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09/09/2020 | FRANCE | N°19-80144

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 septembre 2020, 19-80144


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 19-80.144 FS-D

N° 1519

EB2
9 SEPTEMBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 SEPTEMBRE 2020

Mme V... E... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 20 novembre 2018, qui, pour escroquerie et faux, l'a condamnée Ã

  huit mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils.

...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 19-80.144 FS-D

N° 1519

EB2
9 SEPTEMBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 SEPTEMBRE 2020

Mme V... E... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 20 novembre 2018, qui, pour escroquerie et faux, l'a condamnée à huit mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme V... E..., les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Y... O..., partie civile, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, Zerbib, MM. d'Huy, Pauthe, Turcey, conseillers de la chambre, Mme Pichon, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 14 septembre 2013, M. Y... O... a porté plainte contre Mme V... E..., avocate qu'il connaissait depuis quinze ans, expliquant avoir remis à cette dernière en novembre 2011 une somme de 10 000 euros à titre de prêt, celle-ci lui ayant expliqué rencontrer des difficultés financières. Elle ne l'avait pas remboursé au terme convenu, en décembre 2011. En revanche, il avait été contacté par Mme F... U..., qui se prétendait sa créancière pour une somme de 20 000 euros, en vertu d'une convention datée du 20 octobre 2009, qu'il conteste avoir signée.

3. Pour sa part, Mme U... a déclaré avoir signé deux conventions de prêt avec Mme E..., qui l'avait défendue à l'occasion de sa procédure de divorce, et qui s'était présentée comme une intermédiaire entre elle et M. O..., lui expliquant que celui-ci rencontrait des difficultés financières à la suite de mauvais placements. Mme U... avait ainsi signé le 22 décembre 2009 une première convention de prêt d'un montant de 20 000 euros, avec un taux d'intérêt de 4%, au bénéfice de M. O..., le remboursement étant fixé au 30 avril 2010. Puis par la suite, Mme E... ayant procédé à un remboursement anticipé de 5 000 euros, une seconde convention a été rédigée, datée du 28 avril 2010, ramenant le montant de la somme prêtée à 15 000 euros. De son côté, M. O... a contesté avoir signé ces conventions, sur lesquelles il n'a pas reconnu sa signature.

4. Mme E... a été poursuivie devant le tribunal correctionnel notamment pour avoir à Paris, entre le 22 décembre 2009 et le 12 mai 2014, altéré frauduleusement la vérité dans un écrit ayant pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce une convention de prêt, au préjudice de Mme U... et de M. O..., ainsi que pour avoir, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en faisant croire à Mme U... qu'elle prêtait une somme de 20.000 euros à M. O..., matérialisée par une convention de prêt le 22 décembre 2009 réitérée pour la somme résiduelle de 15.000 euros le 28 avril 2010, conventions de prêt dans lesquelles, en sa qualité d'avocate, elle se portait caution pour en garantir le remboursement, alors qu'en réalité elle était la seule destinataire des sommes, M. O... n'ayant jamais contracté de prêt, trompé Mme U... pour la déterminer à remettre 20.000 euros.

5. Par jugement du 5 décembre 2016, Mme E... a été déclarée coupable de ces deux délits. Elle a relevé appel de cette décision, ainsi que le ministère public.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Énoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 4 du septième protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14.3 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, 131-27, 313-1, 313-7, 441-1 et 441-10 du code pénal, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale.

