'employeur ajoute que quatre autres productions, page 17 des conclusions, ont été gérées par Mme C... et que la salariée s'est rajoutée de façon autoritaire au générique, sans démontrer cette affirmation. Les déclarations des revenus 2013 et 2014 (pièces n°65 et 66) permettent de retenir une rémunération de la part de l'employeur de 2 311 euros sur un total de 13 831 E, soit 17 % et 22 885 E sur 29 829 E soit 77 %. Pour les années 2014 et 2015 (pièce n°166 et 167), il sera relevé les sommes respectivement de 22 885 e sur 29 829 € et 16 766 E sur 32 938 e. L'attestation de M. D..., producteur exécutif pour l'employeur de juillet 2013 à octobre 2015, indique que la salariée a travaillé tous les jours de la semaine pour l'employeur, sauf pendant son congé maternité. M. U... fait état d'un travail suivi entre le 29 novembre 2013 et le 2 décembre 2014. Il en va de même selon l'attestation de Mme K... (pièce n°122). Il est produit plusieurs centaines de mails (pièces n°50 à 89, 98, 124, 137 à 145). L'employeur prétend qu'il faut distinguer entre une première période de novembre 2013 à septembre 2015 puis à partir d'octobre 2015. Sur la première période, il importe peu qu'une autorisation de travail en dehors des locaux ait été accordée seulement du 6 au 10 juillet 2015 et non auparavant, dès lors que l'employeur a bénéficié de l'activité professionnelle de la salariée y compris lorsqu'elle travaillait à l'extérieur de l'entreprise. De même, les mails laconiques listés pages 27 et 28 des conclusions ne suffisent pas à écarter tout travail ni à quantifier le temps de travail. Le même raisonnement se poursuit sur la période à compter d'octobre 2015. De l'ensemble de ces éléments, il résulte que l'employeur ne démontre pas que le recours successifs au contrat à durée déterminée était justifié selon les critères énoncés ci-avant, de sorte que la requalification en contrat à durée indéterminée s'impose. Ce contrat a pris fin sans respect de la procédure de licenciement. Il est donc dû à la salariée une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le calcul de cette indemnité dépend du dernier salaire mensuel perçu avant saisine du conseil de prud'hommes ou de la moyenne mensuelle perçue, si le dernier salaire est phis faible, la somme de 6 180 E sera donc allouée, sur la base de 45 E par heure ou 360 E par jour. Pour les autres indemnités, il convient de déterminer le salaire de référence notamment au regard du rappel de salaire sollicité » ;

ET AUX MOTIFS ENSUITE QU'« en cas de requalification, le rappel de salaire ne peut porter sur un calcul correspondant au statut d'intermittent mais sur la situation du salarié qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. En l'espèce, la salariée demande une somme calculée sur la base de 297 jours, à l'exclusion des contrats à durée déterminée rémunérés, soit 18 jours en 2013, 107 jours en 2014, 106 jours en 2015 (déduction faite du congé maternité et de 33 jours consacré à des missions pour les sociétés Gédeon et les films d'ici) et 66 jours en 2016. Ainsi, elle doit démontrer être restée à la disposition de l'employeur pendant les périodes séparant les contrats à durée déterminée, soit les périodes dites interstitielles. Il est fait état, d'une part, des contrats à durée déterminée et, d'autre part, des différents mails selon le descriptif complet et précis figurant pages 15 et 16 de ses conclusions. Nonobstant les critiques de l'employeur sur le contenu de ces mails, lesquels ne peuvent traduire un temps de travail précis, une réponse ayant pu demander plusieurs heures de travail, force est de constater que la fréquence des mails implique que la salariée restait à la disposition de l'employeur pour les périodes considérées, le travail très limité pour deux autres sociétés en 2015 ne faisant pas obstacle à cette démonstration. La somme demandée ne peut être calculée à partir à partir du salaire horaire d'un intermittent du spectacle de 45 e, mais de 19,31 e selon les minima applicables pour la fonction au regard de la convention collective. Sur la base de 297 jours, 8 heures par jour, le rappel sera évalué à 45 880,56 e. En tenant compte de cette rémunération, d'une ancienneté de 2 ans et 6 mois et de la convention collective applicable, l'indemnité de préavis sera évaluée à hauteur de deux mois sur la moyenne mensuelle des salaires à 4 634 E, soit 9 268 E, 926,80 E de congés payés afférents, 2 317 e d'indemnité de licenciement (2/10 par mois ramené à l'ancienneté) et 27 804 e de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS QUE la requalification de la relation contractuelle a pour effet de replacer le salarié dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée ; qu'à ce titre, le rappel de salaire ne peut porter que sur la différence entre les salaires qu'aurait dû percevoir le salarié si un contrat à durée indéterminée avait été conclu dès l'origine, et les salaires effectivement perçus au titre des périodes considérés par les contrats requalifiés ; qu'en calculant le rappel de salaire dû à Mme V... sans tenir compte, comme l'y invitait la société BO TRAVAIL, du fait que le salaire déjà perçu par Mme V..., pour les jours de travail visés par les contrats de travail successifs, avait été payé à un taux horaire très supérieur, pour compenser le caractère précaire de la relation de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1, L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-10834
Date de la décision : 25/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 nov. 2020, pourvoi n°19-10834


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Isabelle Galy, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10834
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