LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 novembre 2020
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1075 F-D
Pourvoi n° V 19-12.652
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020
L'établissement public Eau de Paris, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-12.652 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme A... Q..., domiciliée [...] ,
2°/ à Pôle emploi Ile-de-France, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Mme Q... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'établissement public Eau de Paris, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme Q..., après débats en l'audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2018), Mme Q... a été engagée, à compter du 12 juillet 2010, en qualité de directrice des ressources humaines et du management de la qualité, par l'établissement public industriel et commercial Eau de Paris (l'établissement). Elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement par lettre du 5 juillet 2013 et licenciée par lettre du 25 juillet 2013 pour insuffisance professionnelle.
2. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale le 25 septembre 2013 de diverses demandes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, la première branche du deuxième moyen, le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. L'établissement fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse, de le condamner au paiement d'une somme à ce titre et au remboursement des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour de l'arrêt dans la limite de trois mois, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'établissement public Eau de Paris à lui verser des dommages-intérêts à ce titre, la cour d'appel a retenu que l'absence de cause réelle et sérieuse de ce licenciement découlait de l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en statuant par de tels motifs alors que, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, la salariée se prévalait uniquement du non-respect du délai de notification et du caractère infondé des griefs qui lui étaient faits, la cour d'appel a modifié l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
5. Pour décider que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que la cour d'appel ayant retenu l'existence d'un harcèlement moral, il s'ensuit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
6. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions, la salariée soutenait uniquement que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse en raison de l'absence de respect du délai de notification et du caractère infondé des griefs d'insuffisance professionnelle qui lui étaient faits, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du deuxième moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de Mme Q... sans cause réelle et sérieuse, condamne l'établissement public Eau de Paris à lui verser la somme de 85 000 euros à titre de dommages-intérêts, et ordonne le remboursement des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour de l'arrêt dans la limite de 3 mois, l'arrêt rendu le 19 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mme Q... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour l'établissement public Eau de Paris
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'EPIC EAU DE PARIS à payer à Madame Q... une somme à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Mme Q... invoque comme faits de harcèlement moral : -une surcharge de travail, -des critiques injustifiées, -le refus de congés, -l'inertie fautive de l'EPIC, -l'acharnement de l'EPIC après le licenciement ; Sur la surcharge de travail Mme Q... soutient que conformément à son contrat de travail, faisant référence à l'accord d'entreprise pour la durée du travail, elle devait réaliser 37 heures de travail par semaine mais que cette durée n'a pu être respectée. Elle produit l'accord relatif au temps de travail indiquant : « Actuellement, le temps de travail des cadres peut être supérieur à 39 heures hebdomadaires sans pour autant qu'il soit possible de déterminer de façon précise sa durée, compte tenu de l'autonomie et de la liberté de ses personnels d'organiser leur travail et leur temps de travail.... L'objectif est de diminuer d'environ 2 heures le temps de travail hebdomadaire effectif en maintenant leur autonomie d'organisation ainsi que leur rémunération. Ces personnels organiseront à leur initiative et sous réserve des nécessités de service appréciées par la hiérarchie leur durée de travail pour que celle-ci réponde à une moyenne hebdomadaire de 37 heures de travail effectif.... » En outre, Mme Q... fait remarquer qu'elle n'était pas un cadre classique puisqu'elle occupait le poste de directrice des ressources humaines mais aussi du management de la qualité et occupait en ce sens un siège au Comex. Elle produit un nombre très important de courriels démontrant qu'elle partait à des heures tardives (21h ou 22 heures) ou très tardives (minuit, 2 heures du matin...) Elle avait demandé l'autorisation à Monsieur Y... de pouvoir venir travailler le week-end : « Mme Q... souhaiterait bénéficier de votre accord pour l'autoriser