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09/07/2020 | FRANCE | N°19-11643

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 juillet 2020, 19-11643


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 595 F-D

Pourvoi n° Y 19-11.643

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

M. W... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-11.643 cont

re l'arrêt rendu le 4 décembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (sécurité sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société SNF Floerger, d...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 595 F-D

Pourvoi n° Y 19-11.643

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

M. W... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-11.643 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (sécurité sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société SNF Floerger, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Compagnie Zurich assurances, dont le siège est [...] ,

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. X..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société SNF Floerger, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 décembre 2018), M. X... (la victime), salarié de la société SNF Floerger (l'employeur) en qualité de polymériseur, a été victime, le 23 novembre 2009, alors qu'il déversait le contenu d'un fût contenant du persulfate d'ammonium dans une cuve de mélange, d'un accident consécutif à une explosion, qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.

2. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La victime fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes, alors :

« 1°/ que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, revêt le caractère d'une faute inexcusable, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que l'employeur ne doit pas simplement prendre des mesures de précaution et de prévention concernant les risques auxquels les salariés sont exposés, il doit s'assurer qu'elles sont respectées par les salariés ; que, pour écarter la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a d'abord relevé qu'une note de service 11-06 énonçait les règles de sécurité en vigueur au sein de l'entreprise, notamment celle relative au traitement à donner en cas de mélange accidentel d'hypophosphite de sodium et de persulfate d'ammonium, puis elle relève que, dans son rapport du 17 décembre 2009, le CHSCT concluait à « un non-respect de la note de service de 2006 », elle a encore constaté que, dans sa note du 24 février 2011, la direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement de Rhône-Alpes concluait également que la note de service NS-11-06 n'avait pas été respectée et que l'employeur admettait « que sa bonne application aurait pu éviter l'accident », la cour d'appel a retenu en outre « que l'accident dont a été victime M. X... résulte
de plusieurs manquements individuels contrevenant aux procédures internes de sécurité de l'entreprise » et la cour d'appel a conclu que « M. X... fait valoir que le rapport de l'inspection du travail du 24 mars 2011 critique l'insuffisance des procédures applicables en cas de mélange accidentel, que toutefois, il convient de relever que ce rapport pointe les responsabilités de MM. L... et D... du fait du non-respect de leur part des consignes de sécurité » ; qu'ayant ainsi quadruplement constaté que l'employeur avait manqué à son obligation de prévention et de précaution, en ne s'assurant pas du respect des procédures de sécurité par les salariés de l'entreprise – ce qui avait été la cause de l'explosion ayant défiguré le salarié – la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui découlaient de ses propres constatations, violant ainsi l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail ;

2°/ que l'absence de respect des méthodes de travail et des règles de sécurité caractérise la conscience du danger qu'aurait dû avoir l'employeur et l'insuffisance des mesures qu'il a prises pour préserver la sécurité du salarié ; qu'en écartant la faute inexcusable de l'employeur, après avoir constaté que l'explosion dont le salarié avait été victime résultait du non respect des règles de sécurité par d'autres salariés, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail ;

3°/ que l'employeur peut ne pas avoir pas conscience du danger auquel le salarié a été exposé, malgré les mesures nécessaires qu'il avait pris pour l'en préserver, lorsque le dommage survenu à un salarié est causé par la faute d'autres salariés et que leur faute est volontaire, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable la victime à un danger dont les auteurs auraient dû avoir conscience, ces conditions étant cumulatives ; que, pour écarter la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a constaté que l'explosion dont a été victime M. X... résultait du non-respect des consignes de sécurité par deux autres salariés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt relève, d'une part, que le risque d'explosion, dans les circonstances précises de l'accident dont le salarié a été victime, n'était pas connu de l'employeur avant celui-ci.

