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08/10/2020 | FRANCE | N°19-15684

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 octobre 2020, 19-15684


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1020 F-D

Pourvoi n° R 19-15.684

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020

La société MACIF, société d'assurance mutuelle à cotisations va

riables, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-15.684 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2,...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1020 F-D

Pourvoi n° R 19-15.684

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020

La société MACIF, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-15.684 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la SNCF mobilités, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] ,

2°/ à Mme O... I..., domiciliée [...] ,

3°/ à la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MACIF, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de l'EPIC SNCF mobilités, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme I... et de la société MAIF, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 2018), le 8 décembre 2010 vers 18 h 00, M. P..., conducteur d'un véhicule automobile assuré auprès de la société MACIF et à bord duquel se trouvaient en outre Mme K... et Mme C..., s'est engagé sur un passage à niveau, lorsqu'il a été dépassé par le véhicule conduit par Mme I... et assuré auprès de la société MAIF. En raison de l'encombrement de l'intersection, M. P... a immobilisé puis laissé reculer son véhicule, dont la partie arrière s'est trouvée bloquée sur la voie ferrée en raison de la présence de verglas.

2. L'approche d'un train ayant été annoncée, Mme K... et Mme C... sont descendues du véhicule, mais ont été gravement blessées lorsque l'autorail a percuté l'arrière de celui-ci.

3. La société MACIF, après avoir indemnisé Mmes K... et C... de leurs préjudices, a assigné la Société nationale des chemins de fer français (la SNCF), Mme I... et la société MAIF afin qu'elles soient condamnées à lui rembourser les sommes versées à ce titre.

4. Par un arrêt mixte du 13 novembre 2017, devenu irrévocable, la cour d'appel a, notamment, dit que le véhicule conduit par Mme I... n'était pas impliqué dans l'accident dont Mmes K... et C... ont été victimes, rejeté en conséquence le recours en contribution formé par la société MACIF contre Mme I... et la société MAIF, rejeté le recours subrogatoire formé par la société MACIF contre l'établissement public industriel et commercial SNCF mobilités (l'EPIC SNCF mobilités), venant aux droits de la SNCF, en ce qu'il était fondé sur une faute de conduite du préposé tenant à une vitesse excessive du train, et, avant dire droit sur le même recours en ce qu'il était fondé sur une faute de freinage tardif imputée audit préposé, ordonné une mesure de constatations confiée à un huissier de justice.

5. Après dépôt du procès-verbal de constatations, la société MACIF a fondé son recours subrogatoire sur la seule responsabilité du fait des choses, la SNCF étant mise en cause en sa qualité de gardienne du train instrument du dommage.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société MACIF fait grief à l'arrêt de rejeter son recours subrogatoire contre l'EPIC SNCF mobilités, alors « que la faute de la victime ou d'un tiers ne peut être totalement exonératoire de responsabilité que si elle présente les caractères de la force majeure et est ainsi imprévisible et irrésistible ; qu'en se bornant à retenir, pour juger que les fautes du conducteur et des victimes étaient exonératoires de la responsabilité de la SNCF (...), que la faute de M. P... (...) et celle des victimes (...) étaient irrésistibles, tout en constatant que « la présence d'usagers de la route sur un passage à niveau, à l'approche d'un train, bien que fautive, n'est pas imprévisible pour l'entité gardienne des trains en circulation » (...), la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil :

7. Le fait d'un tiers ou la faute de la victime n'exonère totalement le gardien de sa responsabilité que s'il revêt les caractères de la force majeure.

8. Pour rejeter le recours subrogatoire formé par la société MACIF contre l'EPIC SNCF mobilités, l'arrêt retient que M. P..., en immobilisant la partie arrière de son véhicule sur la voie ferrée, et Mmes K... et C..., en se maintenant sur cette voie après être sorties du véhicule, au lieu de se mettre à l'abri hors de la trajectoire du train annoncé, ont contrevenu aux dispositions de l'article R. 422-3 du code de la route et, pour les secondes, commis en outre une grave faute d'imprudence.

