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18/11/2020 | FRANCE | N°19-13479

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 novembre 2020, 19-13479


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 661 F-D

Pourvoi n° U 19-13.479

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 NOVEMBRE 2020


La société Puma France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-13.479 contre l'arrêt rendu le 9 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 661 F-D

Pourvoi n° U 19-13.479

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 NOVEMBRE 2020

La société Puma France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-13.479 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Lidl, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Puma France, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Lidl, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 janvier 2019), la société Lidl exerce une activité de commerce de détail de tous types de produits alimentaires et de bazar. La société Puma France (la société Puma) conçoit et produit des articles de sport et de loisirs, commercialisés sous la marque éponyme par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélective, auquel n'appartient pas la société Lidl.

2. Se prévalant de la vente, par cette société, de chaussures et de sacs à dos sous la marque Puma, dans le cadre d'une opération promotionnelle annoncée par de vastes moyens de communication et dans des conditions constitutives, selon elle, d'une concurrence déloyale et parasitaire, la société Puma l'a assignée en réparation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Puma fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que si le fait pour un revendeur de s'approvisionner sur un marché parallèle ne constitue pas en soi une pratique anticoncurrentielle, il en va autrement lorsque le revendeur vend les produits dans des conditions dévalorisantes portant atteinte à leur notoriété ; qu'en se fondant, pour dire que les tracts publicitaires ne présentaient pas de façon dévalorisante les produits Puma, sur la circonstance, inopérante, que ces produits étant isolés dans les tracts des autres produits vendus, aucune assimilation ne pouvait être faite entre les différents produits, au lieu de rechercher, ainsi que les conclusions d'appel de la société Puma l'y invitaient, si ces prospectus publicitaires n'étaient pas dévalorisants eu égard à leur très médiocre qualité et au fait qu'ils représentaient, en plus des produits Puma, des produits alimentaires, du vin et des produits bas de gamme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

4. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

5. Pour rejeter la demande de la société Puma fondée sur la concurrence déloyale, l'arrêt retient que les tracts publicitaires isolaient bien les articles Puma des autres produits vendus, de sorte qu'aucune assimilation ne pouvait être faite entre les différents biens.

6. En se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les tracts constituant la campagne publicitaire incriminée ne présentaient pas les produits en cause sur des supports et dans un environnement portant atteinte à leur notoriété aux yeux du consommateur, peu important l'absence de confusion entre les différents produits faisant l'objet de la publicité litigieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. La société Puma fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'elle faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le fait que ses produits aient été vendus sans conseils prodigués par un personnel compétent et qualifié avait également contribué à porter atteinte à sa notoriété ; qu'en retenant qu'il n'était pas établi que les produits Puma aient été présentés à la vente dans des conditions dévalorisantes, sans répondre à ses conclusions de nature à démontrer le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

9. Pour rejeter la demande de la société Puma, l'arrêt retient qu'en magasin, les produits Puma étaient exposés dans des racks ou sur leur boîte, à même le sol, sans que ces conditions puissent être jugées dévalorisantes pour la marque, s'agissant d'une opération publicitaire isolée.

10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Puma qui faisait également valoir que l'absence de conseil prodigué aux clients était de nature à porter atteinte à la notoriété de ses produits, la cour d'appel, qui n'a pas examiné le moyen pris de ce que les conditions de commercialisation n'étaient pas conformes à la nature alléguée des produits, pouvant requérir un conseil approprié, a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

11. La société Puma fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que commet un acte de concurrence déloyale le revendeur qui se place dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété ; qu'en se fondant, pour dire que la société Lidl ne s'était pas placée dans le sillage de la société Puma et n'avait pas utilisé sa notoriété sans bourse délier, sur la circonstance que la campagne en cause, portant sur deux cents trente deux articles, avait été « ponctuelle », circonstance qui n'était pourtant pas de nature à exclure que les produits Puma aient fonctionné comme des produits d'appel, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

12. Pour rejeter la demande de la société Puma fondée sur la concurrence parasitaire, l'arrêt retient que la campagne en cause, ponctuelle, portait sur deux cents trente deux articles et qu'il n'était pas établi que les produits auraient fonctionné comme des produits d'appel, pour en déduire que la société Lidl n'a pas utilisé la notoriété de la société Puma sans bourse délier et ne s'est donc pas placée dans son sillage.

13. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la concurrence parasitaire alléguée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a déclaré que les produits critiqués avaient été licitement acquis par la société Lidl, l'arrêt rendu le 9 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Lidl aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lidl et la condamne à payer à la société Puma France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt et signé par Mme Darbois, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Puma France.

