LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 665 F-D
Pourvoi n° A 19-16.981
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
La société Todel, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , représentée par son président en exercice la société AG Invest, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-16.981 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7 anciennement dénommée 11e chambre A), dans le litige l'opposant à la société Thales Alenia Space France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La société Thales Alenia Space France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Corbel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Todel, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Thales Alenia Space France, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Corbel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 mars 2019), le 5 avril 1995, la société Du golfe, aux droits de laquelle vient la société Todel, a consenti à la société Aérospatiale un bail commercial stipulant que les lieux devront être remis dans l'état où ils se trouvaient lors de l'entrée en jouissance.
2. Ce bail a été amiablement résilié à effet au 23 avril 2005 et, le 9 septembre 2004, un nouveau bail a été conclu entre la société Du golfe et la société Alcatel space, venant aux droits de la société Aérospatiale, à effet au 24 avril 2005.
3. Le 14 octobre 2010, la société Thales Alenia Space France, venant aux droits de la société Alcatel Space, a délivré un congé et a restitué les lieux le 30 juin 2011.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi incident
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen unique du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. La société Todel fait grief à l'arrêt de dire que l'obligation de remettre les lieux dans leur état d'origine devait être fixée par référence à l'état du bien au 24 avril 2005, date d'entrée en vigueur du second bail commercial, et de limiter à une certaine somme le montant de la condamnation de la société Thales Alenia Space France au titre des frais nécessaires à la remise des lieux dans leur état d'origine, hors déduction de la provision déjà versée, alors :
« 1°/ qu'en affirmant, pour retenir que le preneur ne pouvait être tenu de remettre les lieux dans leur état originel, contemporain de la signature du premier contrat de bail du 5 avril 1995, que ce bail avait expiré et qu'un nouveau bail totalement distinct lui avait succédé, quand la conclusion de ce nouveau bail ne pouvait, à elle seule, libérer le preneur des obligations nées du précédent bail et non encore exécutées, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, en sa rédaction application en la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103 du même code ;
2°/ que la novation par changement d'objet, qui ne se présume point, ne peut être déduite du simple constat d'une succession de contrats et doit résulter clairement des faits et actes intervenus entre les parties ; que Todel avait fait valoir, par ses écritures, que Thales Alenia Space France était tenue d'une « obligation cumulative de prise en charge du coût des travaux tant de remise en état dans la configuration originaire de 1995 que de remise en état de bon entretien de réparations locatives et la libération totale des lieux », et que « seule la volonté de nover aurait pu faire échec au devoir de remise en état des lieux découlant du premier bail », volonté de nover qui n'était nullement établie en l'espèce ; que la cour d'appel a constaté que par le second contrat, le preneur avait indiqué occuper déjà les lieux, en vertu d'un précédent bail conclu en 1995, avait accepté de prendre les lieux en l'état et sans réserve, et avait accepté de les rendre en bon état de réparations locatives ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer, pour retenir que la date du 24 avril 2005 – date de commencement d'exécution du second contrat – devait être retenue pour définir les obligations du preneur au titre de cette remise en état, que les parties avaient « manifestement entendu, dans le cadre de la signature de cet acte, s'engager sur un nouveau fondement contractuel et redéfinir leurs obligations respectives par le biais d'un nouveau support » et que « l'intention de mettre fin à l'ancien bail » avait été « expressément formalisée tant dans l'avenant que dans le nouveau contrat sans que soit évoqué un quelconque renouvellement des termes contractuels précédents », de tels motifs ne faisant que constater une succession de contrats, et qui n'a par ailleurs pas relevé d'éléments clairs et non équivoques établissant l'existence d'une novation par laquelle les parties auraient éteint l'obligation de remise en état des lieux dans leur configuration originaire née du premier contrat pour lui substituer une nouvelle obligation ne courant qu'à compter de 2005, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1273 ancien du code civil, en sa rédaction applicable en la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