à venir travailler à sa convenance entre 10 heures et 20 heures les week-ends. Cette autorisation prendra effet dès ce jour jusqu'au 31 août. Je vous remercie par avance de votre réponse » (courriel de Mme U... du 22 avril 2011) Monsieur Y... répondait immédiatement : « D'accord » (pièce 169) Mme Q... produit les autorisations de se rendre sur le site du siège : - du 15 janvier au 17 avril 2011 (samedis et dimanches) - 23 avril au 4 septembre 2011 (samedis et dimanches) - les 14 et 15 janvier 2012 - les 28 et 29 janvier 2012 Au surplus, il résulte des pièces versées aux débats qu'elle était soumise à une pression constante : - à une demande de retour le soir même, elle répondait le lendemain : « J'ai demandé un éclaircissement à Monsieur Y... : on m'a transmis fin de semaine un texte pour relecture immédiate ce qui fut fait ; et hier matin on demande des précisions, hier après-midi on me précise qu'il s'agit seulement d'un tableau et hier soir il faut une note pour le soir même... Je fais le maximum pour répondre aux demandes claires formulées dans des délais réalistes, mais je ne sais pas faire l'impossible » (pièce 131). -par courriel adressé le vendredi 26 avril 2013 à 19h58, Monsieur V..., directeur général, lui demandait de lire et de modifier si nécessaire sa note sur la masse salariale pour le lundi. -elle recevait l'ordre du jour des réunions du Comex souvent le vendredi (en fin de journée ou début de soirée) pour le lundi l'obligeant à travailler le week-end. A titre d'exemple : *le vendredi 15 février 2013, elle recevait l'ordre du jour de la réunion du Comex du lundi 18 février, *le vendredi 8 mars 2013 à 18h26, elle recevait l'ordre du jour du Comex du lundi 11 mars, *le vendredi 19 octobre 2012 à 20h02, elle recevait l'ordre du jour du Comex du lundi 22 octobre, *le 25 mai 2012 à 18h30, elle recevait l'ordre du jour du Comex du 29 mai. Cette pression constante se traduisait sur son état de santé. Ainsi, par courriel du 26 juin 2013, elle écrivait : « Désolée tout le monde, je vois que je ne vous ai pas envoyé la note hier soir (fatigue). Avec toutes mes excuses. » Par ailleurs il résulte des échanges de courriels que l'EPIC avait fait travailler Mme Q... -avant-même-sa-prise-de-poste. Sur les critiques injustifiées Par courriel le 30 juin 2011, Monsieur Y... sollicitait l'avis de Mme Q... sur la décision de licencier un salarié alors qu'elle le lui avait donné le 9 juin 2011 (pièce 132). Le 1er juillet 2011, Mme Q... adressait une note datée du 25 juin 2011 indiquant : « Comme souvent souligné et connu de la DG, mais jamais vraiment traité jusqu'alors, je ne dispose pas dans mon équipe des ressources humaines permettant de maîtriser, ni a fortiori de minimiser., les risques juridiques de mes domaines d'activité » «.... pour ce qui me concerne les moyens techniques et financiers dont je serais supposée disposer, force est de constater qu'outre les lourdeurs et dysfonctionnements logistiques et financiers de l'établissement, vous regrettez devoir vous-même solliciter des autorisations préalables du conseil d'administration pour la mise en oeuvre de moyens parfois dérisoires ; il est évident que mes actions sont soumises aux mêmes contraintes et lourdeurs. » Sur le refus de congés payés Alors qu'elle avait chaque année un solde de congés payés à prendre, Mme Q... justifie que certaines de ses demandes ont été refusées ou annulées (pièce 126) Elle s'est plainte à l'inspection du travail le 11 juillet 2011 notamment de sa surcharge de travail et de son impossibilité de prendre des congés pour cette raison. Elle a été placée en arrêt de travail à plusieurs reprises pour syndrome anxio-dépressif ayant nécessité un suivi de la part d'une clinicienne du travail et causé de graves séquelles. Le Docteur W..., son médecin traitant, certifie qu'elle ne présentait pas de syndrome anxio-dépressif jusqu'en 2011. Elle produit une attestation d'[...] au sein duquel elle a occupé le poste de responsable des ressources humaines du 28 novembre 2005 au 13 août 2010 indiquant que pendant cette période elle n'a été absente que 6 jours. Il résulte de ces constatations que Mme Q... établit des faits qui, pris dans leur ensemble, laissent présumer des agissements répétés de harcèlement moral ayant gravement altéré sa santé. Il convient d'allouer à Mme Q... une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral » ;
ALORS en premier lieu QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il lui revient d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour allouer à Madame Q... des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, la Cour d'appel, après avoir examiné les éléments invoqués par la salariée comme constituant des faits de harcèlement moral, s'est contentée de retenir que Madame Q... établissait des faits qui, pris dans leur ensemble, laissaient présumer des agissements répétés de harcèlement moral ayant gravement altéré sa santé ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par l'établissement public EAU DE PARIS, si les agissements litigieux retenus comme laissant présumer un harcèlement moral n'étaient pas justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.
