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05/11/2020 | FRANCE | N°19-17062

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 05 novembre 2020, 19-17062


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1140 F-P+B+I

Pourvoi n° P 19-17.062

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

La société Allianz IARD, société anonyme, dont l

e siège est 1 cours Michelet, CS 30051, 92076 Paris La Défense cedex, venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, a formé le pourvoi n° P 19...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1140 F-P+B+I

Pourvoi n° P 19-17.062

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

La société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est 1 cours Michelet, CS 30051, 92076 Paris La Défense cedex, venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, a formé le pourvoi n° P 19-17.062 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Ex nihilo, société par actions simplifiée, dont le siège est 52 rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris,

2°/ à la société Circles group, société anonyme, dont le siège est rue d'Arlon 6, L-8399 Windhof (Luxembourg),

3°/ à la société Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics (GMF), dont le siège est 148 rue Anatole France, 92300 Levallois-Perret,

défenderesses à la cassation.

Les sociétés Circles group et Ex nihilo ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés Circles group et Ex nihilo, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics (GMF), et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2019), lors du tournage d'une scène d'un film produit par la société Ex nihilo, M. et Mme F... ont été heurtés par un véhicule conduit par l'un des acteurs et appartenant à M. X..., que ce dernier venait de prêter à la société Ex nihilo pour remplacer un véhicule indisponible.

2. La société GMF (la GMF), assureur de ce véhicule, ayant indemnisé M. et Mme F..., a exercé un recours subrogatoire à l'encontre de la société Ex nihilo, en invoquant à son encontre une défaillance dans la sécurisation des lieux de tournage, et de ses assureurs de responsabilité, la société Allianz IARD (la société Allianz), venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, et la société Circles group.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, pris en ses première et troisième branches, qui est préalable

Enoncé du moyen

3. La société Ex nihilo et la société Circles group font grief à l'arrêt de déclarer la société Ex nihilo responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont les époux F... ont été victimes le 24 août 2011 et de la condamner in solidum avec la société Circles group à payer à la GMF la somme de 198 083,15 euros au titre de son recours subrogatoire, alors :

« 1°/ que si l'article L. 121-12 du code des assurances dispose de façon générale que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, il est dérogé à cette règle par l'article L. 211-1 du même code en cas de dommages résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule terrestre à moteur est impliqué ; que dans cette hypothèse, l'assureur ne peut être subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. et Mme F... avaient été victimes d'un accident de la circulation le 24 août 2011 impliquant un véhicule appartenant à M. X..., qui avait été prêté gracieusement par ce dernier à la société Ex nihilo pour les besoins du tournage, ce dont il résulte que cette dernière était la gardienne du véhicule ; qu'elle a également relevé que la société GMF avait, sur le fondement de l'article L. 211-9 du code des assurances, en sa qualité d'assureur de M. X..., propriétaire du véhicule impliqué, réglé diverses sommes à titre d'indemnités aux époux F... ; qu'en retenant cependant que le recours subrogatoire intenté par la société GMF contre la société Circles group, assureur de la société Ex nihilo, n'était pas régi par les dispositions de l'article L. 211-1 du code des assurances mais par celles de l'article L. 121-12 du même code, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé par fausse application le premier de ces textes et par refus d'application le second ;

3°/ subsidiairement, l'assureur ne peut en tout état de cause être subrogé que dans les droits et actions qui appartiennent au tiers victime qu'il indemnise ; que l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, à l'exclusion de celles des articles 1382 et suivants (devenus 1240 et suivants) du code civil ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. et Mme F... avaient été victimes d'un accident de la circulation le 24 août 2011 impliquant un véhicule appartenant à M. X..., qui avait été prêté gracieusement par ce dernier à la société Ex nihilo pour les besoins du tournage, ce dont il résulte que cette dernière était la gardienne du véhicule ; que l'indemnisation de M. et Mme F... ne pouvait en conséquence intervenir que sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, ce qui a d'ailleurs été le cas ; qu'en conséquence, à supposer même que la société GMF puisse faire valoir avoir été subrogée dans les droits de M. et Mme F... à l'égard de la personne responsable de l'accident, son recours subrogatoire fondé sur les articles 1382 et 1383 du code civil (devenus 1240 et 1241) n'en demeurerait pas moins irrecevable, faute d'existence de tout recours ouvert sur le fondement de ces textes au profit des victimes de l'accident ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles 1 à 6 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble les articles 1382 et 1383 du code civil (devenus 1240 et 1241). »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, 1382, devenu 1240, et 1383, devenu 1241, du code civil, L. 121-12, alinéa 1, et L. 211-1, alinéas 2 et 3, du code des assurances :

4. Il résulte du premier de ces textes que les victimes d'un accident dans lequel se trouve impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peuvent être indemnisées que sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985.

