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23/09/2020 | FRANCE | N°19-11264

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 septembre 2020, 19-11264


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 496 F-D

Pourvoi n° M 19-11.264

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020

La société Crédit du Nord, société anonyme, dont le siège

est [...] , a formé le pourvoi n° M 19-11.264 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le lit...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 496 F-D

Pourvoi n° M 19-11.264

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020

La société Crédit du Nord, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 19-11.264 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. A... T...,

2°/ à Mme V... G..., épouse T...,

domiciliés tous deux [...],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Crédit du Nord, de Me Haas, avocat de M. et Mme T..., l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 2018), la société Crédit du Nord (la banque) a, le 12 novembre 2010, consenti à M. et Mme T... (les emprunteurs), un prêt immobilier. Après avoir constaté une falsification des documents versés à l'appui de la demande de prêt, la banque, se fondant sur la clause d'exigibilité anticipée prévue à l'article 9-1 des conditions générales du contrat, a prononcé, le 11 septembre 2012, la déchéance du terme et vainement mis en demeure les emprunteurs de lui rembourser les sommes restant dues majorées des intérêts.

2. La banque a assigné les emprunteurs afin que soit constatée l'exigibilité du prêt et que ceux-ci soient condamnés au paiement des sommes dues. Elle a, en outre, sollicité l'annulation du prêt pou dol. Parallèlement, elle a déposé plainte pour escroquerie faux et usage de faux et, par arrêt du 24 mai 2017, la cour d'appel a relaxé les emprunteurs des fins de la poursuite.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le second moyen, pris en sa première branche, réunis

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'au cas présent, pour refuser de faire droit à la demande principale de la banque et juger que les conditions d'application de la clause d'exigibilité anticipée litigieuse n'étaient pas remplies, la cour d'appel s'est fondée sur le moyen, jamais invoqué par les parties, selon lequel les courtiers mandatés par les emprunteurs avaient outrepassé leur mandat, ce dont elle a déduit que ces derniers ne pouvaient être tenus des engagements contractés par leurs mandataires au-delà de leur mission ; qu'en se déterminant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'au cas présent, pour refuser de faire droit à la demande de la banque tendant à voir annuler le contrat de prêt pour dol, la cour d'appel s'est fondée sur le moyen, jamais invoqué par les parties, selon lequel les courtiers mandatés par les emprunteurs avaient outrepassé leur mandat de sorte que ces derniers ne pouvaient être tenus des engagements contractés par leurs mandataires au-delà de leur mission, ce dont elle a déduit qu'il n'était pas établi en l'espèce que les manoeuvres dolosives aient émané d'une partie au contrat de prêt ; qu'en se déterminant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16, alinéa 1er, du code de procédure civile :

4. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

5. Pour rejeter les demandes de la banque, l'arrêt retient que les courtiers mandatés par les emprunteurs ont outrepassé leur mandat, de sorte que ces derniers ne peuvent être tenus des engagements contractés par leurs mandataires au-delà de leur mission.

6. En statuant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur la troisième branche du premier moyen et la quatrième branche du second moyen, réunis

Enoncé du moyen

7. La banque fait grief à l'arrêt de statuer comme il le fait, alors :

« 1°/ que, dans ses conclusions d'appel, la banque faisait valoir que les emprunteurs avaient « validé leur situation économique fictive » en signant les fiches de renseignements de solvabilité sur lesquelles figuraient les renseignements erronés concernant leur situation professionnelle et patrimoniale qui avaient été transmis à la banque au moyen des documents falsifiés ; que la banque versait aux débats lesdites fiches qui établissaient de façon objective, indépendamment du point de savoir si la transmission des documents falsifiés était imputable aux emprunteurs, que ceux-ci avaient personnellement remis à la banque des renseignements inexacts sur leur situation ou à tout le moins avaient consenti à leur communication préalable par leurs courtiers ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que, dans ses conclusions d'appel, la banque faisait valoir que les emprunteurs avaient « validé leur situation économique fictive » en signant les fiches de renseignements de solvabilité sur lesquelles figuraient les renseignements erronés concernant leur situation professionnelle et patrimoniale qui avaient été transmis à la banque au moyen des documents falsifiés ; que la banque versait aux débats lesdites fiches qui établissaient de façon objective, indépendamment du point de savoir si la transmission des documents falsifiés était imputable aux emprunteurs, que ceux-ci avaient personnellement remis à la banque des renseignements inexacts sur leur situation ou à tout le moins avaient consenti à leur communication préalable par leurs courtiers ; que dans ces conditions, les manoeuvres ayant vicié le consentement de la banque, eussent-elles émané des représentants des emprunteurs, devaient être tenues pour imputables aux cocontractants représentés ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

9. Pour rejeter les demandes de la banque, l'arrêt retient que les courtiers ont outrepassé leur mandat, de sorte que les emprunteurs ne peuvent être tenus des engagements contractés par ceux-ci. Il ajoute qu'il résulte de l'arrêt du 24 mai 2017 que la transmission des documents falsifiés n'est pas imputable aux emprunteurs.

10. En statuant ainsi, sans répondre au moyen de la banque qui soutenait que les emprunteurs avaient validé leur situation économique fictive, en signant les fiches de solvabilité sur lesquelles figuraient les renseignements erronés concernant leur situation professionnelle et patrimoniale, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. et Mme T... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société Crédit du Nord

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Crédit du Nord de sa demande tendant à voir constater que le prêt conclu entre les parties le 12 novembre 2010 a été valablement rendu exigible et à voir M. A... T... et Mme V... G... épouse T... condamnés à lui payer les sommes consécutives à cette exigibilité ;

Aux motifs que « S'agissant toutefois de la mise en oeuvre de cette clause par la banque au moyen de ses courriers recommandés du 11 septembre 2012, elle n'était pas justifiée dès lors qu'il n'était pas établi que la fourniture des renseignements inexacts était imputable aux consorts T..., soit directement soit, pour leur compte, par l'intermédiaire de leur courtier qui était leur mandataire, et ce, alors qu'il s'agit d'une condition de son application ; qu' en effet, il doit être considéré qu'il résulte de l'arrêt pénal de la cour d'appel de Paris du 24 mai 2017 ayant prononcé la relaxe des époux T... du chef d'escroquerie, non seulement qu'ils n'ont pas participé à la confection des faux documents mais encore que ces falsifications et même leur transmission au Crédit du Nord ne leur sont pas imputables, de sorte que les courtiers auxquels ils ont eu recours ont outrepassé leur mandat, rendant ainsi leurs mandants non tenus des engagements ainsi contractés au-delà de leur mission, étant ajouté que la cour a relevé que les époux T... "se trouvaient à l'époque des faits en état de justifier de leurs ressources sans avoir recours à des faussaires et que, dès lors, leur situation de ressources se distingue de celles des clients aux noms desquels ont été établis les autres dossiers frauduleux identifiés par le Crédit du Nord". [
] qu'en conséquence, il y a lieu de débouter le Crédit du Nord de ses demandes tendant, principalement, à la reconnaissance de la validité de l'exigibilité anticipée du prêt et, subsidiairement, à la nullité du contrat de prêt. » (arrêt, p. 5 et 6)

1° Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'au cas présent, pour rejeter la demande du Crédit du Nord tendant à voir constater que l'exigibilité anticipée du prêt avait été prononcée à bon droit par la banque, la cour d'appel a relevé d'office le moyen tiré de ce que, nonobstant son caractère licite, la clause d'exigibilité anticipée litigieuse n'avait pas été valablement mise en oeuvre par la banque dans la mesure où l'une de ses conditions d'application faisait défaut en l'espèce ; qu'en statuant ainsi, sans avoir mis au préalable les parties en mesure de présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2° Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'au cas présent, pour refuser de faire droit à la demande principale de la banque et juger que les conditions d'application de la clause d'exigibilité anticipée litigieuse n'étaient pas remplies, la cour d'appel s'est fondée sur le moyen, jamais invoqué par les parties, selon lequel les courtiers mandatés par les époux T... avaient outrepassé leur mandat, ce dont elle a déduit que ces derniers ne pouvaient être tenus des engagements contractés par leurs mandataires au-delà de leur mission ; qu'en se déterminant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3° Alors que, dans ses conclusions d'appel, le Crédit du Nord faisait valoir que les époux T... avaient « validé leur situation économique fictive » (conclusions, p. 8) en signant les fiches de renseignements de solvabilité sur lesquelles figuraient les renseignements erronés concernant leur situation professionnelle et patrimoniale qui avaient été transmis à la banque au moyen des documents falsifiés ; que la banque versait aux débats lesdites fiches qui établissaient de façon objective, indépendamment du point de savoir si la transmission des documents falsifiés était imputable aux emprunteurs, que ceux-ci avaient personnellement remis à la banque des renseignements inexacts sur leur situation ou à tout le moins avaient consenti à leur communication préalable par leurs courtiers ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4° Alors que si pour prononcer la relaxe des emprunteurs du chef d'escroquerie, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Paris a retenu, aux termes de son arrêt du 24 mai 2017, que la preuve de l'implication des époux T... dans la confection des faux documents n'était pas rapportée et qu'il n'était pas établi qu'ils aient eux-mêmes remis les pièces originales dont seules les copies figuraient à l'offre de prêt, cette même cour a, en revanche, par des motifs non équivoques, estimé qu'elle n'était pas en mesure de se prononcer sur l'imputabilité aux époux T... de la transmission desdits documents à la banque par l'intermédiaire des courtiers, du fait de l'impossibilité d'identifier ces derniers de manière certaine, laquelle rendait impossible toute vérification de l'exactitude des déclarations des emprunteurs sur leur rôle dans le suivi et la constitution du dossier de demande de prêt, ainsi que dans la transmission des renseignements les concernant ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande du Crédit du Nord tendant à voir constater que l'exigibilité anticipée avait été prononcée à bon droit par la banque, qu'il n'était pas établi que la fourniture des renseignements inexacts était imputable aux consorts T..., soit directement soit, pour leur compte, par l'intermédiaire de leur courtier qui était leur mandataire, et ce, alors qu'il s'agit d'une condition de son application, dès lors qu'il résultait, selon elle, de l'arrêt précité que la transmission des documents falsifiés n'était pas imputable aux emprunteurs, de sorte que les courtiers auxquels ils avaient eu recours avaient outrepassé leur mandat, rendant ainsi leurs mandants non tenus des engagements ainsi contractés au-delà de leur mission, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'arrêt précité auquel elle s'est référée, méconnaissant le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Crédit du Nord de sa demande tendant à voir annuler le contrat de prêt pour dol ;

Aux motifs que « S'agissant toutefois de la mise en oeuvre de cette clause par la banque au moyen de ses courriers recommandés du 11 septembre 2012, elle n'était pas justifiée dès lors qu'il n'était pas établi que la fourniture des renseignements inexacts était imputable aux consorts T..., soit directement soit, pour leur compte, par l'intermédiaire de leur courtier qui était leur mandataire, et ce, alors qu'il s'agit d'une condition de son application ; qu' en effet, il doit être considéré qu'il résulte de l'arrêt pénal de la cour d'appel de Paris du 24 mai 2017 ayant prononcé la relaxe des époux T... du chef d'escroquerie, non seulement qu'ils n'ont pas participé à la confection des faux documents mais encore que ces falsifications et même leur transmission au Crédit du Nord ne leur sont pas imputables, de sorte que les courtiers auxquels ils ont eu recours ont outrepassé leur mandat, rendant ainsi leurs mandants non tenus des engagements ainsi contractés au-delà de leur mission, étant ajouté que la cour a relevé que les époux T... "se trouvaient à l'époque des faits en état de justifier de leurs ressources sans avoir recours à des faussaires et que, dès lors, leur situation de ressources se distingue de celles des clients aux noms desquels ont été établis les autres dossiers frauduleux identifiés par le Crédit du Nord" ; que les mêmes motifs conduisent au rejet des prétentions du Crédit du Nord tendant au prononcé de la nullité du contrat pour dol puisque l'article 1116 ancien du code civil exige que les manoeuvres frauduleuses viciant le consentement émanent d'une partie au contrat, ce qui n'est pas établi en l'espèce ; qu' en conséquence, il y a lieu de débouter le Crédit du Nord de ses demandes tendant, principalement, à la reconnaissance de la validité de l'exigibilité anticipée du prêt et, subsidiairement, à la nullité du contrat de prêt. » (arrêt, p. 5 et 6)

1° Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'au cas présent, pour refuser de faire droit à la demande de la banque tendant à voir annuler le contrat de prêt pour dol, la cour d'appel s'est fondée sur le moyen, jamais invoqué par les parties, selon lequel les courtiers mandatés par les époux T... avaient outrepassé leur mandat de sorte que ces derniers ne pouvaient être tenus des engagements contractés par leurs mandataires au-delà de leur mission, ce dont elle a déduit qu'il n'était pas établi en l'espèce que les manoeuvres dolosives aient émané d'une partie au contrat de prêt ; qu'en se déterminant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2° Alors qu'aux termes de son arrêt du 24 mai 2017, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Paris a estimé qu'elle n'était pas en mesure de se prononcer sur l'imputabilité aux époux T... de la transmission des documents falsifiés à la banque par l'intermédiaire de leurs courtiers, du fait de l'impossibilité d'identifier ces derniers de manière certaine, laquelle rendait impossible toute vérification de l'exactitude des déclarations des emprunteurs sur leur rôle dans le suivi et la constitution du dossier de demande de prêt ainsi que dans la transmission des renseignements les concernant ; que pour débouter la banque de sa demande tendant à voir annuler le contrat de prêt pour dol, la cour d'appel a considéré qu'il n'était pas établi, en l'espèce, que les manoeuvres frauduleuses ayant vicié le consentement de la banque aient émané d'une partie au contrat ; que pour parvenir à cette conclusion, la cour d'appel s'est expressément référée aux motifs par lesquels elle avait jugé qu'il résultait de l'arrêt précité de la cour d'appel de Paris du 24 mai 2017 que la transmission des documents falsifiés n'était pas imputable aux emprunteurs de sorte que les courtiers auxquels ils avaient eu recours avaient outrepassé leur mandat, rendant ainsi leurs mandants non tenus des engagements ainsi contractés au-delà de leur mission ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'arrêt précité auquel elle s'est référée, méconnaissant le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

3° Alors que le dol du mandataire, qui n'est pas celui d'un tiers, est opposable au mandant même lorsque les limites du pouvoir donné ont été outrepassées ; qu'en l'espèce, M. et Mme T... avaient mandaté deux courtiers aux fins de constituer et suivre leur dossier de demande de prêt déposé au Crédit du Nord ; que dans ce cadre, les courtiers ont transmis tous les documents justificatifs de la situation financière et patrimoniale des emprunteurs à la banque, dont ils constituaient les seuls interlocuteurs pendant toute la période de constitution du dossier ; que pour refuser d'examiner le comportement dolosif, l'arrêt retient qu'il n'était pas établi que les manoeuvres dolosives aient émané d'une partie au contrat ; qu'en statuant ainsi, bien que les courtiers, même dans l'hypothèse d'un dépassement de leurs pouvoirs, ne soient pas de simples tiers, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) ;

4° Alors que, dans ses conclusions d'appel, le Crédit du Nord faisait valoir que les époux T... avaient « validé leur situation économique fictive » (conclusions, p. 8) en signant les fiches de renseignements de solvabilité sur lesquelles figuraient les renseignements erronés concernant leur situation professionnelle et patrimoniale qui avaient été transmis à la banque au moyen des documents falsifiés ; que la banque versait aux débats lesdites fiches qui établissaient de façon objective, indépendamment du point de savoir si la transmission des documents falsifiés était imputable aux emprunteurs, que ceux-ci avaient personnellement remis à la banque des renseignements inexacts sur leur situation ou à tout le moins avaient consenti à leur communication préalable par leurs courtiers ; que dans ces conditions, les manoeuvres ayant vicié le consentement de la banque, eussent-elles émané des représentants des emprunteurs, devaient être tenues pour imputables aux cocontractants représentés ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5° Alors, subsidiairement, que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'il peut également conduire à l'annulation du contrat lorsqu'il émane d'un tiers de connivence avec le cocontractant s'il est établi que ce dernier avait connaissance des agissements dolosifs du tiers et ne les a pas dénoncés ; qu'en se fondant sur la seule circonstance qu'il n'était pas établi que les manoeuvres dolosives aient émané de l'une des parties au contrat de prêt pour rejeter la demande tendant à voir celui-ci annulé pour dol, sans rechercher, comme elle y était invitée, si une collusion frauduleuse ou, à tout le moins, une connivence, n'avait pas existé entre les courtiers auteurs des manoeuvres dolosives, eussent-ils agi au-delà de leur mandat, et les cocontractants, dans la mesure où ces derniers avaient expressément validé leur situation économique fictive en signant des fiches de solvabilité sur lesquelles apparaissaient les renseignements erronés transmis à la banque, de sorte que les agissements dolosifs commis par les premiers, fût-ce en qualité de tiers, étaient nécessairement opposables aux seconds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-11264
Date de la décision : 23/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 23 sep. 2020, pourvoi n°19-11264


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Haas, SARL Cabinet Briard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11264
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