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04/11/2020 | FRANCE | N°19-15150

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 novembre 2020, 19-15150


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 658 F-P+B

Pourvoi n° K 19-15.150

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020

M. S... G... L..., domicilié [...] ), a formé le pourvoi n° K 19-15

.150 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près l...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 658 F-P+B

Pourvoi n° K 19-15.150

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020

M. S... G... L..., domicilié [...] ), a formé le pourvoi n° K 19-15.150 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, service civil, [...], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. G... L..., après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2019), un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 7 septembre 2017 a constaté l'extranéité de M. G... L..., né le [...] à Djibouti, au motif qu'il ne démontrait pas avoir conservé la nationalité française lors de l'indépendance de ce territoire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. M. G... L... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'est pas de nationalité française, alors :

« 1°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que si l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas un droit d'acquérir une nationalité ou une citoyenneté particulière, un refus arbitraire fondé sur un critère discriminatoire, au sens de l'article 14 de la Convention, porte une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie familiale normale ; que M. G... L... faisait valoir que les articles 3 et 4 de la loi n° 77-625 du 20 juin 1977, prévoyant les conditions de la conservation de la nationalité française à la suite de l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, mettaient en oeuvre des critères discriminatoires fondés sur l'appartenance ethnique et/ou religieuse ; que, pour débouter M. G... L... de ses demandes, la cour d'appel a affirmé que les conditions d'attribution par un État de sa nationalité n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 8 et 14 de ladite Convention ;

2°/ que le droit au respect de la vie privée et familiale doit être assuré, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques, ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que les articles 3, 4 et 5 de la loi n° 77-625 du 20 juin 1977 soumettaient à une obligation de déclaration de reconnaissance de la nationalité française, avant le 27 juin 1978, les seules personnes originaires du territoire français des Afars et des Issas, à condition de surcroît qu'elles aient établi leur domicile, à la date du 8 mai 1977, dans le territoire de la République française à l'exception du territoire des Afars et des Issas ; qu'en donnant effet à une disposition législative discriminatoire, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958. »

Réponse de la Cour

4. La détermination, par un Etat, de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'est assuré le droit à une nationalité (1re Civ., 25 avril 2007, pourvoi n° 04-17.632, Bull. 2007, I, n° 159).

5. Abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche du moyen, c'est sans méconnaître les exigences résultant des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel a fait application de la loi n° 77-625 du 20 juin 1977 relative à l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, qui détermine les catégories de personnes qui conserveront la nationalité française lors de l'indépendance de ce territoire, et, après avoir constaté que M. G... L... ne rentrait dans aucune des catégories visées pour conserver la nationalité française, a retenu qu'il avait perdu cette nationalité.

6. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. G... L... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Isabelle Galy, avocat aux Conseils, pour M. G... L...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. S... G... L..., né le [...] à Djibouti, n'était pas de nationalité française ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « en application de l'article 30 du code civil la charge de la preuve incombe à l'appelant qui n'est pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, peu important qu'un tel certificat ait été délivré à d'autres membres de sa famille ; que M. S... G... L..., né le [...] à Djibouti soutient qu'il est français en tant que fils de parents français et que la loi n°77-625 du 20 juin 1977 relative à l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas ne saurait avoir eu pour effet de lui faire perdre cette nationalité sans porter atteinte de manière discriminatoire au respect de sa vie privée et à son droit à une vie familiale garantis par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que cette loi prévoit qu'ont conservé la nationalité française :
- les personnes originaires du territoire de la République française tel qu'il reste constitué après le 27 juin 1977 ;
- les personnes ayant acquis la nationalité française hors du territoire français des Afars et des Issas ;
- les personnes ayant acquis la nationalité française par décret alors qu'elles étaient domiciliées dans le territoire français des Afars et des Issas ;
- les conjoints, descendants, veufs ou veuves de ces trois catégories de personnes ;
- les personnes domiciliées sur le territoire de la République française - hors territoire des Afars et des Issas - le 8 mai 1977 ayant souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française avant le 27 juin 1978 ;
Qu'il est constant que l'appelant n'entre dans aucune de ces catégories ; que dès lors, à supposer qu'il ait eu la nationalité française avant l'accession à l'indépendance du territoire des Afars et des Issas le 27 juin 1977, il l'a perdue à cette date ; que les conditions d'attribution par un État de sa nationalité n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'au surplus, c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas d'atteinte discriminatoire à la vie privée et familiale de l'intéressé »,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Monsieur S... G... L... soutient à tort que les dispositions de la loi précitée du 20 juin 1977 portent atteinte à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen (CESDH) ; qu'en effet, si le refus d'accorder la nationalité française à un individu peut constituer une discrimination dans la jouissance des droits et libertés garantis par la CESDH, pouvant à ce titre être sanctionné sur le fondement de l'article 14 de ladite convention, en ce qu'il porterait atteinte au droit au respect de la vie privée et/ou de la vie familiale prévu par l'article 8 de la CESDH, c'est à la condition de démontrer une différence de traitement, sans motif raisonnable ou objectif, ainsi que l'atteinte portée à la vie privée et/ou la vie familiale de l'individu concerné ; qu'au cas particulier, la loi du 20 juin 1977, qui fixe des critères pour déterminer les catégories de personnes qui conserveront la nationalité française malgré l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, institue une différence de traitement qui poursuit, à hauteur de principe, un motif légitime, ce qui n'est pas réellement discuté par le demandeur, qui d'ailleurs prend pour exemple les législations du même ordre mais relatives à d'autres territoires ou départements d'outre-mer devenus indépendants ; que contrairement à ce que prétend le demandeur, les critères en particulier retenus ne font aucune référence directe ou indirecte à des origine ethniques et/ou religieuses ; qu'ils servent au contraire l'objectif d'intérêt général – justifiant la différence de traitement alléguée – de préserver une communauté, en l'occurrence française, constituée de personnes qui lui sont spécifiquement rattachées, conformément à la définition donnée par la Cour internationale de justice à la nationalité, à savoir un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité de droits et de devoirs, l'expression juridique du fait de l'individu auquel elle est conférée, soit directement par la loi, soit par un acte de l'autorité, est, en fait, plus étroitement attaché à la population de l'État qui la lui confère qu'à celle de tout autre État » ;

