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12/11/2020 | FRANCE | N°19-23160

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 novembre 2020, 19-23160


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 832 F-P+B+I

Pourvoi n° S 19-23.160

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

Mme N... W..., domiciliée [...], 78290 Croissy-sur-Seine, a fo

rmé le pourvoi n° S 19-23.160 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2019 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant à ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 832 F-P+B+I

Pourvoi n° S 19-23.160

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

Mme N... W..., domiciliée [...], 78290 Croissy-sur-Seine, a formé le pourvoi n° S 19-23.160 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2019 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant à l'association ASL des résidents de la Belle Issue, dont le siège est 12 allée de la Belle Issue, 78290 Croissy-sur-Seine, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de Mme W..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'association ASL des résidents de la Belle Issue, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 juin 2019), la société [...] , propriétaires de parcelles contiguës, ont entrepris la réalisation d'un lotissement composé de douze lots, suivant autorisation donnée par arrêté préfectoral du 26 février 1981. Par acte notarié dressé le 25 septembre 1981 et publié le 23 décembre suivant, ils ont procédé à un échange de parcelles afin de constituer des lots réguliers et établi un état descriptif mentionnant les terrains qu'ils s'engageaient à céder à titre gratuit à la future association syndicale libre (l'ASL), constituée en 1985, pour accueillir une nouvelle voie de desserte sur les parcelles [...] et [...], ainsi qu'une aire de jeux sur la parcelle [...] , moyennant le versement d'une indemnité de 200 000 francs par la société Le Village à V... W..., propriétaire de la majeure partie des terrains concernés.

2. Le 27 novembre 2015, l'ASL a assigné Mme W... en régularisation forcée de la cession, à son profit, des parcelles cadastrées [...] et [...], à laquelle V... W..., décédé depuis, s'était engagé.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Mme W... fait grief à l'arrêt de déclarer l'action de L'ASL recevable, alors :

« 1°/ que l'action engagée par celui qui se prévaut d'une stipulation pour autrui est une action personnelle soumise, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à la prescription de droit commun de cinq ans ; qu'en l'espèce, il est constant que l'ASL a assigné Mme N... W..., le 27 novembre 2015, aux fins qu'il soit dit que l'acte notarié d'échange du 25 septembre 1981, comportait une stipulation pour autrui en sa faveur, cet acte prévoyant que les parcelles litigieuses seraient cédées gratuitement par M. W... à l'association syndicale ; qu'il s'ensuit qu'en considérant que l'action introduite par l'ASL tendait à faire constater son droit de propriété sur les parcelles litigieuses et présentait donc un caractère imprescriptible, tout en retenant que l'acte notarié du 25 septembre 1981 comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'association syndicale lui ayant conféré « un droit direct envers Mme W...
de nature à lui permettre de revendiquer la propriété des parcelles litigieuses », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il résulte que l'action était de nature personnelle et non réelle et a, par conséquent, violé l'article 1121 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les article 2224 et 2227 du code civil ;

2°/ que la revendication est l'action par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui le détient, la restitution d'un bien ; qu'en considérant que l'action engagée par l'ASL, qui comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'association syndicale lui ayant conféré « un droit direct envers Mme W... » était une action en revendication immobilière imprescriptible, quand l'ASL ne réclamait pas la restitution d'un bien, la cour d'appel a violé l'article 2227 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'action en régularisation forcée de la cession engagée par l'ASL tendait à faire reconnaître le droit de propriété qui avait été cédé à celle-ci par l'effet de la stipulation pour autrui consentie dans l'acte d'échange.

5. Elle en a exactement déduit que cette action en revendication, imprescriptible, était recevable.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Mme W... fait grief à l'arrêt d'ordonner la réalisation forcée de la cession, alors :

« 1°/ que l'acte notarié du 25 septembre 1981, qui porte sur un échange de terrains entre les deux co-lotisseurs, la SCI Le Village et M. W..., comporte une clause intitulée « indemnité au profit de M. W... pour la partie de terrain qui sera cédée par lui gratuitement à l'association syndicale ci-après dénommée », selon laquelle « la majeure partie du sol de la Voie nouvelle (soit 1036m² sur 1090 m²) et la totalité de l'aire de jeux (606,40 m²) se trouvent en totalité sur le terrain appartenant à M. W... il est versé par la SCI Le Village audit M. W... à titre d'indemnité la somme de 200 000 francs », et une clause relative à l'état descriptif de division, qui indique aussi « que les lots 7 à 12 appartiennent à Mr W... et que la Voie Nouvelle et l'aire de jeu qui appartiennent à Mr W... seront cédées par lui gratuitement à l'Association syndicale » ; que cet acte qui se borne à faire état d'une cession future ne transfère pas la propriété des parcelles litigieuses à l'association syndicale, un tel transfert étant au demeurant impossible, l'association syndicale n'étant pas constituée à la date du 25 septembre 1981 ; qu'en considérant pourtant, pour retenir qu'il y avait lieu de faire injonction à Mme N... W... de se présenter devant le notaire désigné par le Président de la chambre départementale des notaires des Yvelines aux fins de régulariser l'acte de cession des parcelles litigieuses et qu'à défaut d'exécution son arrêt vaudrait vente, que l'acte notarié du 25 septembre 1981 comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'ASL, lui ayant conféré un droit direct envers Mme N... W... venant aux droits de M. W..., « de nature à lui permettre de revendiquer la propriété des parcelles litigieuses », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ainsi que l'article 1589 du code civil ;