9. L'arrêt ajoute que, eu égard aux conditions de visibilité liées à la configuration de la voie et à l'emplacement du véhicule immobilisé, le préposé de la SNCF n'a pas disposé de la distance nécessaire pour pouvoir arrêter le train à temps.

10. Il en déduit que les fautes commises par M. P... et les victimes, qui ont directement concouru à la réalisation des dommages corporels subis par ces dernières, ont présenté pour l'EPIC SNCF mobilités un caractère irrésistible, exonératoire comme tel de sa responsabilité présumée en sa qualité de gardien du train instrument desdits dommages.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait en outre que « la présence d'usagers de la route sur un passage à niveau, à l'approche d'un train, bien que fautive, n'est pas imprévisible pour l'entité gardienne des trains en circulation », ce dont il résultait que les fautes qu'elle imputait à M. P... et à Mmes K... et C... ne revêtaient pas les caractères de la force majeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Demande de mise hors de cause

12. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, Mme I... et la société MAIF, qui ne sont pas concernées par la cassation prononcée et dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'est pas nécessaire à la solution du litige opposant la société MACIF à l'EPIC SNCF mobilités.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Met hors de cause Mme I... et la société MAIF ;

Condamne l'EPIC SNCF mobilités aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt, signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et par M. Carrasco, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société MACIF

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le recours subrogatoire formé par la société MACIF à l'encontre de L'EPIC SNCF Mobilités ;