6. Ayant relevé que les parties étaient convenues de résilier amiablement le bail d'origine et de redéfinir leurs obligations respectives dans un nouveau bail et que ce bail stipulait que le preneur restituerait les lieux dans leur état constaté lors de la signature de ce nouveau bail, la cour d'appel a pu en déduire, sans retenir l'existence d'une novation, que le preneur était tenu de l'obligation de restituer les lieux selon les seules stipulations du nouveau bail.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
8. La société Thales Alenia Space France fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une certaine somme au titre des frais nécessaires à la remise des lieux dans leur état d'origine, hors déduction de la provision déjà versée sans déduction de la somme correspondant au dépôt de garantie versé au bailleur, alors « que toute décision doit être motivée et que ne satisfait pas à cette exigence le juge qui ne procède pas à une analyse au moins sommaire des éléments de preuve ; qu'en déboutant la société TASF de sa demande en restitution du dépôt de garantie par des motifs impropres à écarter cette prétention, sans viser ni analyser, même sommairement, le contrat de bail du 9 septembre 2004 dont l'article 19 stipulait que la somme remise au bailleur à titre de dépôt de garantie serait restituée au preneur à l'expiration du bail et les factures du bailleur qui établissaient ce dépôt, pièces que la société TASF invoquait dans ses conclusions récapitulatives et qu'elle avait régulièrement produites aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
10. Pour rejeter la demande de la société Thales Alenia Space France en restitution du dépôt de garantie, l'arrêt se réfère à ses motifs sur la fixation de la créance du bailleur au titre de la remise en état des lieux et, par motifs adoptés, retient que, faute de pièces suffisantes, il n'y a pas lieu de procéder à la compensation entre les sommes allouées et le dépôt de garantie et qu'il y a lieu de laisser aux parties la charge de réaliser les comptes existant entre elles.
11. En statuant ainsi, sans s'expliquer sur les factures du bailleur que la société Thales Alenia Space France produisait pour établir le paiement du dépôt de garantie, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement ce qu'il rejette la demande de la société Thales Alenia Space France à payer à la société Todel une certaine somme sans déduction de la somme correspondant au dépôt de garantie versé au bailleur, l'arrêt rendu le 14 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Todel aux dépens des pourvois ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Todel et la condamne à payer à la société Thales Alenia Space France la somme de 3 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Todel.
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit que l'obligation de remettre les lieux dans leur état d'origine de la Sas Thales Alenia Space France devait être fixée par référence à l'état du bien au 24 avril 2005, date d'entrée en vigueur du bail commercial conclu le 9 septembre 2004, et d'avoir limité à la somme de 702.851,50 euros le montant de la condamnation de cette société envers Todel au titre des frais nécessaires à la remise des lieux dans leur état d'origine, hors déduction de la provision déjà versée ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE s'agissant des modalités de la remise en état des lieux loués lors de leur restitution, pour la bonne intelligence de l'exacte étendue des obligations contractuelles quant à la remise en état des lieux loués, il convient de retracer avec précision certains points importants quant à la chronologie des faits et aux stipulations contractuelles ayant vocation à s'appliquer au cas d'espèce ; que certes, le bail commercial originaire du 5 avril 1995 conclu entre la Snc du Golfe et la Sni Aérospatiale prévoyait en son article 13 une obligation pour le preneur au jour de l'expiration du bail de « rendre les lieux loués en bon état de réparation » au sens d'« une remise des lieux dans l'état où ils se trouvaient lors de l'entrée en jouissance » (pièce de l'appelante) ; que toutefois, subséquemment, selon acte sous seing privé en date du 9 septembre 2004, un nouveau bail commercial a été conclu entre la Snc du Golfe et la société Alcatel Space s'agissant de l'ensemble immobilier dénommé Space Camp ; que ce contrat précise en substance dans son article 5 : « le Preneur occupe d'ores et déjà les locaux, et ce, en vertu d'un précédent bail en date du 5 avril 1995 ayant pris effet le 24 avril 1995 et ayant été résilié le 23 avril 2005[ ;] - Le