LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 octobre 2020
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 601 F-P+B
Pourvoi n° G 19-15.171
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020
M. L... D..., domicilié [...] , agissant en qualité de liquidateur de la société Mabrilou, a formé le pourvoi n° G 19-15.171 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. D..., ès qualités, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société CIC Ouest, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 janvier 2019), rendu en référé, par un jugement d'adjudication du 26 septembre 2014, rendu sur les poursuites de la société CIC Ouest (la banque), créancier inscrit, a été vendu aux enchères un bien immobilier appartenant à la société Mabrilou, pour le prix de 130 000 euros, séquestré entre les mains de la banque dans l'attente de sa distribution.
2. Le 14 octobre 2014, la société Mabrilou a été mise en liquidation judiciaire, M. D... étant désigné en qualité de liquidateur. La banque ayant déclaré une créance hypothécaire de 241 676,50 euros, qui a été contestée, le juge-commissaire a, par une ordonnance devenue irrévocable, admis cette créance à titre chirographaire, en raison de la disparition du privilège.
3. Estimant que la procédure de distribution du prix de vente de l'immeuble était caduque en application de l'article R. 622-19 du code de commerce, le liquidateur de la société Mabrilou a assigné la banque devant le juge des référés du tribunal de grande instance, afin de la voir condamnée, sous astreinte, à restituer à la liquidation judiciaire le prix de vente, outre les intérêts sur les fonds séquestrés.
4. La banque a soulevé l'incompétence du juge des référés au profit du juge de l'exécution, outre diverses contestations pour voir dire n'y avoir lieu à référé.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le liquidateur de la société Mabrilou fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé et de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « qu'hormis les procédures d'exécution ayant déjà produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, les procédures de distribution du prix de vente d'un immeuble sont caduques au jour de ce jugement et les fonds sont remis au mandataire judiciaire ; que la cour d'appel a constaté que l'immeuble appartenant à la SCI Mabrilou avait fait l'objet d'un jugement d'adjudication le 26 septembre 2014, la SCI Mabrilou ayant ensuite été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 14 octobre 2014 et que le prix de vente de l'immeuble avait été remis à la banque en qualité de séquestre en vue d'une distribution à déterminer ; qu'il s'évinçait de ces constatations que le jugement d'adjudication était inopposable à la procédure collective et que la distribution du prix relevait de la compétence exclusive du liquidateur à qui les fonds devaient être remis pour être répartis selon les règles de la procédure collective ; qu'en retenant cependant, pour conclure à une contestation sérieuse et dire n'y avoir lieu à référé, que l'inopposabilité du jugement d'adjudication à la procédure collective n'était pas établie d'évidence, le jugement d'adjudication ne pouvant être considéré comme anéanti rétroactivement par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le jugement d'adjudication étant devenu définitif dix jours après l'expiration du délai de surenchère, soit antérieurement à l'ouverture de la liquidation, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé les articles R. 622-19, R. 641-23 et R. 641-24 du code de commerce, ensemble l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Lorsque l'immeuble d'un débiteur mis en liquidation judiciaire a été vendu sur saisie immobilière, le juge compétent pour constater la caducité de la procédure de distribution du prix de vente n'ayant pas produit son effet attributif avant le jugement d'ouverture, en vertu de l'article R. 622-19 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-23 du même code, et pour ordonner, en conséquence, la remise des fonds au liquidateur aux fins de répartition, en vertu de l'article R. 641-24 de ce code, est non le juge des référés, mais le juge de l'exécution, en application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.
7. Le juge des référés n'étant pas compétent pour se prononcer sur la demande du liquidateur tendant à ce que les fonds lui soient remis aux fins de répartition, en vertu de l'article R. 641-24 susvisé, le fait que l'obligation de remise ne fût pas sérieusement contestable était sans incidence. Par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.
8. Le moyen ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. D..., en qualité de liquidateur de la SCI Mabrilou, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. D..., ès qualités.