5. Selon le dernier de ces textes, les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée en son premier alinéa doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, et l'assureur n'est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire. Il en découle que l'assureur qui entend exercer un recours contre le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation pour obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de cet accident ne peut agir que sur le fondement de ce texte, à l'exclusion du droit commun.

6. Pour déclarer la société Ex nihilo responsable, sur le fondement de sa faute, des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011 et la condamner in solidum avec la société Circles group à payer à la GMF la somme de 198 083,15 euros au titre de son recours subrogatoire, l'arrêt retient tout d'abord que, selon l'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, et que l'article L. 211-1 du même code dispose notamment que les contrats d'assurance couvrant la responsabilité de toute personne physique ou toute personne morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule.

7. L'arrêt relève ensuite que la GMF exerce toutefois son recours subrogatoire contre la société Ex nihilo en tant qu'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de la faute, et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l'accident, et que le recours subrogatoire ainsi dirigé n'est pas régi par l'article L. 211-1, alinéa 3, du code des assurances mais par l'article L. 121-12 de ce code, applicable aux assurances de dommages en général et aux assurances de responsabilité en particulier et que, bien qu'il n'envisage expressément que la subrogation de l'assureur dans les droits de l'assuré, il est de jurisprudence constante que l'assureur peut se prévaloir, sur le fondement de cet article, d'une subrogation dans les droits du tiers victime qu'il indemnise et exercer ainsi le recours qui lui appartenait contre le coresponsable de l'accident.

8. L'arrêt en déduit que la GMF apparaît recevable à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de la société Ex nihilo en qualité de tiers coresponsable, comme l'ont retenu avec pertinence les premiers juges.

9. En accueillant ainsi les demandes de la GMF à l'encontre de la société Ex nihilo sur le fondement des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil, alors qu'il résultait de ses constatations qu'un véhicule, dont le propriétaire n'avait pas été dépossédé contre sa volonté, était impliqué dans l'accident, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

10. La cassation prononcée sur le moyen du pourvoi incident prive de tout effet la condamnation de la société Allianz, assureur de responsabilité civile de la société Ex nihilo, mais non du véhicule impliqué dans l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011, à garantir cette dernière des condamnations prononcées à son encontre.

Demande de mise hors de cause

11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la GMF, dans la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Ex nihilo responsable, sur le fondement de sa faute, des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011, en ce qu'il condamne in solidum la société Ex nihilo et la société Circles group à payer la somme de 198 083,15 euros à la société GMF au titre de son recours subrogatoire, et en ce qu'il condamne la société Allianz IARD à garantir la société Ex nihilo des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 21 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société GMF aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société GMF à payer la somme de 3 000 euros à la société Allianz IARD ; rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt, signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Allianz IARD