Preneur prend donc les locaux en l'état et ce, sans réserve[ ;] Lors de la signature du bail, il sera néanmoins dressé entre les parties un état des lieux contradictoire au frais du Preneur » ; que l'article 7 de ce contrat de bail quant à lui que le preneur rendra les lieux à l'expiration du bail « en bon état de réparation locative et conforme à la désignation figurant à l'état des lieux établi lors de la signature du bail » ; que ce même article prévoit également que s'agissant des travaux qui seront effectués avec autorisation écrite du bailleur, le preneur ne sera pas tenu de remettre les parties en question des locaux conformément à l'état des lieux d'entrée, mais devra simplement les restituer en bon état de réparations locatives ; que de plus, l'article 14 de ce contrat de bail commercial s'agissant de la restitution des locaux prévoit notamment que « Le Preneur devra au plus tard le jour de l'expiration du bail, rendre les lieux en bon état de réparation, ce qui sera constaté par un état des lieux à la suite duquel le Preneur devra remettre les clés au bailleur [ ;] Cet état des lieux dont la date sera déterminée d'un commun accord entre les parties, comportera s'il y a lieu, le relevé des réparations à effectuer, celles-ci s'entendant, si le bailleur le demande, d'une remise des lieux en l'état où ils se trouvaient lors de l'entrée en jouissance » ; qu'il se déduit logiquement de telles stipulations contractuelles que le preneur ne saurait être tenu de remettre les lieux dans leur état originel contemporain de la signature du premier contrat de bail du 5 avril 1995 étant précisé que ce bail est expiré et qu'un nouveau bail commercial totalement distinct lui a succédé le 9 septembre 2004 qui comporte du reste des stipulations contractuelles différentes (voir supra) étant bien entendu que ne peut être sollicité par le bailleur que la remise en état des lieux au 24 avril 2005, date de l'état des lieux d'entrée afférent au bail subséquent du 9 septembre 2004 précité ; que le bailleur ne peut que demander la remise en état des lieux par le preneur dans leur configuration d'origine au 24 avril 2005 (arrêt, pp. 7 et 8) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort des pièces produites que le contrat de bail commercial initial portant sur les lieux concernés par le présent litige a été signé entre la Snc du Golfe et la société Aérospatiale le 5 avril 1995 ; que ce premier contrat prévoyait en son article 7 de façon expresse la possibilité pour le preneur de réaliser les travaux de modification de la distribution des locaux sous réserve du consentement exprès du bailleur et établissement, préalablement aux travaux envisagés, d'un avenant au contrat ; que l'article 13 de ce contrat prévoyait une obligation pour le preneur, au jour de l'expiration du bail, de rendre les lieux loués en bon état de réparation, au sens « d'une remise des lieux dans l'état où ils se trouvaient lors de l'entrée en jouissance » ; qu'il est constant que plusieurs avenants sont intervenus à la suite de la signature de ce contrat, ceux-ci ayant porté sur la réalisation de travaux d'aménagement et des transformations des lieux sans revenir sur les conditions générales du contrat initial ; que cependant, le 2l avril 2004, un avenant n° 6 est intervenu entre le Snc du Golfe et la société Alcatel Space ; qu'au terme de celui-ci, les parties sont convenues que le congé délivré par le preneur le 23 octobre 2003 était nul et non avenu de sorte que les effets du bail étaient maintenus ; que l'article 3 de cet avenant indique que « les parties conviennent expressément de résilier amiablement le bail, et ce, à effet au 23 avril 2005 » ; que le 9 septembre 2004, un nouveau contrat de bail commercial a été signé entre la Snc du Golfe et la Sas Alcatel Space au titre de l'ensemble désigné Space Camp ; que ce contrat précisait en son article 5 que « le preneur occupe d'ores et déjà les locaux, et ce, en vertu d'un précédent bail en date du 5 avril 1995 ayant pris effet le 24 avril 1995 et ayant été résilié a effet au 23 avril 2005 » ; que cet article mentionne en outre que si les lieux sont pris en l'état et sans réserve, un état des lieux contradictoire sera cependant établi aux frais du preneur ; que l'article 7 de ce contrat stipule notamment qu'à l'expiration du bail, le preneur rendra les lieux « en bon état de réparations locatives et conforme à la désignation figurant à l'état des lieux établi lors de la signature du bail » ; que toutefois, s'agissant des travaux qui seront effectués avec autorisation écrite préalable du bailleur, le preneur ne sera pas tenu de remettre les parties des locaux conformément à l'état des lieux d'entrée, mais devra simplement les restituer, pour la partie concernée, en bon état de réparations locatives ; qu'enfin, l'article 14 de ce contrat de bail