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09/07/2020 | FRANCE | N°19-11577

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 juillet 2020, 19-11577


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Sursis à statuer

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 446 F-D

Pourvoi n° B 19-11.577

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

Mme V... X... O... , domiciliée [...] , a formé le pour

voi n° B 19-11.577 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à l...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Sursis à statuer

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 446 F-D

Pourvoi n° B 19-11.577

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

Mme V... X... O... , domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° B 19-11.577 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Ville de Paris, prise en la personne de son maire en exercice, domicilié en cette qualité, place de l'Hôtel de Ville, 75004 Paris,

2°/ à M. E... Q..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme X... O..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la ville de Paris, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2019), la Ville de Paris a assigné en la forme des référés Mme X... O..., propriétaire d'un appartement situé à Paris, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué ce local à la société Thop management avec autorisation de le sous-louer, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code.

Examen des moyens

Enoncé du premier moyen

2. Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la Ville de Paris une amende civile de 25 000 euros sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, alors :

« 1°/ qu'en appliquant les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 651-2, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation qui subordonnent la location d'un local meublé à l'obtention d'une autorisation administrative, sans établir, ainsi que l'exige l'article 9, paragraphe 1, sous b) de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, que cette restriction à la libre prestation de service est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;

2°/ qu'en appliquant les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 651-2, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation, sans établir, ainsi que l'exige l'article 9, paragraphe 1, sous c) de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, si l'objectif poursuivi par ces dispositions pouvait être réalisé par une mesure moins contraignante, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;

3°/ qu'en appliquant les dispositions précitées relatives à la location d'un « local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile », leur mise en oeuvre ne dépendant pas de critères clairs et précis qui, comme l'exige pourtant l'article 10 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, encadrent l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire, le juge a méconnu ce texte et violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;

4°/ qu'en appliquant les dispositions précitées, lorsqu'il résulte de l'article L. 631-7-1 que les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations nécessaires sont « fixées par une délibération du conseil municipal », au regard des « » objectifs de mixité sociale » et en fonction notamment des « caractéristiques des marchés de locaux d'habitation » et de « la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements », la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 10 de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 et violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne. »

Enoncé du deuxième moyen

3. Mme X... O... fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, alors « que, dès lors qu'un particulier a conclu avec un professionnel de l'immobilier un bail excluant toute utilisation du local à des fins commerciales, et qu'il en perd ainsi la maîtrise, il appartient à la juridiction, tenue de vérifier si ce particulier a enfreint l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, de rechercher si cette personne avait connaissance de l'usage fait de son appartement par son locataire ; qu'en se bornant à affirmer que Mme X... avait enfreint l'article L. 631-7 du ce de la construction et de l'habitation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ayant conclu avec la société Thop Management, un bail excluant toute utilisation du local à des fins commerciales, elle n'en avait perdu la maîtrise et n'avait pas connaissance de l'usage fait de son appartement par cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. »

Enoncé du troisième moyen

4. Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation de M. Q... à la garantir des condamnations prononcées contre elle, alors :

« 1°/ que le juge, doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut à ce titre, relever un moyen d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; que M. Q... ne s'était pas fait représenter devant la cour d'appel ; qu'en relevant ainsi d'office le moyen selon lequel Mme X... n'était pas recevable à demander la garantie de M. Q... devant le juge saisi en la forme des référés, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

2°/ qu'un particulier qui est assigné devant un juge statuant en référés sur le fondement de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation est recevable à appeler en garantie le professionnel de l'immobilier qui a pris la maîtrise du bien ; qu'en affirmant que Mme X... n'était pas recevable à appeler en garantie M. Q..., la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.

3°/ que Mme X... avait demandé à titre subsidiaire la garantie à titre personnel de M. Q... en invoquant l'article L. 223-22 du code de commerce et en étayant sa demande de manière précise (conclusions, p. 10 et 11) ; qu'en affirmant néanmoins que la demande de Mme X... contre M. Q... n'était pas étayée contre lui à titre personnel, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de Mme X..., en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La Cour de cassation a, par deux arrêts (3e Civ., 15 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.156 ; 3e Civ., 15 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.158), renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :

1°/ La directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, eu égard à la définition de son objet et de son champ d'application par ses articles 1 et 2, s'applique-t-elle à la location à titre onéreux, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d'un local meublé à usage d'habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, notamment au regard des notions de prestataires et de services ?

2°/ en cas de réponse positive à la question précédente, une réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, constitue-t-elle un régime d'autorisation de l'activité susvisée au sens des articles 9 à 13 de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 ou seulement une exigence soumise aux dispositions des articles 14 et 15 ?