AUX MOTIFS QUE L'EPIC SNCF Mobilités ne conteste ni qu'elle était gardienne du train litigieux, ni que ce dernier a concouru à la réalisation des dommages corporels subis par Y... K... et X... C..., soit que le train ait percuté le véhicule Renault Twingo dont elles étaient précédemment passagères et que ce véhicule les ait heurtées et blessées en étant projeté par l'effet de la collision, soit que le train ait lui-même heurté les victimes ; qu'en conséquence, la présomption de responsabilité du fait des choses édictée par l'article 1384 alinéa 1er du code civil s'applique à l'EPIC SNCF Mobilités, et le régime juridique institué par la loi portant réforme ferroviaire du 4/08/2014 et la répartition des attributions respectives des entreprises ferroviaires et du gestionnaire du réseau sont dénués d'une quelconque incidence juridique sur le présent litige, étant observé, en tant que de besoin, que l'entrée en vigueur de cette loi est postérieure de 4 ans à la date de survenance de l'accident ; qu'en droit, comme les parties en conviennent unanimement, le gardien de la chose instrument du dommage est totalement exonéré de sa responsabilité s'il prouve l'existence d'une faute d'un tiers ou de la victime ayant contribué au dommage de cette dernière et présentant les caractères de la force majeure, et est partiellement exonéré s'il prouve l'existence d'une faute ne présentant pas ces caractères ; que concernant en premier lieu A... P..., conducteur du véhicule Renault Twingo percuté par le train, et assuré de la société MACIF, l'article R.422-3 du code de la route, invoqué par la SNCF au fondement de la première faute imputée à ce dernier, dispose dans sa rédaction en vigueur à la date de l'accident 1. - Lorsqu'une voie ferrée est établie sur une route ou la traverse à niveau, la priorité de passage appartient aux matériels circulant normalement sur cette voie ferrée, à l'exception des véhicules de transport public assujettis à suivre, de façon permanente, une trajectoire déterminée par un ou des rails matériels et empruntant l'assiette des routes dont les conducteurs doivent respecter les signalisations comportant des prescriptions absolues et les indications données par les agents réglant la circulation. - Aucun conducteur ne doit s'engager sur un passage à niveau si son véhicule risque, du fait de ses caractéristiques techniques ou des conditions de circulation, d'y être immobilisé. Lorsqu'un passage à niveau est muni de barrières ou de demi-barrières, aucun usager de la route ne doit s'y engager lorsque ces barrières sont soit fermées, soit en cours de fermeture ou d'ouverture. Lorsqu'un passage à niveau n'est muni ni de barrières, ni de demi-barrières, ni de signal lumineux, aucun usager ne doit s'y engager sans s'être assuré qu'aucun train n'approche. Lorsqu'une traversée est gardée, l'usager de la route doit obéir aux injonctions du garde et ne pas entraver, le cas échéant, la fermeture des barrières. - Tout conducteur doit, à l'approche d'un train, dégager immédiatement la voie ferrée de manière à lui livrer passage. (...) V. - En cas d'immobilisation forcée d'un véhicule ou d'un troupeau, son conducteur doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour faire cesser le plus rapidement possible l'obstruction de la voie ferrée ou, à défaut d'y parvenir, pour que les agents responsables du chemin de fer soient prévenus sans délai de l'existence du danger ; que les gendarmes enquêteurs ont recueilli la déclaration suivante de A... P..., conducteur de la Renault Twingo dont les victimes étaient précédemment passagères : "(...) Juste après le feu rouge, il y a un passage à niveau. Lorsque le feu est passé au vert, j'ai avancé et j'ai dépassé le passage à niveau. C'est alors qu'un véhicule de marque Peugeot modèle 206 de couleur noire m'a dépassé. J'ai laissé ce véhicule se mettre devant moi et j'ai laissé ma voiture reculer un tout petit peu pour lui laisser la place, Pour reculer, je n'avais pas besoin d'enclencher une vitesse car là où je me trouvais, c'est-à-dire après le passage à niveau, c'est une très légère montée. Après avoir laissé mon véhicule reculer, je n'arrivais plus à repartir. Ma voiture patinait dans le verglas. Les barrières du train (sic) sont descendues et j'ai entendu la sonnerie. (...) C'est alors que mes deux amies ont décidé d'elles-mêmes de descendre pour pousser la voiture et que je puisse repartir. Moi je suis resté à la place conducteur pour manoeuvrer. Environ dix secondes après que mes amies soient sorties, le train a percuté l'arrière de mon véhicule, ce qui l'a propulsé vers la gauche (...)" ; qu'il résulte de cette déclaration circonstanciée que A... P.... alors qu'il avait franchi le passage à niveau, a laissé son véhicule reculer dans la pente pour "laisser de la place" devant lui au véhicule conduit par O... I... qui l'avait dépassé par la gauche ; que dès lors que, d'une part, A... P... a indiqué qu'il n'a pu, ensuite, faire avancer son véhicule dont les roues patinaient, et que, d'autre part, le train a percuté ledit véhicule, il s'en déduit que, par sa manoeuvre de recul, A... P... a immobilisé son véhicule - ou à tout le moins sa partie arrière - sur la voie ferrée, en contravention avec l'article R.422-3 précité du code de la route ; que cette faute a directement concouru à la collision entre le train et son véhicule, et à la réalisation des dommages corporels subis par Y... K... et X... C... ; que la présence d'usagers de la route sur un passage à niveau, à l'approche d'un train, bien que fautive, n'est pas imprévisible pour l'entité gardienne des trains en circulation, eu égard au nombre important d'accidents survenus sur des passages à niveau entre convois ferroviaires et véhicules routiers ; qu'il résulte par ailleurs des investigations de l'huissier de justice constatant que, dans le sens de circulation du train impliqué dans l'accident, le "carrefour" (sic ; au lieu du 'passage à niveau') était entièrement visible à partir d'une distance de 243 mètres en amont, et qu'il n'était visible que sur la moitié de sa longueur (la partie sud) à une distance, en amont, d'environ 1 kilomètre jusqu'à 243 mètres ; qu'il résulte par ailleurs de l'expertise (interne) de la bande graphique du train