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé et rejeté l'ensemble des demandes de Me L... D... en qualité de liquidateur judiciaire de la Sci Mabrilou ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est constant que Me L... D..., es qualités de liquidateur de la SCI Mabrilou, demande le versement de sommes détenues dans le cadre de la distribution du prix de vente d'un immeuble à la suite d'un jugement d'adjudication du 26 septembre 2014 ; que si l'action, fondée sur l'article 809 du code de procédure civile, peut relever de la compétence d'attribution du juge des référés dès lors qu'il existe une discussion sur l'antériorité de la procédure de distribution au jugement d'ouverture, elle implique de démontrer que l'existence de l'obligation pesant sur la société CIC Ouest n'est pas sérieusement contestable ; qu'il résulte d'une part des pièces versées aux débats, en particulier les courriers des parties en date du 19 et du 25 juin 2015 ainsi que l'ordonnance du juge commissaire du 29 juin 2015, que Me L... D..., es qualités de liquidateur de la SCI Mabrilou, avait connaissance à cette date de la saisie immobilière et de la procédure de distribution qui en découlait ; qu'il n'a pourtant sollicité la remise des fonds que le 22 juin 2017 ; que d'autre part, alors même qu'il a ainsi admis implicitement que la société CIC Ouest devait procéder -à la distribution des fonds, il n'a pas davantage contesté dans le délai légal de quinze jours le projet de distribution qui lui a été régulièrement notifié le 2 mai 2017 ; qu'enfin, outre que la caducité de la procédure de saisie immobilière est invoquée pour le moins tardivement, il convient de relever que l'inopposabilité du jugement d'adjudication du 26 septembre 2014 à la procédure collective n'est nullement établie d'évidence ; qu'en effet, à défaut de surenchère, l'adjudication ne peut être considérée comme ayant été anéantie rétroactivement par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le jugement d'adjudication étant devenu définitif dix jours après l'expiration du délai de surenchère, soit antérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la demande de Me L... D..., es qualités de liquidateur de la SCI Mabrilou, se heurte à plusieurs contestations sérieuses ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QU'en l'espèce, Me D... fonde son action sur les dispositions des articles L. 622-21 et R. 622-19 du code de commerce, et considère qu'à défaut de publication du jugement d'adjudication, les fonds devaient lui être remis pour répartition et qu'ainsi l'obligation de restitution ne serait pas sérieusement contestable ; que plusieurs moyens opposés par le CIC Ouest constituent toutefois des contestations sérieuses ; que le premier est l'ordonnance rendue le 26 juin 2015 par le juge commissaire à la liquidation de la Sci Mabrilou, lequel, sur proposition de Me D... ès-qualités a admis «la créance de la Banque CIC OUEST pour la somme de 241.676,50 euros à titre chirographaire dans l'attente d'une déclaration de créance rectificative, à savoir : déduction faite du règlement à venir», ce règlement étant, au regard des motifs de l'ordonnance, celui allant provenir de la distribution du prix de l'adjudication ; que dès lors il doit être constaté qu'à cette date, ni Me D... ès-qualités, ni le juge commissaire ne contestait la procédure de distribution de prix allant être menée par le CIC Ouest ; que surtout, il existe une contradiction certaine à avoir fait perdre au CIC Ouest le caractère privilégié de sa créance en raison de l'attribution qui allait lui être faite du prix de l'adjudication pour ensuite revendiquer de lui distribuer ce même prix comme simple créancier chirographaire ; que le second est la signification ayant été faite le 2 mai 2017 à Me D... ès-qualités de la notification du projet de distribution du prix, projet qu'il n'a pas contesté dans le délai prévu par les dispositions de l'article R. 332-5 du code des procédures civiles d'exécution, préférant saisir deux mois plus tard le juge des référés, alors même que les dispositions des articles R. 332-1 et suivants organisent une procédure de distribution de la compétence exclusive du juge de l'exécution en cas de contestation du projet et de l'impossibilité d'accord amiable ;
ALORS QU'hormis les procédures d'exécution ayant déjà produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, les procédures de distribution du prix de vente d'un immeuble sont caduques au jour de ce jugement et les fonds sont remis au mandataire judiciaire ; que la cour d'appel a constaté que l'immeuble appartenant à la Sci Mabrilou avait fait l'objet d'un jugement d'adjudication le 26 septembre 2014, la SCI Mabrilou ayant ensuite été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 14 octobre 2014 et que le prix de vente de l'immeuble avait été remis au CIC Ouest en qualité de séquestre en vue d'une distribution à déterminer ; qu'il s'évinçait de ces constatations que le jugement d'adjudication était inopposable à la procédure collective et que la distribution du prix relevait de la compétence exclusive du liquidateur à qui les fonds devaient être remis pour être répartis selon les règles de la procédure collective ; qu'en retenant cependant, pour conclure à une contestation sérieuse et dire n'y avoir lieu à référé, que l'inopposabilité du jugement d'adjudication à la procédure collective n'était pas établie d'évidence, le jugement d'adjudication ne pouvant être considéré comme anéanti rétroactivement par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le jugement d'adjudication étant devenu définitif dix jours après l'expiration du délai de surenchère, soit antérieurement à l'ouverture de la liquidation, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé les articles R. 622-19, R. 641-23 et R.641-24 du code de commerce, ensemble l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile.