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10/09/2020 | FRANCE | N°18-26123

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 septembre 2020, 18-26123


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 septembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 488 F-D

Pourvoi n° S 18-26.123

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme K....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 juin 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÃ

‡AIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

M. D... N..., domicilié [...] , a ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 septembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 488 F-D

Pourvoi n° S 18-26.123

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme K....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 juin 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

M. D... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° S 18-26.123 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme Q... K..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. N..., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme K..., après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 septembre 2018), Mme K..., propriétaire de la parcelle cadastrée [...] et du tiers de la superficie d'un chemin cadastré [...] et grevé d'une servitude de passage bénéficiant à une propriété voisine, a assigné M. N..., propriétaire de la parcelle [...] et des deux tiers du chemin, en enlèvement d'une citerne de récupération des eaux de pluie empiétant sur le passage.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. N... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors « que la cour d'appel, si elle a retenu le droit de propriété de Mme K... sur un tiers de la parcelle [...] , n'a pas constaté que la citerne litigieuse se trouverait sur la portion correspondante de la parcelle, ce qui n'était d'ailleurs ni prétendu par Mme K... ni admis par M. N... ; qu'elle n'a pas dit que les deux tiers de la parcelle [...] n'appartenant pas à Mme K... seraient grevés d'une servitude de passage au profit de la propriété de celle-ci, ce qui, au demeurant, n'était ni soutenu par Mme K... ni admis par M. N... ; qu'en définitive, pour donner satisfaction à Mme K... en condamnant M. N... à retirer la citerne installée sur la parcelle [...] , la cour d'appel s'est fondée uniquement sur la servitude de passage dont cette parcelle serait grevée au profit de la propriété Y..., c'est-à-dire au profit de la propriété d'un tiers à l'instance ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'intérêt personnel à agir de Mme K..., qui était contesté par M. N..., elle a violé l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 544 et 686 du code civil et l'article 31 du code de procédure civile :

3. Selon ces textes, le propriétaire et le bénéficiaire d'une servitude instituée
au profit du fonds lui appartenant ont intérêt à agir pour la défense de leurs droits respectifs.

4. Pour ordonner l'enlèvement de la citerne, l'arrêt retient que, s'il n'est pas démontré que l'installation litigieuse empiète sur la fraction du chemin dont Mme K... est propriétaire, l'empiétement sur l'assiette de la servitude de passage instituée au profit d'une propriété voisine est, en revanche, établi.

5. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'intérêt de M. K... à agir en défense de ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne l'enlèvement de la citerne et la remise en état du chéneau, l'arrêt rendu le 11 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mme K... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. N... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par
M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. N...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné M. N... à retirer la citerne mise en place par lui à l'arrière des bâtiments cadastrés [...] et [...], sur la parcelle [...], et à remettre le chéneau sur lequel elle est branchée en l'état, sous astreinte journalière, et d'avoir débouté M. N... de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Aux motifs propres que « Sur la citerne :

Il ressort des photographies et du plan cadastral versés aux débats que D... N... a installé, sur la façade nord des bâtiments mitoyens, sur la bande de terrain cadastrée [...], une double citerne destinée à recueillir les eaux pluviales de la toiture des bâtiments.

Q... K... affirme que les cuves ont été installées contre le mur nord de son bâtiment et qu'elles portent atteinte au droit de passage et à l'usage des eaux d'écoulement. Elle considère qu'un tel comportement excède les inconvénients normaux du voisinage.

S'il n'est pas possible, au seul vu des photographies produites, de vérifier si les cuves sont positionnées au droit du bâtiment de D... N... ou de celui de Q... K..., il est en revanche certain qu'elles se situent sur une bande de terrain sur laquelle D... N... ne démontre pas avoir de droit de propriété ou de passage, dès lors qu'il s'est abstenu de produire son titre de propriété.

Q... K... justifie quant à elle être propriétaire, en vertu de la donation partage du 7 décembre 1983, d'un tiers du sol de cette parcelle qui, selon les stipulations de l'acte (pages 14 et 15), est grevée d'une servitude de passage au profit de la propriété Y... située à l'ouest.

La parcelle [...] doit, en raison du droit de passage dont elle est grevée, demeurer libre de tout obstacle.

Dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal a condamné D... N... à retirer les cuves litigieuses et à remettre en état le chéneau.

Le jugement sera donc intégralement confirmé, y compris en ce qu'il a débouté D... N... de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

En l'absence de démonstration d'un abus dans l'exercice de l'action en justice, D... N... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts » ;

Et aux motifs réputés adoptés du jugement entrepris que « II) Sur la citerne Il est constant que Monsieur D... N... a mis en place sur la parcelle [...] contre le mur de façade Nord une double citerne destinée à récupérer les eaux pluviales en provenance du chéneau situé en base de la toiture nord des deux bâtiments mitoyens.