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné in solidum la société Ex Nihilo et la société Circles Group à payer à la GMF la somme de 198.083,15 euros au titre de son recours subrogatoire et, en conséquence, d'avoir condamné la société Allianz à garantir la société Ex Nihilo des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité du recours subrogatoire de la GMF, que la SAS Ex Nihilo et la société Circles group soulèvent l'irrecevabilité du recours subrogatoire de la société GMF au motif que la garde du véhicule de son assuré a été transférée à la société Ex Nihilo et que le véhicule était conduit par un de ses salariés, qu'en vertu de l'article L. 211-1 alinéa 2 du code des assurances, le contrat d'assurance obligatoire visé par la loi du 5 juillet 1985 couvre également la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule et que la possibilité pour l'assureur d'exercer un recours subrogatoire est limitée au seul cas où la garde et la conduite ont été obtenues contre le gré du propriétaire, en vertu de l'alinéa 3 du texte précité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'elle ajoute que le recours de l'assureur ne peut être exercé que sur le fondement de ce texte à l'exclusion des articles 1382 et 1383 du code civil et L. 121-12 alinéa 1 du code des assurances ; qu'elle prétend que la garde a été transférée puisque M. X... a prêté son véhicule en ne fixant aucune restriction et que tous les attributs de la garde ont été reçus par la société Ex Nihilo dont l'un des salariés (acteur) a conduit le véhicule ; que la GMF conclut à la confirmation du jugement ; qu'elle rétorque qu'ayant indemnisé définitivement l'intégralité des préjudices de M. et Mme F..., elle est, sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances, subrogée tant dans les droits des victimes que de son assuré et peut exercer une action récursoire en responsabilité à l'encontre de la société Ex Nihilo, tiers co-responsable sur le fondement de droit commun des articles 1240 et 1241 nouveaux du code civil ; qu'en réponse à l'argumentation de l'intimée, elle soutient que son recours n'est pas exercé contre la société Ex Nihilo en qualité de gardienne du véhicule impliqué ; qu'elle en déduit que son recours subrogatoire n'est pas soumis aux dispositions de l'article L. 211-1 du code des assurances et qu'elle est recevable à rechercher la responsabilité de la société Ex Nihilo en raison de ses fautes et négligences en matière de sécurisation du tournage ; que selon l'article L. 121-12 alinéa 1er du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; que l'article L. 211-1 du même code, dispose que : « Toute personne physique ou toute personne morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité. Les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée au premier alinéa du présent article doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule. L'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire » ; que la GMF exerce son recours subrogatoire contre la société Ex Nihilo en tant qu'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de l'article 1383 ancien devenu 1241 nouveau du code civil et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l'accident ; que le recours subrogatoire ainsi dirigé n'est pas régi par l'article L. 211-1 alinéa 3 mais par l'article L. 121-12, applicable aux assurances de dommages en général (article L. 121-1 et suivants : chapitre 1 - dispositions générales) et aux assurances de responsabilité en particulier (article L. 124-1 et suivants : chapitre IV : assurances de responsabilité) ; que bien que l'article L. 121-12 n'envisage expressément que la subrogation de l'assureur dans les droits de l'assuré, il est de jurisprudence constante que l'assureur peut se prévaloir, sur le fondement de cet article, d'une subrogation dans les droits du tiers victime qu'elle indemnise ; qu'ainsi l'assureur de responsabilité qui verse une indemnité au tiers lésé peut être subrogé dans les droits de ce dernier et exercer le recours qui lui appartenait contre le co-responsable de l'accident ; qu'en conséquence, la GMF apparaît recevable à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de la société EX Nihilo en qualité de tiers co-responsable, comme l'ont retenu avec pertinence les premiers juges ; (
) ; que le recours subrogatoire sera donc admis à concurrence de la somme de 198 083,15 € (182 397,52 + 15 685,63) à l'encontre de la SAS Ex Nihilo ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : sur la recevabilité de l'action récursoire de la GMF, il est constant que l'accident litigieux a eu lieu sur le tournage du film La Cité Rose, le 24 août 2011 rue Curial — au croisement de la rue Riquet, dans le 19ème arrondissement de Paris ; que l'un des véhicules de jeu étant indisponible, Monsieur A... X..., membre de l'Association Unité Urbaine, qui encadrait des jeunes figurants, a proposé de prêter son véhicule personnel, ce que la société EX NIHILO a accepté ; que le véhicule de Monsieur X... devait arriver devant un bâtiment administratif situé au 104 de la rue Curial, transformé pour les besoins du tournage en commissariat ; que Monsieur E... Q..., comédien, était au volant du véhicule prêté par Monsieur A... X... ; que la scène où l'on voit le véhicule arriver devant le numéro 104 de la rue Curial a été filmée plusieurs fois et à chaque nouvelle prise, l'acteur reculait le véhicule derrière un passage pour piétons ; qu'à l'occasion de l'une de ces manoeuvres, Madame et Monsieur F..., tous deux non-voyants, ont traversé la chaussée au niveau d'un passage protégé, alors que le feu tricolore était au vert pour les piétons ; qu'ils utilisaient un appareil spécifique permettant, à l'aide d'une télécommande, d'activer un répétiteur sonore leur indiquant que le feu tricolore était vert pour les piétons ; que Madame et Monsieur F... ont ainsi pénétré dans la zone de tournage et ont été heurtés par le véhicule conduit par Monsieur E... Q... qui reculait ; que le droit des époux F... à l'indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011 est incontestable en ce qu'il résulte des articles 1er et 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relative aux victimes d'accidents de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur ; qu'en sa qualité d'assureur du véhicule impliqué, la GMF a versé diverses sommes aux victimes et aux tiers payeurs conformément aux dispositions des articles L. 211 — 9 et suivants du code des assurances ; que selon l'article L. 121-12 alinéa 1er du Code des assurances, « l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur » ; que certes la GMF ne pourrait rechercher la responsabilité de la société EX NIHILO en qualité de gardienne du véhicule au moment de l'accident puisque l'article L. 211-1 alinéa 2 du code des assurances lui impose justement de couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule ; qu'aucun texte n'interdit, par contre, à la GMF de poursuivre la responsabilité de la société EX NIHILO sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, en sa qualité d'organisatrice du tournage sur lequel s'est produit l'accident ;

