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02/09/2020 | FRANCE | N°19-81593

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 septembre 2020, 19-81593


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 19-81.593 F-D

N° 1429

CK
2 SEPTEMBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 SEPTEMBRE 2020

M. U... B... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 31 janvier 2019, qui, pour infraction à la législation des étranger

s, l'a condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement et quatre ans d'interdiction du territoire français.

Un mémoire a ét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 19-81.593 F-D

N° 1429

CK
2 SEPTEMBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 SEPTEMBRE 2020

M. U... B... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 31 janvier 2019, qui, pour infraction à la législation des étrangers, l'a condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement et quatre ans d'interdiction du territoire français.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. U... B..., et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Barbé, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Les douanes anglaises ont, le 5 juillet 2018, requis les services de police français après avoir intercepté un camion frigorifique à la frontière. Entendant des cris provenant de l'intérieur, celles-ci avaient été contraintes de briser le plomb qui scellait le chargement de ce véhicule, en présence du chauffeur, M. B..., et avaient découvert quinze personnes, dont un mineur de cinq ans, présentes dans la partie frigorifique de celui-ci.

3. Aucune de ces personnes, qui se disaient de nationalité irakienne, ne disposait de titre de séjour valable ni de document d'identité. Entendues, elles ont expliqué qu'un passeur afghan était venu les chercher dans un camp à Dunkerque, les avait emmenées sur une aire de parking et leur avait montré le camion dans lequel ils devaient monter.

4. M. B... a nié toute participation, en indiquant n'avoir entendu les cris que peu de temps avant l'intervention des douaniers anglais, alors qu'il était à l'arrêt et que le bruit du moteur s'était interrompu.

5. A l'issue de sa garde à vue, il a été placé en détention provisoire le 7 juillet 2018, dans le cadre d'une procédure de comparution préalable, par ordonnance du juge des libertés et de la détention.

6. Le tribunal correctionnel a, par jugement du 24 septembre 2018, rejeté l'exception de nullité soulevée par le prévenu sur les conditions de son placement en garde à vue et l'a déclaré coupable d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers en France de quinze personnes de nationalité irakienne, étrangers en situation irrégulière sur le territoire national, en l'espèce en les transportant dissimulés dans un camion frigorifique à destination de l'Angleterre avec cette circonstance que les faits ont eu pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie et de transport incompatibles avec la dignité de la personne humaine. Les juges l'ont condamné à dix-huit mois d'emprisonnement, prononcé à son encontre l'interdiction du territoire français pour une durée de deux ans et ordonné son maintien en détention.

7. M. B... a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 63 et 63-1 du code pénal, préliminaire du code de procédure pénale, 485 et 593 du même code.

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit y avoir lieu à confirmer le jugement du 24 septembre 2019 rendu par le tribunal de Boulogne-sur-Mer, en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par le conseil du prévenu, par laquelle celui-ci sollicitait l'ensemble de la procédure et la relaxe du prévenu, dans la mesure où le procès-verbal de notification de début de garde à vue du 5 juillet 2018 ne comportait pas le lieu et la nature de l'infraction, alors « que la personne placée en garde à vue doit être immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, de la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ; qu'en jugeant que le demandeur au pourvoi avait été avisé de la qualification et du lieu de l'infraction, au motif que l'interprète lui avait « nécessairement » expliqué l'infraction reprochée, cependant que le procès-verbal de notification des droits en garde à vue ne mentionnait ni la qualification exacte et complète, en toutes lettres, de l'infraction ni le lieu présumé de commission de celle-ci, la cour d'appel a statué par des motifs non seulement hypothétiques mais encore erronés et a ainsi privé sa décision de base légale. »

Réponse de la Cour

10. Pour rejeter l'exception de nullité tirée de l'absence de précision suffisante du lieu et de la nature de l'infraction reprochée dans le procès-verbal de notification de la garde à vue, l'arrêt retient que M. B... s'est vu notifier son placement en garde à vue à compter du 5 juillet à 10 heures 45 pour des raisons plausibles de soupçonner qu'il avait commis un délit puni d'emprisonnement, en l'espèce « aide à ESI », soit étrangers en situation irrégulière, le 5 juillet 2018, alors qu'il venait d'être interpellé dans la zone d'accès restreinte de la liaison fixe transmanche à bord de son camion avec, dans la remorque réfrigérée en marche de son véhicule, quinze personnes en situation irrégulière.

11. Les juges relèvent que M. B... a été interpellé et placé en garde à vue lors de l'ouverture de son camion et de la découverte de quinze personnes dans la partie frigorifique et que la notification de la garde à vue et de ses droits lui a été faite dans une langue qu'il comprenait grâce aux services d'un interprète.

12. Ils déduisent de ces circonstances qu'il avait nécessairement connaissance des faits qui lui étaient imputés d'autant que l'interprète en langue tchèque lui avait nécessairement expliqué l'infraction qui lui était reprochée.

