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12/11/2020 | FRANCE | N°19-10933

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 novembre 2020, 19-10933


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1020 F-D

Pourvoi n° B 19-10.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 NOVEMBRE 2020

M. F... A..., domicilié [...] ,

a formé le pourvoi n° B 19-10.933 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre B), dans le litige...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1020 F-D

Pourvoi n° B 19-10.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 NOVEMBRE 2020

M. F... A..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 19-10.933 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre B), dans le litige l'opposant à la Société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute (SNEGA), société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La Société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. A..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 novembre 2018), M. A... a été engagé à compter du 27 avril 2015 par la Société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute, en qualité de chauffeur dépanneur.

2. Contestant son licenciement intervenu le 21 septembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes portant tant sur l'exécution que la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs correspondants, outre les congés payés afférents, alors « que le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d'heures supplémentaires qui ne donnent pas lieu uniquement à un salaire majoré mais, d'une part, doivent s'exécuter dans le cadre d'un contingent annuel et, d'autre part, ouvrent droit à un repos compensateur ; que par conséquent, en énonçant, pour rejeter l'intégralité des demandes du salarié, que "les interventions donnent lieu à facturation", qu'il résulte de relevés journaliers de facturation "un nombre d'interventions allant de 0 à 4 interventions journalières que l'employeur justifie avoir rémunérées par un forfait de 400 euros y compris s'il n'y a pas eu d'intervention", quand le versement d'une prime forfaitaire ne pouvait tenir lieu de règlement des heures complémentaires ou supplémentaires, la cour d'appel a violé les articles L. 3123-17 et L. 3121-22 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit.

6. Cependant il résulte des conclusions du salarié que celui-ci soutenait que l'employeur avait forfaitisé les heures supplémentaires pour les périodes de permanence pour ne pas avoir à lui régler la réalité de son temps de travail passé au sein de l'entreprise et que les heures supplémentaires donnaient lieu au paiement d'un salaire majoré et devaient être effectuées dans le cadre d'un contingent annuel, qui s'il est dépassé, ouvrait alors droit à l'attribution de contrepartie obligatoire en repos.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

8. Selon ce texte, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs, l'arrêt retient que les interventions des salariés donnent lieu à facturation, que sur les relevés journaliers de facturation figurent le nombre d'interventions, le temps d'intervention du salarié avec l'heure de départ, l'heure d'arrivée et le temps passé, que ces relevés sont établis sur les propres déclarations du salarié, qu'il en résulte un nombre d'interventions allant de 0 à 4 interventions journalières que l'employeur justifie avoir rémunérées par un forfait de 400 euros y compris s'il n'y a pas eu d'intervention.

10. En statuant ainsi, alors que le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d'heures supplémentaires qui ne donnent pas lieu uniquement à un salaire majoré mais, d'une part, doivent s'exécuter dans le cadre d'un contingent annuel et, d'autre part, ouvrent droit à un repos compensateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le second moyen du même pourvoi relatif à l'indemnité pour travail dissimulé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. A... de ses demandes en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs correspondants, outre les congés payés afférents, ainsi que d'une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la Société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute et la condamne à payer à M. A... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.
+

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. A...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir débouté Monsieur F... A... de sa demande en paiement de sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, outre les repos compensateurs correspondants et congés payés afférents,

