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21/10/2020 | FRANCE | N°19-18083

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 octobre 2020, 19-18083


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 635 F-D

Pourvoi n° Y 19-18.083

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020

1°/ M. D... N...,

2°/ Mme M... I..., épouse N...,

tous

deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° Y 19-18.083 contre l'arrêt rendu le 17 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 635 F-D

Pourvoi n° Y 19-18.083

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020

1°/ M. D... N...,

2°/ Mme M... I..., épouse N...,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° Y 19-18.083 contre l'arrêt rendu le 17 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige les opposant à la Caisse de crédit mutuel de Suresnes Longchamp, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme N..., de Me Le Prado, avocat de la Caisse de crédit mutuel de Suresnes Longchamp, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 9 juillet 2015, pourvoi n° 14-18.559), par une offre acceptée le 19 mars 2006, M. et Mme N... (les emprunteurs) ont contracté, auprès de la Caisse de crédit mutuel boucles Seine Ouest parisien, devenue la Caisse de crédit mutuel de Suresnes Longchamp (la banque), un prêt immobilier « modulimmo », ainsi qu'un prêt relais. Ils ont assigné la banque en responsabilité, ainsi qu'en déchéance du droit aux intérêts contractuels et en substitution du taux d'intérêt légal.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande fondée sur un manquement par la banque à son devoir de mise en garde, alors :

« 1°/ que la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti doit apprécier sa situation au moment de la conclusion du contrat afin d'être en mesure de le mettre en garde ; en considérant qu'à la date du 7 mars 2006 [celle de la dernière offre de prêt], soit plus de neuf mois après les informations initiales recueillies auprès des emprunteurs lors de leur demande de prêt du 22 juin 2005, la banque n'avait aucune raison d'actualiser ces données, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que l'établissement de crédit peut, sauf anomalies apparentes, se fier aux informations recueillies auprès de l'emprunteur sur ses capacités financières sans devoir vérifier leur exactitude ; qu'en estimant que la banque pouvait se fier aux informations recueillies auprès de M. N... lors de la demande de prêt du 22 juin 2005, notamment quant à son revenu variable déclaré de 2 600 euros en sus de son fixe net de 2 000 euros, tout en relevant qu'à cette date, M. N... se trouvait en période d'essai jusqu'au 13 septembre 2005, que son contrat de travail précisait qu'il percevait un fixe de 30 000 euros bruts annuels et un revenu variable dès son entrée en fonction calculé sur la base du taux de réalisation d'objectifs établis chaque année et qu'il avait travaillé un mois dans la société, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitaient pourtant les emprunteurs, si le contrat de travail de M. N... n'avait pas été transmis à la banque comme document justificatif à l'appui de la demande de prêt du 22 juin 2005, faisant ainsi apparaître une anomalie évidente entre la rémunération déclarée par M. N... de 4 600 euros mensuelle et celle prévue par son contrat de travail du 3 juin 2005 qui aurait dû alerter la banque, la cour d'appel a, à tout le moins, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti doit apprécier sa situation au moment de la conclusion du contrat afin d'être en mesure de le mettre en garde ; qu'en constatant, pour écarter toute violation du devoir de mise en garde par la banque, que la plus-value dégagée par les emprunteurs lors de la réalisation du bien s'élève à 333 000 euros, fait qui est sans aucun rapport avec l'existence du devoir de mise en garde lequel s'apprécie au moment de la conclusion du contrat de prêt, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ que le manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt prive cet emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt ; qu'en constatant, pour exclure l'existence d'un préjudice subi par les emprunteurs, que la plus-value dégagée par ceux-ci lors de la réalisation du bien financée par les prêts litigieux s'élève à 333 000 euros et qu'ils ont fait une excellente opération, ce dont il ressort que les emprunteurs n'ont pas été en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre des prêts litigieux et que le risque s'est donc réalisé, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

3. L'arrêt retient que, si la banque n'a pas actualisé son dossier relatif à la situation financière des emprunteurs avant l'émission de la seconde offre, elle n'aurait pu déceler un risque d'endettement excessif du couple dont le disponible permettait de supporter la charge supplémentaire d'un prêt non déclaré dont elle avait été informée, que les emprunteurs n'avaient pas rédigé une fiche sincère à l'occasion de la première offre de prêt devenue caduque, qu'ils ne démontraient pas que les autres crédits allégués avaient été souscrits entre le mois d'août 2005 et le 7 mars 2006 et que M. N... ne saurait reprocher à la banque d'avoir pris en compte ses déclarations sinon mensongères du moins exagérément optimistes sur son revenu variable.

