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09/07/2020 | FRANCE | N°19-17790

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 juillet 2020, 19-17790


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 402 F-D

Pourvoi n° E 19-17.790

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

Mme W... N..., veuve Y..., domiciliée [...] agissant tant en son nom p

ersonnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs R... et P..., a formé le pourvoi n° E 19-17.790 contre l'arrêt rendu le 2...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 402 F-D

Pourvoi n° E 19-17.790

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

Mme W... N..., veuve Y..., domiciliée [...] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs R... et P..., a formé le pourvoi n° E 19-17.790 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. X... J..., domicilié [...] ,

2°/ au GAEC de la Tour, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme N..., de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat du GAEC de la Tour, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme N... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. J....

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 mars 2019), par acte du 15 février 2008, I... Y... a consenti à M. J... un bail portant sur plusieurs parcelles qu'il exploitait auparavant. Celles-ci ont été mises à la disposition du GAEC de la Tour dont le preneur est associé.

3. I... Y... est décédé le 1er juillet 2010, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme N..., usufruitière de la totalité des biens dépendant de la succession, et leurs enfants mineurs, P... et R....

4. Par acte du 13 mars 2015, Mme N... a délivré à M. J... un congé pour reprise aux fins d'exploitation personnelle à effet du 30 septembre 2016.

5. Par requêtes des 9 juillet 2015 et 28 septembre 2017, M. J... et le GAEC de la Tour ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé et en répétition de l'indu assortie des intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Mme N..., agissant en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs fait grief à l'arrêt de rejeter sa fin de non-recevoir tendant à ce qu'il soit jugé que l'action du GAEC de la Tour est irrecevable comme prescrite, alors « que l'action en répétition de l'indu exercée à l'encontre du bailleur par un tiers au contrat de bail est soumise à la prescription quinquennale de droit commun ; qu'en jugeant, pour dire non prescrite l'action intentée le 4 octobre 2017, par le Gaec de la Tour contre R... Y... et P... Y..., nus-propriétaires des parcelles objet du bail, en leur qualité d'héritiers de I... Y..., en ce qu'elle l'avait été moins de 18 mois à compter de la date d'effet du congé fixée au 30 septembre 2016, que l'action en répétition de l'indu est ouverte à celui qui, à l'occasion du changement d'exploitant, a réglé les sommes alléguées pour le compte du preneur, sans que les dispositions de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime n'opèrent de distinction sur la durée du délai de prescription selon la qualité de tiers ou preneur de celui qui se prétend créancier d'un indu en sorte que l'action du Gaec de la Tour n'était pas soumise à la prescription quinquennale de droit commun du seul fait que le demandeur n'avait pas la qualité de preneur à bail, la cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, l'article 2262 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'article 26 de la loi précitée et les articles 2222 et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'action en répétition de l'indu régie par l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime n'est pas réservée au seul preneur et demeure ouverte à celui qui, à l'occasion du changement d'exploitant, a réglé les sommes pour le compte de celui-ci et qu'une telle action exercée à l'encontre du bailleur est, sans distinction selon la qualité du créancier de la restitution, recevable pendant la durée du bail initial et des baux renouvelés, ainsi que pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé pour reprise.

8. Elle a relevé que l'action dirigée contre les héritiers des parcelles prises à bail jusqu'au 30 septembre 2016, date d'effet du congé, avait été introduite le 4 octobre 2017, soit moins de dix-huit mois après.

9. Elle en a exactement déduit que l'action du GAEC de la Tour était recevable.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Mme N..., agissant en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, fait grief à l'arrêt de condamner, à hauteur de la moitié chacun, P... Y... et R... Y... en leurs qualités d'héritiers de I... Y..., représentés par leur mère, à payer au Gaec de la Tour la somme de 115 043 euros (cent quinze mille quarante-trois euros) avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2012 jusqu'au 14 octobre 2014 inclus et avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014, alors :