2°/ que le juge à l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, l'acte notarié du 25 septembre 1981, qui porte sur un échange de terrains entre les deux colotisseurs, la SCI Le Village et M. W..., se bornait à prévoir que la SCI Le Village versera une « indemnité au profit de M. W... pour la partie de terrain qui sera cédée par lui gratuitement à l'association syndicale » ; qu'en considérant pourtant, qu'il y avait lieu de faire injonction à Mme N... W... de se présenter devant le notaire désigné par le Président de la chambre départementale des notaires des Yvelines aux fins de régulariser l'acte de cession des parcelles litigieuses et qu'à défaut d'exécution son arrêt vaudrait vente, quand l'acte notarié ne faisait nulle mention d'une vente, mais d'une cession gratuite à intervenir des parcelles litigieuses au profit de l'association syndicale, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes de l'acte notarié du 25 septembre 1981, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a souverainement retenu, sans dénaturation malgré l'usage impropre du terme de " vente ", que l'engagement de céder à titre gratuit les parcelles litigieuses à la future ASL, prévu dans l'acte d'échange du 25 septembre 1981 pour permettre la réalisation du lotissement, constituait une stipulation pour autrui dont cette dernière était le bénéficiaire identifiable.

9. Elle a pu en déduire qu'une fois constituée, l'ASL s'était vu immédiatement conférer la propriété de ces parcelles, avant même la régularisation de la cession par acte authentique.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme W... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme W... et la condamne à payer à l'association ASL des résidents de la Belle Issue la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour Mme W...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action de l'Association Syndicale Libre des Résidents de l'Allée de la Belle Issue non prescrite ;

AUX MOTIFS QU'il est de principe constant que le droit de propriété ne s'éteignant pas par le non usage, l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription. L'action introduite par l'ASL tend à faire constater son droit de propriété sur les parcelles litigieuses et présente donc un caractère imprescriptible, son exercice n'étant pas enfermé dans le délai de prescription extinctive trentenaire. Il y a lieu en conséquence de dire que l'action de l'ASL n'est pas prescrite (arrêt p. 6) ;

1) ALORS QUE, l'action engagée par celui qui se prévaut d'une stipulation pour autrui est une action personnelle soumise, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à la prescription de droit commun de cinq ans ; qu'en l'espèce, il est constant que l'ASL a assigné Mme N... W..., le 27 novembre 2015, aux fins qu'il soit dit que l'acte notarié d'échange du 25 septembre 1981, comportait une stipulation pour autrui en sa faveur, cet acte prévoyant que les parcelles litigieuses seraient cédées gratuitement par M. W... à l'association syndicale ; qu'il s'ensuit qu'en considérant que l'action introduite par l'ASL tendait à faire constater son droit de propriété sur les parcelles litigieuses et présentait donc un caractère imprescriptible, tout en retenant que l'acte notarié du 25 septembre 1981 comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'association syndicale lui ayant conféré « un droit direct envers Mme W... »
« de nature à lui permettre de revendiquer la propriété des parcelles litigieuses », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il résulte que l'action était de nature personnelle et non réelle et a, par conséquent, violé l'article 1121 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les article 2224 et 2227 du code civil ;

2) ALORS QU'en tout état de cause la revendication est l'action par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui le détient, la restitution d'un bien ; qu'en considérant que l'action engagée par l'ASL, qui comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'association syndicale lui ayant conféré « un droit direct envers Mme W... » était une action en revendication immobilière imprescriptible, quand l'ASL ne réclamait pas la restitution d'un bien, la cour d'appel a violé l'article 2227 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fait injonction à Mme N... W... de se présenter devant le notaire désigné par le Président de la chambre départementale des notaires des Yvelines aux fins de régulariser l'acte de cession des parcelles cadastrées section [...] pour 1037 mètres carrés et section [...] pour 606,40 mètres carrés, sises [...] à 78290 Croissy Sur Seine, au profit de l'Association Syndicale Libre des Résidents de l'Allée de la Belle Issue dans les conditions prévues à l'acte notarié d'échange en date du 25 septembre 1981 déposé au rang des minutes de l'étude de Maître W..., notaire, dit qu'à défaut d'exécution, après sommation, de l'injonction sus visée dans les trois mois suivant cette sommation, le présent arrêt vaudra vente et sera publié au service des hypothèques compétent à la diligence de l'Association Syndicale Libre des Résidents de l'Allée de la Belle Issue, et dit que les services du cadastre compétents procéderont à la rectification du plan cadastral de la commune de Croissy Sur Seine afin que la parcelle cadastrée [...] soit située ... ;