ALORS en second lieu et en toute hypothèse QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour démontrer que Madame Q... n'avait fait l'objet d'aucun harcèlement moral, l'Etablissement Public EAU DE PARIS versait notamment aux débats différentes pièces et notamment les pièces n°37 à 42 établissant que le contexte dans lequel était intervenue la réunion du 9 juin 2011 dont Madame Q... se prévalait pour prétendre avoir fait l'objet de critiques injustifiées, ainsi que les suites qui avaient été données à cette réunion excluaient que celle-ci puisse être considérée comme un agissement de harcèlement moral ; qu'en faisant droit à la demande de la salariée tendant à voir condamner l'établissement public EAU DE PARIS à lui verser des dommages et intérêts au titre du harcèlement moral sans avoir examiné les pièces susvisées versées aux débats par cet établissement, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1353 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ensemble celles de l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame Q... était sans cause réelle et sérieuse, d'avoir condamné l'EPIC EAU DE PARIS à lui payer une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir ordonné le remboursement par EAU DE PARIS des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour de l'arrêt dans la limite de trois mois ;
AUX MOTIFS QUE « La cour ayant retenu l'existence d'un harcèlement moral, il s'ensuit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, la nullité de celui-ci n'étant pas sollicitée. Compte tenu de l'ancienneté de la salariée, de sa rémunération et des circonstances de la rupture, il convient de lui accorder une somme de 85 000 euros à titre de dommages-intérêts » ;
ALORS en premier lieu QUE la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, celle des chefs de dispositif par lesquels la Cour d'appel a dit que le licenciement de Madame Q... était sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'établissement public EAU DE PARIS à lui verser des dommages et intérêts à ce titre dès lors que la Cour d'appel a considéré que l'existence d'un harcèlement moral avait pour effet de priver ce licenciement de cause réelle et sérieuse ;
ALORS ensuite et en toute hypothèse QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement de Madame Q... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'établissement public EAU DE PARIS à lui verser des dommages et intérêts à ce titre, la Cour d'appel a retenu que l'absence de cause réelle et sérieuse de ce licenciement découlait de l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en statuant par de tels motifs alors que, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, Madame Q... se prévalait uniquement du non-respect du délai de notification et du caractère infondé des griefs qui lui étaient faits, la Cour d'appel a modifié l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
ALORS encore QUE le juge est tenu, en toutes circonstances, de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, Madame Q... faisait valoir que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du non-respect par EAU DE PARIS du délai de notification et du caractère infondé des griefs qui lui étaient faits ; que pour considérer que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel s'est fondée sur le harcèlement moral subi, selon elle, par la salariée ; qu'en relevant ainsi d'office l'existence d'un lien de causalité entre le harcèlement moral qu'aurait subi Madame Q... et l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la Cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé les dispositions de l'article 16 du Code de procédure civile ;
ALORS enfin et à tout le moins QUE le seul fait que le licenciement d'un salarié soit prononcé alors que celui-ci faisait ou avait fait l'objet d'agissements de harcèlement moral n'a pas pour effet de priver ce licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'il ne saurait en être ainsi que s'il est établi que ce salarié a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements ; qu'en l'espèce, en se contentant de relever qu'ayant retenu l'existence d'un harcèlement moral, il s'ensuivait que le licenciement de Madame Q... était sans cause réelle et sérieuse, sans constater que la salariée avait été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'EPIC EAU DE PARIS à payer à Madame Q... diverses sommes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, d'indemnité de congés payés afférents, de dommages et intérêts pour violation du droit au repos obligatoire, de rappel d'indemnités de préavis, d'indemnité de congés payés afférents et de rappel d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE « Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Mme Q... produit notamment : - une copie de ses emplois du temps sur messagerie Outlook, de ses agendas papier, des tableaux mentionnant chaque jour ses heures d'arrivée