Aux motifs qu'il ressort des documents versés au dossier de la cour (contrat de travail, plannings collectifs et individuels, fiches horaires) que l'horaire collectif de travail donnait lieu à l'établissement d'un planning commun à tous les salariés sur lequel figurent les périodes de renfort (R) et des périodes de permanence (P) ; que la répartition des jours de renfort et de permanence donnait lieu à une concertation entre les salariés ; que en sus de l'horaire commun, du lundi au vendredi de 8h à 12h et de 14h à 18 h M. A..., comme les autres salariés effectuait durant la semaine ou durant les week-ends, soit des permanences, soit des renforts, d'une durée de 24 heures : en effet, dans l'entreprise comptant une vingtaine de salariés, tous les jours un salarié se trouve d'astreinte (P), un autre est de premier renfort (RI) un autre en deuxième renfort (R2) voire de troisième renfort (R3) ; que en cas d'astreinte, le salarié est le premier appelé ; en cas de renfort le salarié n'est appelé que si le salarié d'astreinte est déjà en intervention (R) ou si le salarié de premier renfort n'est pas disponible (R2, R3) ; que le cahier des charges du dépannage/remorquage des véhicules légers de la société ESCOTA indique que le salarié dispose d'une demi-heure pour se rendre sur les lieux de l'accident à compter de l'appel ; que l'employeur explique qu'en dehors, du week-end et jour férié, la journée du salarié en position d'astreinte ou de renfort est finalement la suivante : le salarié prend son service à 8h, entre 12h et 14h, ensuite, durant la pause déjeuner, il est susceptible d'intervenir, il reprend son service de 14h à 18h puis il est d'astreinte de 18 heures jusqu'au lendemain 8 heures ; que ainsi en semaine les salariés ne sont finalement d'astreinte que de 12h à 14h et de 18h à 8 heures le lendemain ; que le week end le salarié est d'astreinte du samedi 8 h au dimanche 8 h puis de renfort du dimanche 8h au lundi 8h et inversement ; que la réclamation de M. A... porte sur les heures accomplies par le salarié durant les périodes de permanence et de renfort ; que l'employeur répond que seules les périodes de permanence sont des périodes d'astreinte et qu'elles ne sont pas du temps de travail effectif ; que elles donnent lieu à une rémunération forfaitaire de 400 euros qu'il ait ou non intervention ; que il précise que les interventions sont assez rares et que le salarié ne s'est jamais plaint de ses conditions de travail ; qu'il prétend que durant les périodes d'astreinte le salarié se trouvait a son domicile, il n'intervenait que si une mission de dépannage se présentait ; il recevait un appel sur un téléphone portable de l'entreprise provenant du standard de la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute ; que la seule obligation était de se rendre sur le lieu du dépannage en 30 minutes ; qu'il ajoute que si la société mettait à la disposition des salariés un local particulièrement bien équipé et que ceux-ci n'avaient en revanche aucune obligation de l'occuper durant les heures d'astreinte ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en se fondant, outre sur les propres mentions du contrat de travail, sur les plannings et les relevés d'horaires informatiques versés aux débats par son contradicteur, faisant apparaître une succession de temps de permanence et de renfort et en sollicitant un rappel d'heures supplémentaires correspondant au paiement de tous les temps d'astreinte apparaissant sur ces relevés, M. A... étaye sa demande par un décompte suffisamment précis quant aux horaires réalisés, qui permet à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que le fait que le salarié n'ait pas formé de réclamation durant 1'exécution du contrat de travail n' est pas de nature à le priver de son droit au paiement des heures de travail accomplies ni à exonérer l'employeur de son obligation de prouver les horaires de travail du salarié ; que en l'espèce, M. A... soutient avoir accompli 38 permanences :
- 0 permanence en mai 2015 (il était en formation)
-10 permanences au mois de juin
- 9 permanences au mois de juillet
- 12 permanences au mois d'août
- 7 permanences au mois de septembre.
Partant du fait que la permanence était de 24h sur le lieu de travail, il estime son temps de travail à :
- 240 heures de permanence en juin,
- 216 heures de permanence en juillet,
- 288 heures de permanence en août,
-168 heures de permanence en septembre.
Que M. A... réclame donc pour chaque permanence 24 heures supplémentaires correspondent par exemple en juin à la somme de 335,58 € calculée comme suit: 9,87 € x 25 % x 8h = 98,70 € , 9, 87x 50% x 16h= 236,88 € (soit 335,58 € x 10 permanences = 3355,80 €) ; qu'il réclame après déduction du forfait perçu en juin, juillet août et septembre 2015, la somme de 11.246,82 euros ; que l'examen des plannings de travail, qui servent de base à la réclamation du salarié, et que l'employeur qualifie sans le démontrer de simplement prévisionnels, montre que M. A... a en réalité effectué non pas 38 mais 17 permanences:
- 4 permanences en juin
- 5 permanences en juillet
- 4 permanences en août
- 4 permanences en septembre
Que l'article L.3121-5 du code du travail dans sa rédaction applicable aux faits de la cause définit la notion d'astreinte comme étant : "la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise" ; que la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ; que les éléments constitutifs d'une astreinte sont doubles : il doit y avoir obligation imposée au salarié par l'employeur et cette obligation doit consister à se tenir prêt à intervenir au profit de l'employeur ; que l'astreinte n'est constituée que si le salarié reste, même de façon atténuée, soumis au pouvoir de direction de l'employeur ; que la preuve d'une contrainte est nécessaire ; qu'au cas d'espèce, durant les périodes où M. A... était de permanence (P) il devait rester joignable à tout moment afin de pouvoir intervenir dans un délai de 30 mn sur les lieux d'une panne ou d'un accident ; qu'il est constant que si l'astreinte se déroule sur le lieu de travail ou dans un lieu imposé elle est juridiquement du travail effectif même si ce temps comporte des périodes d'attente ; qu'au cas d'espèce le contrat de travail n'impose pas au salarié d'assurer une permanence sur les lieux de son travail ni dans le local aménagé à cet effet ; que de fait, compte tenu de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise lorsque la période se superpose à une période de travail effectif, elle s'effectue dans l'entreprise ; mais que dans ce cas, elle est rémunérée comme du temps de travail effectif ; que à supposer même, comme le prétend le salarié, qu'il ait été tenu, durant les nuits et les week-end de permanence de rester dans un local spécialement aménagé à cet effet par l'employeur afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence cette sujétion ne l'empêchait pas de vaquer à des occupations personnelles, le salarié étant muni d'un téléphone portable et devant seulement garantir une intervention d'urgence selon le cahier des charges ESCOTA ; que ainsi le temps de permanence accompli par le salarié ne constitue pas en sa totalité un temps de travail effectif ; que seules les interventions effectivement réalisées durant le temps d'astreinte constituent un temps de travail effectif ; qu'il s'agit d'une astreinte opérationnelle rémunérée par une prime d'astreinte et un forfait pour heures supplémentaires ; que les interventions des salariés donnent lieu à facturation ; que sur les relevés journaliers de facturation figure le nombre d'interventions, le temps d'intervention du salarié avec l'heure de départ, l'heure d'arrivée et le temps passé ; que ces relevés sont établis sur les propres déclarations du salarié ; qu'il en résulte un nombre d'interventions allant de 0 à 4 interventions journalières que l'employeur justifie avoir rémunérées par un forfait de 400 euros y compris s'il n'y a pas eu d'intervention (exemple : 1er juillet 2015 intervention de 13h40 à 14h04 et de 17h57 à 18h45) le 20 juillet 2015, intervention de 9h à 9h50, de 11h à 11h25 et de 9h à 9hl0 le véhicule de dépannage pouvant prendre en charge plusieurs véhicules) ; que à l'examen des fiches d'intervention ESCOTA et des factures informatiques et manuscrites de dépannage remorquage de l'entreprise, il apparaît que les temps d'interventions effectives de M. A... qui seules constituent une activité productive donc du temps de travail effectif ont bien été rémunérées ; que s'agissant des périodes de renfort, le salarié n'assure aucune permanence mais n'intervient qu'en cas de besoin pour pallier à un manque d'efficacité de l'équipe de permanence ; qu'il s'agit d'une astreinte de sécurité ; que la seule obligation pour lui est de demeurer joignable par téléphone ; que la seule brièveté de l'intervention ne permet pas de considérer qu'il s'agisse de temps de travail effectif ; qu'à l'examen des fiches d'intervention ESCOTA et des factures informatiques et manuscrites de dépannage remorquage de l'entreprise, il apparaît que les temps d'intervention effectives de M. A... qui seules constituent une activité productive donc du temps de travail effectif ont bien été rémunérées ; que par ailleurs, aucune obligation ne pesait sur le salarié de prendre sa pause déjeuner sur le lieu de travail afin d'être prêt à intervenir à tout moment ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le salarié doit être débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ainsi que de sa demande subséquente en paiement du repos compensateur et des congés payés y afférents ;

