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21/10/2020 | FRANCE | N°19-13549

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 octobre 2020, 19-13549


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 600 F-D

Pourvoi n° V 19-13.549

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020

La société [...], société à resp

onsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-13.549 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Lyo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 600 F-D

Pourvoi n° V 19-13.549

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020

La société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-13.549 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la société Maxiloc, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société [...], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Maxiloc, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 décembre 2018), la société [...] (la société [...]) a souscrit auprès de la société Maxiloc, pour les besoins de son activité professionnelle, un contrat de location d'une pelle, pour une durée de deux mois à compter du 2 septembre 2014.

2. Le 26 septembre 2014, la pelle a été endommagée à la suite d'un accident subi par la société [...]. Son assureur, la Smabtp, a indemnisé la société Maxiloc des frais de réparation du matériel loué.

3. La Smabtp ayant en revanche refusé sa garantie au titre de la perte d'exploitation invoquée par la société Maxiloc, celle-ci a assigné la société [...] en indemnisation de la perte de loyers subie pendant la période d'immobilisation de la pelle et du préjudice financier complémentaire lié à la nécessité, pendant la même période, de payer les loyers dus en exécution du crédit-bail dont la pelle litigieuse faisait l'objet.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La société [...] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Maxiloc des dommages-intérêts à concurrence des sommes de 10 354,80 euros au titre de la perte de chance de pouvoir donner en location la pelle accidentée et 10 101,83 euros au titre du préjudice financier, alors « qu'en indemnisant la société Maxiloc des loyers payés par celle-ci à son crédit-bailleur, afférents à la période d'immobilisation de la pelle, pour la raison que celle-ci n'avait pas bénéficier pendant cette période de la contrepartie prévue au titre de la location, quand l'indemnisation du préjudice commercial subi pendant cette même période avait déjà réparé le préjudice constitué par la privation temporaire de la pelle litigieuse, la cour d'appel, qui a indemnisé deux fois le même préjudice, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe d'une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime :

6. En vertu du texte et du principe susvisés, le cocontractant victime d'un dommage ne peut obtenir deux indemnisations distinctes en réparation du même préjudice.

7. Pour allouer à la société Maxiloc la somme de 10 101,83 euros en réparation d'un préjudice financier, l'arrêt, après avoir constaté que la pelle a été accidentée le 26 septembre 2014, pendant la période de location, puis restituée à la société Maxiloc le 9 janvier 2015 après réparation, indemnise, d'abord, à concurrence de la somme de 10 354,80 euros, la perte de chance, pour la société de location, de louer la pelle durant la période d'immobilisation. L'arrêt relève, ensuite, que la pelle a fait l'objet, le 22 avril 2013, d'un contrat de crédit-bail souscrit par la société Maxiloc et en exécution duquel cette dernière devait s'acquitter de quarante-huit loyers mensuels de 3 741,42 euros hors taxe, qu'au cours de la période d'indisponibilité de la pelle, la société Maxiloc a versé à son crédit-bailleur la somme de 10 101,83 euros hors taxe, sans bénéficier de la contrepartie prévue au titre de la location. L'arrêt en déduit que cette somme doit être allouée à la société Maxiloc à titre d'indemnisation complémentaire.

8. En statuant ainsi, alors que le préjudice subi par la société Maxiloc consistait à avoir dû elle-même poursuivre, pendant le temps d'immobilisation de la pelle, le paiement des loyers du crédit-bail portant sur celle-ci, sans avoir pu, pendant le même temps, percevoir de sous-loyers, la cour d'appel, en allouant la somme de 10 101,83 euros en réparation d'un préjudice financier, a indemnisé deux fois le même préjudice et ainsi violé les texte et principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société [...] à payer à la société Maxiloc la somme de 10 101,83 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier, l'arrêt rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Maxiloc aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Maxiloc et la condamne à payer à la société [...] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société [...].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société [...] à payer à la société Maxiloc les sommes de 10 354,80 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de pouvoir donner en location la pelle accidentée et 10 101,83 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier ;

AUX MOTIFS QU'à compter de la prise de possession du matériel loué, la garde en est transférée au locataire qui en supporte tous les risques et devient responsable pendant toute la durée de la location, de tous les dommages matériels ou immatériels causés à des tiers et de tous les dommages matériels causés à l'engin et dommages immatériels consécutifs ou non, quelle qu'en soit la cause ; que les conditions générales s'appliquant au contrat des parties prévoient en leur paragraphe 5, une obligation d'assurance, tant au titre de la responsabilité civile pour les véhicules terrestres à moteur ou autres matériels en ce qui concerne les dommages causés aux tiers, qu'au titre des dommages causés au matériel loué (bris, incendie, vol
) ; il est précisé à ce dernier titre, que le locataire est responsable des dommages causés au matériel loué qui peuvent être couverts de 3 manières différentes : soit par la souscription d'un contrat d'assurance dont le locataire doit informer de l'existence et du contenu le loueur, soit par le locataire qui accepte la renonciation à recours du loueur sous réserve de conditions d'étendue, d'exclusion et de tarification de la garantie listées, soit enfin par le locataire qui reste son propre assureur sous réserve de l'acceptation du loueur ; que si aucune disposition des conditions générales ni aucune clause spéciale du contrat de location particulier conclu entre les parties n'a prévu une obligation d'assurance concernant les dommages immatériels consécutifs ou non aux dommages causés à la chose louée, aucune limitation de responsabilité ou de garantie n'a pour autant été convenue entre les parties et la société [...] est donc inopérante à invoquer l'absence de garantie de l'assureur en la matière ; que l'attestation d'assurance requise par les conditions générales au titre des dommages causés au matériel loué, souscrite par la société [...] qui en connaissait donc nécessairement les limites expressément listées aux termes du document, tant en ce qui concerne les dommages garantis que les limites de garantie et franchise, a par ailleurs été remise au loueur sans qu'aucune obligation de mise en garde ne puisse être reprochée à ce dernier concernant l'étendue de la garantie, la cour rappelant que l'obligation de mise en garde dont est débitrice la société de location, professionnelle de la location d'engins, consiste seulement dans la mise à disposition d'un engin de chantier adapté aux besoins de sa cliente et en bon état de marche ; qu'aucune circonstance ne permet dès lors de retenir l'absence ou la limitation de la responsabilité et obligation d'indemnisation par le locataire des préjudices immatériels causés au loueur, à la suite de l'endommagement, en cours d'utilisation par le locataire, de l'engin loué ; que la société [...] doit en conséquence être déclarée responsable du préjudice subi en la matière par la société Maxiloc, infirmant en cela le jugement critiqué ;