et de départ, le cas échéant le samedi ou le dimanche, ainsi que des tableaux précisant pour chaque jour les travaux effectués ; - des courriels adressés à des heures tardives ou dans la nuit ainsi que la cour l'a constaté ci-dessus ; - les autorisations accordées de venir travailler le samedi et dimanche pour la période de janvier à septembre 2011 et pour certains week-ends en 2012 ; - des courriels lui communiquant des dossiers impliquant qu'elle travaille le week-end ou lui demandant des travaux le vendredi soir pour le lundi ; - un courriel du 26 juin 2013 dans lequel elle indique à Monsieur V... : « très exceptionnellement, je devrais partir ce soir à 18h20 » ce qui confirme que ses horaires habituels étaient bien supérieurs aux 37 heures hebdomadaires. Ces éléments ne sont pas utilement contredits par l'EPIC qui ne fournit pas les horaires de la salariée se bornant à se prévaloir de l'horaire collectif. Il résulte de ces constatations que des heures supplémentaires ont été exécutées avec l'accord de l'employeur, la hiérarchie ayant même autorisé que la salariée vienne travailler le week-end. Il convient de faire droit aux demandes au titre du rappel d'heures supplémentaires, congés payés afférents et dommages-intérêts pour violation du droit au repos obligatoire. Le montant des sommes dues est précisé au dispositif » ;
ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'en l'espèce, pour s'opposer aux demandes formées par Madame Q... au titre des heures supplémentaires qu'elle prétendait avoir réalisées, l'établissement public EAU DE PARIS faisait notamment valoir, dans ses conclusions d'appel, offre de preuve à l'appui, que la comparaison avec la liste des jours de congés payés et de RTT pris par la salariée des agendas que cette dernière versait aux débats pour étayer ses demandes permettait de constater que ces agendas comportaient des erreurs puisque y figuraient comme travaillés des jours pendant lesquels Madame Q... était en congé ou en RTT ; que, pour faire droit aux demandes formées par la salariée à ce titre, la Cour d'appel a relevé que les éléments produits par la salariée n'étaient pas utilement contredits par EAU DE PARIS qui ne fournissait pas les horaires de la salariée et se bornait à se prévaloir de l'horaire collectif ; qu'en laissant ainsi sans réponse le moyen susvisé soulevé par EAU DE PARIS, la Cour d'appel a méconnu les exigences découlant de l'article 455 du Code de procédure civile. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour Mme Q...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Q... de sa demande tendant à la condamnation de l'EPIC Eau de Paris à lui verser une certaine somme à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE, sur la surcharge de travail : Mme Q... soutient que conformément à son contrat de travail, faisant référence à l'accord d'entreprise pour la durée du travail, elle devait réaliser 37 heures de travail par semaine mais que cette durée n'a pu être respectée ; qu'elle produit l'accord relatif au temps de travail indiquant : « Actuellement, le temps de travail des cadres peut être supérieur à 39 heures hebdomadaires sans pour autant qu'il soit possible de déterminer de façon précise sa durée, compte tenu de l'autonomie et de la liberté de ses personnels d'organiser leur travail et leur temps de travail.... L'objectif est de diminuer d'environ 2 heures le temps de travail hebdomadaire effectif en maintenant leur autonomie d'organisation ainsi que leur rémunération. Ces personnels organiseront à leur initiative et sous réserve des nécessités de service appréciées par la hiérarchie leur durée de travail pour que celle-ci réponde à une moyenne hebdomadaire de 37 heures de travail effectif.... » ; qu'en outre, Mme Q... fait remarquer qu'elle n'était pas un cadre classique puisqu'elle occupait le poste de directrice des ressources humaines mais aussi du management de la qualité et occupait en ce sens un siège au Comex ; qu'elle produit un nombre très important de courriels démontrant qu'elle partait à des heures tardives (21h ou 22 heures) ou très tardives (minuit, 2 heures du matin...) Elle avait demandé l'autorisation à Monsieur Y... de pouvoir venir travailler le week-end : « Mme Q... souhaiterait bénéficier de votre accord pour l'autoriser à venir travailler à sa convenance entre 10 heures et 20 heures les week-ends. Cette autorisation prendra effet dès ce jour jusqu'au 31 août. Je vous remercie par avance de votre réponse » (courriel de Mme U... du 22 avril 2011) ; que Monsieur Y... répondait immédiatement : « D'accord » (pièce 169) Mme Q... produit les autorisations de se rendre sur le site du siège : - du 15 janvier au 17 avril 2011 (samedis et dimanches) - 23 avril au 4 septembre 2011 (samedis et dimanches) - les 14 et 15 janvier 2012 - les 28 et 29 janvier 2012 Au surplus, il résulte des pièces versées aux débats qu'elle était soumise à une pression constante : - à une demande