5. Il énonce, d'autre part, que l'employeur démontre qu'il a pris en compte l'évaluation spécifique du risque chimique mis en oeuvre dans l'entreprise conformément aux documents DT 80 élaborés par l'union des industries chimiques, qu'il a régulièrement informé et associé le comité d'hygiène de sécurité des conditions de travail à la démarche d'évaluation des risques et des mises à jour d'évaluation des risques chimiques, qu'il a mis en place une procédure de gestion des produits chimiques incluant le stockage, la manipulation et la gestion des erreurs de manipulation, en particulier dans une note de service NS-11-06 relative au traitement à donner en cas de mélange accidentel de produits incompatibles ainsi qu'une formation à destination de tous les salariés de l'entreprise et un contrôle des connaissances de ses salariés relatifs à la dangerosité des produits, les bonnes pratiques destinées à prévenir les erreurs de manipulation, actions complétées par l'organisation d'audits internes de sécurité.

6. L'arrêt relève, encore, que l'accident dont a été victime le salarié résulte non seulement de la survenance d'un risque inconnu en novembre 2009 mais également de plusieurs manquements individuels contrevenant aux procédures internes de sécurité de l'entreprise auxquelles les salariés avaient été régulièrement formés.

7. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis aux débats, la cour d'appel a pu déduire que l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger résultant pour son salarié du non respect d'un protocole de sécurité mis en place dans l'entreprise à l'occasion du mélange accidentel de deux produits chimiques dont la réactivité à sec n'était pas connue, de sorte qu'il n'avait pas commis de faute inexcusable.

8. Il ne résulte, en outre, ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la victime avait soutenu devant la cour d'appel que les fautes commises par d'autres salariés de l'entreprise ne pouvaient décharger l'employeur de sa faute inexcusable.

9. Le moyen, irrecevable en sa troisième branche, comme nouveau et, mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à faire reconnaître la faute inexcusable de la société SNF et de ses demandes indemnitaires subséquentes ;