Dans l'hypothèse où les articles 9 à 13 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 sont applicables :

3°/ L'article 9 sous b) de cette directive doit-il être interprété en ce sens que l'objectif tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location constitue une raison impérieuse d'intérêt général permettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation, dans certaines zones géographiques, la location d'un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ?

4°/ Dans l'affirmative, une telle mesure est-elle proportionnée à l'objectif poursuivi ?

5°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) et e) de la directive s'oppose-t-il à une mesure nationale qui subordonne à autorisation le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation « de manière répétée », pour de « courtes durées », à une « clientèle de passage qui n'y élit pas domicile » ?

6°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) à g) de la directive s'oppose-t-il à un régime d'autorisation prévoyant que les conditions de délivrance de l'autorisation sont fixées, par une délibération du conseil municipal, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ?

6. Au regard des questions préjudicielles posées, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à intervenir est de nature à influer sur la solution du présent pourvoi.

7. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer jusqu'au prononcé de celle-ci.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

SURSOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'au prononcé de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne dans les affaires C-724/18 et C-727/18 ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du 19 janvier 2021 ;

Réserve les dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour Mme X... O....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir appliqué les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 651-2, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation, d'avoir constaté que Mme V... X... O... a commis une infraction aux dispositions des articles L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation pour la période du 6 avril 2013 au 30 juin 2017 du fait du changement d'usage de son appartement situé [...] , d'avoir condamné, en conséquence, Mme V... X... O... à payer une amende civile de 25 000 euros qui sera intégralement versée à la Ville de Paris ;

Aux motifs qu'en vertu de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation, le changement d'usage d'un local destiné à l'habitation dans les communes de plus de 200 000 habitants est soumis à autorisation préalable ; que selon ce texte, constituent des locaux à usage destiné à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L 632-1 ; que pour l'application de cette disposition, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve ; que la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 a ajouté à cet article un alinéa au terme duquel le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article et il est constant que cet alinéa ne constitue qu'une précision apportée à la législation préexistante, en vertu de laquelle ce type d'usage constituait déjà un changement de destination prohibé ; que l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, était rédigé comme suit : "Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende de 25 000 euros ; que cette amende est prononcée à la requête du ministère public par le président du tribunal de grande instance du lieu de l'immeuble, statuant en référé ; le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est située l'immeuble ; que le président du tribunal ordonne le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation dans un délai qu'il fixe ; qu'à l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré utile des locaux irrégulièrement transformés. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé l'immeuble ;

que passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires » ; qu'en vertu de l'article 59 de la loi n° 2016-1547 entrée en vigueur le 20 novembre 2016, l'article L 651-2 du code de la construction et de l'habitation a été modifié comme suit : « Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé ; que cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local ; que sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe ; qu'à l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1 000 € par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé » ; que cet article, en ce qu'il prévoit que l'amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure, est applicable immédiatement aux situations en cours ; qu'il résulte également de l'application immédiate aux situations en cours des dispositions de procédure de la loi n° 2016-1547 que la Ville de Paris est recevable à agir à l'encontre de Mme V... X... O... au titre de faits pour partie antérieurs au 20 novembre 2016, ce qui n'est pas contesté ; qu'en ce qui concerne l'affectation du bien à usage d'habitation au 1er janvier 1970, elle est établie à suffisance de droit par la production aux débats d'une déclaration H2 et n'est d'ailleurs pas en débat ; que le changement d'usage de ce bien par l'intimée en ce qu'il a été proposé à la location de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile est démontré au vu des clauses du contrat de bail meublé consenti le 6 août 2013 par Mme V... X... O... à la société Thop Management, radiée du RCS de Paris depuis le 31 octobre 2014 avec clôture des opérations de liquidation le même jour ; qu'en effet, les clauses a et b des conditions particulières de ce contrat autorisent cette société à procéder à des locations de courtes durées, sans restriction, ce dont Mme V... X... O... convient et l'appartement en cause a été proposé à la location et loué de manière répétée pour de courtes durée à une clientèle de passage qui n'y a pas élu domicile, ainsi que cela ressort du constat d'infraction produit en pièce 2 par la Ville de Paris ; que la ville de Paris justifie également que les faits se sont poursuivis postérieurement au 20 novembre 2016, date d'entrée en vigueur de la loi 2016-1547, puisque le bail en cause n'a pris fin que le 30 juin 2017 ;