Alors, de première part, que constitue un travail effectif au sens de l'article L.3121-1 du Code du travail, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que selon l'article L.3121-5 devenu l'article L.3121-9 du même code, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme du temps de travail effectif ; qu'en l'espèce, Monsieur A... démontrait dans ses écritures d'appel (p.14 et 15, 20 à 26) qu'il était tenu, durant les nuits et les week-end de permanence, de rester dans un local spécialement aménagé à cet effet par l'employeur afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence (à Nice, deux bungalows d'environ 10m2, dont l'un comportait des lits, matelas, téléviseur, téléphone mural sur lequel le standard contactait les dépanneurs, chauffage électrique, et dont l'autre comportait une table, des chaises, un évier équipé d'une plaque chauffante, un frigo et un four à micro-ondes, des commodités et une douche également accessibles aux clients, une caméra visant l'entrée du bungalow surveillant en permanence les salariés, à Menton une maisonnette également équipée d'un lit et d'un matelas et de commodités sommaires) ; qu'en énonçant pourtant « qu'au cas d'espèce, le contrat de travail n'impose pas au salarié d'assurer une permanence sur les lieux de travail ni dans le local aménagé à cet effet », pour décider qu'« ainsi le temps de permanence accompli par le salarié ne constitue pas en sa totalité un temps de travail effectif », sans rechercher, comme elle y était invitée, si, dans les faits, le salarié n'était pas tenu de rester dans le local spécialement aménagé à cet effet pendant les nuits et week-end de permanence, la Cour d'appel, qui s'est fondée sur le seul contrat de travail, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.3121-1 et L.3121-5, devenu L.3121-9 du Code du travail ;