4. De ces seules constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche prétendument omise, a pu déduire que l'absence d'actualisation imputée à la banque n'avait pas eu de conséquences et écarter la demande de dommages-intérêts formée par les emprunteurs.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de déchéance des intérêts, alors :

« 1°/ qu'en constatant, pour rejeter la demande de déchéance des intérêts formée par les emprunteurs, que l'offre de prêt du 7 mars 2006 mentionne un TEG irrégulier pour ne pas prendre en compte dans l'assiette de son calcul le coût de l'inscription du privilège de prêteur de deniers d'un montant de 6 500 euros pour en déduire ensuite que le coût de ce privilège ne pouvait être déterminé précisément que par le notaire quand le caractère erroné du TEG résultait de la non prise en compte des frais hypothécaires garantissant le prêt relais et non de ceux du privilège de prêteur de deniers dont le montant de 6 500 euros était indiqué dans l'offre de prêt, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande de déchéance des intérêts des emprunteurs, « qu'en l'espèce, le coût du privilège ne pouvant être déterminé précisément que par le notaire au regard de ses différentes composantes », la cour d'appel, qui a statué par voie de pure affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en relevant, pour débouter les emprunteurs de leur demande de déchéance des intérêts pour mention erroné du TEG dans l'offre du 7 mars 2006, que « l'information due aux emprunteurs a été délivrée 4 jours après l'acceptation de l'offre tandis qu'ils ne démontrent pas avoir obtenu de meilleur taux auprès d'un établissement concurrent de sorte que leur demande en déchéance doit être rejetée », la cour d'appel a statué par un motif inintelligible et violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. L'arrêt retient que, si l'offre mentionne un taux effectif global irrégulier en l'absence de prise en compte dans l'assiette de son calcul du coût de l'inscription du privilège de prêteur de deniers d'un montant de 6 500 euros et si la différence entre le taux effectif global annoncé et le taux effectif global réel est supérieure à la décimale autorisée, le coût du privilège ne pouvait être déterminé précisément que par le notaire au regard de ses différentes composantes. Il ajoute que la sanction de la déchéance est laissée à la discrétion du juge et qu'en l'espèce, l'information due aux emprunteurs a été délivrée quatre jours après l'acceptation de l'offre, tandis que ceux-ci ne démontrent pas avoir obtenu de meilleur taux auprès d'un établissement concurrent.

8. De ces énonciations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui a suffisamment motivé sa décision, a pu déduire que l'erreur invoquée ne justifiait pas d'accueillir la demande de déchéance du droit aux intérêts.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme N... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme N....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux N... de leur demande au titre du manquement par le Crédit Mutuel à son devoir de mise en garde,

AUX MOTIFS QUE « Sur l'obligation de mise en garde

Considérant que M. et Mme N... ne peuvent utilement l'invoquer au titre du prêt relais ;
Que l'obligation de mise en garde de la banque suppose en effet un risque d'endettement excessif des emprunteurs nécessairement exclu lorsque le crédit accordé est au moins équivalent au prix de vente attendu du bien dont la réalisation est à l'origine du concours ainsi accordé ;

Considérant que tel est le cas en l'espèce, le bien vendu pour un prix de 385 000 € dès le 9 juin 2008 permettant d'apurer dès cette date 96 % du prêt de 250 000 €, la créance du CIF n'étant que de 145 000 € ;

Considérant s'agissant du prêt amortissable que pour reprocher à la banque de ne pas avoir actualisé les renseignements patrimoniaux qu'elle avait en sa possession à la suite de la résiliation du précèdent contrat une offre, acceptée, du 3 août 2005 devenue caduque à la suite de l'impossibilité pour le Crédit Mutuel d'obtenir une inscription de privilège de prêteur de deniers de premier rang promise sur le bien mis en vente (leur domicile familial sis [...] ), l'immeuble étant déjà affecté d'une telle sûreté prise par le CIF, il incombe à M. et Mme N... de démontrer qu'en y procédant, la banque aurait pu se convaincre du risque d'endettement lié à l'octroi du prêt et les mettre en garde ; Qu'un tel postulat suppose qu'ils aient eux-mêmes rédigé une fiche réactualisée sincère, ce qu'ils n'ont pas fait dans le cadre de la première offre ;