« 1°/ que Mme N... faisait valoir dans ses conclusions qu'était versée aux débats une facture comprenant des améliorations du fonds pour 21 ha 66 et en déduisait que la circonstance que l'indu allégué ait été facturé sur une base de 21 ha 66, soit une surface supérieure à la superficie de 16 ha 69 a 40 ca des terres louées par I... Y... à M. J..., établissait que le paiement litigieux avait été effectué par un exploitant entrant à un exploitant sortant de sorte qu'il ne pouvait être qualifié d'indu au sens de l'article L. 411-74 ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir le caractère indu du paiement, que la facture numérotée [...] était relative à l'amélioration du fonds d'une surface de 21 ha 66 a et mentionnait un acompte par chèque numéro [...] d'un montant de 107 194,59 €, qu'il était établi, par les relevés de compte du Gaec de la Tour et la copie du chèque n° [...] émis le 4 février 2018 que ce dernier avait réglé ladite somme à I... Y... et que les améliorations culturales, au demeurant non établies, ne pouvaient être mises à la charge du preneur entrant, la cour d'appel qui n'a pas répondu au moyen opérant précité à violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la facture n° [...] en date du 4 février 2018 faisait état d'une amélioration du fonds pour 21h 66, de DPU [Droits à Paiement Unique] et d'une autre immobilisation incorporelle, respectivement facturés à hauteur de 21 898,26 €, de 3 968 € et de 101 386,74 €, soit un total de 127 253 € HT et de 152 194,59 € TTC, dont la somme de 107 194,59 € avait été payée, à titre d'acompte, par un chèque numéroté [...] ; qu'en énonçant, pour retenir le caractère indu du paiement, que les améliorations culturales, au demeurant non établies, ne peuvent être mises à la charge du preneur entrant, que les quotas laitiers ne peuvent être cédés et qu'il n'est pas démontré l'existence d'une contrepartie aux « autres immobilisations incorporelles », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la facture n° [...] qui ne faisait pas état de quotas laitiers mais de droits à paiement unique, violant ainsi le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

3°/ que Mme N... soutenait dans ses conclusions que le Gaec de la Tour demandait qu'elle soit condamnée au paiement de la somme de 123 285 € alors même que la facture en date du 4 février 2008 faisait état d'améliorations du fonds pour 21ha 66 à hauteur de 21 898,26 € ; qu'en se bornant à énoncer que les améliorations culturales, au demeurant non établies, ne pouvaient être mises à la charge du preneur entrant, que les quotas laitiers ne pouvaient être cédés et qu'il n'était pas démontré l'existence d'une contrepartie aux « autres immobilisations incorporelles », la cour d'appel n'a pas répondu au moyen opérant par lequel Mme N... l'invitait à se prononcer sur les éléments facturés autres que les améliorations du fonds figurant sur la facture n° [...], et notamment sur les DPU, et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu' il incombe au demandeur en restitution de sommes qu'il prétend avoir indûment payées de prouver le caractère indu du paiement ; qu'en énonçant qu'il n'était pas démontré l'existence d'une contrepartie aux « autres immobilisation incorporelles » non détaillées sur la facture n° [...], la cour d'appel, qui a ainsi fait peser sur le bailleur la charge de la preuve du caractère indu du paiement, a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

5°/ que les sommes perçues par un bailleur en vue de la passation d'un bail et à l'occasion d'un changement d'exploitant sont sujettes à répétition ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante qu'il était établi, par les relevés de comptes du Gaec de la Tour et la copie d'un chèque n° [...] émis le 4 février 2008, que L'Earl K... dont M. J... était associé, et aux droits de laquelle le Gaec de la Tour justifiait venir, avait réglé la somme de 9 776,50 € à I... Y... peu de temps avant la conclusion du bail rural intervenue le 15 février 2008, la cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

10. En premier lieu, répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la qualité de bailleur de I... Y... était attestée par le bail du 15 février 2008 versé aux débats et qu'aucun élément n'établissait qu'il aurait pu avoir la qualité de preneur sortant.

11. En deuxième lieu, procédant à un rapprochement entre une facture présentée au paiement à l'occasion du transfert d'exploitation et un document contractuel procédant à la détermination des biens cessibles, la cour d'appel a, sans dénaturation et sans délaisser les conclusions dont elle était saisie sur ce point, énoncé les éléments qui ne pouvaient faire l'objet d'une valorisation.