AUX PROPRES MOTIFS QUE : « Monsieur X... soutient que la société SNF a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident dont il a été victime. A cet égard, il conteste les décisions pénales rendues et considère que l'explosion est intervenue à la suite d'un risque connu d'un mélange de produits chimiques en présence d'eau. S'agissant des préjudices, il soutient que l'expertise amiable réalisée est contradictoire permettant ainsi de fixer les préjudices et le montant de leur indemnisation. La société SNF et la compagnie ZURICH INSURANCE soutiennent qu'il ne peut être reproché à la première une faute inexcusable à l'origine de l'accident dès lors que l'explosion dont a été victime Monsieur X... est la conséquence d'une réaction inconnue au moment des faits et imprévisible. Elles soutiennent également que la SNF avait mis en oeuvre des mesures de formation, de prévention des risques et de protection des salariés. Subsidiairement, la compagnie ZURICH INSURANCE reconnaît le principe de sa garantie à l'égard de la société SNF dans les limites du plafond contractuel. Subsidiairement, la société SNF et la compagnie ZURICH INSURANCE soutiennent que le rapport d'expertise amiable invoqué par Monsieur X... n'est pas contradictoire et qu'il ne saurait leur être opposé pour fonder les demandes indemnitaires et qu'en conséquence il y a lieu d'ordonner une expertise judiciaire. En tout état de cause, elle demande le cantonnement des demandes indemnitaires formulées par Monsieur X.... Sur la faute inexcusable, En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires à l'en préserver. La victime d'un accident de travail peut se prévaloir de cette obligation de sécurité mise à la charge de l'employeur, sans que le manquement revête nécessairement un caractère de gravité exceptionnelle. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage. Il appartient à la victime de rapporter la preuve de la faute inexcusable et en particulier de démontrer que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu'il n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour protéger le salarié du risque qui s'est réalisé. La conscience du danger qui caractérise la faute inexcusable ne vise pas une connaissance effective de la situation créée, mais la conscience que l'employeur devait ou aurait dû avoir de ce danger, notamment à partir d'un faisceau d'éléments de fait. Par ailleurs, en vertu de l'article 4-1 du code de procédure pénale, l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage [...] en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale si l'existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie. De plus, l'article 470-1 du code de procédure pénale dispose que le tribunal saisi, à l'initiative du ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction, de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle au sens des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 121-3 du code pénal, et qui prononce une relaxe demeure compétent, sur la demande de la partie civile ou de son assureur formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite. En l'espèce, il est constant que par arrêt du 16 mai 2014, la 7ème chambre correctionnelle de la cour de céans a renvoyé des fins de la poursuite la société SNF et débouté les parties civiles de leur demande visant à ce qu'il soit statué sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale et de leur demande visant à l'application de l'article 475-1 du même code. Il résulte de cette décision que : la société SNF a pris en compte le risque induit par l'utilisation concomitante d'un agent chimique oxydant et d'un agent chimique réducteur en organisant le stockage, le transport des produits du stockage à l'atelier de fabrication et la gestion du reliquat des produits utilisés dans des conditions de sécurité effective, - les salariés étaient parfaitement informés de la dangerosité des produits qu'ils manipulaient et des consignes afférentes à leur manipulation, et notamment du mélange de l'hypophosphite de sodium et du persuflate d'ammonium, - la société SNF a modifié à plusieurs reprises les produits utilisés afin de réduire les risques d'explosion et d'incompatibilité, - le risque d'explosion du seul mélange de l'hypophosphite de sodium et du persuflate d'ammonium n'était pas connue avant les accidents du 23 novembre 2009 ainsi qu'en atteste au-delà de la littérature scientifique l'inspection du travail, l'iNERIS, l'expert A..., l'inspecteur des installations classées, de sorte qu'il ne peut être demandé à l'entreprise d'organiser des mesures de sécurité supplémentaire alors qu'elle ne connaissait pas ce risque d'explosivité de ces deux produits mis en contact, - les salariés suivent une formation tous les trois ans portant sur la problématique des produits incompatibles dangereux, y compris le mélange hypophosphite de sodium + persuflate d'ammonium + eau + énergie, sur les pratiques permettant d'éviter un mélange de produits, formation actualisée donnant lieu pour chaque salarié un questionnaire à choix multiple (QCM) lui permettant d'être habilité à son poste de travail, - tous les salariés entendus dans le cadre de l'enquête pénale ont précisé avoir suivi une formation et connaître la dangerosité extrême des produits qu'ils manipulent, - la société SNF a mis en place en outre au niveau interne des procédés de contrôler d'audit sur ses obligations en matière de sécurité en plus de procédure liée au caractère SEVESO de l'entreprise. La cour en a déduit que « les salariés étaient parfaitement sensibilisés aux risques inhérents à leur poste de travail, régulièrement formé sur ses risques et que l'entreprise avait pris toutes les mesures permettant de répondre à ses obligations de sécurité en disposant d'un personnel formé sensibilisé aux risques » et que « s'agissant des accidents survenus le 23 novembre 2009, les salariés connaissaient parfaitement les procédures en cas de mélange des produits ; que Monsieur Y... , après s'être rendu compte de son erreur de manipulation, a averti Monsieur O..., puis Monsieur D..., lequel n'a pas respecté la procédure prévue, à savoir l'information immédiate de son supérieur hiérarchique et la rédaction d'un rapport d'incident » et qu'ainsi « des consignes claires et précises étaient connues de