La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/09/2020 | FRANCE | N°18-23811

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 septembre 2020, 18-23811


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 405 F-D

Pourvoi n° D 18-23.811

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

La société Abbaye Saint-Georges, société

civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 18-23.811 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2018 par la cour d'appel de Basse-T...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 405 F-D

Pourvoi n° D 18-23.811

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

La société Abbaye Saint-Georges, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 18-23.811 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la Société financière Antilles Guyane, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Abbaye Saint-Georges, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Société financière Antilles Guyane, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 28 mai 2018), la Société de développement régional Antilles Guyane (la SODERAG), devenue la Société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la SODEGA), a consenti deux prêts notariés à la SCI Au Caveau de Castelbon, devenue la SCI Abbaye Saint Georges (la SCI) et à la Société Vins Spiritueux et Liquides (la SVSL), co-emprunteurs solidaires.

2. La SVSL a été mise en redressement judiciaire le 9 juin 2000. La SODEGA a déclaré à cette procédure ses deux créances qui ont été admises par deux ordonnances du 18 mai 2004, la première pour 434 492,99 euros à titre privilégié et 449 715,08 euros à titre chirographaire, et la seconde pour 53 035,33 euros à titre privilégié et 86 494,11 euros à titre chirographaire.

3. Le 1er septembre 2015, la Société financière Antilles Guyane (la SOFIAG), venant aux droits de la SODEGA, a engagé une procédure de saisie immobilière à l'encontre de la SCI, prise en sa qualité de codébitrice solidaire, en demandant au juge de l'exécution que ses créances soient fixées à un montant total 1 601 530 euros, suivant décomptes arrêtés au 31 mai 2015.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de fixer à 1 601 530 euros la créance de la SOFIAG alors « que le codébiteur solidaire peut opposer au créancier la chose jugée résultant de l'admission irrévocable de la créance dans la procédure collective ouverte à l'égard de l'autre codébiteur solidaire ; la SCI faisait valoir que la SOFIAG ne pouvait revendiquer le montant des intérêts ayant courus postérieurement à la déclaration de créance, les décisions d'admission des créances ne faisant pas état d'une admission des intérêts à échoir ; qu'en se bornant à relever que Sofiag était en droit d'ajouter les intérêts conventionnels, s'agissant de prêts consentis pour 12 ans, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si les intérêts à échoir avaient été admis dans la procédure de la société SVSL, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1208 du code civil, devenu 1315 du même code, ensemble l'article 1351 du code civil, devenu 1355 du même code. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La SOFIAG conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit.

6. Cependant, il résulte des conclusions d'appel de la SCI que celle-ci reprochait à la SOFIAG de ne pas reprendre le montant admis par le juge-commissaire au titre des deux prêts litigieux, en faisant observer que celui qui lui était réclamé était considérablement plus élevé que celui qui avait été admis et en rappelant que, selon l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement de redressement judiciaire avait arrêté le cours des intérêts. Elle contestait ainsi le montant qui lui était réclamé au titre des intérêts.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien fondé du moyen

Vu les articles 1208, devenu 1315, et 1351, devenu 1355, du code civil, et l'article L. 621-104 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un codébiteur solidaire peut opposer au créancier la chose jugée résultant de l'admission irrévocable de la créance au passif de la procédure collective d'un autre codébiteur solidaire.

9. Pour fixer le montant total de la créance de la SOFIAG, l'arrêt constate que cette dernière a établi le décompte des intérêts de retard selon les modalités qui avaient été fixées contractuellement par les deux prêts.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée si ces intérêts avaient été admis par le juge-commissaire, la cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, n'a pas donné de base légale à sa décision .

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;

Condamne la Société financière Antilles Guyane aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société financière Antilles Guyane et la condamne à payer à la SCI Abbaye Saint Georges la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Abbaye Saint-Georges.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que Sofiag était munie d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible d'un montant total 1 601 530 euros, suivant décomptes arrêtés au 31 mai 2015, d'AVOIR débouté la Sci Abbaye Saint-Georges de l'ensemble de ses demandes et prétentions et d'AVOIR ordonné la vente forcée des droits et biens immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière.