ALORS QUE l'assureur n'est subrogé dans les droits de la victime, contre la personne responsable de l'accident, que lorsque la garde ou la conduite du véhicule impliqué a été obtenue contre le gré du propriétaire ; qu'en retenant, pour dire que la GMF était recevable à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de la société Ex Nihilo en qualité de tiers co-responsable, qu'elle avait exercé ce recours contre la société Ex Nihilo en tant qu'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de l'article 1383 ancien devenu 1241 nouveau du code civil, et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l'accident, cependant que c'est en une seule et même qualité d'organisatrice du tournage que la société Ex Nihilo a été déclarée responsable de l'accident ayant causé des dommages, et dans lequel un véhicule dont elle avait la garde a été impliqué au sens de l'article L. 211-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé par refus l'application, les dispositions d'ordre public de l'alinéa a 3 du texte susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Allianz à garantir la société Ex Nihilo des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE sur la garantie des assureurs, la GMF demande la condamnation in solidum de la société Circles group ; que la société Ex Nihilo et la société Circles group demandent à la société Allianz Iard de garantir la société Ex Nihilo de toute condamnation ; qu'elles indiquent que la société de production avait souscrit une assurance responsabilité civile- tournage de film auprès de la société Gan Eurocourtage aux droits de laquelle vient la société Allianz Iard depuis le 25 septembre 2002 et une assurance "tous risques productions" auprès de la société Circles group le 18 juillet 2011 à l'occasion du tournage litigieux qui comprenait également une couverture de sa responsabilité civile ; qu'elles font valoir qu'en cas de cumul d'assurances, la SAS Ex Nihilo peut obtenir l'indemnisation auprès de l'assureur de son choix ainsi que le prévoit l'article L. 121-4 du code des assurances et qu'elle a choisi de mettre en cause la SA Allianz Iard, son assureur principal ; qu'elles reconnaissent que les deux polices d'assurance souscrites comportent une clause d'exclusion des dommages couverts par l'assurance automobile obligatoire prévue à l'article L. 211-1 du même code ; que dans un premier temps, la société Circles group prétend qu'elle n'a jamais reconnu devoir sa garantie devant le tribunal parce qu'une même clause d'exclusion que celle mentionnée dans le contrat de la société Allianz Iard figure dans ses conditions spécifiques pour la responsabilité civile ; que dans un second temps, cette société d'assurance et la société Ex nihilo soutiennent que la clause d'exclusion figurant dans le contrat de la société Allianz lard est d'interprétation restrictive et que l'assurance doit jouer si la faute délictuelle de l'assuré est retenue ; qu'elles demandent donc à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la SA Allianz Iard à garantir la société Ex Nihilo et rembourser en ses lieu et place les sommes que la GMF justifie avoir payées ; que pour dénier sa garantie, la SA Allianz Iard fait valoir que l'article L. 121-4 ne peut s'appliquer qu'à la condition que sa garantie soit mobilisable, ce qui n'est pas le cas ; qu'elle excipe d'une clause d'exclusion de garantie s'agissant des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur, classique, selon elle, dans les contrats de responsabilité, puisque ces dommages relèvent de l'assurance automobile obligatoire et conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SAS Ex Nihilo de son action en garantie à son encontre ; qu'elle réfute l'argumentation développée par les appelantes en cause d'appel au motif que les dommages subis par les victimes résultent du fait qu'ils ont été renversés par un véhicule terrestres à moteur lesquels sont expressément exclus de sa garantie ; qu'elle ajoute que la société Ex Nihilo et la société Circles group se gardent de citer le dernier alinéa de l'article L. 121-4 précité ; que s'agissant de l'action de la GMF à l'encontre de la société Ex Nihilo, la société Circles group reconnaît qu'elle garantit la responsabilité civile de la société Ex Nihilo selon contrat souscrit à l'occasion du tournage au cours duquel les époux F... ont été blessés ; que dès lors, la GMF, subrogée dans les droits de ces derniers, est fondée à agir directement à son encontre, au visa de l'article L. 124-3 du code des assurances ; que le contrat souscrit par la société Ex Nihilo prévoit dans ses conditions spécifiques au paragraphe 2.8 intitulé "la responsabilité civile" que : - sont couverts "les sommes que vous devriez légalement payer à des tiers en raison des dommages extra-contractuels dont vous seriez tenu responsable du fait des personnes, des immeubles ou des animaux que vous avez sous votre garde et/ou imputables à l'exécution de la production assurée." - n'est pas couverte "la responsabilité du fait de l'utilisation de tout engin motorisé (voiture, avion, bateau...), sauf si ces engins sont utilisés dans une enceinte privée et non soumis à l'obligation d'être assuré" ; que l'article 8.17 des conditions particulières du contrat responsabilité civile souscrit auprès de la société Gan Eurocourtage aux droits de laquelle vient la société Allianz lard précise que l'assureur ne garantit pas "les atteintes aux personnes et aux biens dans la réalisation desquelles est impliqué un véhicule terrestre à moteur (article L. 211-1 du codes assurances) dont l'assuré (ou toute personne dont il répond) a la propriété, la garde ou l'usage, ainsi que les dommages matériels qui en sont la conséquence..." ; que les parties reconnaissent à juste titre que ces clauses d'exclusion sont classiquement présentes dans les contrats garantissant la responsabilité civile dans la mesure où les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur relèvent de l'assurance automobile obligatoire ; que toutefois, les clauses d'exclusion de risques sont d'interprétation restrictive et les clauses visées ne s'appliquent qu'aux dommages causés par des véhicules terrestres à moteur soumis à une assurance obligatoire ; qu'elles ne peuvent donc être opposées aux dommages pour lesquels la responsabilité civile de l'assuré est engagée sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens devenus 1240 et 1241 du code civil ; qu'en conséquence, il sera fait droit à la demande de condamnation in solidum de la SAS Ex Nihilo et de la société Circles group à payer à la GMF la somme de 198 083,15 € ; que s'agissant de la demande de garantie de la société Ex Nihilo par la société Allianz iard, celle-ci est motivée par le fait que l'assuré peut, en cas de cumul d'assurances, choisir l'assureur qu'il souhaite mettre en cause ; que la SA Allianz iard ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie prévue dans son contrat d'assurance pour les mêmes motifs que ceux retenus à l'encontre de la société Circles group puisque les deux clauses d'exclusion sont similaires ; que l'article L. 121-4 du codes assurances, applicable aux assurances de dommages en général (article L. 121-1 et suivants : chapitre 1 - dispositions générales) relatif au cumul d'assurances dispose : « Celui qui est assuré auprès de plusieurs assureurs par plusieurs polices, pour un même intérêt, contre un même risque, doit donner immédiatement à chaque assureur connaissance des autres assureurs. ...Quand elles sont contractées sans fraude, chacune d'elles produit ses effets dans les limites des garanties du contrat et dans le respect des dispositions de l'article L. 121-1, quelle que soit la date à laquelle l'assurance aura été souscrite. Dans ces limites, le bénéficiaire du contrat peut obtenir l'indemnisation de ses dommages en s'adressant à l'assureur de son choix. Dans les rapports entre assureurs, la contribution de chacun d'eux est déterminée en appliquant au montant du dommage le rapport existant entre l'indemnité qu'il aurait versée s'il avait été seul et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur s'il avait été seul ». ; que la SAS Ex Nihilo, bénéficiaire du cumul d'assurances, est en droit de choisir la SA Allianz Iard pour sa garantie des condamnations prononcées à son encontre, le fait que la GMF subrogée dans les droits des tiers lésés ait agi directement à l'encontre de la société Circles group et obtenu sa condamnation in solidum, étant sans incidence sur ce choix ; qu'il sera donc fait droit à la demande de garantie formée par la SAS Ex Nihilo, en infirmation du jugement, étant relevé que la SA Allianz lard invoque le dernier alinéa de l'article L. 121-4 du code des assurances relatif à la contribution de chacun des assureurs dans leurs rapports entre eux, sans en tirer aucune conséquence juridique ;