Considérant qu'il convient ainsi de rappeler qu'à cette occasion M. et Mme N... ont certifié comme exacts les renseignements patrimoniaux suivants : des ressources mensuelles de 4 600 € (salaire) et 750 € (autres) pour l'époux, de 1 500 € pour l'épouse,
des charges d'emprunt, d'un montant mensuel de 1 355 €, trois prêts étant invoqués accordés par Cofinoga, CCF et Netvalor ;

Considérant qu'en émettant la seconde offre, le Crédit Mutuel était informé du prêt CIF, non déclaré, lui permettant de réévaluer les charges de 1 010 €, montant des échéances afférentes à ce crédit ;
Que sa prise en compte ne lui permettait cependant pas de déceler un risque d'endettement excessif du couple dont le disponible s'élevait encore à 4 395 € lui permettant de supporter une charge supplémentaire de 1 480,83 € ;
Considérant que M. et Mme N... ne démontrent pas que les autres crédits qu'ils mentionnent dans leurs écritures, à savoir, outre un prêt familial de 94 220,22 €, un second de Cofinoga, un de Médiatif, un de Finaref, un de Cofidis, le dernier de GMF Crédit pour un montant total -hors crédit familial- de 82 712,13 € auraient été souscrits entre le mois d'août 2005 et le 7 mars 2006, jour de la seconde offre tandis que les éléments du dossier démontrent que le coût de la construction a été supérieur au montant envisagé permettant de supposer qu'ils sont postérieurs à cette dernière date de sorte qu'aucune modification n'était intervenue justifiant de sanctionner la banque pour ne pas avoir actualisé le dossier étant encore observé que ne saurait lui être imputée l'omission dans la demande de prêt d'une charge de 1 010 6 mensuels correspondant aux échéances de remboursement du prêt CIF ;
Considérant au surplus que le Crédit Mutuel a été au-delà de ses obligations de bonne foi dans l'exécution du contrat en acceptant un report de remboursement du prêt in fine le 5 janvier 2010 soit 2 ans et 3 mois après son échéance alors que le bien justifiant l'octroi de ce prêt avait été vendu dès le 9 juin 2008, dans les conditions précitées ;
Considérant encore que M. et Mme N... consacrent de longs développements aux conséquences qui découlent de leur seul un manque de sincérité dans la rédaction de leur demande de prêt, soulignant que l'époux n'a jamais perçu la part variable de salaire qu'il a cependant estimé devoir déclarer à la banque ;
Mais considérant que la banque qui n'a pas, sauf anomalie apparente, à vérifier les informations que les emprunteurs lui livrent après les avoir certifiées conformes à la réalité, n'était pas tenue d'actualiser ses données sur l'emploi de M. N... dont la période d'essai était terminée depuis le 13 septembre 2005 (et non le 13 octobre comme il le soutient, faisant même état d'une prolongation dont il ne justifie pas) et que celui-ci, ingénieur commercial était seul à même de connaître la part variable à laquelle il pouvait prétendre au regard de sa « force de vente » ;
Considérant que le contrat de travail (CDI) produit précise ainsi que M. N... perçoit un fixe de 30 000 € bruts annuels et un revenu variable dès son entrée en fonction calculé sur la base du taux de réalisation d'objectifs établis chaque année, le plan de commissionnement 2005-2006 étant annexé au contrat -non produit- et signé par les parties ;
Considérant qu'à la date de la signature de la demande de prêt, 22 juin 2005, M. N... avait travaillé un mois dans la société de sorte qu'en déclarant 4 600 € de salaires, il a estimé pouvoir prétendre à un revenu variable de 2 600 € (son fixe net s'élevant à 2 000 €) ;
Qu'il est aujourd'hui démontré qu'il n'a jamais perçu aucune somme au titre de la part variable mais qu'il ne saurait reprocher à la banque d'avoir pris en compte ses déclarations sinon mensongères du moins exagérément optimistes tandis que la banque était en droit de considérer qu'un salarié susceptible de dégager une part variable d'un tel montant dès son premier mois d'activité disposerait rapidement de revenus beaucoup plus substantiels que ceux envisagés ;

