LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 octobre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1093 F-D
Pourvoi n° Y 19-21.970
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020
1°/ la société Shad, société à responsabilité limitée,
2°/ la société Bes, société à responsabilité limitée,
toutes deux ayant leur siège [...] ,
3°/ la société Saussaye Investissements, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
4°/ la société Sfax, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
ont formé le pourvoi n° Y 19-21.970 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige les opposant à la société Les Roches grises II, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat des sociétés Shad, Bes, Saussaye Investissements et Sfax, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Les Roches grises II, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juin 2019) et les productions, les sociétés Shad, Bes, Saussaye Investissements et Sfax, propriétaires de lots dans un ensemble immobilier, les ont loués courant 2003 en vertu de quatre baux commerciaux distincts à la société Les roches grises II pour qu'elle y exploite une activité de résidence pour personnes âgées.
2. La société preneuse ayant délivré congé des lieux loués dans le cadre de chacun de ces baux, les sociétés bailleresses l'ont assignée devant un tribunal de grande instance à fin de voir prononcer la nullité des congés.
3. Les sociétés Shad, Bes, Saussaye Investissements et Sfax ayant interjeté appel du jugement les déboutant de leurs demandes et les condamnant au paiement d'une certaine somme, la cour d'appel a statué au vu des conclusions de la société intimée déposées le jour de l'ordonnance de clôture, le 21 février 2019, dont les sociétés appelantes avaient demandé, le 25 février 2019, le rejet des débats.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. Les sociétés Shad, Bes, Saussaye Investissements et Sfax font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de nullité des congés délivrés par la sociétés Les roches grises II, de dire que les baux avaient pris fin le 27 octobre 2013 et le 10 décembre 2013, de les débouter de leurs autres demandes et, ajoutant au jugement, de les condamner à payer une certaine somme à la société Les roches grises II la somme de 439 858,89 euros, alors « que si les juges du fond apprécient souverainement si des conclusions ou les pièces ont été déposées en temps utile, ils sont tenus de répondre à des conclusions qui en sollicitent le rejet, qu'elles soient déposées avant ou après le prononcé de l'ordonnance de clôture ; qu'en s'abstenant au contraire de répondre aux conclusions des sociétés Shad et autres du 25 février 2019 qui sollicitaient le rejet des écritures et pièces déposées le jour de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les articles 15 et 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 15 et 954 du code de procédure civile :
6. Il résulte de ces textes que si les juges du fond apprécient souverainement si des conclusions ou des pièces ont été déposées en temps utile au sens du premier de ces textes, ils sont tenus de répondre à des conclusions qui en sollicitent le rejet, qu'elles soient déposées avant ou après le prononcé de l'ordonnance de clôture.
7. Pour débouter les sociétés Shad, Bes, Saussaye Investissements et Sfax de leurs demandes et les condamner à payer une certaine somme à la société Les Roches grises II, l'arrêt retient qu'il a été conclu par les parties les 8 février 2019 et 21 février 2019 et que les conclusions postérieures à la clôture ont été rejetées par la cour.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas répondu aux conclusions déposées le 25 février 2919 par les sociétés Shad, Bes, Saussaye Investissements et Sfax qui demandaient que les conclusions déposées par la société Les Roches grises II le 21 février 2019 fussent écartées des débats au motif qu'elles n'avaient pas pu y répondre en temps utile, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Les roches grises II aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les roches grises II et la condamne à payer aux sociétés Shad, Bes, Saussaye Investissements et Sfax la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour les sociétés Shad, Bes, Saussaye Investissements et Sfax
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant débouté les sociétés Shad, Bes, Saussaye Investissements et Sfax de leur demande de nullités des congés délivrés par les sociétés Les Roches Grises II, dit que les baux des sociétés Sfax, Shad et Saussaye Investissements avaient pris fin le 27 octobre 2013 et celui de la société Bes le 10 décembre 2013, et débouté les sociétés Shad, Bes, Saussaye Investissements et Sfax de leurs autres demandes et, y ajoutant d'AVOIR condamné les sociétés Shad, Bes, Saussaye Investissements et Sfax à payer à la société Les Roches Grises II la somme de 439 858,89 euros au titre des frais exposés jusqu'au 30 octobre 2016 ;
EN MENTIONNANT QUE les dernières écritures des appelantes ont été déposées le 21 février 2019 et celles de la Sarl Les Roches Grises II le 8 février 2019 ; que l'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 février, puis après rabat par suite de la demande formée par le conseil des appelantes elle a été prononcée à la date du 21 février 2019 aux fins de permettre aux appelants de répliquer aux dernières écritures de l'intimée ; que les conclusions postérieures à la clôture ont été rejetées par la cour ;
1°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les pièces et écritures sur lesquelles il fonde sa décision ; qu'en énonçant, d'abord, que les dernières écritures avant l'ordonnance de clôture des sociétés Shad et autres auraient été déposés le 21 février 2019 quand elles avaient été déposées le 8 février 2010, et, ensuite, que les dernières conclusions et production de pièces de la société Les Roches Grises II dateraient du 8 février 2010, quand elles avaient été déposées le 21 février 2019, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
2°) ALORS QUE les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ; qu'en intervertissant les dates auxquelles les parties avaient déposé leurs dernières écritures avant l'ordonnance de clôture, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de vérifier qu'elle avait correctement apprécié la possibilité des sociétés Shad et autres de faire valoir contradictoirement leurs observations sur l'argumentation et les pièces adverses, retenues au soutien de la condamnation prononcée, privant sa décision de base légale au regard de l'article 15 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, si les juges du fond apprécient souverainement si des conclusions ou des pièces ont été déposées en temps utile, ils sont tenus de répondre à des conclusions qui en sollicitent le rejet, qu'elles soient déposées avant ou après le prononcé de l'ordonnance de clôture ; qu'en s'abstenant au contraire de répondre aux conclusions des sociétés Shad et autres du 25 février 2019 qui sollicitaient le rejet des écritures et pièces déposées le jour de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les articles 15 et 954 du code de procédure civile.