1°) ALORS QUE selon l'article 8.17 des conditions particulières de la police « responsabilité civile — tournage de film » souscrite par la société Ex Nihilo auprès de la société Allianz, l'assureur ne garantit pas « les atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquelles est impliqué un véhicule terrestre à moteur (art. L. 211-1 du code des assurances) dont l'Assuré (ou toute personne dont il répond) a la propriété, la garde ou l'usage, ainsi que les dommages immatériels qui en sont la conséquence, y compris les engins de chantier ou de manutention automoteurs, utilisés comme véhicule ou comme outil, à l'occasion de la circulation ou non (
) » ; qu'en retenant, pour décider que la société Allianz ne pouvait se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie, que celle-ci ne pouvait être opposée aux dommages pour lesquels la responsabilité civile de l'assuré est engagée sur le fondement des articles 1382 et 1383, anciens devenus 1240 et 1241 du code civil, cependant que c'est précisément lorsque la responsabilité civile de l'assuré est engagée sur le fondement de la responsabilité de droit commun que la garantie responsabilité civile exploitation a vocation à s'appliquer, et que la clause d'exclusion qui y est insérée peut être invoquée par l'assureur lorsque ses conditions d'application sont réunies, à savoir lorsqu'un véhicule terrestre à moteur a été impliqué dans la réalisation des dommages subis par des personnes ou causés à des biens, la cour d'appel, qui a ainsi confondu les conditions de mises en oeuvre de la garantie responsabilité civile d'exploitation souscrite par la société Ex Nihilo et les conditions de mise en oeuvre de la clause d'exclusion contenues dans cette police, a méconnu la volonté des parties et violé l'article 1134 du code civil, devenus l'article 1103 du code civil ;