1°) ALORS QUE les conditions générales de location, ayant institué plusieurs mécanismes destinés à garantir le loueur de la responsabilité du locataire sans envisager d'aucune façon que ce dernier puisse être tenu d'indemniser le loueur d'un préjudice immatériel consécutif à un dommage à l'engin loué ; qu'en jugeant que néanmoins que les parties n'avaient pas exclu que le loueur puisse poursuivre l'indemnisation d'un tel chef de préjudice auprès du locataire, la cour d'appel a dénaturé les conditions générales de location, en violation de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

2°) ALORS subsidiairement QUE lorsque les conditions générales établies par le loueur sont de nature à laisser croire au locataire qu'il ne peut être tenu, en cas d'accident, de réparer le préjudice commercial subi par le loueur, il appartient à ce dernier d'attirer sur ce point le locataire ; qu'en retenant que l'obligation de mise en garde dont le loueur était débiteur « consist(ait) seulement dans la mise à disposition d'un engin de chantier adapté aux besoins de sa cliente et en bon état de marche », sans rechercher si les stipulations litigieuses n'étaient pas de nature à laisser croire au locataire, qu'en cas d'accident, sa responsabilité ne pouvait être recherchée que pour la série de dommages pour lesquels étaient prévue une obligation d'assurance à la charge du locataire, de sorte que la société Maxiloc avait manqué à son obligation de bonne foi en n'attirant pas l'attention de l'exposante sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société [...] à payer à la société Maxiloc les sommes de 10 354,80 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de pouvoir donner en location la pelle accidentée et 10 101,83 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier ;

AUX MOTIFS QUE l'accident a eu lieu le 26 septembre 2014 alors que le contrat de location avait été conclu pour une durée de deux mois allant du 2 septembre au 31 octobre 2014, moyennant un prix de location journalier de 294 euros HT ; que la pelle a été réparée et restituée à la société Maxiloc le 9 janvier 2015 selon facture de la société Terramat et attestation de l'expert-comptable de l'entreprise ; que les documents de gestion produits par la société Maxiloc permettent à la cour de fixer, moyennant un taux de location de la pelle endommagée de 71 % pour la période en jours ouvrés allant du 1 novembre 2014 au 9 janvier 2015, soit 47 jours dont doivent être retirés 7 jours en période de fêtes de fin d'année, et un prix moyen de location de 258,87 euros HT, à la somme de 10 354,80 euros le montant de la perte de chance subie par la société Maxiloc, de pouvoir louer l'engin de chantier ; que la société [...] prétend à tort que l'indemnisation revenant à la société de location doit être diminuée du montant de la location de la pelle de substitution louée en supplément par elle-même de façon à assurer la fin du chantier ; il s'avère en effet que la location invoquée concerne un tout autre chantier que celui de Taninges concerné par la pelle endommagée et qu'aucune déduction ne doit donc être appliquée à ce titre ; qu'il s'avère enfin que la pelle endommagée louée à la société [...] a été acquise le 22 avril 2013 par la société Maxiloc au moyen d'un contrat de crédit-bail au titre duquel cette dernière devait s'acquitter de 48 loyers mensuels de 3 741,42 euros HT ainsi qu'il ressort du contrat correspondant produit au dossier ; qu'au cours de la période d'indisponibilité, la société Maxiloc a versé la somme de 10 101,83 euros HT sans bénéficier de la contrepartie prévue au titre de la location et cette somme doit en conséquence lui être allouée à titre d'indemnisation complémentaire ;

ALORS QU'en indemnisant la société Maxiloc des loyers payés par celle-ci à son crédit-bailleur, afférents à la période d'immobilisation de la pelle, pour la raison que celle-ci n'avait pas bénéficier pendant cette période de la contrepartie prévue au titre de la location, quand l'indemnisation du préjudice commercial subi pendant cette même période avait déjà réparé le préjudice constitué par la privation temporaire de la pelle litigieuse, la cour d'appel, qui a indemnisé deux fois le même préjudice, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe d'une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-13549
Date de la décision : 21/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 20 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 oct. 2020, pourvoi n°19-13549


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.13549
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