LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 460 F-D
Pourvoi n° C 19-18.731
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. G... .
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 7 mai 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
M. V... G... , domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-18.731 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2018 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Banque CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. G... , de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Banque CIC Ouest, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 octobre 2018), suivant offre acceptée le 13 février, réitérée par acte authentique le 12 mars 2008, la société Banque CIC Ouest (la banque) a consenti à M. G... (l'emprunteur) un prêt immobilier. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a invoqué la déchéance du terme et a assigné l'emprunteur en paiement.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
2. L'emprunteur fait grief l'arrêt de rejeter l'exception d'irrecevabilité de la prescription de l'action en paiement, de déclarer irrecevable l'action en paiement des échéances échues impayées pour la seule période du 5 juillet 2010 au 5 janvier 2011, et de le condamner à payer à la banque la somme de 260 373,47 euros, avec intérêts au taux de 5,20 % sur le principal de 242 789,84 euros à compter du 4 février 2011 alors :
« 1°/ que, lorsque la partie, à qui on oppose un acte sous seing privé, déclare ne pas reconnaître l'écriture qui est attribuée à son auteur, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté et de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer ; que, dans ses conclusions d'appel, l'emprunteur contestait que la signature figurant sur l'accusé de réception de la lettre recommandée du 4 février 2011 prononçant la déchéance du terme ait été la sienne ; qu'en se bornant à retenir que « la preuve de l'expédition et de la distribution est rapportée » sans vérifier si la signature figurant sur l'accusé de réception était celle du débiteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1324 du code civil, en leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, ensemble les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
2°/ qu'un tiers ne peut valablement réceptionner un envoi en recommandé que s'il dispose d'un mandat pour ce faire ; que l'emprunteur faisait valoir dans ses conclusions qu'à supposer que la lettre du 4 février 2011 ait été réceptionnée par sa mère, Mme D... G... , elle ne pouvait pas l'avoir été valablement, dès lors que celle-ci ne disposait d'aucune procuration pour ce faire ; que pour le démontrer il produisait une attestation de La Poste ; qu'en se bornant à retenir que « la preuve de l'expédition et de la distribution est rapportée », sans répondre au moyen dirimant des conclusions de l'emprunteur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ; qu'en se bornant à retenir que le courrier recommandé de déchéance du terme du 4 février 2011 se serait référé « à un précédent courrier de demande de régularisation du 2 novembre 2010 resté sans effet », sans constater que ce précédent courrier aurait été une véritable mise en demeure d'avoir à régulariser précisant exactement au débiteur l'étendue de ses obligations, la sanction encourue et le délai dont le débiteur disposait pour faire obstacle à la déchéance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, en leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige ;
4°/ que c'est à l'établissement de crédit, débiteur de l'obligation de mise en demeure, qu'il appartient de démontrer que celle-ci a été respectée ; qu'en retenant que le courrier recommandé de déchéance du terme du 4 février 2011 se serait référé « à un précédent courrier de demande de régularisation du 2 novembre 2010 resté sans effet », cependant qu'à supposer que ce courrier du 2 novembre 2010 ait bien constitué une mise en demeure, il appartenait à la banque d'établir que celle-ci avait bien été reçue par son débiteur, la cour d'appel qui s'est bornée à retenir qu'elle serait demeurée « sans effet » a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Sans être tenue de procéder à la vérification invoquée ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve soumis, que la banque établissait avoir, par lettres des 2 novembre 2010 et 4 février 2011, adressé une mise en demeure à l'emprunteur, puis prononcé la déchéance du terme. Elle a ainsi légalement justifié sa décision d'écarter la prescription au titre de certaines échéances et d'accueillir la demande en paiement de la banque
.