12. En troisième lieu, dès lors qu'il incombe au bailleur d'établir que les sommes facturées au preneur entrant étaient causées, la cour d'appel a retenu souverainement, sans inverser la charge de la preuve, qu'il n'était justifié d'aucune contrepartie à diverses immobilisations incorporelles et que le GAEC de la Tour démontrait suffisamment que la somme versée à I... Y..., concomitamment à la concession d'un bail par celui-ci, constituait un indu au sens de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme N... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme N....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme N... agissant en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs R... Y... et P... Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa fin de non-recevoir tendant à ce qu'il soit jugé que l'action du Gaec de la Tour était irrecevable comme prescrite ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription : Mme N... ès qualité soutient que le Gaec de la Tour a appelé tardivement à la procédure P... et R... M. héritiers de I... Y... ; qu'en application de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 18 juin suivant, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'auparavant la prescription était trentenaire ; que l'action en répétition de l'indu n'est pas réservée au seul preneur et est ouverte à celui qui, à l'occasion du changement d'exploitant, a réglé les sommes alléguées pour le compte du preneur ; qu'exercée contre le bailleur, l'action en répétition de l'indu demeure, aux termes de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé ; que les premiers juges ont retenu que l'action étant dirigée contre le conjoint survivant et les héritiers du bailleur défunt, les règles relatives à l'action diligentée contre le bailleur s'appliquent, que l'action étant recevable pendant toute la durée du bail augmentée de 18 mois à compter de la date d'effet du congé, soit le 30 septembre 2016, et que le GAEC de la tour ayant introduit son action en répétition par requête du 9 juillet 2015 reçue le 10 juillet 2015, son action est recevable ; qu'en cause d'appel, la demande de répétition de l'indu n'est dirigée que contre les héritiers de I... Y... à l'exclusion de Mme N... en son nom personnel ; que Mme N... soutient que l'action du Gaec de la Tour en sa qualité de tiers au contrat de bail est dirigée contre le preneur sortant ; qu'elle en déduit qu'elle est soumise au délai de prescription de droit commun réduit à cinq ans et que, si paiement il y a eu, celui-ci étant allégué comme étant intervenu le 4 février 2008, l'action était prescrite depuis le 4 février 2013 ; que contrairement à ce que soutient Mme N..., I... Y... n'avait pas la qualité de preneur sortant à l'égard de M. J... puisqu'il lui a donné à bail les parcelles qu'il exploitait personnellement ; que les dispositions de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime relatives à la prescription de l'action en répétition de l'indu exercée à l'encontre du bailleur n'opèrent aucune distinction sur la durée du délai de prescription selon la qualité de tiers ou preneur de celui qui se prétend créancier d'un indu ; qu'ainsi, l'action du Gaec de la Tour n'est pas soumise à la prescription quinquennale de droit commun du seul fait que le Gaec de la Tour n'a pas la qualité de preneur à bail ; que l'action dirigée contre les héritiers nus-propriétaires des parcelles litigieuses prises à bail jusqu'au 30 septembre 2016, date d'effet du congé contesté, a été introduite le 4 octobre 2017, soit moins de 18 mois à compter de la date d'effet du congé ; qu'en l'absence d'autres moyens développés à l'appui de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a rejetée ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur le moyen tiré de la prescription : l'action en répétition de l'indu n'est soumise à aucune règle particulière de prescription ; que si la prescription trentenaire de droit commun, devenue quinquennale depuis la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, s'applique quand l'action est dirigée contre le preneur sortant, en revanche, quand elle est dirigée contre le bailleur, l'action est recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés, et en cas d'exercice de la reprise, comme en l'espèce, le preneur peut encore agir pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé, ces règles s'appliquant quel que soit l'auteur de l'action ; que Mme N... prétend que si versement il y a eu, l'action est prescrite depuis le 4 février 2013 ; qu'en l'espèce, il s'agit d'une action en répétition dirigée contre [
] les héritiers du bailleur défunt, de sorte qu'il doit être considéré que les règles relatives à l'action contre le bailleur s'appliquent, l'action étant ainsi recevable pendant toute la durée du bail augmentée de 18 mois à compter de la date d'effet du congé, soit le 30 septembre 2016, madame N... faisant valoir son droit de reprise pour exploitation personnelle [
];

ALORS QUE l'action en répétition de l'indu exercée à l'encontre du bailleur par un tiers au contrat de bail est soumise à la prescription quinquennale de droit commun ; qu'en jugeant, pour dire non prescrite l'action intentée le 4 octobre 2017, par le Gaec de la Tour contre R... Y... et P... Y..., nus-propriétaires des parcelles objet du bail, en leur qualité d'héritiers de I... Y..., en ce qu'elle l'avait été moins de 18 mois à compter de la date d'effet du congé fixée au 30 septembre 2016, que l'action en répétition de l'indu est ouverte à celui qui, à l'occasion du changement d'exploitant, a réglé les sommes alléguées pour le compte du preneur, sans que les dispositions de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime n'opèrent de distinction sur la durée du délai de prescription selon la qualité de tiers ou preneur de celui qui se prétend créancier d'un indu en sorte que l'action du Gaec de la Tour n'était pas soumise à la prescription quinquennale de droit commun du seul fait que le demandeur n'avait pas la qualité de preneur à bail, la cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, l'article 2262 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'article 26 de la loi précitée et les articles 2222 et 2224 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(à titre subsidiaire)