1°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que si l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne garantit pas un droit d'acquérir une nationalité ou une citoyenneté particulière, un refus arbitraire fondé sur un critère discriminatoire, au sens de l'article 14 de la Convention, porte une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie familiale normale ; que M. G... L... faisait valoir que les articles 3 et 4 de la loi n° 77-625 du 20 juin 1977, prévoyant les conditions de la conservation de la nationalité française à la suite de l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, mettaient en oeuvre des critères discriminatoires fondés sur l'appartenance ethnique et/ou religieuse ; que pour débouter M. G... L... de ses demandes, la cour d'appel a affirmé que les conditions d'attribution par un État de sa nationalité n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 8 et 14 de ladite Convention ;

2°) ALORS QUE le droit au respect de la vie privée et familiale doit être assuré, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques, ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que les articles 3, 4 et 5 de la loi n°77-625 du 20 juin 1977 soumettaient à une obligation de déclaration de reconnaissance de la nationalité française, avant le 27 juin 1978, les seules personnes originaires du territoire français des Afars et des Issas, à condition de surcroît qu'elles aient établi leur domicile, à la date du 8 mai 1977, dans le territoire de la République Française à l'exception du territoire des Afars et des Issas ; qu'en donnant effet à une disposition législative discriminatoire, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

3°) ALORS QU' il ne peut être porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale ; que l'obligation de déclaration de reconnaissance de la nationalité française faite aux personnes originaires du territoire français des Afars et des Issas porte une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale dès lors qu'elles ne sont pas, de par l'effet de la loi, en mesure d'en satisfaire les conditions ; que tel est le cas lorsque la loi impose une condition de domiciliation à un mineur, qui ne peut décider seul du lieu de son domicile ; que la cour d'appel a relevé que M. G... L... était né le [...] à Djibouti ; que pour pouvoir effectuer la déclaration de reconnaissance de la nationalité française en application de la loi du 20 juin 1977, avant le 27 juin 1978, M. G... L..., devenu majeur le 13 août 1977, devait justifier avoir établi son domicile dans le territoire de la République française avant le 8 mai 1977, à une date à laquelle il était encore mineur ; qu'en refusant à M. G... L... la reconnaissance de la nationalité française, au motif qu'il n'avait pas souscrit une déclaration de reconnaissance tandis qu'il lui était impossible légalement de satisfaire aux conditions de cette déclaration, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-15150
Date de la décision : 04/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 14 - Interdiction de discrimination - Violation - Défaut - Cas - Détermination par un Etat de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité - Condition

La détermination, par un Etat, de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'est assuré le droit à une nationalité


Références :

article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 mars 2019

A rapprocher : 1re Civ., 25 avril 2007, pourvoi n° 04-17632, Bull. 2007, I, n° 159 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 nov. 2020, pourvoi n°19-15150, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : Me Galy

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15150
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