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09/07/2020 | FRANCE | N°19-16022

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 juillet 2020, 19-16022


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 392 F-D

Pourvoi n° G 19-16.022

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

Mme A... N..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° G 19-16.022

contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société La Belle Marie,...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 392 F-D

Pourvoi n° G 19-16.022

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

Mme A... N..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° G 19-16.022 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société La Belle Marie, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de Mme N..., de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société La Belle Marie, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2018), le 25 novembre 1991, Mme L..., aux droits de laquelle se trouve la SCI La Belle Marie, a consenti à Mme N... le renouvellement d'un bail commercial, moyennant un loyer annuel de 48 000 francs (7 317,55 euros). Le bail s'est poursuivi par tacite prolongation à compter du 1er octobre 2000.

2. Le 21 janvier 2004, la SCI La Belle Marie a délivré à Mme N... un congé avec offre de renouvellement à effet du 31 juillet 2004 et fixation du nouveau loyer à la somme annuelle de 26 000 euros.

3. Les parties n'étant pas parvenues à un accord sur le prix du bail renouvelé, la SCI La Belle Marie a saisi le juge des loyers commerciaux.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme N... fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le montant du nouveau loyer, alors « que pour fixer la valeur locative, les améliorations apportées aux locaux aux frais exclusifs du preneur peuvent être prises en compte lors du second renouvellement du bail qui suit leur réalisation ; qu'en l'espèce, Mme N... a fait valoir qu'elle avait fait réaliser à ses frais, en 1991, d'importants travaux de rénovation des locaux loués, qui étaient alors vétustes, et que pour la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er août 2004 (1er renouvellement suivant la réalisation des travaux), il ne devait pas être tenu compte de ces travaux, de sorte que la valeur locative devait être fixée en considération d'un local en état d'usage très avancé et non pas d'un local en très bon état ; qu'en décidant de fixer le loyer à la somme de 21 488 euros par an hors taxes et hors charges, après avoir écarté l'argumentation de Mme N... soutenant que le local devait être apprécié tel qu'il se trouvait avant qu'elle ne procède aux aménagements, aux motifs que les caractéristiques du local considéré doivent être examinées à la date du renouvellement, soit le 1er août 2004, quand les aménagements réalisés ne pouvaient être pris en considération, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33 et R. 145-8 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a relevé qu'au vu des pièces produites par la locataire les travaux d'aménagement des lieux avaient été effectués à la suite de la cession du droit au bail intervenue le 21 février 1991 et avant le renouvellement du bail conclu le 25 novembre 1991.

6. Elle a déduit, à bon droit, de ce seul motif, que ces améliorations devaient être prises en compte dans le prix du bail renouvelé à compter du 1er août 2004, soit lors du second renouvellement suivant leur réalisation.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme N... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme N... et la condamne à payer à la SCI La Belle Marie la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme N....

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le montant du loyer renouvelé à compter du 1er août 2004 à la somme de 21 488 euros, hors taxes et hors charges ;