Mme N... agissant en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs R... Y... et P... Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné, à hauteur de la moitié chacun, P... Y... et R... Y... en leurs qualités d'héritiers de I... Y..., représentés par leur mère, Mme N..., à payer au Gaec de la Tour la somme de 115 043 euros (cent quinze mille quarante-trois euros) avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2012 jusqu'au 14 octobre 2014 inclus et avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'action en répétition de l'indu : les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part successorale ; que selon l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30000 € ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci ; que les sommes indûment perçues et sujettes à répétition sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points ; que la prescription des intérêts est quinquennale ; que P... et R... Y... sont chacun héritiers pour moitié de la succession de I... Y... ; qu'à l'appui de sa demande, le Gaec de la tour produit un document intitulé « détermination des biens cessibles » non daté et non contesté en ce que les signatures apposées sont imputées à I... Y... et M. J... ; que ce document atteste d'un accord des parties sur les éléments suivants : « améliorations du fonds et quota laitier : 6603 euros/ ha X 21,96 Ha = 145000 euros Matériel (voir liste ci dessous) : = 23000 euros (...)TOTAL = 168000euros » ; que deux factures du 4 février 2008, imputées à I... Y... adressées au Gace de la tour mais non signées, sont produites ; que celle portant le numéro 24, d'un montant de 32 292 euros toutes taxes comprises est relative à la cession d'un matériel détaillé et porte mention du numéro de chèque [...] à titre de paiement ; que la seconde, numérotée 26, est relative à l'amélioration du fonds d'une surface de 21 ha 66 a, aux droits à paiement unique et à une autre immobilisation incorporelle pour un montant total de 152 194,59 euros, et mentionne un acompte par chèque numéro [...] d'un montant de 107 194,59 euros ; qu'il est établi par les relevés de compte du Gaec de la tour et les copies de chèques émis le 4 février 2008 que l'Earl K..., dont M. J... était associé et aux droits de laquelle le Gaec de la tour justifie venir, a payé les sommes de 107 194,59 euros (chèque n°[...]), de 9 776,50 euros (chèque n°[...]) et 32 292 euros (chèque [...]) à I... Y... par débit de ces chèques sur le compte du Gaec de la tour ; que la preuve d'un paiement de 45 000 euros par chèque du 4 mai 2008 n'est pas rapportée par la production de la seule copie du chèque et par des extraits du « journal auxiliaire » de l'année 2007/2008 produit en pièce 6 par M. J... et le Gaec de la tour ; qu'ainsi, le Gaec de la tour, ayant pour associé M. J..., preneur, a payé à I... Y..., bailleur, une somme de 149 263,09 euros peu de temps avant la conclusion du bail rural le 15 février 2008 ; que la réalité de la cession de matériel pour un montant de 32 292 euros toutes taxes comprises est établie au vu de l'extrait de journal auxiliaire produit par le Gaec de la tour et M. J... ; qu'en revanche, les améliorations culturales, au demeurant non établies, ne peuvent être mises à la charge du preneur entrant, que les quotas laitiers ne peuvent être cédés ; qu'il n'est pas démontré l'existence d'une contrepartie aux « autres immobilisations incorporelles » non détaillées sur la facture n°[...] ; qu'ainsi, sans qu'il y ait lieu de réduire le montant des améliorations à la surface des parcelles réellement prises à bail, le Gaec de la tour justifie que la somme de 116 971,09 euros versée à I... M. est constitutif d'un indu au sens de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ; que toutefois, le Gaec de la tour limite sa demande à la somme de 115 043 euros fixée par les premiers juges dès lors qu'il demande la confirmation du jugement de ce chef ; que la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, qui a modifié le deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime relatif au taux d'intérêt dû sur les sommes indûment perçues, est immédiatement applicable aux instances en cours, mais ne s'applique pas rétroactivement à la répétition de sommes versées antérieurement à la date de son entrée en vigueur ; qu'en conséquence, les intérêts ayant couru avant l'entrée en vigueur de la loi doivent être calculés en application du seul taux légal sans pouvoir être majorés de trois points ; que cette loi est entrée en vigueur le 15 octobre 2014 ; que la requête en répétition de l'indu dirigée contre P... et R... Y..., héritiers de I... Y..., représentés par Mme N... a été reçue le 4 octobre 2017 de sorte que les intérêts ne peuvent courir qu'à compter du 4 octobre 2012 ; que la capitalisation annuelle des intérêts sera ordonnée à compter du 4 octobre 2017 et non du 10 juillet 2015, date de réception de la requête en répétition de l'indu dirigée contre Mme N... en son nom personnel, comme décidé par les premiers juges ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé sur le taux et le point de départ des intérêts et sur la capitalisation annuelle des intérêts ; que Mme N... ès qualité de représentante légale de ses enfants mineurs P... et R... Y..., chacun personnellement tenu pour moitié, sera condamnée à payer au Gaec de la tour la somme de 115 043 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2012 jusqu'au 14 octobre 2014 inclus et avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014 ; que la capitalisation annuelle des intérêts sera ordonnée par années entières et successives à compter du 4 octobre 2017 ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la demande en répétition de l'indu : en vertu de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime : sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 € ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci ; que les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition ; qu'elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement (L. no 2014-770 du 13 oct. 2014, art 9-1) « et égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points » ; qu'en cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 % ; que l'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé ; que comme il a été dit précédemment l'action dirigée par le Gaec de la Tour en sa qualité de payeur pour le compte tenu preneur, monsieur X... J..., à l'encontre des [
] héritiers ou ayants droits du défunt bailleur est recevable ; que la qualité de bailleur de monsieur I... Y... est attestée par le bail à ferme du 15 février 2008 versé aux débats, aucun élément ne venant étayer la thèse selon laquelle il aurait pu avoir la qualité de preneur sortant s'agissant des terres objet de ce bail et du congé délivré à la demande de madame N... le 13 mars 2015 ; que le Gaec de la Tour justifie d'un document intitulé « détermination des biens cessibles » signé par monsieur Y... et par monsieur X... J... qui révèle un accord des parties sur les éléments suivants : « - Amélioration du fonds 6603 euros/hax21, 96 ha = 145 000 euros / - Matériel (voir liste ci-dessus) : 23 000 euros » ; que ce document est étayé par deux factures du 4 février 2008 établies par monsieur I... Y... à l'intention du Gaec de la Tour ; que la première, numéro 24, porte sur un montant de 32 292 euros TTC mais ne porte que sur le matériel qui est détaillé ; que la seconde, numéro [...], porte sur l'amélioration du fonds d'une surface de 21 ha 66 a euros pour un montant total de 152 194,59 euro, et mentionne le versement d'un acompte par chèque numéro [...] d'un montant de 107 194,59 euros ; que le paiement de la somme de 107 194,59 euros par chèque est corroboré par un relevé de compte du Gaec de la Tour arrêté au 15 février 2008, ainsi qu'une copie du chèque ; qu'il est également établi, par ce relevé de compte et les copies de chèques, que le 4 février 2008, l'Earl Van Den Poorten, aux droits de laquelle vient le Gaec de la Tour a payé les sommes de 9 776,50 euros et 32 292,00 euros, ; qu'ainsi, le Gaec de la Tour ayant pour associé monsieur X... J..., preneur, a payé à monsieur I... Y..., bailleur, une somme de 149 265,09 euros peu de temps avant le bail conclu entre ces derniers le 15 février 2008 ; qu'il n'est justifié d'aucune contrepartie et notamment d'aucune amélioration de fonds, en contrepartie du versement de cette somme ; qu'ainsi le Gaec de la Tour justifie suffisamment que le montant de 149 262,09 euros qu'elle a versé à monsieur I... Y... est constitutif d'un indu au sens de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, lequel doit être répété [
] ; qu'il résulte de l'attestation de dévolution successorale établie le 21 décembre 2011 par Maître T... O..., que monsieur I... Y... et son épouse W... N... étaient mariés sous le régime de la séparation de biens pure et simple, qu'en sa qualité de conjoint survivant elle est donataire de l'usufruit de l'universalité des biens et droits immobiliers dépendant de la succession, qu'elle est héritière, en vertu de l'article 757 du code civil, au choix, soit de la totalité en usufruit, soit du quart en pleine propriété des biens existants de la succession, que les enfants mineurs, R... et P... Y... sont héritiers ou ayants droit, sauf sur les droits du conjoint survivant, ensemble pour la totalité des biens en pleine propriété, et chacun pour moitié ; qu'il est établi que madame W... N... a opté pour l'usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession du défunt [
] ; qu'en conséquence, R... Y... et P... Y..., en leur qualité d'héritiers ou ayants droit de leur père défunt, I... Y..., représentés par leur mère et administratrice légale de leurs biens, W... N... veuve Y..., seront condamnés à payer au Gaec de la Tour la somme de 115 043,00 euros ;