tous les salariés travaillant sur des produits dangereux et que le non-respect des consignes de la part de Messieurs D... et L... est de leur responsabilité mais ne peut être imputé à la SAS SNF ». Sur la connaissance du risque, Monsieur X... entend remettre en cause les motifs de cette décision repris par le tribunal des affaires de sécurité sociale en invoquant le rapport de Monsieur F... E... requis le 24 novembre 2009 par les militaires de la gendarmerie en charge de l'enquête pénale ayant déposé son rapport le 28 décembre 2009 aux termes duquel il conclut : « La première explosion est la conséquence d'un processus de mélange par erreur de deux produits incompatibles, connu de l'entreprise, mais dont la gestion n'a pas permis de les séparer efficacement. La réutilisation d'une partie du produit souillé en présence d'eau et d'une agitation mécanique engendrait une première explosion. Ce phénomène a été connu de manière empirique par l'entreprise à l'occasion d'un accident précédent. Accident reproduit à petite échelle au sein de l'entreprise ce qui a permis d'en tirer les leçons et de dispenser une formation personnelle. La seconde explosion est la conséquence d'un mélange de ces mêmes produits. Ce déclenchement résulte probablement d'autres facteurs inconnus de l'entreprise SNF celle-ci n'ayant pas fait d'études plus poussées sur la réactivité et la sensibilité de ces produits. Ces facteurs peuvent être entre autres la granulométrie, le frottement, l'électricité statique ». Toutefois, il convient de relever que dans le cadre de ce même rapport, Monsieur E..., docteur en pharmacie industrielle requit en qualité d'expert, indique (page 15 de son rapport) « contrairement à la croyance enseignée au sein de l'entreprise, il semble que le mélange de cet oxydant et de ce réducteur n'est pas dangereux uniquement lorsqu'il est en mélange avec de l'eau et une agitation mécanique. Les fiches de données de sécurité indiquent d'ailleurs : -le persuflate d'ammonium est un comburant puissant qui peut agir violemment avec les réducteurs et des matières combustibles provoquant incendie explosion. -Il réagit également violemment avec les métaux tels que le fer. -les persuflates ne sont pas des produits inflammables mais du fait de leur caractère très oxydant, ils peuvent sous certaines conditions engendrer des incendies explosion ». Ainsi, l'expert évoque à l'issue de travaux menés de manière non contradictoire mais l'hypothèse (« il semble ») d'une dangerosité accrue. Or, il est manifeste que l'expert n'a pu prendre connaissance : - des déclarations des différents témoins sur les circonstances de l'accident, - des conclusions du rapport du CHSCT du 17 décembre 2009 (pièce intimée n° 6) qui met en évidence d'une part le non-respect des procédures de sécurité par Monsieur Y... en cas de mauvaise manipulation et d'autre part qui ne remet pas en cause les procédures de sécurité en vigueur au sein de l'entreprise en particulier la note de service 11-06 (pièce intimée no 2) relative au traitement a donné en cas de mélange accidentel d'hypophosphite de sodium et de persuflate d'ammonium et qui relève « malgré les affichages, information et formation, il y a eu erreur de manipulation » et en particulier un non-respect de la note de service de 2006. - du rapport de la DIRECCT de la Loire du 22 août 2011 (pièce intimée n° 12) confirmant l'affirmation de Monsieur S..., dirigeants d'entreprise selon lequel « la réactivité du mélange des deux produits dans la configuration de l'accident du 23 novembre 2009 n'était pas connue », - le rapport de l'institut INERIS du 4 octobre 2010 (pièce intimée n° 13) qui met en évidence que suite à l'accident du 23 novembre « la société SNF a mis en évidence que le mélange à sec peut se transformer en un explosif latent, sans nécessaire rapport d'eau mais toujours avec une amorce (apport énergie) qui peut être une simple agitation après un certain temps de vieillissement » et qui confirme que l'instabilité du mélange à sec n'était pas documentée avant novembre 2009. Par ailleurs, la fiche de sécurité relative au persulfate d'ammonium selon révision du 14 mars 2011 (pièce intimée n° 10) mentionne au paragraphe « prévention des incendies et des explosions : aucune mesure très particulière n'est requise » et au paragraphe « possibilités de réactions dangereuses : aucune réaction dangereuse connue ». De surcroît, la note de la Direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement de Rhône-Alpes du 24 février 2011 (pièce intimée no 15) relève que les audits Système de Gestion de la Sécurité (SGS) n'ont pas révélé de manquement notable à la connaissance de ce Système, notamment l'audit du 9 octobre 2009. Cette note observe que « la procédure GS-0130 et la note de service NS-11-06 dont SNF reconnaît le non-respect le jour de l'accident, et dont elle indique la bonne application aurait pu éviter l'accident semble cependant connue est régulièrement appliquée ». Enfin, le rapport de Monsieur A..., sollicité à titre privé par Monsieur S..., (pièce intimée no 14) conclut « le risque d'explosion suit un mélange accidentel n'était pas prévisible au regard des données littéraires ». Le rapport de Monsieur E..., qui apparaît nécessairement comme une première analyse des circonstances de l'accident, et comme tel incomplet, n'est pas de nature à remettre en cause les éléments recueillis postérieurement. La seule affirmation de Monsieur X... selon lequel l'explosion serait intervenue du fait que le mélange de l'hypophosphite de sodium et du persuflate d'ammonium aurait été versé dans de l'eau sous agitation mécanique n'est pas étayée. Il en résulte que la société SNF démontre que le risque d'explosion dans les circonstances précises de l'accident n'était pas connu antérieurement au 23 novembre 2009. S'agissant des mesures correctives L'article L.4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; ces mesures comprennent : 1o Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3o La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ; L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. L'article L4121-2 du code du travail dispose également que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1o Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3o Combattre les risques à la source 