Aux motifs que « la cour constate que le bail a été conclu pour une durée de 9 années à compter du 1er octobre 1991 ; qu'il a été donné congé par acte d'huissier en date du 21 janvier 2004 pour le 31 juillet 2004. Il s'ensuit que le bail s'est poursuivi par tacite prolongation pendant plus de 12 ans de sorte que le loyer doit être fixé à la valeur locative par application de l'alinéa 3 de l'article L145-34 du code de commerce.
Le loyer étant fixé à la valeur locative en raison de sa durée, les règles du plafonnement ne s'appliquent pas et il n'est pas exigé la démonstration d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° a 4° de l'article L.145-33 du code de commerce pour déplafonner le loyer de sorte que la qualification des travaux (modification des caractéristiques des locaux, amélioration ou adaptation à l'activité) est sans objet sur le fait de savoir s'ils doivent donner lieu ou non au déplafonnement du loyer. En outre les travaux ont été effectués suite à la cession du droit au bail intervenu le 21 février 1991 et avant la conclusion du bail conclu "à titre de renouvellement" entre les parties le 25 novembre 1991, à effet au 1er octobre 1991 au vu des pièces produites par l'appelante.
Dés lors les caractéristiques du local considéré, et donc ses aménagements, doivent être examinés à la date du renouvellement, soit le 1er août 2004.
En conséquence, le loyer du bail commercial portant sur le local situe [...] doit être examiné selon sa valeur locative, déterminée en fonction des cinq critères précités posés par l'article L. 145-33 du code de commerce.
Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que les locaux sont situés sur la rue de France, voie à sens unique de circulation de 350 mètres reliant la [...] dans un quartier résidentiel et touristique disposant d'une offre commerciale de qualité. S'il est exact comme l'indique Mme A... N..., que la rue de France n'offre pas la même commercialité que la rue Grande, qui comprend de nombreuses enseignes nationales, le [...] est situé dans l'environnement historique du Château et à moins de [...] qui structurent le centre-ville commerçant. Le commerce dont s'agit se situe ainsi sur un tronçon de la rue de France sur lequel il y a un bon niveau de passage et de fréquentation et qui comprend en continu des commerces en pied d'immeuble. Au demeurant Mme S..., expert amiable de Mme A... N..., qui considère que la commercialité de la rue de France est moyenne, sans apporter de précision sur le tronçon où se situent les locaux, a néanmoins relevé la bonne situation du commerce dont s'agit dans un coeur de ville présentant une offre diversifiée et une commercialité stable. Si Mme A... N... souligne que la rue de France ne draine pas une clientèle touristique comme la rue Grande, cela est sans réelle incidence sur le commerce considéré s'agissant d'un institut de beauté. Le [...] n'est pas piétonnier comme le secteur environnant mais, au vu des photographies du rapport d'expertise judiciaire, le tronçon où se situent les locaux dispose de trottoirs élargis. Enfin l'expert judiciaire a noté que le revenu moyen de la ville de Fontainebleau était supérieur à la moyenne nationale.
Il s'agit par conséquent d'un emplacement de bonne commercialité adapté à l'activité exercée.
L'activité exploitée dans les locaux est conforme à la destination contractuelle du bail et le bail ne comprend pas de clause exorbitante de droit commun. Les locaux dépendent d'un immeuble ancien élevé sur sous-sol d'un rez-de-chaussée commercial et de trois étages droits, présentant un état correct sur rez-de-chaussée avec un ravalement ancien.
Les locaux comprennent :
- au rez-de chaussée, une boutique sur rue de 30 m², une 2ème zone de 35 m² comprenant trois cabines de soins et des sanitaires et une porte donnant accès au local sur cour,
- au 1er étage, accessible depuis la boutique par un escalier étroit et par les parties communes un appartement de 67 m² de 3 pièces, cuisine, salle de bain et toilette,
- au sous-sol, reliée à la boutique par un escalier étroit une cave de 40 m² à usage de réserve.
L'entrée dans la boutique se fait par une portée vitrée centrale et bien que le local soit en profondeur, le linéaire de vitrine est de 4,65 mètres ce qui confère au commerce dont s'agit une bonne visibilité, sa façade sur rue étant entièrement vitrée.
Ce descriptif est corroboré par les photographies annexées au rapport.
Le local commercial du rez-de-chaussée recevant la clientèle a été rénové par la locataire, est bien agencé par rapport à l'activité exercée et est en très bon état avec du parquet au sol, murs peints, faux plafond avec éclairages par spots encastrés, climatisation et chauffage. Au demeurant la locataire justifie des travaux d'aménagement qu'elle a effectués pour un montant de 396 076 francs.
Le local sur cour d'environ 35 m² est à usage de réserve et est en état médiocre. La partie d'habitation est, au vu des photographies, en état d'usage avec des fenêtres sur cour de qualité médiocre.
L'expert judiciaire retient une valeur locative au 1er août 2004 pour la surface commerciale de 16.032 euros (prix unitaire de 290 euros/m²p x 55,28m²p) et une valeur locative pour la partie habitation de 7.848 euros.
L'expert judiciaire a pondéré la partie commerciale par application des coefficients publiés par la compagnie des experts (AJDI 1999) applicables à l'espèce s'agissant d'un bail renouvelé au 1er août 2004.

