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14/10/2020 | FRANCE | N°19-14169

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 octobre 2020, 19-14169


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 610 F-D

Pourvoi n° U 19-14.169

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020

M. C... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U

19-14.169 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre B), dans le litige l'opposant à Mme U... B..., veuve ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 610 F-D

Pourvoi n° U 19-14.169

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020

M. C... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 19-14.169 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre B), dans le litige l'opposant à Mme U... B..., veuve H..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. H..., de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme B..., après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 22 janvier 2019), Y... H... est décédé le [...] laissant pour lui succéder son fils unique, C..., né d'une première union, et son épouse séparée de biens, Mme B..., instituée légataire de la moitié des biens meubles et immeubles dépendant de sa succession. Un arrêt du 23 février 2013 a rejeté la demande de M. H... tendant à voir constater que Mme B... avait commis un recel successoral en transformant des comptes personnels d'Y... H... en comptes joints quelques jours avant son décès et appliquer les sanctions correspondantes.

2. Un procès-verbal de difficultés a été dressé le 26 février 2015 par le notaire désigné pour liquider et partager la succession. Mme B... a saisi le tribunal de grande instance aux fins d'homologation du projet de partage établi. M. H... ayant demandé que les sommes figurant aux comptes joints des époux soient, en tant que libéralités indirectes, rapportées à l'actif successoral dans leur intégralité et, le cas échéant, réduites pour la part excédant sa réserve successorale, celle-ci a opposé une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. H... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande, d'homologuer l'acte de partage de la succession établi le 26 février 2015 et de donner force exécutoire audit acte de partage, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et ne peut donc être opposée qu'à la condition que la chose demandée soit la même ; que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu, en revanche, de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; que les demandes de M. H... rejetées par le jugement du 31 août 2011 puis par l'arrêt confirmatif du 26 février 2013 tendaient à voir juger que Mme B... s'était rendue coupable de recel successoral, notamment du fait de la transformation, treize jours avant son décès, des comptes personnels du défunt en comptes joints, et que celle-ci soit en conséquence privée de tous droits sur les biens recelés ; que ces demandes antérieures étaient toutes distinctes, par leur objet, de celles tendant à voir déclarer que Mme B... avait bénéficié d'une libéralité indirecte du fait de la transformation des comptes du défunt en comptes joints et qu'il soit ordonné, en tant que de besoin, la réduction de cette libéralité excédant la réserve successorale de M. H... ; qu'en retenant cependant que l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du 31 août 2011 et à l'arrêt confirmatif du 26 février 2013 faisait obstacle à la recevabilité de ces demandes ultérieures en réduction de la libéralité en ce qu'elle excédait la réserve successorale, la cour d'appel a violé les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ces textes, d'une part, que l' autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif, d'autre part, que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.

5. Pour déclarer irrecevable la demande de M. H... comme se heurtant au principe de l'autorité de la chose jugée, l'arrêt relève, d'abord, qu'en première instance, celui-ci a soutenu que Mme B... avait commis un recel successoral en transformant des comptes d'Y... H... en comptes joints treize jours avant son décès et a demandé qu'elle soit privée en conséquence de tous droits sur les biens recelés et que, devant elle, il a formé une demande de réintégration de l'intégralité des comptes joints aux motifs que Mme B... avait bénéficié de libéralités indirectes pour lesquelles elle devait, le cas échéant, une indemnité de réduction pour dépassement de la quotité disponible. Il constate, ensuite, que les deux instances avaient lieu entre les mêmes parties, agissant en les mêmes qualités, et relève que la contestation portait, chaque fois, sur la transformation des comptes du défunt en comptes joints, le but poursuivi étant leur réintégration dans la succession. Il retient, enfin, que la nouvelle demande invoquait un fondement juridique que M. H... s'était abstenu de soulever en temps utile.

6. En statuant ainsi, alors que n'ont pas le même objet, quand bien même elles seraient fondées sur les mêmes faits, les demandes tendant, l'une, à constater et sanctionner un recel successoral, l'autre à constater l'existence d'une libéralité indirecte et en solliciter le rapport et la réduction, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de M. H..., homologue l'acte de partage de la succession d'Y... H... établi le 26 février 2015 par M. X..., notaire commis en vertu du jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 31 août 2011 confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 26 février 2013, et lui donne force exécutoire, l'arrêt rendu le 22 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne Mme B... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme B... et la condamne à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. H....