AUX MOTIFS QUE l'acte d'échange du 25 septembre 1981 conclu entre la SCI Le Village et M. W..., mentionne : "pour permettre l'établissement de l'état descriptif de division ci-après, et afin de former des lots réguliers, appartenant à chaque lotisseur, il est fait entre les parties les échanges suivants.". L'acte dispose que M. W... cède à titre d'échange, en s'obligeant à toutes les garanties ordinaires et de droit en pareille matière, à la SCI le Village, ce qui est accepté par elle, les parties de terrains d'un contenant total de six cent vingt deux mètres carrés quarante centièmes cadastrés : section [...] , [...] , [...] , [...] , [...] . En contre-échange, M. T..., gérant de la SCI Le Village, cède en obligeant la société qu'il représente, à toutes les garanties ordinaires et de droit en pareille matière, à M. W... qui accepte : les parcelles cadastrées section [...] , [...] . L'acte ajoute que "les échangistes seront propriétaires des terrains présentement échangés à compter de ce jour, et ils auront la jouissance à compter également de ce jour, par la prise de possession réelle et effective, lesdits biens étant libres de toutes locations occupations, ou réquisitions." L'acte d'échange du 25 septembre 1981 prévoit au paragraphe consacré à l'évaluation des terrains échangés que le présent échange a lieu sans soulte. Il est ensuite mentionné : "indemnité au profit de M. W... pour la partie de terrain qui sera cédée par lui gratuitement à l'association syndicale ci-après dénommée. Attendu que la majeure partie du sol de la voie nouvelle (soit 1036m² sur 1090 m²) et la totalité de l'aire de jeux (606,40 m²) se trouvent en totalité sur le terrain appartenant à M. W... il est versé par la SCI Le Village audit M. W... à titre d'indemnité la somme de 200 000 francs" "ladite somme ainsi payée, dès avant ce jour et directement". L'état descriptif de division révèle que les lots 7 à 12 appartiennent à M. W... et que la voie nouvelle (section [...] ) et l'aire de jeux (section [...] ) qui appartiennent à M. W... seront cédées par ce dernier à l'association syndicale. L'acte notarié du 25 septembre 1981 mentionne au chapitre intitulé "Etat descriptif de division" : "les comparants établissent ainsi qu'il suit la désignation des douze lots de la Voie Nouvelle, de l'aire de jeux et des emprises concernant le présent lotissement. Pour plus de facilité il est ici précisé que les lots 1 à 6 appartiennent à la SCI Le Village, que les lots 7 à 12 appartiennent à M. W... et que la voie nouvelle et l'aire de jeux qui appartiennent à M. W... seront cédés par ce dernier à l'Association syndicale". Ainsi l'état descriptif de division du lotissement intègre dans son périmètre les parcelles litigieuses. Ce transfert de ces parcelles à l'ASL faisait partie intégrante du projet de lotissement puisqu'il figurait déjà dans le document intitulé "profil de la Voie Nouvelle", qui vise expressément les parcelles [...] et [...] comme étant des parties cédées à l'association syndicale. Le cahier des charges annexé à l'acte du 25 septembre 1981 (pièce n° 3 de l'appelante) et établi par les deux co-lotisseurs que sont la SCI le Village et M. W... indique en son article 2 qu'il y a lieu d'ajouter à la surface totale celle de la voie nouvelle et celle de l'aire de jeux. Il en va de même du règlement régissant le lotissement, également annexé à la minute de l'acte notarié et établi par les deux co-lotisseurs (pièce 4 de l'appelante) qui intègre ces mêmes surfaces et qui précise que la surface de l'aire de jeux sera utilisée par les propriétaires riverains de la voie et ne sera en aucun cas cessible. Ainsi que le souligne l'appelante, l'économie générale du projet de lotissement qu'avaient en commun la SCI Le Village et M. W... intégrait nécessairement la cession des parcelles litigieuses qui appartenaient à ce dernier. En sa qualité de co-lotisseur, la SCI Le Village avait au demeurant un intérêt certain à ce que ces parcelles intègrent le périmètre du lotissement afin de le rendre plus attractif pour les acquéreurs potentiels de lots. C'est à cette fin que la SCI Le Village, stipulant pour autrui, a obtenu de M. W... l'engagement de céder à l'ASL gratuitement les dites parcelles, en contrepartie duquel elle lui a versé immédiatement la somme de 200 000 francs, étant observé qu'il n'est soumis à la cour aucune autre explication plausible à ce versement. Le fait que l'ASL n'ait pas eu d'existence lors de cette stipulation pour autrui est sans incidence sur la validité de celle-ci dès lors que l'ASL était aisément identifiable. Cette stipulation au bénéfice de l'ASL lui a conféré un droit direct envers Mme W... venant aux droits de M. W... de nature à lui permettre de revendiquer la propriété des parcelles litigieuses. Il y a lieu en conséquence d'accueillir la demande formée par l'ASL et de faire injonction à Mme W... de régulariser l'acte de cession des parcelles [...] et [...] selon les modalités qui seront précisées au dispositif du présent arrêt, avec les conséquences de droits qui s'y rattachent. A défaut d'exécution, après sommation, de cette injonction, le présent arrêt vaudra vente et sera publié au service de publicité foncière compétent à la diligence de l'ASL. Le prononcé d'une astreinte ne s'avère pas opportun. Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions (arrêt p. 7 à 9) ;