Les coefficients de pondération appliqués par l'expert judiciaire seront retenus, celui-ci ayant notamment tenu compte du fait que les lieux se développent en profondeur et que les salles de soins sont desservies par un couloir étroit, sauf pour le coefficient relatif à la cave qui sera fixé à 0,15 au lieu de 0,20 en raison de son accès mal commode celui de l'atelier sur cour sera pondéré à 0,20 au lieu de 0,30 en raison de son état médiocre lié à la vétusté.
Il s'ensuit que la surface pondérée du rez-de-chaussée est de 46,21 m², celle du sous-sol de 4,32 m²p soit un total de 50,53 m²p au lieu de 55,28m²p retenu par le jugement entrepris.
L'expert judiciaire n'a pas pondéré la partie habitation accessible par le local commercial mais aussi par les parties communes, ce qui n'est pas discuté. La surface utile du 1er étage à usage d'habitation est donc de 65,40m².
La cour rappelle que les références de comparaison ne sont qu'un des éléments de la valeur locative.
Comme l'indique l'appelante, certaines références retenues par l'expert judiciaire incluent l'amortissement du prix de cession, ce qui n'entre pas dans les critères de fixation de la valeur locative, elles doivent donc être retraitées afin de déterminer le loyer unitaire, soit pour le [...] (téléphonie) un loyer unitaire de 280 euros/m²p au lieu de 405 7 euros/m²p et pour place de la république (prêt à porter) un loyer unitaire de 209 euros/m²p au lieu de 412 euros/m²p.
Les autres références locatives sont conformes aux dispositions de l'article R. 145-7 du code de commerce, elles sont détaillées, comprennent l'activité exercée dans les locaux, leur surface pondérée et leur localisation, certaines des références étant issues au surplus de la rue de France.
Comme il l'a été précédemment indiqué, l'expert judiciaire a écarté à juste titre les termes de comparaison incomplets ainsi que ceux relatifs à des offres qui ne sont pas des baux conclus.
Les termes de comparaison issus du rapport d'expertise judiciaire retenus par la cour sont les suivants :
- locations nouvelles de 209 euros/m²p à 409 euros/m²p (prêt à porter bail de 2003) dont un loyer de 308 euros/m²p (produits et soins de beauté [...] ) et un loyer de 271 euros/m²p (salon de coiffure bail du 01/01/2000),
- renouvellements amiables : 222 euros/m²p (vins, spiritueux bail renouvelé le 09/01/2000) à 281 euros/m²p (agence immobilière),
- une fixation judiciaire pour un loyer déplafonné au 01/01/1999 : 171 euros/m²p (prêt à porter rue des sablons).
En procédant à une analyse comparative des loyers unitaires d'autres locaux rue de France et dans le secteur environnant, au regard de l'ensemble des facteurs de la valeur locative en prenant notamment en considération l'emplacement de bonne commercialité adapté à l'activité exercée, les caractéristiques physiques des locaux en profondeur mais avec une bonne visibilité sur rue, l'agencement et le très bon état de la partie du local recevant la clientèle mais l'état médiocre de l'atelier sur cour à usage de réserve, les clauses et conditions locatives ainsi que la nature de l'activité exercée, la valeur locative unitaire du local commercial s'établit à 270 €/m²p, soit : 50,53 m²p x 270 euros = 13 643,10 euros arrondi à 13.640 €.
Il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement pour vétusté comme le sollicite Mme A... N... qui soutient que le local doit être apprécié tel qu'il se trouvait avant qu'elle ne procède aux aménagements. En effet comme précédemment indiqué, les caractéristiques du local considéré doivent être examinées à la date du renouvellement, soit le 1er août 2004. Enfin il n'y pas davantage lieu à minorer la valeur locative en raison du prix de la cession du fonds de commerce conclu entre Mme A... N... et la précédente locataire, le prix de cession n'étant pas un élément de la valeur locative.
Il s'ensuit que la valeur locative de la partie commerciale des locaux est de 13 640 €/an, hors taxes et hors charges.
L'expert judiciaire a retenu pour la partie habitation un loyer unitaire de 10 euros/m² par mois (soit 120 euros annuel) s'agissant d'une habitation dépendant d'une location commerciale reliée audit local par un accès peu commode et disposant d'une entrée indépendante par les parties communes, d'agencement banal et en état d'usage. Les parties ne discutent pas le prix unitaire qui sera donc retenu.
Le loyer annuel de la partie habitation s'établit comme suit : 65,40 m² x 120 euros = 7 848 euros.
Par conséquent, le loyer du bail renouvelé à compter du 1er août 2004 est de 21 488 euros/an hors taxes et hors charges (13 640 euros + 7 848 euros).
Le jugement entrepris qui a fixé le loyer à la somme de 23.880 euros hors taxes et hors charges sera donc infirmé » (arrêt, p. 6 à 8) ;

Alors que pour fixer la valeur locative, les améliorations apportées aux locaux aux frais exclusifs du preneur peuvent être prises en compte lors du second renouvellement du bail qui suit leur réalisation ; qu'en l'espèce, Mme N... a fait valoir qu'elle avait fait réaliser à ses frais, en 1991, d'importants travaux de rénovation des locaux loués, qui étaient alors vétustes, et que pour la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er août 2004 (1er renouvellement suivant la réalisation des travaux), il ne devait pas être tenu compte de ces travaux, de sorte que la valeur locative devait être fixée en considération d'un local en état d'usage très avancé et non pas d'un local en très bon état ; qu'en décidant de fixer le loyer à la somme de 21 488 euros/an hors taxes et hors charges, après avoir écarté l'argumentation de Mme N... soutenant que le local devait être apprécié tel qu'il se trouvait avant qu'elle ne procède aux aménagements, aux motifs que les caractéristiques du local considéré doivent être examinées à la date du renouvellement, soit le 1er août 2004, quand les aménagements réalisés ne pouvaient être pris en considération, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33 et R. 145-8 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-16022
Date de la décision : 09/07/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 jui. 2020, pourvoi n°19-16022


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.16022
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