2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des écritures respectives des parties ;

que dans ses dernières conclusions déposées et signifiées le 27 juillet 2017 (p. 9 et 10), la société Allianz a invoqué l'application de l'alinéa 5 de l'article L. 121-4 du code des assurances, lequel dispose que « dans les rapports entre assureurs, la contribution de chacun d'eux est déterminée en appliquant au montant du dommage le rapport existant entre l'indemnité qu'iI aurait versée s'il avait été seul et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur sil avait été seul » et sollicité n'être tenue au-delà des limites de garantie ; qu'en refusant de prendre en compte la demande de la société Allianz fondée sur la prise en compte de la répartition de la charge de l'indemnisation entre les assureurs, motif pris qu'elle avait invoqué le texte sans en tirer aucune conséquence juridique, cependant qu'en invoquant expressément les dispositions de l'article L. 121-4 alinéa 5 du code des assurances, la société Allianz a sollicité le partage de la garantie en comparaison des indemnités devant être respectivement versées par les deux assureurs, la cour d'appel a dénaturé les termes du litiges, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés Circles group et Ex nihilo

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société Ex Nihilo responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont les époux F... ont été victimes le 24 août 2011 et d'avoir condamné in solidum les sociétés Ex Nihilo et Circles Group à payer à la société GMF la somme de 198.083,15 euros au titre de son recours subrogatoire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la recevabilité du recours subrogatoire de la GMF : La SAS Ex Nihilo et la société Circles Group soulèvent l'irrecevabilité du recours subrogatoire de la société GMF au motif que la garde du véhicule de son assuré a été transférée à la société Ex Nihilo et que le véhicule était conduit par un de ses salariés, qu'en vertu de l'article L. 211-1, alinéa 2 du code des assurances, le contrat d'assurance obligatoire visé par la loi du 5 juillet 1985 couvre également la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule et que la seule possibilité pour l'assureur d'exercer un recours subrogatoire est limitée au seul cas où la garde et la conduite ont été obtenues contre le gré du propriétaire, en vertu de l'alinéa 3 du texte précité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Elle ajoute que le recours de l'assureur ne peut être exercé que sur le fondement de ce texte à l'exclusion des articles 1382 et 1383 du code civil et L. 121-12 alinéa 1 du code des assurances. Elle prétend que la garde a été transférée puisque M. X... a prêté son véhicule en ne fixant aucune restriction et que tous les attributs de la garde ont été reçus par la société Ex Nihilo dont l'un des salariés (acteur) a conduit le véhicule. La GMF conclut à la confirmation du jugement. Elle rétorque qu'ayant indemnisé définitivement l'intégralité des préjudices de M. et Mme F..., elle est, sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances, subrogée tant dans les droits des victimes que de son assuré et peut exercer une action récursoire en responsabilité à l'encontre de la société Ex Nihilo, tiers co-responsable sur le fondement de droit commun des articles 1240 et 1241 du code civil. En réponse à l'argumentation de l'intimée, elle soutient que son recours n'est pas exercé contre la société Ex Nihilo en qualité de gardienne du véhicule impliqué. Elle en déduit que son recours subrogatoire n'est pas soumis aux dispositions de l'article L. 211-1 du code des assurances et qu'elle est recevable à rechercher la responsabilité de la société Ex Nihilo en raison de ses fautes et négligences en matière de sécurisation du tournage. Selon l'article L. 121-12, alinéa 1er du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. L'article L. 211-1 du même code dispose que : toute personne physique ou toute personne morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité. Les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée au premier alinéa du présent article doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule. L'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire. La GMF exerce son recours subrogatoire contre la société Ex Nihilo en tant qu'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de l'article 1383 ancien devenu 1241 nouveau du code civil et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l'accident. Le recours subrogatoire ainsi dirigé n'est pas régi par l'article L. 211-1 alinéa 3 mais par l'article L. 121-12, applicable aux assurances de dommages en général (articles L. 121-1 et suivants : chapitre 1 – dispositions générales) et aux assurances de responsabilité en