impliqué dans l'accident, que la distance d'arrêt de ce dernier, à la vitesse de 78 km/h à laquelle il roulait, était de 300 mètres à partir du freinage, et qu'auparavant, le temps cumulé de réaction du conducteur à la vue d'un obstacle et de transmission mécanique de la commande de freinage était de 4 secondes, de sorte que la distance complémentaire parcourue était de 88 mètres ; qu'en d'autres termes, le train pouvait s'immobiliser avant le passage à niveau à condition que son conducteur ait perçu un obstacle et actionné le freinage à une distance d'au moins 388 mètres en amont ; que le conducteur de train L... Q... a déclaré aux enquêteurs : "(...) Arrivé avant le passage à niveau n° 13 qui se situe directement avant la gare de Villiers-Montbarbin, j'étais en sortie de courbe et j'ai aperçu une voiture, une Twingo Bordeaux, qui était sur le passage à niveau. Elle avait franchi le passage mais l'arrière du véhicule était encore sur le fil de rail droit. J'ai également vu une fille qui se situait côté arrière droit du véhicule, à l'extérieur de celui-ci. Les barrières du passage à niveau étaient baissées et j'ai très bon souvenir que les feux rouges clignotaient. Surpris par la présence de cette personne et du véhicule, j'ai immédiatement manoeuvré l'avertisseur sonore de la locomotive. Je l'ai actionné à plusieurs reprises. J'ai également appuyé sur le bouton pressoir d'urgence pour stopper le train. A cet endroit, je circulais entre 70 et 80 km/h. Le train s'est arrêté mais, vu la vitesse, il a fallu une certaine distance, je pense environ 500 mètres (sic) pour stopper le convoi. Le choc a été inévitable. (Sur interrogation concernant la visibilité) : le passage à niveau se situe dans une courbe, en plus il faisait nuit et le temps était neigeux. En plus, avec la circulation bloquée par la neige, beaucoup de feux de voitures éblouissaient" ; qu'il résulte de l'ensemble des éléments relevés supra qu'à la distance permettant l'arrêt du train avant le passage à niveau (au moins 388 mètres), d'une part, seule était visible, pour le conducteur du train, en raison de la courbe de la voie ferrée vers la droite, la partie sud du passage à niveau, sur laquelle ne se trouvait aucun véhicule puisque, dans l'hypothèse inverse, le train l'aurait percuté, et que, d'autre part, le véhicule conduit par A... P..., immobilisé sur la partie nord du passage à niveau (fil de rail droit selon le conducteur L... Q...), n'était pas visible à cette distance ; qu'en outre, en tant que de besoin, le conducteur L... Q... a fait observer avec pertinence qu'il avait été ébloui par les phares des véhicules circulant dans le sens ouest-est inverse de celui du train sur la RD 934 longeant la voie ferrée ; qu'en conséquence, la faute commise par l'automobiliste A... P... a constitué pour l'EPIC SNCF Mobilités un événement irrésistible ; que les deux autres fautes imputées par la société SNCF à A... P... sont sans portée, dès lors : - que cette dernière ne démontre pas en quoi la consommation antérieure de cannabis par A... P... serait constitutive d'un lien de causalité avec l'accident, dont les circonstances n'ont sollicité ni les capacités de réflexe de l'automobiliste, ni l'intégrité de son champ de vision, - que l'absence de montage de pneumatiques "neige" sur le véhicule conduit par A... P... est sans lien démontré de causalité avec l'accident, dès lors que ces pneumatiques sont destinés à améliorer l'adhérence du véhicule en freinage et en trajectoire de virage, mais étaient sans incidence sur le comportement d'un véhicule immobilisé ; que concernant en deuxième lieu les victimes Y... K... et X... C..., ces dernières ont commis une grave faute d'imprudence, et ont contrevenu à l'article R.422-3 précité du code de la route, en s'étant maintenues sur la voie ferrée après être sorties du véhicule de A... P... immobilisé sur le passage à niveau, au lieu de se mettre à l'abri, hors de la trajectoire du train ; que pour les motifs énoncés supra, leur présence, sur la voie ferrée, n'a pu être décelée par le conducteur du train à une distance suffisante pour lui permettre d'arrêter son convoi avant d'atteindre le passage à niveau ; que cette faute d'imprudence des victimes, qui a concouru à la réalisation de leur propre préjudice, a donc constitué pour l'EPIC SNCF Mobilités un événement irrésistible ; que concernant en troisième lieu l'automobiliste O... I..., il résulte des motifs du précédent arrêt de la Cour en date du 13/11/2017 : - que les dépositions recueillies par les enquêteurs établissent, de manière concordante, que, si la Peugeot 206 conduite par O... I... a indiscutablement dépassé par la gauche la Renault Twingo conduite par A... P..., toutefois, le véhicule conduit par O... I... s'est immobilisé sur la gauche, dans une file improvisée, en ayant à sa gauche le véhicule Scenic (qualifié par O... I... de "monospace") conduit par S... N... qui l'avait laisser s'insérer, et à sa droite le véhicule Peugeot 206 bleu ciel conduit par O... F..., immobilisé devant la Renault Twingo conduite par A... P... ; - qu'il n'est pas établi que la progression puis l'immobilisation du véhicule Peugeot 206 conduit par O... I... ait eu une incidence sur la tentative de progression, puis l'immobilisation, puis la difficulté de redémarrage du véhicule Renault Twingo conduit par A... P... et dont Y... K... et X... C... étaient passagères, de sorte qu'il n'est pas établi que le véhicule conduit par O... I... ait joué un rôle quelconque dans la réalisation de l'accident dont ces dernières ont été victimes, et qu'aucune faute en lien de causalité avec l'accident n'est établie à l'encontre de O... I... ; qu'il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que A... P..., assuré de la société MACIF, et les victimes Y... K... et X... C... ont commis des fautes en lien de causalité avec les dommages corporels subis par ces, dernières, ayant présenté un caractère irrésistible pour l'EPIC SNCF Mobilités, gardienne du train instrument des dommages, et donc exonératoire de sa responsabilité présumée du fait des choses ; qu'en conséquence, le recours subrogatoire formé par la société MACIF à l'encontre de l'EPIC SNCF Mobilités est rejeté, en infirmation du jugement dont appel ;