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadence et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle , 9o Donner les instructions appropriées aux travailleurs. Il est également de principe que l'employeur qui justifie avoir pris les mesures prévues par les articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail n'a pas méconnu l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Monsieur X... soutient que la société SNF n'a pas pris des mesures de prévention et de formation propres à garantir sa sécurité et à prévenir l'accident. Toutefois, la société SNF démontre qu'elle a : -mis en place un groupe de travail (pièce intimé n°21) pluridisciplinaire incluant des membres du comité d'hygiène de sécurité des conditions de travail, avec mission, selon un rythme annuel, d'évaluer et de mettre à jour les risques, les différents documents d'identification, de contrôler la pertinence de l'évaluation des risques et contribuer à définir les actions correctives correspondantes et d'assurer l'information et la communication de l'évaluation des risques professionnels ; - confié au service prévention sécurité (pièce intimée n°21 précitée) la mission d'intégrer les plans d'action issus des analyses d'accidents et d'incidents (GS 130 et GS 135), des audits de sécurité et de prévention. - pris en compte l'évaluation spécifique du risque chimique mise en oeuvre dans l'entreprise (pièce intimée n°22) conformément aux documents DT 80 élaborés par l'union des industries chimiques, aux fiches de données de sécurité figurant dans le classeur de sécurité à disposition des salariés qui précisent l'incompatibilité des produits en présence d'eau, aux fiches de données de sécurité complètes accessibles sur le réseau informatique, à l'utilisation et au stockage d'une petite quantité en atelier, au respect des règles d'incompatibilité pour le stockage en atelier, aux poubelles jaunes spécifiques pour les déchets « comburants », - régulièrement informé et associé le CHSCT à la démarche d'évaluation des risques et des mises à jour d'évaluation des risques chimiques ; ainsi, la société SNF démontre également avoir mis en place des procédures de sécurité et des mesures de formation et de prévention des risques, - mis en place une procédure de gestion des produits chimiques (annexe à la pièce intimée n° 25) incluant le stockage, la manipulation et la gestion des erreurs de manipulation à laquelle la note de service précitée contribue, Elle justifie également avoir mis en place à destination de tous les salariés de l'entreprise une formation et un contrôle des connaissances de ses salariés (pièces intimées n° 32, 33 et 34) relatifs à la dangerosité des produits, les bonnes pratiques destinées à prévenir les erreurs de manipulation. Ces actions ont été complétées par l'organisation d'audits internes de sécurité (pièce intimée n° 35). Il doit être observé que l'accident dont a été victime Monsieur X... résulte non seulement de la survenance d'un risque inconnu en novembre 2009 mais également de plusieurs manquements individuels contrevenant aux procédures internes de sécurité de l'entreprise auxquelles les salariés ont été régulièrement formés, notamment Monsieur Y... et Monsieur D.... L'audition de Monsieur X... devant les enquêteurs le 5 mars 2010 (pièce appelant n° 41) démontre qu'il avait lui-même connaissance du protocole applicable en cas d'erreur de manipulation. Ainsi, la société SNF démontre qu'elle avait mis en place des mesures de prévention actives et de formation destinées à prévenir les risques d'erreur de manipulation et défini des procédures connues de ses salariés concernant la conduite à adopter en cas d'erreur de manipulation. La juridiction pénale a constaté que la survenance de l'accident n'était pas l'accident dont a été victime n'avait pas pour origine la violation manifestement délibérée à une obligation de sécurité imposée par la loi ou le règlement imputable à la société SNF ou à l'un de ses représentants légaux, en l'espèce, n'avoir pas pris de mesures adaptées et efficaces telles que : - la sensibilisation suffisante du personnel si bien que dès lors qu'un audit en date du 3.10.2009 des personnes concernées par cet accident (Messieurs H..., L... et D...) ne soulignaient par le risque d'explosion et d'incendie dans les scénarios d'accident majeur aux liquides; - La réduction des risques à la source en adoptant une démarche seulement empirique face au risque connu "de réaction violent de type déflagrante" en cas de mélange de persulfate d'ammonium et d'hypophosphite de sodium; - Le remplacement de ce qui est dangereux par ce qui ne l'est pas ou moins telle l'utilisation de l'hypophosphite liquide plutôt que pulvérente. Monsieur X... argue que la société SNF aurait pu s'assurer d'une meilleure évaluation des risques afin de prendre des mesures préventives. Toutefois, en l'espèce, l'accident apparaît être la conséquence d'une erreur de manipulation qui ne met pas en cause le stockage en amont des produits et la séparation des produits. Monsieur X... argue également que les procédures de sécurité étaient ineffectives et insuffisantes. Toutefois, compte tenu du caractère non documenté du risque, il ne démontre pas ce caractère insuffisant. Monsieur X... fait enfin valoir que le rapport de l'inspection du travail du 24 mars 2011 (pièce appelant n° 12) critique l'insuffisance des procédures applicables en cas de mélange accidentel. Toutefois, il convient de relever que ce rapport pointe les responsabilités de Messieurs L... et D... du fait du non-respect de leur part des consignes de sécurité. Surtout, ce rapport relève que l'entreprise a, depuis 2006, réalisé d'importants investissements afin de mettre en place un mode de production conforme à l'article L.4321-2 du code du travail afin d'éviter le risque et a modifié son système de fabrication afin que l'hypophosphite de sodium soit intégré de manière séparée. Enfin, le rapport d'enquête du CHST du 17 décembre 2009 (pièce intimée n°6) ne met pas en évidence de manquement en matière de formation et de prévention des risques. Dès lors, Monsieur W... X... ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable imputable à l'employeur à l'origine de l'accident dont il a été victime le 23 novembre 2009. Le jugement sera confirmé » ;