13. En se déterminant ainsi, dès lors qu'il résulte des circonstances de l'interpellation que M. B... ne pouvait ignorer les motifs de la garde à vue et des accusations dont il était soupçonné, la cour d'appel a justifié sa décision.

14. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

15. Le moyen est pris de la violation des articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 121-3 du code pénal, préliminaire du code de procédure pénale, 459, 512, 485 et 593 du même code.

16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit y avoir lieu à confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité, alors :

« 1°/ qu'un jugement de condamnation doit, à peine de nullité, constater tous les éléments constitutifs de l'infraction qui ont motivés la condamnation ; qu'en ne constatant pas tous les éléments constitutifs de l'infraction qui ont motivés la condamnation du demandeur au pourvoi et en se prononçant par des motifs impropres à caractériser l'infraction reprochée à celui-ci, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale ;

2°/ que la cour d'appel est tenue de répondre aux conclusions régulièrement déposées devant elle ; qu'il ne peut en être autrement qu'en cas d'impossibilité absolue ; qu'en omettant de répondre aux moyens péremptoires du prévenu, qui avait produit à l'appui de son système de défense une expertise établie par un officier ministériel espagnol qui comprenait de nombreux éléments à décharge, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. »

Réponse de la Cour

17. Pour déclarer M. B... coupable du délit reproché, l'arrêt retient que le camion a été fermé et scellé après chargement devant le représentant de la société cliente de l'entreprise de transport, que le conducteur indique ne pas avoir fait d'autres pauses après son arrêt à Widehem, qu'il a déclaré, ce qui a été constaté par les agents intervenant, qu'il disposait des clés du cadenas fermant la remorque, qu'aucune trace de dégradation n'a été constatée sur le cadenas ou sur la porte du compartiment, et que les fonctionnaires britanniques ont expressément précisé à leurs collègues policiers français qu'ils avaient entendu les cris provenant de la remorque alors qu'ils se trouvaient au niveau du conducteur qui était dans son habitacle.

18. Les juges en déduisent que ce dernier peut difficilement soutenir ne rien avoir remarqué, alors qu'il a insisté sur sa vigilance lors de ses arrêts.

19. Ils en concluent que M. B... n'a pu ignorer qu'il transportait, dans des conditions irrégulières, quinze personnes dans la remorque de son camion réfrigéré qui contenait déjà un chargement.

20. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'aide à l'entrée ou au séjour de personnes étrangères en situation irrégulière, a justifié sa décision.

21. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

22. Le moyen est pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 130-1, 132-1, 132-19 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale.

23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit y avoir lieu à infirmer le jugement déféré sur la peine et à aggraver celle-ci, en condamnant le demandeur au pourvoi à la peine de deux années d'emprisonnement et en prononçant une interdiction du territoire français de quatre ans, alors :

« 1°/ qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu'en motivant la peine de deux ans d'emprisonnement ferme qu'elle a choisi de prononcer à l'encontre du demandeur au pourvoi à l'aune de la seule gravité des faits et du caractère inadéquat de toute autre sanction, sans autrement s'expliquer sur la personnalité et la situation personnelle de celui-ci, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

2°/ que le juge qui décide de ne pas aménager la peine d'emprisonnement sans sursis qu'il prononce doit motiver spécialement sa décision, soit en établissant que la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle de le faire ; en se bornant à indiquer que « les éléments de personnalité communiqués comme la durée de l'emprisonnement ne mettent pas la Cour en mesure d'envisager un aménagement de l'emprisonnement », cependant qu'elle avait relevé que la compagne du demandeur au pourvoi était gravement malade et qu'il avait deux enfants, dont un à charge, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à satisfaire à l'exigence de motivation qui lui incombait et n'a, dès lors, pas justifié sa décision ;

3°/ qu'en matière correctionnelle toute peine, y compris une peine complémentaire, doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en s'abstenant purement et simplement de motiver la peine d'interdiction du territoire français de quatre ans prononcée à l'encontre du demandeur au pourvoi, d'une durée double à celle retenue par les premiers juges, la cour n'a pas justifié sa décision. »

Réponse de la Cour

23. Pour condamner le prévenu à une peine de deux ans d'emprisonnement et prononcer une interdiction du territoire français pendant quatre ans, l'arrêt retient que seule une peine d'emprisonnement est susceptible de réprimer justement les faits commis, s'agissant d'une participation active aux passages de migrants en situation irrégulière dans des conditions portant atteinte à la dignité humaine de ces personnes, migrantes en situation précaire.

24. Les juges relèvent, en outre, que les éléments de personnalité communiqués comme la durée de l'emprisonnement ne les mettent pas en mesure d'en envisager l'aménagement de cette peine.

25. En statuant ainsi, par des motifs, qui relèvent de son appréciation souveraine et qui sont exempts de toute insuffisance, la cour d'appel a justifié sa décision.

26. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.

27. L'arrêt est, par ailleurs, régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux septembre deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-81593
Date de la décision : 02/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 sep. 2020, pourvoi n°19-81593


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.81593
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