que d'ailleurs, il ressort du rapport précité que l'appartement litigieux a été affecté à la location de courte durée de manière répétée en 2016 qu'il est donc établi que Mme V... X... O... a enfreint les dispositions de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation en ce qui concerne le logement en litige et que le montant maximal de l'amende encourue est celui prévu par cette loi soit 50 000 euros ; que Mme V... X... O... justifie cependant que la régularisation de la situation le concernant est intervenue le 30 juin 2017, date depuis laquelle ce logement est sa résidence principale, ce qui n'est pas contesté par la Ville de Paris ; que si celle-ci n'étaye pas son affirmation selon laquelle le loyer mensuel de 3.000 euros perçu pendant plus de quatre ans au titre du bail précité est supérieur de près du double à celui habituellement pratiqué pour un bien équivalent, Mme V... X... O... ne s'explique pas sur ce point ; qu'en considération de tous ces éléments, l'amende civile sera fixée à la somme de 25 000 euros que l'ordonnance attaquée sera donc infirmée en toutes ses dispositions ; qu'enfin, Mme V... X... O... n'est pas recevable à solliciter du juge saisi en la forme des référés au visa des articles précités la garantie de M. Q... laquelle n'est, en tout état de cause, pas étayée contre lui à titre personnel et ce qui précède rend la demande tendant au retour du bien en examen à l'habitation sans objet ; que conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile, Mme V... O... X... , partie perdante, doit supporter la charge des dépens et ne peut prétendre à une indemnité de procédure, mais doit payer à ce titre à Ville de Paris la somme indiquée au dispositif ;

1°) Alors qu'en appliquant les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 651-2, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation qui subordonnent la location d'un local meublé à l'obtention d'une autorisation administrative, sans établir, ainsi que l'exige l'article 9, paragraphe 1, sous b) de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, que cette restriction à la libre prestation de service est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;

2°) Alors qu' en appliquant les articles L. 631-7 alinéa 6 et L. 651-2 alinéa 1 du code de la construction et de l'habitation, sans établir, ainsi que l'exige l'article 9, paragraphe 1, sous c) de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, si l'objectif poursuivi par ces dispositions pouvait être réalisé par une mesure moins contraignante, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;

3°) Alors qu'en appliquant les dispositions précitées relatives à la location d'un « local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile », leur mise en oeuvre ne dépendant pas de critères clairs et précis qui, comme l'exige pourtant l'article 10 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, encadrent l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire, le juge a méconnu ce texte et violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;

4°) Alors qu' en appliquant les dispositions précitées, lorsqu'il résulte de l'article L. 631-7-1 que les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations nécessaires sont « fixées par une délibération du conseil municipal », au regard des « »objectifs de mixité sociale » et en fonction notamment des « caractéristiques des marchés de locaux d'habitation » et de « la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements », la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 10 de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 et violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir appliqué les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 651-2, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation, d'avoir constaté que Mme V... X... O... a commis une infraction aux dispositions des articles L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation pour la période du 6 avril 2013 au 30 juin 2017 du fait du changement d'usage de son appartement situé [...] , d'avoir condamné, en conséquence, Mme V... X... O... à payer une amende civile de 25 000 euros qui sera intégralement versée à la Ville de Paris ;

Aux motifs qu' en vertu de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation, le changement d'usage d'un local destiné à l'habitation dans les communes de plus de 200 000 habitants est soumis à autorisation préalable ; que selon ce texte, constituent des locaux à usage destiné à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L 632-1. Pour l'application de cette disposition, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve ; que la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 a ajouté à cet article un alinéa au terme duquel le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article et il est constant que cet alinéa ne constitue qu'une précision apportée à la législation préexistante, en vertu de laquelle ce type d'usage constituait déjà un changement de destination prohibé ; que l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, était rédigé comme suit : "Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende de 25 000 euros ; que cette amende est prononcée à la requête du ministère public par le président du tribunal de grande instance du lieu de l'immeuble, statuant en référé ; le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est située l'immeuble ; que le président du tribunal ordonne le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation dans un délai qu'il fixe ; qu'à l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré utile des locaux irrégulièrement transformés. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé l'immeuble ; que passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires » ;