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR déclaré irrecevable la demande de monsieur C... Q..., D'AVOIR homologué l'acte de partage de la succession de monsieur Y... H... établi le 26 février 2015 par maître X..., notaire commis en vertu du jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 31 août 2011 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Lyon du 26 février 2013 et D'AVOIR donné force exécutoire audit acte de partage ; ;

AUX MOTIFS QUE la seule contestation de monsieur C... H... quant au projet d'acte liquidatif de maître X... concernait les sommes portées aux comptes joints des époux, qu'il entendait voir intégrer dans leur totalité à l'actif successoral ; que, sur la recevabilité, dans le cadre de la première instance, monsieur C... H... soutenait que madame B... s'était rendue coupable de recel successoral notamment du fait de la transformation treize jours avant son décès des comptes du défunt en comptes joints, et demandait au tribunal de la priver en conséquence de tous droits sur les biens recelés ; que tant le tribunal que la cour n'avaient pas retenu de recel successoral ; que dans le cadre de la présente procédure, monsieur C... H... formait une demande de réintégration de l'intégralité des comptes joints considérant qu'il s'agissait de libéralités indirectes et, le cas échéant, de réduction pour dépassement de la quotité disponible ; que les instances avaient lieu entre les même parties agissant en même qualité ; que la contestation dans les deux instances était la même : il s'agissait de la transformation des comptes du défunt en comptes joints, le but poursuivi étant leur réintégration dans la succession ; que la nouvelle demande qui invoquait un fondement juridique que l'appelant s'était abstenu de soulever en temps utile se heurtait à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation, le demandeur devant présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estimait de nature à fonder celle-ci ; que la demande présentée par monsieur C... H... était dès lors irrecevable (arrêt, p. 4, § 13, p. 5, § 18, p. 6, §§ 1 à 4) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et ne peut donc être opposée qu'à la condition que la chose demandée soit la même ; que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu, en revanche, de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; que les demandes de monsieur H... rejetées par le jugement du 31 août 2011 puis par l'arrêt confirmatif du 26 février 2013 tendaient à voir juger que madame B... s'était rendue coupable de recel successoral, notamment du fait de la transformation, treize jours avant son décès, des comptes personnels du défunt en comptes joints, et que celle-ci soit en conséquence privée de tous droits sur les biens recelés ; que ces demandes antérieures étaient toutes distinctes, par leur objet, de celles tendant à voir déclarer que madame B... avait bénéficié d'une libéralité indirecte du fait de la transformation des comptes du défunt en comptes joints et qu'il soit ordonné, en tant que de besoin, la réduction de cette libéralité excédant la réserve successorale de monsieur H... ; qu'en retenant cependant que l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du 31 août 2011 et à l'arrêt confirmatif du 26 février 2013 faisait obstacle à la recevabilité de ces demandes ultérieures en réduction de la libéralité en ce qu'elle excédait la réserve successorale, la cour d'appel a violé les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la libéralité indirecte et le recel successoral ne produisent pas les mêmes effets, la libéralité, qui constitue une pratique légale, ayant pour conséquence un rapport fictif à l'actif successoral de ladite libéralité pour juger de la quotité disponible et une réduction de la libéralité si et dans la mesure où elle excède la réserve successorale, cependant que le recel, qui constitue un délit, est quant à lui sanctionné par la privation du receleur de sa part dans les objets recelés, que les autres cohéritiers se partagent sans lui ; qu'en retenant au contraire que la demande de monsieur H... dans la première instance, ayant pour objet de voir madame B... reconnue coupable de recel successoral et celle formée dans la seconde instance, tendant à voir juger qu'elle avait bénéficié d'une libéralité indirecte devant faire l'objet d'une réduction dans la mesure où elle dépassait la quotité disponible, auraient eu un même but et, partant, une même conséquence, tenant à la réintégration dans la succession de ce dont madame B... avait bénéficié, la cour d'appel a violé l'article 778 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-14169
Date de la décision : 14/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 22 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 oct. 2020, pourvoi n°19-14169


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.14169
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