AUX ADOPTÉS MOTIFS QUE : « Selon les dispositions de l'article 4-1 du code de procédure pénale, l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage [...] en application de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale si l'existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie. Egalement, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver et il suffit que cette faute inexcusable ait été une cause nécessaire à défaut éventuellement d'avoir été déterminante pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée alors mêmes que d'autres fautes auraient concoury au dommage. Au cas d'espèce, si Monsieur W... X... soutient que l'explosion est survenue suite à la mise en contact du mélange accidentel persulfate d'ammonium/traces d'hypophosphite de sodium avec l'eau agitée présente dans la cuve, il convient de relever comme les jugement et arrêt rendus les 16 octobre 2012 et 16 mai 2014 que cette affirmation n'est pas établie nonobstant la survenance concomitante des deux événenients. Egalement, si Monsieur W... X... soutient que son employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, il convient de refever comme les jugement et arrêt rendus les 16 octobre 2012 et 16 mai 2014 que le risque inherent au mélange persulfate d'ammonium/traces d'hypophosphite de sodium à sec n'était pas identifié (rapport de l'inspecteur des installations classées du 24 février 2011, rapport de l'INERIS, expert A...). Encore, si Monsieur W... X... remet en cause la gestion de l'incident du matin tenant au mélange accidentel des deux produits et soutient que les règles de sécurité étaient insuffisantes, il convient de relever comme les jugement et arrêt rendus les 16 octobre 2012 et 16 mai 2014, que cette gestion n'a été défaillante que du fait de l'initiative prise par l'un des salariés de ne pas transmettre l'information et rédiger un rapport d'incident, ce qui ne peut constituer la faute inexcusable qui devrait étre mise à la charge de la SNF FLOERGER alors par ailleurs qu'il n'est pas démontré qu'elle ait manqué à une obligation de sécurité prévue par la loi ou le réglement. En conséquence, Monsieur W... X... sera débouté de l'ensenible de ses demandes. En équite il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La décision sera déclarée commune et opposable à la caisse primaire d'assurance » ;