Au vu des photographies produites aux débats par les parties, le Tribunal ne peut que constater que ladite citerne dépasse de façon importante sur la parcelle [...] destinée, selon le plan du géomètre H..., à assurer un passage vers la propriété Y.... Si ces photographies ne permettent pas de déterminer si elle est située au droit de la propriété N... ou de la propriété K..., elles révèlent sans discussion un empiétement sur le passage, même si celui-ci n'est pas rédhibitoire au regard de l'usage.

De plus, il apparaît que le branchement y aboutissant prend sa source sur le chéneau commun aux propriétés N... et K... alors qu'il est constant que cette dernière n'a pas été consultée.

Dans ces conditions, une atteinte est portée au droit de passage et à l'usage des eaux d'écoulement. Dans ces conditions, la demande concernant cette citerne formée par Madame Q... K... doit être déclarée fondée et Monsieur D... N... doit être condamné à retirer la citerne litigieuse et à remettre le chéneau en état et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de la présente décision.

III) Sur la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur D... N... :

Les demandes de Madame Q... K... viennent d'être partiellement déclarées fondées. La procédure engagée par celle-ci ne présente ainsi pas de caractère abusif. La demande d'indemnisation de Monsieur D... N... de ce chef ne peut donc qu'être rejetée » ;

1°) Alors que, d'une part, la Cour d'appel, si elle a retenu le droit de propriété de Mme K... sur un tiers de la parcelle [...] , n'a pas constaté que la citerne litigieuse se trouverait sur la portion correspondante de la parcelle, ce qui n'était d'ailleurs ni prétendu par Mme K... ni admis par M. N... ; qu'elle n'a pas dit que les deux tiers de la parcelle [...] n'appartenant pas à Mme K... seraient grevés d'une servitude de passage au profit de la propriété de celle-ci, ce qui, au demeurant, n'était ni soutenu par Mme K... ni admis par M. N... ; qu'en définitive, pour donner satisfaction à Mme K... en condamnant M. N... à retirer la citerne installée sur la parcelle [...] , la Cour s'est fondée uniquement sur la servitude de passage dont cette parcelle serait grevée au profit de la propriété Y..., c'est-à-dire au profit de la propriété d'un tiers à l'instance ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'intérêt personnel à agir de Mme K..., qui était contesté par M. N..., elle a violé l'article 31 du Code de procédure civile ;

2°) Alors que, par voie de conséquence, la Cour d'appel, n'ayant pas caractérisé l'intérêt personnel à agir de Mme K... contesté par M. N..., a statué par un motif inopérant en retenant que celui-ci, faute d'avoir produit son titre, ne démontrait pas son droit de propriété sur la portion du passage supportant la citerne ; que, par suite, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du Code civil ;

3°) Alors que, en tout état de cause, le propriétaire d'un fonds grevé d'une servitude de passage conserve le droit d'y faire tous travaux qu'il juge convenables pourvu que ces travaux ne diminuent pas l'usage de la servitude et ne la rendent pas moins commode ; que la Cour d'appel, qui a relevé que la présence de la citerne n'empêche pas l'exercice de la servitude de passage dont la parcelle [...] serait grevée au profit de la propriété Y..., n'en a pas moins condamné M. N... à retirer cette citerne, motif pris, seulement, de sa présence sur l'assiette de cette servitude ; qu'elle a donc violé l'article 701 du Code civil ;

4°) Alors que, d'autre part, Mme K..., pour obtenir la condamnation de M. N... à remettre le chéneau en état, se bornait à soutenir que, « alors que les eaux pluviales proviennent du chéneau commun aux deux propriétés mitoyennes », M. N..., au moyen de l'installation des citernes et du tuyau de descente qui les alimente, « capte seul les eaux pluviales du toit qui autrefois se déversaient dans les égouts » ; que M. N... répliquait, sans être contredit par Mme K..., que, comme le montrent les photographies versées aux débats, le branchement de la citerne respecte la pente du chéneau et qu'ainsi, sa citerne collectait seulement les eaux de pluie tombant sur son propre toit ; qu'en condamnant M. N... à remettre en état le chéneau au seul motif, réputé adopté des premiers juges, qu'une atteinte est portée à l'usage des eaux d'écoulement et sans répondre aux conclusions précitées de M. N..., la Cour a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

5°) Et alors que, partant, en condamnant M. N... à remettre en état le chéneau au seul motif, réputé adopté des premiers juges, qu'une atteinte est portée à l'usage des eaux d'écoulement et sans rechercher, comme M. N... le lui demandait expressément, si la citerne litigieuse, dont le branchement respecte la pente du chéneau, ne capte pas seulement les eaux de pluie qui tombent sur le propre toit de M. N..., la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 641 du Code civil.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-26123
Date de la décision : 10/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 11 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 sep. 2020, pourvoi n°18-26123


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26123
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