Sur les cinquième et sixième branches du moyen, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. G... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour M. G...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait écarté l'exception d'irrecevabilité de la prescription de l'action en paiement, de n'avoir déclaré irrecevable l'action en paiement des échéances échues impayées que pour la période du 5 juillet 2010 au 5 janvier 2011, et d'avoir condamné M. G... à payer à la banque CIC Ouest la somme de 260 373,47 euros, avec intérêts au taux de 5,20% sur le principal de 242 789, 84 euros à compter du 4 février 2011 ;
AUX MOTIFS QUE : « Sur la demande principale du CIC
que les dispositions de l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, aux termes desquelles l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans, est applicable à l'action en paiement de la banque ayant fourni un crédit immobilier à un consommateur ;
qu'il est d'autre part de principe que, la prescription d'une dette payable par termes successifs se divisant comme la dette elle-même et courant à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, le point de départ de ce délai se situe, pour l'action en paiement des mensualités impayées, à compter de leurs dates d'échéances successives, et pour l'action en paiement du capital restant dû, à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité ;
que la demande en paiement du capital restant dû n'est donc pas prescrite, puisque le CIC, qui a assigné en paiement le 30 janvier 2013, s'est prévalu de la déchéance du terme par lettre recommandée du 4 février 2011, peu important que le décompte joint ait liquidé la créance d'intérêts de retard au 27 janvier 2011 ;
que se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation, M. G... objecte que le courrier recommandé de déchéance du terme n'a pas été précédé d'une mise en demeure préalable et qu'il n'en aurait pas signé l'accusé de réception, mais cette lettre, dont la preuve de l'expédition et de la distribution est rapportée, se réfère à un précédent courrier de demande de régularisation du 2 novembre 2010 resté sans effet ;
qu'au surplus, à supposer même que le CIC ne puisse se prévaloir de la déchéance du terme, M. G... serait alors tenu au paiement des échéances, non prescrites, échues postérieurement au 4 février 2011 ainsi qu'au capital restant dû au jour de la résiliation du prêt, dès lors que, les règlements n'ayant jamais repris et la régularisation n'étant pas intervenue, l'assignation en paiement de la totalité des sommes dues au titre du prêt emporte nécessairement demande de résiliation judiciaire du contrat ;
que l'action en paiement des sommes échues après le 30 janvier 2011 est donc recevable » ;
1°/ ALORS QUE lorsque la partie, à qui on oppose un acte sous seing privé, déclare ne pas reconnaître l'écriture qui est attribuée à son auteur, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté et de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer ; que dans ses conclusions d'appel, M. G... contestait que la signature figurant sur l'accusé de réception de la lettre recommandée du 4 février 2011 prononçant la déchéance du terme ait été la sienne (cf. conclusions p. 9) ; qu'en se bornant à retenir que « la preuve de l'expédition et de la distribution est rapportée » sans vérifier si la signature figurant sur l'accusé de réception était celle du débiteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1324 du code civil, en leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, ensemble les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QU'un tiers ne peut valablement réceptionner un envoi en recommandé que s'il dispose d'un mandat pour ce faire ; que M. G... faisait valoir dans ses conclusions qu'à supposer que la lettre du 4 février 2011 ait été réceptionnée par sa mère, Mme D... G... , elle ne pouvait pas l'avoir été valablement, dès lors que celle-ci ne disposait d'aucune procuration pour ce faire ; que pour le démontrer il produisait une attestation de La Poste (cf. pièce 16) ; qu'en se bornant à retenir que « la preuve de l'expédition et de la distribution est rapportée », sans répondre au moyen dirimant des conclusions de M. G... , la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ; qu'en se bornant à retenir que le courrier recommandé de déchéance du terme du 4 février 2011 se serait référé « à un précédent courrier de demande de régularisation du 2 novembre 2010 resté sans effet », sans constater que ce précédent courrier aurait été une véritable mise en demeure d'avoir à régulariser précisant exactement au débiteur l'étendue de ses obligations, la sanction encourue et le délai dont le débiteur disposait pour faire obstacle à la déchéance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, en leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige ;
4°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE c'est à l'établissement de crédit, débiteur de l'obligation de mise en demeure, qu'il appartient de démontrer que celle-ci a été respectée ; qu'en retenant que le courrier recommandé de déchéance du terme du 4 février 2011 se serait référé « à un précédent courrier de demande de régularisation du 2 novembre 2010 resté sans effet », cependant qu'à supposer que ce courrier du 2 novembre 2010 ait bien constitué une mise en demeure, il appartenait à la banque d'établir que celle-ci avait bien été reçue par son débiteur, la cour d'appel qui s'est bornée à retenir qu'elle serait demeurée « sans effet » a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;
5°/ ALORS QUE si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ; que l'assignation en paiement ne vaut pas déchéance du terme ; qu'en jugeant recevable l'action en paiement de la totalité des sommes dues au titre du prêt, échues après le 30 janvier 2011, la cour d'appel a fait produire à l'assignation l'effet d'une déchéance du terme, cependant qu'aucune déchéance du terme n'avait été prononcée, en violation des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, en leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige ;
6°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en jugeant que l'assignation en paiement aurait emporté demande de résiliation judiciaire du contrat de prêt, cependant qu'elle n'était pas saisie d'une telle demande, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.