1) ALORS QUE le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, revêt le caractère d'une faute inexcusable, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que l'employeur ne doit pas simplement prendre des mesures de précaution et de prévention concernant les risques auxquels les salariés sont exposés, il doit s'assurer qu'elles sont respectées par les salariés ; que, pour écarter la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a d'abord relevé qu'une note de service 11-06 énonçait les règles de sécurité en vigueur au sein de l'entreprise, notamment celle relative au traitement à donner en cas de mélange accidentel d'hypophosphite de sodium et de persuflate d'ammonium, puis elle relève que, dans son rapport du 17 décembre 2009, le CHSCT concluait à «un non-respect de la note de service de 2006», elle a encore constaté que, dans sa note du 24 février 2011, la Direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement de Rhône-Alpes concluait également que la note de service NS-11-06 n'avait pas été respectée et que l'employeur admettait « que sa bonne application aurait pu éviter l'accident », la cour d'appel a retenu en outre «que l'accident dont a été victime Monsieur X... résulte
de plusieurs manquements individuels contrevenant aux procédures internes de sécurité de l'entreprise » et la cour d'appel a conclu que « Monsieur X... fait valoir que le rapport de l'inspection du travail du 24 mars 2011 critique l'insuffisance des procédures applicables en cas de mélange accidentel, que toutefois, il convient de relever que ce rapport pointe les responsabilités de Messieurs L... et D... du fait du non-respect de leur part des consignes de sécurité » ; qu'ayant ainsi quadruplement constaté que l'employeur avait manqué à son obligation de prévention et de précaution, en ne s'assurant pas du respect des procédures de sécurité par les salariés de l'entreprise – ce qui avait été la cause de l'explosion ayant défiguré le salarié – la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui découlaient de ses propres constatations, violant ainsi l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE l'absence de respect des méthodes de travail et des règles de sécurité caractérise la conscience du danger qu'aurait dû avoir l'employeur et l'insuffisance des mesures qu'il a prises pour préserver la sécurité du salarié ; qu'en écartant la faute inexcusable de l'employeur, après avoir constaté que l'explosion dont le salarié avait été victime résultait du non respect des règles de sécurité par d'autres salariés, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail ;

3) ALORS QUE l'employeur peut ne pas avoir pas conscience du danger auquel le salarié a été exposé, malgré les mesures nécessaires qu'il avait pris pour l'en préserver, lorsque le dommage survenu à un salarié est causé par la faute d'autres salariés et que leur faute est volontaire, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable la victime à un danger dont les auteurs auraient dû avoir conscience, ces conditions étant cumulatives ; que, pour écarter la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a constaté que l'explosion dont a été victime Monsieur X... résultait du non-respect des consignes de sécurité par deux autres salariés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-11643
Date de la décision : 09/07/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 04 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 jui. 2020, pourvoi n°19-11643


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11643
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