1°) ALORS QUE Mme N... faisait valoir dans ses conclusions qu'était versée aux débats une facture comprenant des améliorations du fonds pour 21ha 66 et en déduisait que la circonstance que l'indu allégué ait été facturé sur une base de 21ha 66, soit une surface supérieure à la superficie de 16ha 69a 40ca des terres louées par I... Y... à M. J..., établissait que le paiement litigieux avait été effectué par un exploitant entrant à un exploitant sortant de sorte qu'il ne pouvait être qualifié d'indu au sens de l'article L. 411-74 ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir le caractère indu du paiement, que la facture numérotée 26 était relative à l'amélioration du fonds d'une surface de 21 ha 66 a et mentionnait un acompte par chèque numéro [...] d'un montant de 107 194,59€, qu'il était établi, par les relevés de compte du Gaec de la Tour et la copie du chèque n°[...] émis le 4 février 2018 que ce dernier avait réglé ladite somme à I... Y... et que les améliorations culturales, au demeurant non établies, ne pouvaient être mises à la charge du preneur entrant, la cour d'appel qui n'a pas répondu au moyen opérant précité à violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la facture n°[...] en date du 4 février 2018 faisait état d'une amélioration du fonds pour 21h 66, de DPU [Droits à Paiement Unique] et d'une autre immobilisation incorporelle, respectivement facturés à hauteur de 21 898,26€, de 3 968€ et de 101 386,74€, soit un total de 127 253€ HT et de 152 194,59€ TTC, dont la somme de 107 194,59€ avait été payée, à titre d'acompte, par un chèque numéroté [...] ; qu'en énonçant, pour retenir le caractère indu du paiement, que les améliorations culturales, au demeurant non établies, ne peuvent être mises à la charge du preneur entrant, que les quotas laitiers ne peuvent être cédés et qu'il n'est pas démontré l'existence d'une contrepartie aux « autres immobilisations incorporelles », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la facture n°[...] qui ne faisait pas état de quotas laitiers mais de droits à paiement unique, violant ainsi le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