La société Puma France fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE le seul fait de commercialiser hors réseau des produits authentiques couverts par un contrat de distribution sélective n'est pas fautif dès lors que la revente concerne des produits acquis régulièrement ; que l'action en concurrence déloyale n'est donc possible que si, à la distribution hors réseau, s'ajoute une faute imputable au distributeur hors réseau ; qu'or, en l'espèce, la société Puma n'en justifie aucune ; qu'en effet, d'une part, il a été vu qu'il n'était pas démontré que l'approvisionnement en produits Puma était illicite et, d'autre part, le fait pour un distributeur non agréé ni autorisé de vendre des sacs et chaussures de sport, dont l'approvisionnement illicite n'est pas établi, à des prix inférieurs à ceux pratiqués par les membres d'un réseau, au surplus au cours d'une opération publicitaire ponctuelle, n'est pas constitutif, en soi, en l'absence d'autres éléments, d'un acte de concurrence déloyale et de parasitisme ; que par ailleurs, aucune présentation dévalorisante des produits ne résulte des pièces du dossier ; que les tracts publicitaires isolaient bien les produits Puma des autres produits vendus de sorte qu'aucune assimilation ne pouvait être faite entre les différents produits ; qu'en magasins, les produits Puma étaient exposés dans des racks ou sur leur boîte, à même le sol, sans que ces conditions puissent être jugées dévalorisantes pour la marque, s'agissant d'une opération publicitaire isolée ; qu'enfin la campagne en cause, portant sur 232 articles, ponctuelle, ne saurait constituer un acte de parasitisme de la société Lidl aucune démonstration n'étant faite que ces produits auraient fonctionné comme des produits d'appel, de sorte que la société Lidl ne s'est pas placée dans le sillage de la société Puma, n'ayant pas utilisé sa notoriété sans bourse délier ;

1°) ALORS QUE si le fait pour un revendeur de s'approvisionner sur un marché parallèle ne constitue pas en soi une pratique anticoncurrentielle, il en va autrement lorsque le revendeur vend les produits dans des conditions dévalorisantes portant atteinte à leur notoriété ; qu'en se fondant, pour dire que les tracts publicitaires ne présentaient pas de façon dévalorisante les produits Puma, sur la circonstance, inopérante, que ces produits étant isolés dans les tracts des autres produits vendus, aucune assimilation ne pouvait être faite entre les différents produits, au lieu de rechercher, ainsi que les conclusions d'appel de la société Puma l'y invitaient, si ces prospectus publicitaires n'étaient pas dévalorisants eu égard à leur très médiocre qualité et au fait qu'ils représentaient, en plus des produits Puma, des produits alimentaires, du vin et des produits bas de gamme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

2°) ALORS QU'en se fondant, pour dire que le fait que les produits Puma aient été exposés dans des racks ou sur leur boîte, à même le sol, n'était pas dévalorisant pour la marque, sur la circonstance qu'il s'agissait d'une opération publicitaire isolée, circonstance pourtant impropre à exclure que les conditions dans lesquelles les produits Puma étaient exposés en magasins aient été dévalorisantes, ce d'autant qu'ainsi que le soulignait la société Puma dans ses conclusions d'appel, au fait que ses produits étaient présentés et vendus en vrac et à même le sol s'ajoutait le fait qu'ils étaient exposés à la vente à proximité de produits dévalorisants, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

3°) ALORS QUE la société Puma faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 53) que le fait que ses produits aient été vendus sans conseils prodigués par un personnel compétent et qualifié avait également contribué à porter atteinte à sa notoriété ; qu'en retenant qu'il n'était pas établi que les produits Puma aient été présentés à la vente dans des conditions dévalorisantes sans répondre à ces conclusions de nature à démontrer le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE commet un acte de concurrence déloyale le revendeur qui se place dans le sillage d'une entreprise en profitant indument des investissements consentis ou de sa notoriété ; qu'en se fondant, pour dire que la société Lidl ne s'était pas placée dans le sillage de la société Puma et n'avait pas utilisé sa notoriété sans bourse délier, sur la circonstance que la campagne en cause, portant sur 232 articles, avait été « ponctuelle », circonstance qui n'était pourtant pas de nature à exclure que les produits Puma aient fonctionné comme des produits d'appel, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-13479
Date de la décision : 18/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 nov. 2020, pourvoi n°19-13479


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Buk Lament-Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.13479
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