relatif à la restitution des locaux précise que « le preneur devra, au plus tard le jour de l'exécution du bail, rendre les lieux loués en bon état de réparation, ce qui sera constaté par un état des lieux à la suite duquel le preneur devra remettre les clés au bailleur [ ; que] cet état des lieux dont la date sera déterminée d'un commun accord entre les parties, comportera, s'il y a lieu, le relevé des réparations à effectuer, celles[-ci] s'entendant, si le bailleur le demande, d'une remise des lieux dans l'état où ils se trouvaient lors de l'entrée en jouissance » ; que c'est en l'état de cette situation contractuelle que par acte d'huissier en date du 14 octobre 2010, la société Tasf a donné congé à la Sci Todel des lieux loués pour le 23 avril 2011 et le 30 juin 2011 au plus tard ; que sur l'étendue de l'obligation de la société Tasf, la Sci Todel soutient que suite à la fin du bail, il pèse sur le preneur une obligation cumulative de prise en charge des coûts de remise en état dans la configuration originaire de 1995, de remise en état de bon entretien de réparations locatives et de libération totale des lieux ; qu'elle considère en outre que le contrat de bail signé en 2004 n'a été que la stricte continuité de celui signé en 1995 et qu'il doit en conséquence s'appréhender comme un renouvellement de ce premier contrat de sorte que l'obligation de remettre les lieux en état doit s'apprécier au regard de l'état des lieux en 1995 ; qu'ainsi, selon la demanderesse, nonobstant les changements de dénomination des sociétés intervenues en tant que preneur dans ces contrats de bail, une identité de partie doit être retenue, la société TASF venant aux droits des sociétés précédentes et exerçant ainsi leurs droits et obligations ; que la société Tasf ne conteste pas venir aux droits de la société Alcatel Space en tant que signataire du contrat de bail de 2004 ni avoir l'obligation de remettre en état les lieux loués ; qu'elle soutient cependant que ce dernier contrat a été conclu à la suite de la résiliation de celui passé en 1995 et fait valoir que les sociétés Aérospatiale SNI, Alcatel Space et Thales Alenia Space ne sont pas les mêmes personnes morales et entités juridiques ; que la défenderesse reproche à la société Todel de créer artificiellement un contentieux en vue d'obtenir une indemnisation avantageuse au terme de la rupture du bail ; que selon Tasf, dans le cadre du litige, seul le bail de 2004 doit être pris en considération et que c'est donc une remise en état des lieux au 24 avril 2005 qui doit être envisagée ; qu'elle considère en effet que l'entrée en jouissance évoquée par le contrat de 2004 correspond bien à l'entrée en jouissance au titre de ce nouveau contrat et non pas à celui qui avait été préalablement signé en 1995 et que l'article 2 du nouveau contrat de bail mentionne de façon expresse que celui-ci « prendra effet le lendemain de l'expiration du bail en cours, soit le 24 avril 2005 » ; qu'elle fait en outre valoir que la remise des locaux dans leur état d'origine ne présenterait aucun intérêt pour le demandeur dès lors que cela donnerait lieu, de facto, à la destruction d'une partie des valeurs ajoutées de l'ensemble immobilier ; qu'il convient de relever que les parties au bail commercial signé le 9 septembre 2004 étaient en effet la société Alcatel Space et la Snc du Golfe, soit les parties identiques à l'avenant au bail commercial du 5 avril 1995 intervenu le 21 avril 2004 et au terme duquel il convient de rappeler que les parties ont convenu de déclarer nul le congé délivré le 23 octobre 2003 ; que dans le cadre de cet avenant, la société Alcatel Space se présente de façon expresse et apparente en tant que preneur tenu à l'ensemble des droits et obligations prévus par le contrat de 1995 ; que dès lors, compte tenu du fait que la société Tasf ne conteste pas venir aux droits de la société Alcatel, elle n'est pas fondée à soutenir que les entités juridiques qui se sont succédées dans les deux contrats de bail ne sont pas liées ; qu'en effet, outre cette volonté manifeste de la société Alcatel de s'inscrire dans l'exécution du contrat de bail de 1995, aucun élément ne démontre qu'il y a lieu de considérer qu'aucune continuité juridique ne peut être retenue entre les différents preneurs, qui se sont succédés dans l'exécution du contrat de 1995 ; qu'il en résulte que la société Tasf n'est pas fondée à prétendre qu'elle serait étrangère aux termes du contrat de 1995 au titre d'une absence de liens juridiques avec les preneurs antérieurement désignés ; que s'agissant de l'appréhension du bail de 2004 en tant que nouveau contrat ou en tant que renouvellement du contrat initial, il n'y a donc pas lieu de tenir compte du congé délivré en 2003 dont les parties ont convenu qu'il était nul et non avenu ; qu'un avenant du 21 avril 2004 a cependant