3°) ALORS, en toute hypothèse, QUE Mme N... soutenait dans ses conclusions que le Gaec de la Tour demandait qu'elle soit condamnée au paiement de la somme de 123 285€ alors même que la facture en date du 4 février 2008 faisait état d'améliorations du fonds pour 21ha 66 à hauteur de 21 898,26€ ; qu'en se bornant à énoncer que les améliorations culturales, au demeurant non établies, ne pouvaient être mises à la charge du preneur entrant, que les quotas laitiers ne pouvaient être cédés et qu'il n'était pas démontré l'existence d'une contrepartie aux « autres immobilisations incorporelles », la cour d'appel n'a pas répondu au moyen opérant par lequel Mme N... l'invitait à se prononcer sur les éléments facturés autres que les améliorations du fonds figurant sur la facture n°[...], et notamment sur les DPU, et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU' il incombe au demandeur en restitution de sommes qu'il prétend avoir indûment payées de prouver le caractère indu du paiement ; qu'en énonçant qu'il n'était pas démontré l'existence d'une contrepartie aux « autres immobilisation incorporelles » non détaillées sur la facture n°[...], la cour d'appel, qui a ainsi fait peser sur le bailleur la charge de la preuve du caractère indu du paiement, a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

5°) ALORS QUE les sommes perçues par un bailleur en vue de la passation d'un bail et à l'occasion d'un changement d'exploitant sont sujettes à répétition ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante qu'il était établi, par les relevés de comptes du Gaec de la Tour et la copie d'un chèque n°[...] émis le 4 février 2008, que L'Earl K... dont M. J... était associé, et aux droits de laquelle le Gaec de la Tour justifiait venir, avait réglé la somme de 9 776,50€ à I... Y... peu de temps avant la conclusion du bail rural intervenue le 15 février 2008, la cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-17790
Date de la décision : 09/07/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 21 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 jui. 2020, pourvoi n°19-17790


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.17790
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