Qu'à la date du 7 mars 2006, alors que la période d'essai était terminée et qu'il occupait le même emploi au sein de la même société, la banque n'avait aucune raison de solliciter qu'il communique à nouveau le montant de son salaire ;
Que c'est en conséquence à bon droit que le tribunal a débouté M. et Mme N... de leur demande d'indemnité au titre de la violation du devoir de mise en garde ;
Que ce n'est donc qu'à titre surabondant qu'il sera ajouté qu'en ajoutant au montant des prêts Crédit Mutuel les 167 000 € d'emprunts annexes évoqués dans les écritures et en présumant qu'ils aient été uniquement employés à financer la construction, la plus-value dégagée par le couple lors de la réalisation du bien s'élève à 333 000 € (1 000 000 - 667 000) de sorte qu'ils ont fait une excellente opération tandis que le préjudice évalué à 482 128 € est surprenant pour être calculé notamment à partir d'une plus-value supérieure qu'ils auraient pu dégager d'une opération immobilière qu'ils reprochent à la banque d'avoir financée ; »,

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGE QUE « Sur le devoir de mise en garde:

Il est nécessaire de déterminer d'abord si les emprunteurs avaient la qualité de profanes ou celle d'emprunteurs avertis.

En l'espèce l'acte notarié du 23 mars 2006 mentionne que Monsieur D... N... est ingénieur commercial et Madame M... I... épouse N... conseillère en économie sociale et familiale. Le contrat d'engagement entre la société DATA et Monsieur D... N..., daté du 3 juin 2005, mentionne la classification de "commercial grands comptes".
Les professions respectives des demandeurs, à la date de conclusion des prêts, n'induisent nullement des connaissances dans les domaines financier et bancaire.
En conséquence Monsieur D... N... et Madame M... I... épouse N... doivent être considérés comme des emprunteurs profanes.

La Caisse de Crédit Mutuel de Suresnes Longchamp était par conséquent tenue envers les emprunteurs d'une obligation de mise en garde en cas de risque d'endettement. Il appartenait ainsi à la banque, au moment de la conclusion du contrat, de vérifier les capacités financières de Monsieur D... N... et de Madame M... I... épouse N..., afin de déterminer si les charges de l'emprunt envisagé correspondaient à leurs facultés de remboursement.
Les demandeurs allèguent ce manquement pour le seul Monsieur N...

Il résulte du document intitulé "demande de prêt-plan de financement", daté du 22 juin 2005, que Monsieur N... a alors déclaré appartenir à la catégorie professionnelle des cadres administratifs, être employé par DATA, et percevoir des revenus professionnels mensuels à hauteur de 4 600 euros. Il a indiqué bénéficier en outre de 750 euros par mois, sans préciser l'origine de ces ressources. Il a aussi mentionné avoir une personne à charge. Au titre des "engagements financiers en cours", il a déclaré supporter la somme de 1 355 euros par mois, au titre de la charge mensuelle résultant de trois emprunts souscrits auprès de Cofinoga, CCF et Netvalor.

La défenderesse ne conteste pas avoir eu connaissance de ce que Monsieur N... s'était trouvé en période d'essai, avant le 17 mars 2006. Il est en effet établi par le contrat d'engagement passé le 3 juin 2005 entre Monsieur N... et la société DATA que ladite période a duré trois mois. Elle s'est donc achevée le 3 septembre 2005.
Par conséquent, à la date de conclusion du contrat, Monsieur N... ne se trouvait plus en période d'essai.

Le demandeur ne prouve pas avoir informé la banque de ce qu'une partie de ses revenus était variable. De surcroît il ne saurait être reproché à la banque de ne pas avoir réclamé à Monsieur N... ses fiches de paye. En effet elle l'a invité à lui fournir les renseignements se rapportant à sa situation financière. Il lui a communiqué des renseignements dont il a certifié l'exactitude, comme l'indique la mention portée au bas de la demande de prêt et sous laquelle il a porté sa signature. Il appartenait à Monsieur N... de faire état, à l'occasion de l'établissement de la demande de prêt, de toutes les charges qu'il devait supporter. Il a omis de déclarer la mensualité du prêt immobilier en cours au Crédit Immobilier de France.
Il ne peut donc être reproché à la banque de s'être fondée sur les seules informations, incomplètes, fournies par l'emprunteur, et de n'avoir tenu compte ni de la charge mensuelle subséquente, ni du capital restant dû après remboursement anticipé.
De plus la banque ne pouvait intégrer dans les charges des emprunteurs le coût d'emprunts futurs. Si les sommes empruntées se sont révélées insuffisantes du fait des travaux supplémentaires décidés par les époux N..., lesquels ont eu recours à de nouveaux emprunts pour les financer, cette circonstance est étrangère à la banque. Celle-ci s'est donc à bon droit limitée à prévoir le financement de l'objet tel que défini par les emprunteurs dans leur demande de prêt.