particulier (article L. 124-1 et suivants : chapitre IV : assurances de responsabilité). Bien que l'article L. 121-12 n'envisage expressément que la subrogation de l'assureur dans les droits de l'assuré, il est de jurisprudence constante que l'assureur peut se prévaloir, sur le fondement de cet article, d'une subrogation dans les droits du tiers victime qu'elle indemnise. Ainsi, l'assureur de responsabilité qui verse une indemnité au tiers lésé peut être subrogé dans les droits de ce dernier et exercer le recours qui lui appartenait contre le co-responsable de l'accident. En conséquence, la GMF apparaît recevable à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de la société Ex Nihilo en qualité de tiers co-responsable, comme l'ont retenu avec pertinence les premiers juges » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la recevabilité de l'action récursoire de la GMF : Il est constant que l'accident litigieux a eu lieu sur le tournage du film La Cité Rose, le 24 août 2011 rue Curial – au croisement de la rue Riquet, dans le 19ème arrondissement de Paris ; que l'un des véhicules de jeu étant indisponible, M. A... X..., membre de l'association Unité Urbaine, qui encadrait de jeunes figurants, a proposé de prêter son véhicule personnel, ce que la société Ex Nihilo a accepté ; que le véhicule de M. X... devait arriver devant un bâtiment administratif situé au 104 de la rue Curial, transformé pour les besoins du tournage en commissariat ; que M. E... Q..., comédien, était au volant du véhicule prêté par M. A... X... ; que la scène où l'on voit le véhicule arriver devant le numéro 104 de la rue Curial a été filmée plusieurs fois et à chaque nouvelle prise, l'acteur reculait le véhicule derrière un passage pour piétons ; qu'à l'occasion de l'une de ces manoeuvres, Mme et M. F..., tous deux non-voyants, ont traversé la chaussée au niveau d'un passage protégé, alors que le feu tricolore était au vert pour les piétons ; qu'ils utilisaient un appareil spécifique permettant, à l'aide d'une télécommande, d'activer un répétiteur sonore leur indiquant que le feu tricolore était vert pour les piétons ; que Mme et M. F... ont ainsi pénétré dans la zone de tournage et ont été heurtés par le véhicule conduit par M. E... Q... qui reculait. Le droit des époux F... à l'indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011 est incontestable en ce qu'il résulte des articles 1er et 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relative aux victimes d'accidents de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur. En sa qualité d'assureur du véhicule impliqué, la GMF a versé diverses sommes aux victimes et aux tiers payeurs conformément aux dispositions des articles L. 211-9 du code des assurances. Selon l'article L. 121-12 alinéa 1er du Code des assurances, « l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ». Certes la GMF ne pourrait rechercher la responsabilité de la société Ex Nihilo en qualité de gardienne du véhicule au moment de l'accident puisque l'article L. 211-1 alinéa 2 du code des assurances lui impose justement de couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule. Aucun texte n'interdit, par contre, à la GMF de poursuivre la responsabilité de la société Ex Nihilo sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, en sa qualité d'organisatrice du tournage sur lequel s'est produit l'accident » ;

1°/ ALORS QUE si l'article L. 121-12 du Code des assurances dispose de façon générale que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, il est dérogé à cette règle par l'article L. 211-1 du même code en cas de dommages résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule terrestre à moteur est impliqué ; que dans cette hypothèse, l'assureur ne peut être subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a elle-même constaté que M. et Mme F... avaient été victimes d'un accident de la circulation le 24 août 2011 impliquant un véhicule appartenant à M. X..., qui avait été prêté gracieusement par ce dernier à la société Ex Nihilo pour les besoins du tournage, ce dont il résulte que cette dernière était la gardienne du véhicule ; qu'elle a également relevé que la société GMF avait, sur le fondement de l'article L. 211-9 du Code des assurances, en sa qualité d'assureur de M. X..., propriétaire du véhicule impliqué, réglé diverses sommes à titre d'indemnités aux époux F... ; qu'en retenant cependant que le recours subrogatoire intenté par la société GMF contre la société Circles Group, assureur de la société Ex Nihilo, n'était pas régi par les dispositions de l'article L. 211-1 du Code des assurances mais par celles de l'article L. 121-12 du même code, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé par fausse application le premier de ces textes et par refus d'application le second ;