expressément mentionné une résiliation amiable du bail avec effet au 23 avril 2005 ; que par ailleurs, le bail commercial signé en 2004 rappelle qu'il prendra effet le lendemain de l'expiration du bail en cours, soit le 24 avril 2005 ; qu'il résulte de ces éléments que les parties ont manifestement entendus, dans le cadre de la signature de cet acte, s'engager sur un nouveau fondement contractuel et redéfinir leurs obligations respectives par le biais d'un nouveau support ; qu'ainsi, l'intention de mettre fin à l'ancien bail a été expressément formalisée tant dans l'avenant que dans le nouveau contrat sans que soit évoqué un quelconque renouvellement des termes contractuels précédents ; qu'en effet, il doit être souligné le fait que si le bail de 2004 se réfère à la situation préexistante d'occupation des lieux par le preneur, c'est uniquement au titre de l'acceptation de leur état ; qu'il est en outre précisé que l'établissement de ce bail est accompagné d'un état des lieux contradictoire devant « faire foi lors de la restitution des locaux par le preneur » ; qu'il n'est en conséquence pas contestable que les parties ont d'un commun accord décidé de s'engager sur un nouveau contrat et de retenir comme référence dans son exécution, le moment de sa conclusion et, notamment, « l'état des lieux locatif visuel » réalisé le 8 et le 9 septembre 2004 ; que la date du 24 avril 2005, date d'entrée en exécution du contrat de bail, sera en conséquence retenue pour définir les obligations pesant sur le preneur en termes de remise en état des lieux (jugement, pp. 5 à 8) ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'en affirmant, pour retenir que le preneur ne pouvait être tenu de remettre les lieux dans leur état originel, contemporain de la signature du premier contrat de bail du 5 avril 1995, que ce bail avait expiré et qu'un nouveau bail totalement distinct lui avait succédé, quand la conclusion de ce nouveau bail ne pouvait, à elle seule, libérer le preneur des obligations nées du précédent bail et non encore exécutées, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, en sa rédaction application en la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103 du même code ;
ALORS, EN SECOND LIEU, QUE la novation par changement d'objet, qui ne se présume point, ne peut être déduite du simple constat d'une succession de contrats et doit résulter clairement des faits et actes intervenus entre les parties ; que Todel avait fait valoir, par ses écritures, que Thales Alenia Space France était tenue d'une « obligation cumulative de prise en charge du coût des travaux tant de remise en état dans la configuration originaire de 1995 que de remise en état de bon entretien de réparations locatives et la libération totale des lieux » (conclusions d'appel de Todel, p. 14), et que « seule la volonté de nover [aurait pu] faire échec au devoir de remise en état des lieux découlant du premier bail » (ibid., p. 20, in limine), volonté de nover qui n'était nullement établie en l'espèce ; que la cour d'appel a constaté que par le second contrat, le preneur avait indiqué occuper déjà les lieux, en vertu d'un précédent bail conclu en 1995, avait accepté de prendre les lieux en l'état et sans réserve, et avait accepté de les rendre en bon état de réparations locatives ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer, pour retenir que la date du 24 avril 2005 – date de commencement d'exécution du second contrat – devait être retenue pour définir les obligations du preneur au titre de cette remise en état, que les parties avaient « manifestement entendu, dans le cadre de la signature de cet acte, s'engager sur un nouveau fondement contractuel et redéfinir leurs obligations respectives par le biais d'un nouveau support » et que « l'intention de mettre fin à l'ancien bail » avait été « expressément formalisée tant dans l'avenant que dans le nouveau contrat sans que soit évoqué un quelconque renouvellement des termes contractuels précédents », de tels motifs ne faisant que constater une succession de contrats, et qui n'a par ailleurs pas relevé d'éléments clairs et non équivoques établissant l'existence d'une novation par laquelle les parties auraient éteint l'obligation de remise en état des lieux dans leur configuration originaire née du premier contrat pour lui substituer une nouvelle obligation ne courant qu'à compter de 2005, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1273 ancien du code civil, en sa rédaction applicable en la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Thales Alenia Space France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Thales Alenia Space France de sa demande visant à voir appliquer au coût de la remise en état un coefficient de vétusté de 50 % et, en conséquence, d'AVOIR condamné la société Thales Alenia Space France à payer