Elle n'avait pas davantage à prendre en considération des événements futurs incertains tels la perte d'emploi de Monsieur N..., survenue ultérieurement, le 28 octobre 2008.

Sur la base des éléments communiqués par Monsieur N... le taux d'effort était pour lui de 66%.
En outre il y avait lieu de tenir compte du patrimoine immobilier de l'intéressé. En effet ce dernier a indiqué, dans la demande de prêt, que la charge relative au loyer était nulle, élément à rapprocher de la nature de l'un des deux prêts sollicités à savoir un prêt relais. Ces éléments révèlent l'existence d'un bien propre dont la vente devait intervenir dans le délai de 24 mois.

Dès lors la banque était fondée à considérer que les revenus mensuels et le patrimoine immobilier de Monsieur N... lui permettaient de faire face aux engagements envisagés.

Il s'ensuit que la Caisse de Crédit Mutuel de Suresnes Longchamp n'avait pas à l'égard de Monsieur N... d'obligation de mise en garde. Elle n'a donc pas engagé sa responsabilité sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil »,

1°) ALORS QUE la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti doit apprécier sa situation au moment de la conclusion du contrat afin d'être en mesure de le mettre en garde ; en considérant qu'à la date du 7 mars 2006 (celle de la dernière offre de prêt), soit plus de 9 mois après les informations initiales recueillies auprès des époux N... lors de leur demande de prêt du 22 juin 2005, le Crédit Mutuel n'avait aucune raison d'actualiser ces données, la cour a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

2°) ALORS (subsidiairement) QUE l'établissement de crédit peut, sauf anomalies apparentes, se fier aux informations recueillies auprès de l'emprunteur sur ses capacités financières sans devoir vérifier leur exactitude ; qu'en estimant que le Crédit Mutuel pouvait se fier aux informations recueillies auprès de M. N... lors de la demande de prêt du 22 juin 2005, notamment quant à son revenu variable déclaré de 2600 euros en sus de son fixe net de 2 000 euros, tout en relevant qu'à cette date, M. N... se trouvait en période d'essai jusqu'au 13 septembre 2005), que son contrat de travail précisait qu'il percevait un fixe de 30 000 euros bruts annuels et un revenu variable dès son entrée en fonction calculé sur la base du taux de réalisation d'objectifs établis chaque année et qu'il avait travaillé un mois dans la société, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

3°) ALORS (subsidiairement) QU' à tout le moins, en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitaient pourtant les époux N..., si le contrat de travail de M. N... n'avait pas été transmis au Crédit Mutuel comme document justificatif à l'appui de la demande de prêt du 22 juin 2005, faisant ainsi apparaître une anomalie évidente entre la rémunération déclarée par M. N... de 4 600 euros mensuelle et celle prévue par son contrat de travail du 3 juin 2005 qui aurait dû alerter le Crédit Mutuel, la cour a, à tout le moins, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

4°) ALORS QUE la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti doit apprécier sa situation au moment de la conclusion du contrat afin d'être en mesure de le mettre en garde ; qu'en constatant, pour écarter toute violation du devoir de mise en garde par le Crédit Mutuel, que la plus-value dégagée par les époux N... lors de la réalisation du bien s'élève à 333 000 €, fait qui est sans aucun rapport avec l'existence du devoir de mise en garde lequel s'apprécie au moment de la conclusion du contrat de prêt, la cour a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

5°) ALORS (subsidiairement) QUE le manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt prive cet emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt ; qu'en constatant, pour exclure l'existence d'un préjudice subi par les époux N..., que la plus-value dégagée par ceux-ci lors de la réalisation du bien financée par les prêts litigieux s'élève à 333 000 euros et qu'ils ont fait une excellente opération, ce dont il ressort que les époux N... n'ont pas été en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre des prêts litigieux et que le risque s'est donc réalisé, la cour a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux N... de leur demande de déchéance des intérêts,

AUX MOTIFS QUE « Sur le TEG du prêt relais
Considérant qu'il est constant que l'offre mentionne un TEG irrégulier pour ne pas prendre en compte dans l'assiette de son calcul le coût de l'inscription du privilège de prêteur de deniers d'un montant de 6 500 € ;
Que le TEG annoncé était ainsi de 3,290% et le TEG réel selon mention, non contestée, de l'acte notarié, de 4,248% soit une différence supérieure à la décimale autorisée ;