1) ALORS QUE l'acte notarié du 25 septembre 1981, qui porte sur un échange de terrains entre les deux co-lotisseurs, la SCI Le Village et M. W..., comporte une clause intitulée « indemnité au profit de M. W... pour la partie de terrain qui sera cédée par lui gratuitement à l'association syndicale ci-après dénommée », selon laquelle « la majeure partie du sol de la Voie nouvelle (soit 1036m² sur 1090 m²) et la totalité de l'aire de jeux (606,40 m²) se trouvent en totalité sur le terrain appartenant à M. W... il est versé par la SCI Le Village audit M. W... à titre d'indemnité la somme de 200 000 francs », et une clause relative à l'état descriptif de division, qui indique aussi « que les lots 7 à 12 appartiennent à Mr W... et que la Voie Nouvelle et l'aire de jeu qui appartiennent à Mr W... seront cédées par lui gratuitement à l'Association syndicale » ; que cet acte qui se borne à faire état d'une cession future ne transfère pas la propriété des parcelles litigieuses à l'association syndicale, un tel transfert étant au demeurant impossible, l'association syndicale n'étant pas constituée à la date du 25 septembre 1981 ; qu'en considérant pourtant, pour retenir qu'il y avait lieu de faire injonction à Mme N... W... de se présenter devant le notaire désigné par le Président de la chambre départementale des notaires des Yvelines aux fins de régulariser l'acte de cession des parcelles litigieuses et qu'à défaut d'exécution son arrêt vaudrait vente, que l'acte notarié du 25 septembre 1981 comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'ASL, lui ayant conféré un droit direct envers Mme N... W... venant aux droits de M. W..., « de nature à lui permettre de revendiquer la propriété des parcelles litigieuses », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ainsi que l'article 1589 du code civil ;

2) ALORS QU'en outre, le juge à l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, l'acte notarié du 25 septembre 1981, qui porte sur un échange de terrains entre les deux co-lotisseurs, la SCI Le Village et M. W..., se bornait à prévoir que la SCI Le Village versera une « indemnité au profit de M. W... pour la partie de terrain qui sera cédée par lui gratuitement à l'association syndicale » ; qu'en considérant pourtant, qu'il y avait lieu de faire injonction à Mme N... W... de se présenter devant le notaire désigné par le Président de la chambre départementale des notaires des Yvelines aux fins de régulariser l'acte de cession des parcelles litigieuses et qu'à défaut d'exécution son arrêt vaudrait vente, quand l'acte notarié ne faisait nulle mention d'une vente, mais d'une cession gratuite à intervenir des parcelles litigieuses au profit de l'association syndicale, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes de l'acte notarié du 25 septembre 1981, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe susvisé.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROPRIETE - Action en revendication - Immeuble - Imprescriptibilité - Applications diverses - Stipulation pour autrui - Bénéficiaire - Association syndicale libre - Action en régularisation forcée d'une cession de parcelles

L'action en régularisation forcée d'un engagement de cession de parcelles à une association syndicale libre, qui tend à faire reconnaître le droit de propriété cédé à elle par l'effet d'une stipulation pour autrui, est une action en revendication imprescriptible. Par la stipulation pour autrui consentie à son bénéfice, l'association syndicale libre s'est vu, une fois constituée, immédiatement conférer la propriété des parcelles objet de la stipulation, avant même la régularisation de la cession par acte authentique


Références :

article 1121 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

articles 2224 et 2227 du code civil.

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 juin 2019


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 3e, 12 nov. 2020, pourvoi n°19-23160, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 3
Date de la décision : 12/11/2020
Date de l'import : 08/12/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19-23160
Numéro NOR : JURITEXT000042551882 ?
Numéro d'affaire : 19-23160
Numéro de décision : 32000832
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2020-11-12;19.23160 ?
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