à la SCI Todel la somme de 702 851,50 euros au titre des frais nécessaires à la remise des lieux dans leur état d'origine, hors déduction de la provision déjà versée ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 14 du contrat de bail commercial du 9 septembre 2004 s'agissant de la restitution des locaux prévoit notamment que « Le Preneur devra au plus tard le jour de l'expiration du bail, rendre les lieux en bon état de réparation, ce qui sera constaté par un état des lieux à la suite duquel le Preneur devra remettre les clés au bailleur. Cet état des lieux dont la date sera déterminée d'un commun accord entre les parties, comportera s'il y a lieu, le relevé des réparations à effectuer, celles-ci s'entendant, si le bailleur le demande, d'une remise des lieux en l'état où ils se trouvaient lors de l'entrée en jouissance » ; que dans le cas présent le rapport de l'expert judiciaire a été établi avec objectivité, esprit de nuances, et sérieux de telle manière qu'il peut utilement éclairer la religion de la cour pour déterminer l'exacte consistance et le coût des travaux de remise en état des locaux loués devant être mis à la charge du preneur ; que de manière parfaitement cohérente, juste, et argumentée l'expert judiciaire a estimé que les travaux nécessaires à la remise en état des lieux dans leur configuration d'origine au 24 avril 2005 implique une dépense pouvant être estimée à un coût de 702.851,50 euros HT ; qu'ainsi par des motifs pertinents que la cour adopte - non contraires aux motifs qui viennent d'être évoqués - le premier juge se fondant notamment sur le rapport d'expertise judiciaire, a à bon droit, dit que l'obligation de remettre les lieux dans leur état d'origine de la SAS Thales Alenia Space France doit être fixée par référence à l'état du bien au 24 avril 2005, date d'entrée en vigueur du bail commercial conclu le 9 septembre 2004 entre la SNC du Golfe et la SAS Alcatel Space, condamné la SAS Thales Alenia Space France à payer à la SCI Todel la somme de 702.851,50 euros au titre des frais nécessaires à la remise des lieux dans leur état d'origine, hors déduction de la provision déjà versée, débouté la SAS Thales Alenia Space France de sa demande visant à voir appliquer au coût de la remise en état un coefficient de vétusté de 50 %, débouté la SCI Todel de ses demandes formulées au titre de la perte locative, et débouté la SCI Todel du surplus de ses demandes en ce compris les demandes formulées au titre des frais d'exécution forcée qui pourraient survenir ; que le jugement querellé sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la SCI Todel fait valoir que dans la matière contractuelle, par application du principe de réparation intégrale du préjudice, il n'y a pas lieu d'appliquer la déduction pour vétusté sur le coût des travaux et que ce coût incombe contractuellement au preneur ; que sur ce point, M. X... a en effet conclu qu' « au 24 avril 2005 les locaux alors nouvellement donnés en location à la Société Alcatel Space par leur tout récent propriétaire la SCI Todel, bien qu'étant en bon état d'usage, étaient alors tous affectés d'une vétusté en rapport avec leur date de réalisation, soit 8 à 10 ans pour les plus récents et plus de 20 pour les plus anciens » ; qu'il évoque ainsi la possibilité d'appliquer aux locaux concernés un taux de vétusté de 50 % à récupérer sur le coût des travaux de remise en état ; que toutefois, s'il n'est pas contestable que la remise en état des lieux dans l'état où ils se trouvaient lors du commencement du bail est susceptible de donner lieu à une restitution dans un meilleur état que celui dans lequel ils étaient au moment de la prise d'effet du bail, aucune clause du contrat ne mentionnait que cette remise en état, qui n'était en outre pas envisagée en valeur, se ferait avec l'application d'un coefficient de vétusté ; qu'en conséquence, l'obligation de remise en état devant porter sur l'ensemble des opérations nécessaires à celle-ci et en vue d'un rétablissement des locaux dans la situation qui était la leur en 2005, il convient de fixer les droits de la SCI Todel sans application du taux de vétusté envisagé par l'expert ;
1) ALORS QU'en matière de bail, aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure ; qu'en l'espèce, pour refuser d'appliquer un coefficient de vétusté au coût de la remise en état des lieux après l'expiration du bail, la cour d'appel a affirmé que s'il n'est pas contestable que la remise en état des lieux dans l'état où ils se trouvaient lors du commencement du bail est susceptible de donner lieu à une restitution dans un meilleur état que celui dans lequel ils étaient au moment de la prise d'effet du bail, aucune clause du contrat ne mentionnait que cette remise en état, qui n'était en outre pas envisagée en valeur, se ferait avec l'application d'un coefficient de vétusté ; qu'en statuant ainsi, quand, nonobstant l'absence d'une telle clause, les travaux de remise en état rendus nécessaires par la vétusté ne sont pas à la charge du preneur, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1755 du même code ;