AUX MOTIFS ADOPTES QUE la Sci Abbaye Saint Georges fait valoir que la Sofiag ne démontre pas à quelle date et pour quel montant elle a récupéré la créance de Soderag, ni ne précise sur quelle base elle lui a décompté pendant 20 ans des intérêts de retard aux taux de 13,6 %. ; que ladite Sci considère que le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société SVSL. emportait arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations ; les intérêts de retard décomptés par la Sofiag, les décomptes versés par cette dernière montre qu'elle a appliqué au cours de la période comprise entre le 14 novembre 1995 et le 31 mai 2015 deux taux différents, un taux de 13,6 % au titre du prêt n° 588 et un taux de 13 % au titre du prêt n° 1413 ; que concernant le taux appliqué au premier prêt (13,6%), il s'agit du taux nominal tel que fixé par l'acte notarié en date des 14 décembre 1984 et 16 janvier 1985 ; quant au taux appliqué au second prêt, il résulte des dispositions fixées au § II.7 - Pénalités de l'acte notarié de prêt des 7 août 1987 et 15 octobre 1987 qui prévoient : « "Dans le cas où le prélèvement ne pourrait être effectué à bonne date, serait mis à la charge de l'emprunteur, de plein droit et sans mise en demeure : un intérêt de retard au Taux Moyen Mensuel du Marché Monétaire, majoré de 3 points avec, en tout état de cause, un minimum de 13 % l'an (...).. ; qu'en conséquence, il y a lieu de constater que la Sofiag a décompté les intérêts de retard selon les modalités qui avaient été fixées contractuellement par actes authentiques ; quant à l'exception en procédure collective visant l'arrêt du cours des intérêts, l'article L621-48 du Code de commerce alors en vigueur (devenu L622-28) énonce : « Le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus (...) » ; que le cas présent, les deux prêts ont été conclus chacun pour une durée de 12 ans ; qu'en conséquence, l'arrêt du cours des intérêts évoqué par la Sci Abbaye Saint Georges ne saurait prospérer ; quant à l'écart constaté entre d'une part les créances admises par le juge commissaire (ses deux ordonnances du 18 mai 2004) et confirmées par la cour d'appel de Basse-Terre soit au total 1 123 737,51 €, et d'autre part le dernier commandement de payer valant saisie immobilière à hauteur de 1 601520,36 €, il a essentiellement pour origine les « règlements client » intervenus entre le 14/11/1995 et le 31/5/2015 (225 537,31 € pour le prêt n°588 et 1 524,49 € pour le prêt n° 1413) et l'augmentation des intérêts de retard des deux prêts au cours de la période comprise entre le 10/6/2006 et le 31/5/2015 (date de l'arrêté des comptes) ; que dès lors et après vérification, il y a lieu de constater que le créancier est muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible d'un montant total 1 601 530.31 euros, suivant décomptes arrêtés au 31 mai 2015 ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE Le décompte produit correspond à celui des créances admises dans la procédure collective de la société SVSL et mentionne les paiements opérés volontairement, à savoir : 225 537,31 euros concernant le premier prêt et 1524,49 euros concernant le second prêt ; que contrairement à ce que soutient la Sci Abbaye Saint Georges, la Sofiag est un droit d'ajouter les intérêts conventionnels ; qu'en effet, l'article L. 622 — 28 du code de commerce prévoit que « Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus (..) » ; que ce texte ne s'applique donc pas en l'espèce, s'agissant de prêts consentis pour 12 années ;

ALORS QUE le codébiteur solidaire peut opposer au créancier la chose jugée résultant de l'admission irrévocable de la créance dans la procédure collective ouverte à l'égard de l'autre codébiteur solidaire ; que la Sci Abbaye de Saint Georges faisait valoir que Sofiag ne pouvait revendiquer le montant des intérêts ayant courus postérieurement à la déclaration de créance, les décisions d'admission des créances ne faisant pas état d'une admission des intérêts à échoir ; qu'en se bornant à relever que Sofiag était en droit d'ajouter les intérêts conventionnels, s'agissant de prêts consentis pour 12 ans, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si les intérêts à échoir avaient été admis dans la procédure de la société SVSL, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1208 du code civil, devenu 1315 du même code, ensemble l'article 1351 du code civil, devenu 1355 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-23811
Date de la décision : 09/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 28 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 sep. 2020, pourvoi n°18-23811


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.23811
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award