1° ALORS QUE la faute de la victime ou d'un tiers ne peut être totalement exonératoire de responsabilité que si elle présente les caractères de la force majeure et est ainsi imprévisible et irrésistible ; qu'en se bornant à retenir, pour juger que les fautes du conducteur et des victimes étaient exonératoires de la responsabilité de la SNCF (arrêt, p. 11, al. 3), que la faute de M. P... (arrêt, p. 10, al. 4) et celle des victimes (arrêt, 10, antépén. al.) étaient irrésistibles, tout en constant que « la présence d'usagers de la route sur un passage à niveau, à l'approche d'un train, bien que fautive, n'est pas imprévisible pour l'entité gardienne des trains en circulation » (arrêt, p. 9, al. 5), la cour d'appel a violé l'article 1384 alinéa 1er, devenu 1242 alinéa 1er, du code civil ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, la faute de la victime ne peut être totalement exonératoire de responsabilité que si elle présente les caractères de la force majeure et est ainsi imprévisible et irrésistible ; qu'en se bornant à retenir, pour juger que les fautes des victimes étaient exonératoires de la responsabilité de la SNCF (arrêt, p. 11, al. 3), que la faute des victimes était irrésistible (arrêt, 10, antépén. al.), sans constater que les fautes de Mme C... et K... étaient imprévisibles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 alinéa 1er du code civil, devenu 1242 alinéa 1er, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-15684
Date de la décision : 08/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 oct. 2020, pourvoi n°19-15684


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15684
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