2) ALORS QUE sauf clause expresse contraire, aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté s'agissant de la restitution des locaux, que l'article 14 du contrat de bail litigieux prévoyait que « le preneur devra au plus tard le jour de l'expiration du bail, rendre les lieux en bon état de réparation » et que les réparations à effectuer, si le bailleur le demande, s'entendent « d'une remise des lieux en l'état où ils se trouvaient lors de l'entrée en jouissance », ce dont il résultait que cette clause n'avait pas mis les travaux rendus nécessaires par la vétusté à la charge du preneur ; qu'en refusant néanmoins d'appliquer un coefficient de vétusté au coût de la remise en état des lieux après l'expiration du bail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations violant ainsi l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1755 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Thales Alenia Space France à payer à la SCI Todel la somme de 702 851,50 euros au titre des frais nécessaires à la remise des lieux dans leur état d'origine, hors déduction de la provision déjà versée et d'AVOIR débouté la société Thales Alenia Space France du surplus de ses demandes tendant à voir déduire de la somme due par elle à la société Todel au titre de la remise en état des lieux, la somme de 338 000 euros correspondant au dépôt de garantie versé au bailleur ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE dans le cas présent le rapport de l'expert judiciaire a été établi avec objectivité, esprit de nuances, et sérieux de telle manière qu'il peut utilement éclairer la religion de la cour pour déterminer l'exacte consistance et le coût des travaux de remise en état des locaux loués devant être mis à la charge du preneur ; que de manière parfaitement cohérente, juste, et argumentée l'expert judiciaire a estimé que les travaux nécessaires à la remise en état des lieux dans leur configuration d'origine au 24 avril 2005 implique une dépense pouvant être estimée à un coût de 702.851,50 euros HT ; qu'ainsi par des motifs pertinents que la cour adopte - non contraires aux motifs qui viennent d'être évoqués - le premier juge se fondant notamment sur le rapport d'expertise judiciaire, a à bon droit, dit que l'obligation de remettre les lieux dans leur état d'origine de la SAS Thales Alenia Space France doit être fixée par référence à l'état du bien au 24 avril 2005, date d'entrée en vigueur du bail commercial conclu le 9 septembre 2004 entre la SNC du Golfe et la SAS Alcatel Space, condamné la SAS Thales Alenia Space France à payer à la SCI Todel la somme de 702.851,50 euros au titre des frais nécessaires à la remise des lieux dans leur état d'origine, hors déduction de la provision déjà versée, débouté la SAS Thales Alenia Space France de sa demande visant à voir appliquer au coût de la remise en état un coefficient de vétusté de 50 %, débouté la SCI Todel de ses demandes formulées au titre de la perte locative, et débouté la SCI Todel du surplus de ses demandes en ce compris les demandes formulées au titre des frais d'exécution forcée qui pourraient survenir ; que le jugement querellé sera donc confirmé en toutes ses dispositions ; sur le surplus des demandes : compte tenu des observations qui précèdent, il y a lieu de débouter les parties du surplus de leurs demandes ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE s'agissant de la compensation entre les sommes allouées par la présente décision et celles d'ores et déjà versées au titre de l'ordonnance de référé et du dépôt de garantie, faute de pièces suffisantes pour apprécier l'état de cette situation, il n'y a pas lieu d'y procéder ; qu'il convient donc de laisser aux parties la charge de réaliser les comptes existant entre elles sur ce point ;
ALORS QUE toute décision doit être motivée et que ne satisfait pas à cette exigence le juge qui ne procède pas à une analyse au moins sommaire des éléments de preuve ; qu'en déboutant la société TASF de sa demande en restitution du dépôt de garantie par des motifs impropres à écarter cette prétention, sans viser ni analyser, même sommairement, le contrat de bail du 9 septembre 2004 dont l'article 19 stipulait que la somme remise au bailleur à titre de dépôt de garantie serait restituée au preneur à l'expiration du bail et les factures du bailleur qui établissaient ce dépôt, pièces que la société TASF invoquait dans ses conclusions récapitulatives (p. 46-48) et qu'elle avait régulièrement produites aux débats (pièces nos 1 et 24 en cause d'appel), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.