2°/ ALORS QU'en cas de dommages résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule terrestre à moteur est impliqué, l'assureur ne peut être subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire ; qu'il en résulte que l'assureur qui entend exercer un recours contre le conducteur ou le gardien d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation pour obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de cet accident ne peut agir que sur le fondement de cette règle, à l'exclusion du droit commun ; qu'en l'espèce, il est constant, ainsi que la Cour d'appel l'a constaté, que le véhicule impliqué dans l'accident avait été prêté gracieusement par M. X..., son propriétaire à la société Ex Nihilo pour les besoins du tournage qu'elle organisait ; qu'il en résultait que la société Ex Nihilo était gardienne du véhicule impliqué ; qu'elle était donc la personne responsable de l'accident au sens de l'article L. 211-1 du Code des assurances ; qu'en retenant néanmoins, pour le déclarer recevable, que le recours subrogatoire exercé par la société GMF visait la société Ex Nihilo, « en tant qu'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de l'article 1383 ancien devenu 1241 nouveau du Code civil et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l'accident », cependant que l'assureur, exerçant son recours contre la société Ex Nihilo, personne responsable de l'accident, ne pouvait agir que sur le fondement de l'article L. 211-1 du Code des assurances, à l'exclusion du droit commun, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 121-12 du Code des assurances par fausse application et l'article L. 211-1 du même Code par refus d'application ;

3°/ ALORS QUE, subsidiairement, l'assureur ne peut en tout état de cause être subrogé que dans les droits et actions qui appartiennent au tiers victime qu'il indemnise ; que l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, à l'exclusion de celles des articles 1382 et suivants (devenus 1240 et suivants) du Code civil ; qu'en l'espèce la Cour d'appel a elle-même constaté que M. et Mme F... avaient été victimes d'un accident de la circulation le 24 août 2011 impliquant un véhicule appartenant à M. X..., qui avait été prêté gracieusement par ce dernier à la société Ex Nihilo pour les besoins du tournage, ce dont il résulte que cette dernière était la gardienne du véhicule ; que l'indemnisation de M. et Mme F... ne pouvait en conséquence intervenir que sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, ce qui a d'ailleurs été le cas ; qu'en conséquence, à supposer même que la société GMF puisse faire valoir avoir été subrogée dans les droits de M. et Mme F... à l'égard de la personne responsable de l'accident, son recours subrogatoire fondé sur les articles 1382 et 1383 du Code civil (devenus 1240 et 1241) n'en demeurerait pas moins irrecevable, faute d'existence de tout recours ouvert sur le fondement de ces textes au profit des victimes de l'accident ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1 à 6 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble les articles 1382 et 1383 du Code civil (devenus 1240 et 1241).


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-17062
Date de la décision : 05/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE RESPONSABILITE - Assurance obligatoire - Véhicule terrestre à moteur - Assureur - Subrogation dans les droits du créancier de l'indemnité - Article L. 211-1, alinéa 3 du code des assurances - Domaine d'application - Détermination - Portée

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Tiers payeur - Recours - Recours subrogatoire d'une société d'assurance - Fondement juridique - Détermination - Portée

Il résulte de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 que les victimes d'un accident dans lequel se trouve impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peuvent être indemnisées que sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985. Selon l'article L. 211-1, alinéas 2 et 3, du code des assurances, les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée en son premier alinéa doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, et l'assureur n'est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire. Dès lors, l'assureur qui entend exercer un recours contre le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation pour obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de cet accident ne peut agir que sur le fondement du premier texte, à l'exclusion du droit commun. Encourt par conséquent la cassation l'arrêt qui déclare l'assureur ayant indemnisé les victimes d'un accident de la circulation recevable à exercer son recours subrogatoire à l'encontre d'un tiers jugé responsable sur le fondement des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil, alors qu'il constate qu'un véhicule, dont le propriétaire n'avait pas été dépossédé contre sa volonté, était impliqué dans cet accident


Références :

article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985

articles L. 121-12, alinéa 1, et L. 211-1, alinéas 2 et 3, du code des assurances

articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 janvier 2019

A rapprocher : 2e Civ., 12 septembre 2013, pourvoi n° 12-24409, Bull. 2013, II, n° 169 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 05 nov. 2020, pourvoi n°19-17062, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.17062
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