Alors, de deuxième part, que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour corroborer les faits qui étaient invoqués dans ses écritures d'appel, Monsieur A... versait notamment aux débats le compte-rendu, émanant du Centre de Médecine du Travail Interprofessionnel, d'une visite effectuée par le médecin du travail sur le site de Nice et qui décrivait notamment le « logement prévu pour les permanences » (« deux chambres, WC séparés et douches, possibilité de laver du linge sur place, salle de prise de repas séparée avec frigo et micro-onde, pharmacie sur place ») ; qu'en s'abstenant d'examiner ce courrier qui venait confirmer les explications du salarié selon lesquelles les chauffeurs-dépanneurs étaient tenus de rester pendant les temps de permanence dans des locaux prévus à cet effet, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile;

Alors, de troisième part, en tout état de cause, que constitue un travail effectif au sens de l'article L.3121-1 du Code du travail, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que selon l'article L.3121-5, devenu l'article L.3121-9 du même code, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme du temps de travail effectif ; qu'en énonçant dès lors, pour décider que « le temps de permanence accompli par le salarié ne constitue pas en sa totalité un temps de travail effectif », et que « seules les interventions effectivement réalisées durant le temps d'astreinte constituent un temps de travail effectif », que, « à supposer même, comme le prétend le salarié, qu'il ait été tenu, durant les nuits et les week-ends de permanence de rester dans un local spécialement aménagé à cet effet par l'employeur afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence, cette sujétion ne l'empêchait pas de vaquer à des occupations personnelles, le salarié étant muni d'un téléphone portable et devant simplement garantir une intervention d'urgence selon le cahier des charges ESCOTA », quand il en résultait que la sujétion imposée par l'employeur de se tenir en permanence dans un local spécialement aménagé à cet effet les nuits et week-ends afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence, constituait un temps de travail effectif, la Cour d'appel s'est prononcée en violation des articles L.3121-1 et L.3121-5, devenu L.3121-9 du Code du travail ;

Alors, de quatrième part, que aux termes de l'article L.3121-5 du Code du travail devenu l'article L.3121-9 du même code, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ; qu'en l'espèce, le salarié exposait qu'il alternait, la nuit et les week-ends, les périodes de permanence et les périodes de renfort, ces dernières se caractérisant par le fait qu'il était tenu de rester à la disposition de son employeur et devait se rendre en 25 minutes maximum sur le lieu de dépannage après être passé au garage (conclusions d'appel, p.14-15, p.22-23); qu'il s'en déduisait que les renforts constituaient nécessairement des astreintes, et que les interventions devaient être rémunérées comme du temps de travail effectif; qu'en énonçant dès lors, pour débouter le salarié de ses demandes, que « la seule brièveté de l'intervention ne permet pas de considérer qu'il s'agisse de temps de travail effectif », quand la brièveté des interventions ne constitue pas un critère légal de qualification de l'astreinte, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation des dispositions de l'article L.3121-5 du Code du travail, devenu l'article L.3121-9 du même code ;

Alors, de cinquième part, en tout état de cause, qu'ayant retenu que « s'agissant des périodes de renfort, le salarié n'assure aucune permanence mais n'intervient qu'en cas de besoin pour pallier (à) un manque d'efficacité de l'équipe de permanence », que « la seule obligation pour lui est de demeurer joignable par téléphone », et « qu'il s'agit d'une astreinte de sécurité », la Cour d'appel aurait dû nécessairement déduire de telles constatations que les dispositions de l'article L.3121-5 du Code du travail devenu l'article L.3121-9 du même code, trouvaient pleinement à s'appliquer aux périodes dites de renfort; qu'en déboutant dès lors le salarié de ses demandes, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a derechef violé les dispositions de l'article L3121-5 du Code du travail, devenu l'article L.3121-9 du même code ;

Alors, de sixième part, que constitue un travail effectif au sens de l'article L.3121-1 du Code du travail, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que partant, en énonçant, pour débouter le salarié de ses demandes s'agissant des permanences imposées entre 12h et 14h, qu' « aucune obligation ne pesait sur le salarié de prendre sa pause déjeuner sur le lieu de travail afin d'être prêt à intervenir à tout moment », sans rechercher si le salarié demeurait à la disposition de l'employeur et se tenait prêt à intervenir en urgence sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.3121-1 du Code du travail ;