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme E... coupable du chef d'escroquerie au préjudice de Mme U... et de faux au préjudice de M. O... et de Mme U..., a condamné Mme E... à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, a prononcé à l'encontre de Mme E... l'interdiction d'exercer la profession d'avocat pour une durée de 5 ans, a reçu Mme U... en sa constitution de partie civile, a déclaré Mme E... entièrement responsable des conséquences dommageables des faits dont a été victime Mme U... du chef des infractions d'escroquerie et de faux, a condamné Mme E... à payer à Mme U... la somme de 12 800 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 350 euros au titre des frais de transport, a reçu M. O... en sa constitution de partie civile, a déclaré Mme E... entièrement responsable des conséquences dommageables des faits dont a été victime M. O... du chef de l'infraction poursuivie sous la qualification de faux et a condamné Mme E... à payer à M. O... la somme de 7 500 euros en réparation de son préjudice moral, alors :

« 4°/ que des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu'en se fondant, dès lors, pour déclarer Mme E... coupable tout à la fois des faits d'escroquerie et de faux qui lui étaient reprochés et pour entrer, en conséquence, en voie de condamnation à son encontre, sur des faits identiques consistant à avoir établi, à l'insu de Mme U... et de M. O..., les deux conventions de prêt en date du 22 décembre 2009 et du 28 avril 2010, qui procédaient d'une seule intention coupable, la cour d'appel a violé les stipulations, principe et dispositions susvisées.

5° / que tout prévenu a le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; qu'en conséquence, les juges du fond ne peuvent se fonder, pour prononcer une peine à l'encontre du prévenu, sur la circonstance que le prévenu ne reconnaît pas sa culpabilité ; qu'en énonçant, dès lors, pour prononcer à l'encontre de Mme E... l'interdiction d'exercer la profession d'avocat pour une durée de 5 ans, qu'il « convient d'éviter toute réitération, la prévenue étant dans le déni le plus absolu de ses agissements», la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

9. Pour déclarer Mme E... coupable des délits d'escroquerie au préjudice de Mme U... et de faux au préjudice de cette dernière et de M. O..., l'arrêt attaqué énonce que les deux contrats de prêt des 22 décembre 2009 et 28 avril 2010, entre Mme U... et M. O..., n'ont pas été signés par ce dernier, mais établis à son insu par l'entremise de Mme E..., intervenante aux actes en se qualifiant elle-même de caution, qui a encaissé la somme de 20.000 euros versée par Mme U.... Il ajoute que Mme E... a usé de sa vraie qualité d'avocat pour rédiger ces deux conventions, dans le but exclusif de se faire remettre le montant des fonds en objet, sur son compte personnel, et qu'ayant procédé elle-même à un remboursement partiel des sommes dues, elle s'était déclarée redevable pour le surplus.

10. Les juges retiennent que les éléments de procédure, l'utilisation de fausses conventions de prêt, les tacites reconductions des conventions renouvelées "à durée indéterminée" et les mails échangés, attestent des manoeuvres frauduleuses répétées, exécutées et poursuivies sur une longue période entre 2009 et 2014, afin de tromper Mme U....

11. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes visés au moyen et le principe ne bis in idem.

12. En effet, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que les juges ont retenu, au titre du faux, l'établissement de fausses conventions de prêt, et, comme élément de l'escroquerie, des faits distincts d'utilisation de ces documents afin de se faire remettre le montant des prêts.

13. D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

14. Pour condamner Mme E... à huit mois d'emprisonnement avec sursis et à cinq ans d'interdiction professionnelle, l'arrêt attaqué énonce, s'agissant notamment de la peine d'interdiction professionnelle, que le comportement de la prévenue doit être plus amplement sanctionné, celle-ci ayant commis les actes réprimés pendant plusieurs années, facilités par sa qualité professionnelle et usant de sa qualité d'avocate, et qu'il convient d'éviter toute réitération, la prévenue étant dans le déni le plus absolu de ses agissements.

15. En prononçant ainsi, et dès lors que les motifs critiqués sont relatifs au comportement de la prévenue et donc à sa personnalité, la cour d'appel, qui n'a pas porté atteinte à son droit de ne pas s'auto-incriminer, a justifié sa décision sans encourir le reproche formulé.

16. D'où il suit que le grief doit être écarté.

PAR CES MOTIFS, la Cour

REJETTE le pourvoi

FIXE à 2500 euros la somme que Mme E... devra payer à M. O... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf septembre deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-80144
Date de la décision : 09/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 sep. 2020, pourvoi n°19-80144


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.80144
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