Mais considérant que l'article L 313-1 alinéa 2 (devenu L 314-2) du code de la consommation dans sa version applicable à la date des prêts dispose : « ... les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis... ne sont pas compris dans le taux effectif global ... lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat » ;

Considérant que tel est le cas en l'espèce, le coût du privilège ne pouvant être déterminé précisément que par le notaire au regard de ses différentes composantes ;
Qu'en toute hypothèse la sanction édictée par l'article L. 312-33 (devenu L. 341-34) du même code est une déchéance laissée à la discrétion du juge ; Qu'en l'espèce l'information due aux emprunteurs a été délivrée 4 jours après l'acceptation de l'offre tandis qu'ils ne démontrent pas avoir obtenu de meilleur taux auprès d'un établissement concurrent de sorte que leur demande en déchéance doit être rejetée » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « Sur la clause d'intérêt :
L'article L 312-8 du Code de la consommation prévoit que l'offre de prêt en vue de financer la construction d'un immeuble à usage d'habitation mentionne notamment le montant du crédit susceptible d'être consenti et le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux défini à l'article L 313-1 ainsi que, s'il y a lieu, les modalités de l'indexation.
L'article L 313-1 du même code impose, pour la détermination du taux effectif global du prêt, que soient ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même s'ils correspondent à des débours réels.

En l'espèce le contrat de prêt prévoit au titre des garanties, une hypothèque sur la construction à venir. Le TEG stipulé est de 4,456% l'an.

L'acte de vente notarié daté du 23 mars 2006, auquel la Caisse de Crédit Mutuel Boucles Seine Ouest Parisien est intervenue en qualité de prêteur, précise en page 7 que "les frais du notaire pour la prise de garantie s'élèvent à 6 500 euros" et que "l'incidence de ces frais sur le taux est de 0,096% l'an, soit un TEG, frais de notaire inclus, de 4,642% l'an".

Les frais d'hypothèque ont donc été chiffrés et inclus dans le calcul du TEG, dans l'acte de vente. Les fonds ont été débloqués à la date de celle-ci. Nul remboursement n'a eu lieu entre le 19 mars 2006, date d'acceptation de l'offre de prêt, et le 23 mars 2006, date de réalisation de la vente.
Par conséquent le Tribunal retiendra que les frais d'hypothèque ont été inclus dans le calcul du TEG, au moment de la conclusion du contrat, conformément aux exigences légales.

L'article R 313-1 du Code de la consommation précise que le résultat du calcul du TEG est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale.

Si la défenderesse admet avoir omis d'inclure dans le calcul du TEG le coût de la souscription d'une part sociale, obligatoire pour l'octroi du prêt, elle précise que ce taux aurait alors varié d'une centimale, ce que les demandeurs ne contestent pas.
L'omission invoquée est donc indifférente, puisqu'elle n'a pas provoqué de variation significative du TEG, au-delà du seuil prévu par l'article susvisé.

En conséquence le Tribunal rejettera la demande de nullité de la clause d'intérêt » ;

1°) ALORS QUE qu'en constatant, pour rejeter la demande de déchéance des intérêts formée par les époux N..., que l'offre de prêt du 7 mars 2006 mentionne un TEG irrégulier pour ne pas prendre en compte dans l'assiette de son calcul le coût de l'inscription du privilège de prêteur de deniers d'un montant de 6 500 euros pour en déduire ensuite que le coût de ce privilège ne pouvait être déterminé précisément que par le notaire quand le caractère erroné du TEG résultait de la non prise en compte des frais hypothécaires garantissant le prêt relais et non de ceux du privilège de prêteur de deniers dont le montant de 6 500 euros était indiqué dans l'offre de prêt, la cour a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige.

2°) ALORS QU' en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande de déchéance des intérêts des époux N..., « qu'en l'espèce, le coût du privilège ne pouvant être déterminé précisément que par le notaire au regard de ses différentes composantes », la cour, qui a statué par voie de pure affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

3°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en relevant, pour débouter les époux N... de leur demande de déchéance des intérêts pour mention erroné du TEG dans l'offre du 7 mars 2006, que «
l'information due aux emprunteurs a été délivrée 4 jours après l'acceptation de l'offre tandis qu'ils ne démontrent pas avoir obtenu de meilleur taux auprès d'un établissement concurrent de sorte que leur demande en déchéance doit être rejetée », la cour a statué par un motif inintelligible et violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-18083
Date de la décision : 21/10/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 oct. 2020, pourvoi n°19-18083


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.18083
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