LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 juillet 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 770 FS-P+B+I
Pourvoi n° R 19-13.706
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUILLET 2020
La caisse de mutualité sociale agricole de Loire-Atlantique Vendée, dont le siège est [...] , et son établissement en Loire-Atlantique, [...] , a formé le pourvoi n° R 19-13.706 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2019 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre, sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique-Vendée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole de Loire-Atlantique Vendée, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique-Vendée, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, M. Rovinski, conseillers, Mmes Brinet, Palle, Le Fischer, M. Gauthier, Mmes Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, Mme Ceccaldi, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 janvier 2019), la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique-Vendée (la CRCAM) a fait l'objet de la part de la caisse de mutualité sociale agricole de Loire-Atlantique Vendée (la CMSA) d'un contrôle d'assiette sur salaires portant sur les années 2009 à 2011, à la suite duquel la CMSA lui a notifié le 5 octobre 2012 plusieurs chefs de redressement.
2. La CRCAM a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La CMSA fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement, alors « que la formalité de la lettre recommandée avec avis de réception, prévue par l'article D. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, n'est destinée qu'à régler toute contestation sur la date à laquelle l'avis est parvenu au cotisant ; qu'à ce titre, il ne s'agit pas d'une formalité substantielle, participant de la sauvegarde des droits de la défense, dont l'inobservation emporte nullité du contrôle indépendamment de la démonstration de tout grief ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article D. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, applicable à l'époque des faits. »
Réponse de la Cour
Vu l'article D. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret n° 2005-368 du 19 avril 2005, applicable au contrôle litigieux :
4. Aux termes de ce texte, sauf s'il est diligenté par un fonctionnaire cité à l'article L. 724-2 du même code ou s'il est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail, tout contrôle effectué en application de l'article L. 724-11 est précédé de l'envoi par la caisse de mutualité sociale agricole d'un avis adressé, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'employeur, au chef d'exploitation ou au titulaire d'allocation de vieillesse agricole ou de pension de retraite intéressé.
5. L'avis avant contrôle peut être délivré par l'organisme par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa réception.
6. Pour annuler les opérations de contrôle et de redressement, l'arrêt retient essentiellement que l'avis de contrôle de la CMSA du 6 avril 2012 n'a pas été adressé à la CRCAM, employeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, mais remis en mains propres contre décharge au responsable du service pilotage et gestion administrative des ressources humaines, et qu'en conséquence, faute d'avoir été précédé de l'envoi par la CMSA d'un avis adressé à l'employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le redressement subséquent est entaché de nullité, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la CMSA rapportait la preuve qu'elle avait avisé en temps utile la CRCAM du contrôle envisagé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique-Vendée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique-Vendée et la condamne à payer à la caisse de mutualité sociale agricole de Loire-Atlantique Vendée la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse de mutualité sociale agricole de Loire-Atlantique Vendée
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a, infirmant le jugement, annulé les opérations de contrôle et l'entier redressement ayant donné lieu à la mise en demeure du 21 décembre 2012 ;
AUX MOTIFS QUE « Par son courrier du 18 janvier 2013, le conseil de la CRCAM a saisi la commission de recours amiable d'une contestation portant sur le redressement objet de la lettre d'observations datée du 5 octobre 2012, il convient d'en déduire que la CRCAM était recevable à invoquer devant le tribunal des affaires de sécurité sociale la nullité de ce redressement ainsi que le tribunal l'a retenu à bon droit. L'article D. 723-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version issue du décret n° 2005-368 du 19 avril 2005 applicable au litige, disposait que : "Sauf s'il est diligenté par un fonctionnaire cité à l'article L. 724-2 du présent code ou s'il est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail, tout contrôle effectué en application de l'article L. 724-11 du présent code est précédé de l'envoi par la caisse de mutualité sociale agricole d'un avis adressé par lettre recommandée avec avis de réception à l'employeur, au chef d'exploitation ou au titulaire d'allocation de vieillesse agricole ou de pension de retraite intéressé." Il résulte de l'article D. 723-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version issue du décret n° 2005-368 du 19 avril 2005 applicable au redressement litigieux, que tout contrôle effectué en application de l'article L. 724-11 est précédé de l'envoi par la caisse de mutualité sociale agricole d'un avis adressé à l'employeur par lettre recommandée avec avis de réception, sauf dans le cas où le contrôle est diligenté par un fonctionnaire cité à l'article L. 724-2 du code rural et de la pêche maritime ou s'il est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail. Les agents de contrôle de la CMSA sont tenus d'informer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le cotisant du contrôle à venir afin d'assurer le respect du principe du contradictoire, à peine de nullité du redressement subséquent sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. En l'espèce, le contrôle n'a pas été diligenté par un fonctionnaire cité à l'article L. 724-2 du code rural et de la pêche maritime mais par les agents de contrôle agréés et assermentés de la CMSA Loire Atlantique-Vendée et n'a pas été effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail mais pour effectuer la vérification de l'assiette de calcul des cotisations légales et conventionnelles et des contributions sociales dues pour l'emploi du personnel salarié sur la période courant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi qu'il résulte notamment du document de fin de contrôle du 5 octobre 2012 (pièce n° 1 des productions de l'appelante). L'avis de contrôle de la CMSA du 6 avril 2012 n'a pas été adressé à la CRCAM, employeur, par lettre recommandée avec avis de réception, mais remis en mains propres à Mme T..., responsable du service pilotage et gestion administrative des ressources humaines contre décharge, (Pièce n° 1 des productions de l'intimée). En conséquence faute d'avoir été précédé de l'envoi par la CMSA d'un avis adressé à l'employeur par lettre recommandée avec avis de réception, le redressement subséquent est entaché de nullité, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. Par infirmation du jugement déféré, il convient dès lors d'annuler les opérations de contrôle et le redressement subséquent ayant donné lieu au document de fin de contrôle du 5 octobre 2012 et à la mise en demeure du 21 décembre 2012. » ;
ALORS QUE la formalité de la lettre recommandée avec avis de réception, prévue par l'article D. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, n'est destinée qu'à régler toute contestation sur la date à laquelle l'avis est parvenu au cotisant ; qu'à ce titre, il ne s'agit pas d'une formalité substantielle, participant de la sauvegarde des droits de la défense, dont l'inobservation emporte nullité du contrôle indépendamment de la démonstration de tout grief ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article D. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, applicable à l'époque des faits.