de retour le soir même, elle répondait le lendemain : « J'ai demandé un éclaircissement à Monsieur Y... : on m'a transmis fin de semaine un texte pour relecture immédiate ce qui fut fait ; et hier matin on demande des précisions, hier après-midi on me précise qu'il s'agit seulement d'un tableau et hier soir il faut une note pour le soir même... Je fais le maximum pour répondre aux demandes claires formulées dans des délais réalistes, mais je ne sais pas faire l'impossible » (pièce 131). -par courriel adressé le vendredi 26 avril 2013 à 19h58, Monsieur V..., directeur général, lui demandait de lire et de modifier si nécessaire sa note sur la masse salariale pour le lundi. -elle recevait l'ordre du jour des réunions du Comex souvent le vendredi (en fin de journée ou début de soirée) pour le lundi l'obligeant à travailler le week-end. A titre d'exemple : *le vendredi 15 février 2013, elle recevait l'ordre du jour de la réunion du Comex du lundi 18 février, *le vendredi 8 mars 2013 à 18h26, elle recevait l'ordre du jour du Comex du lundi 11 mars, *le vendredi 19 octobre 2012 à 20h02, elle recevait l'ordre du jour du Comex du lundi 22 octobre, *le 25 mai 2012 à 18h30, elle recevait l'ordre du jour du Comex du 29 mai. Cette pression constante se traduisait sur son état de santé ; qu'ainsi, par courriel du 26 juin 2013, elle écrivait : « Désolée tout le monde, je vois que je ne vous ai pas envoyé la note hier soir (fatigue). Avec toutes mes excuses » ; que par ailleurs il résulte des échanges de courriels que l'EPIC avait fait travailler Mme Q... avant même sa prise de poste ; que, sur les heures supplémentaires : selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que Mme Q... produit notamment : - une copie de ses emplois du temps sur messagerie Outlook, de ses agendas papier, des tableaux mentionnant chaque jour ses heures d'arrivée et de départ, le cas échéant le samedi ou le dimanche, ainsi que des tableaux précisant pour chaque jour les travaux effectués ; - des courriels adressés à des heures tardives ou dans la nuit ainsi que la cour l'a constaté ci-dessus ; - les autorisations accordées de venir travailler le samedi et dimanche pour la période de janvier à septembre 2011 et pour certains week-ends en 2012 ; - des courriels lui communiquant des dossiers impliquant qu'elle travaille le week-end ou lui demandant des travaux le vendredi soir pour le lundi ; - un courriel du 26 juin 2013 dans lequel elle indique à Monsieur V... : « très exceptionnellement, je devrais partir ce soir à 18h20 » ce qui confirme que ses horaires habituels étaient bien supérieurs aux 37 heures hebdomadaires ; que ces éléments ne sont pas utilement contredits par l'EPIC qui ne fournit pas les horaires de la salariée se bornant à se prévaloir de l'horaire collectif ; qu'il résulte de ces constatations que des heures supplémentaires ont été exécutées avec l'accord de l'employeur, la hiérarchie ayant même autorisé que la salariée vienne travailler le week-end ; qu'il convient de faire droit aux demandes au titre du rappel d'heures supplémentaires, congés payés afférents et dommages-intérêts pour violation du droit au repos obligatoire ; que le montant des sommes dues est précisé au dispositif ; que, sur le travail dissimulé : certes, la salariée a accompli un nombre important d'heures supplémentaires ; cependant, si sa hiérarchie a fait preuve d'une indifférence fautive à l'égard de la surcharge de travail de la salariée, celle-ci ne démontre pas que son employeur était animé d'une intention frauduleuse de dissimuler ces heures ;
1°) ALORS QUE la dissimulation partielle d'emploi salarié est caractérisée lorsqu'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui effectué, l'intention de dissimulation d'emploi pouvant se déduire de la seule discordance entre les heures de travail déclarées et les heures réellement effectuées dont l'employeur connaissait la réalisation ; qu'en déboutant dès lors Mme Q... de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, cependant qu'elle constatait qu'elle avait dû demander à l'employeur son autorisation pour venir travailler le week-end et que celui-ci lui commandait régulièrement du travail urgent, du vendredi soir pour le lundi matin suivant, ce dont il résultait que l'employeur ne pouvait ignorer l'exécution des heures supplémentaires commandées par lui qu'il ne rémunérait pas, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du code du travail ;
2°) ET ALORS QU'en statuant comme elle a fait, cependant qu'elle constatait expressément qu' « il résulte des échanges de courriels que l'EPIC avait fait travailler Mme Q... avant même sa prise de poste », ce dont il résultait que l'employeur ne pouvait ignorer les heures de travail effectuées par la salariée qu'il n'avait pas rémunérée, ce qui caractérisait son intention délibérée de dissimuler une partie des heures de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du code du travail.