Alors, de septième part, que le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d'heures supplémentaires qui ne donnent pas lieu uniquement à un salaire majoré mais, d'une part, doivent s'exécuter dans le cadre d'un contingent annuel et, d'autre part, ouvrent droit à un repos compensateur ; que par conséquent, en énonçant, pour rejeter l'intégralité des demandes du salarié, que « les interventions donnent lieu à facturation », qu'il résulte de relevés journaliers de facturation « un nombre d'interventions allant de 0 à 4 interventions journalières que l'employeur justifie avoir rémunérées par un forfait de 400 euros y compris s'il n'y a pas eu d'intervention », quand le versement d'une prime forfaitaire ne pouvait tenir lieu de règlement des heures complémentaires ou supplémentaires, la Cour d'appel a violé les articles L.3123-17 et L. 3121-22 du Code du travail ;

Alors, de huitième part, en tout état de cause, qu'en énonçant qu'« à l'examen des fiches d'intervention ESCOTA et des factures informatiques et manuscrites de dépannage remorquage de l'entreprise, il apparaît que les temps d'intervention effectives de M. A... qui seules constituent une activité productive donc du temps de travail effectif ont bien été rémunérées », sans viser les bulletins de paie du salarié qui seuls permettaient de vérifier si des heures supplémentaires réalisées avaient été réglées à ce titre et alors qu'elle avait par ailleurs constaté que l'employeur justifiait avoir rémunéré les interventions par une somme forfaitaire de 400 euros, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation des articles L.3123-17 et L. 3121-22 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur F... A... de sa demande en paiement d'une somme au titre du travail dissimulé,

Aux motifs que au cas d'espèce, il n'est pas établi que l'employeur a utilisé sciemment le travail du salarié, sans le rémunérer pour l'ensemble des heures effectuées ; que M. A... sera débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

Alors, d'une part, que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen entraînera inévitablement, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt sur le second moyen, en ce qu'il a estimé qu'il n'était pas établi que l'employeur avait utilisé sciemment le travail du salarié, sans le rémunérer pour l'ensemble des heures effectuées, et a débouté Monsieur A... de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

Alors, d'autre part, que les juges doivent répondre aux conclusions des parties ; que le salarié exposait dans ses écritures d'appel (p.26) qu'en forfaitisant les heures supplémentaires, son employeur avait délibérément souhaité dissimuler les heures de travail réalisées ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions pourtant déterminantes de l'issue du litige, et en se bornant à énoncer qu'il n'était pas établi que l'employeur avait utilisé sciemment le travail du salarié sans le rémunérer pour l'ensemble des heures effectuées, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société SNEGA à payer à Monsieur A... la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de repos hebdomadaires ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les dommages-intérêts pour violation du repos hebdomadaire, l'employeur doit veiller au respect effectif des périodes de repos des salariés telles qu'elles découlent des dispositions impératives en matière de repos hebdomadaire de l'article L3132-1 du code du travail applicable ; qu'il lui incombe d'apporter la preuve que le salarié a bien été rempli de ses droits en cette matière ; qu'à l'examen des plannings, il s'avère que salarié pouvait enchaîner une journée de travail après une journée d'astreinte et inversement sans respect du repos hebdomadaire ; que l'employeur répond qu'à l'instar des autres salariés M. A... bénéficiait bien de deux jours de repos dans la semaine et que lorsqu'il effectuait des interventions la nuit lors des permanences ou des renforts, il ne venait pas travailler le lendemain et était quand même rémunéré ; que, ce faisant l'employeur procède par affirmation non par voie de démonstration ; et, lorsque le salarié n'était pas amené a intervenir pendant sa période d'astreinte, l'employeur n'établit pas que l'astreinte a été décomptée dans les temps de repos quotidien et hebdomadaire, aucune somme ne figurant sur les bulletins de salaire ; qu'il sera fait droit à la demande du salarié en paiement d'une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts » ;

ALORS QU'exception faite de la durée d'intervention, la période d'astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée minimale de repos quotidien et des durées de repos hebdomadaire ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que les dispositions impératives en matière de repos hebdomadaire n'avaient pas été respectées, qu'au vu des plannings il apparaissait que Monsieur A... pouvait effectuer une journée de travail après une journée d'astreinte et inversement sans respect du repos hebdomadaire, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 3121-6 [devenu L. 3121-10] du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-10933
Date de la décision : 12/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 nov. 2020, pourvoi n°19-10933


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10933
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