qu'en vertu de l'article 59 de la loi n° 2016-1547 entrée en vigueur le 20 novembre 2016, l'article L 651-2 du code de la construction et de l'habitation a été modifié comme suit : "Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé ; que cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local ; que sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe ; qu'à l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1 000 € par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé » ; que cet article, en ce qu'il prévoit que l'amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure, est applicable immédiatement aux situations en cours ; qu'il résulte également de l'application immédiate aux situations en cours des dispositions de procédure de la loi n° 2016-1547 que la Ville de Paris est recevable à agir à l'encontre de Mme V... X... O... au titre de faits pour partie antérieurs au 20 novembre 2016, ce qui n'est pas contesté ; qu'en ce qui concerne l'affectation du bien à usage d'habitation au 1er janvier 1970, elle est établie à suffisance de droit par la production aux débats d'une déclaration H2 et n'est d'ailleurs pas en débat ; que le changement d'usage de ce bien par l'intimée en ce qu'il a été proposé à la location de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile est démontré au vu des clauses du contrat de bail meublé consenti le 6 août 2013 par Mme V... X... O... à la société Thop Management, radiée du RCS de Paris depuis le 31 octobre 2014 avec clôture des opérations de liquidation le même jour ; qu'en effet, les clauses a et b des conditions particulières de ce contrat autorisent cette société à procéder à des locations de courtes durées, sans restriction, ce dont Mme V... X... O... convient et l'appartement en cause a été proposé à la location et loué de manière répétée pour de courtes durée à une clientèle de passage qui n'y a pas élu domicile, ainsi que cela ressort du constat d'infraction produit en pièce 2 par la Ville de Paris ; que la ville de Paris justifie également que les faits se sont poursuivis postérieurement au 20 novembre 2016, date d'entrée en vigueur de la loi 2016-1547, puisque le bail en cause n'a pris fin que le 30 juin 2017 ;

que d'ailleurs, il ressort du rapport précité que l'appartement litigieux a été affecté à la location de courte durée de manière répétée en 2016 qu'il est donc établi que Mme V... X... O... a enfreint les dispositions de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation en ce qui concerne le logement en litige et que le montant maximal de l'amende encourue est celui prévu par cette loi soit 50 000 euros ; que Mme V... X... O... justifie cependant que la régularisation de la situation le concernant est intervenue le 30 juin 2017, date depuis laquelle ce logement est sa résidence principale, ce qui n'est pas contesté par la Ville de Paris ; que si celle-ci n'étaye pas son affirmation selon laquelle le loyer mensuel de 3.000 euros perçu pendant plus de quatre ans au titre du bail précité est supérieur de près du double à celui habituellement pratiqué pour un bien équivalent, Mme V... X... O... ne s'explique pas sur ce point ; qu'en considération de tous ces éléments, l'amende civile sera fixée à la somme de 25.000 euros que l'ordonnance attaquée sera donc infirmée en toutes ses dispositions ; qu'enfin, Mme V... X... O... n'est pas recevable à solliciter du juge saisi en la forme des référés au visa des articles précités la garantie de M. Q... laquelle n'est, en tout état de cause, pas étayée contre lui à titre personnel et ce qui précède rend la demande tendant au retour du bien en examen à l'habitation sans objet ; que conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile, Mme V... O... X... , partie perdante, doit supporter la charge des dépens et ne peut prétendre à une indemnité de procédure, mais doit payer à ce titre à Ville de Paris la somme indiquée au dispositif ;

Alors que dès lors qu'un particulier a conclu avec un professionnel de l'immobilier un bail excluant toute utilisation du local à des fins commerciales, et qu'il en perd ainsi la maîtrise, il appartient à la juridiction, tenue de vérifier si ce particulier a enfreint l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, de rechercher si cette personne avait connaissance de l'usage fait de son appartement par son locataire ; qu' en se bornant à affirmer que Mme X... avait enfreint l'article L. 631-7 du ce de la construction et de l'habitation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ayant conclu avec la société Thop Management, un bail excluant toute utilisation du local à des fins commerciales, elle n'en avait perdu la maîtrise et n'avait pas connaissance de l'usage fait de son appartement par cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme X... tendant à voir condamner M. Q... à la garantir de l'ensemble des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

Aux motifs que Mme V... X... O... n'est pas recevable à solliciter du juge saisi en la forme des référés au visa des articles précités la garantie de M. Q... laquelle n'est, en tout état de cause, pas étayée contre lui à titre personnel et ce qui précède rend la demande tendant au retour du bien en examen à l'habitation sans objet ;

Alors 1°) que le juge, doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut à ce titre, relever un moyen d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; que M. Q... ne s'était pas fait représenter devant la cour d'appel ; qu'en relevant ainsi d'office le moyen selon lequel Mme X... n'était pas recevable à demander la garantie de M. Q... devant le juge saisi en la forme des référés, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

Alors 2°) qu' un particulier qui est assigné devant un juge statuant en référés sur le fondement de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation est recevable à appeler en garantie le professionnel de l'immobilier qui a pris la maîtrise du bien ; qu'en affirmant que Mme X... n'était pas recevable à appeler en garantie M. Q..., la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

Alors 3°) que Mme X... avait demandé à titre subsidiaire la garantie à titre personnel de M. Q... en invoquant l'article L. 223-22 du code de commerce et en étayant sa demande de manière précise (conclusions, p. 10 et 11) ; qu'en affirmant néanmoins que la demande de Mme X... contre M. Q... n'était pas étayée contre lui à titre personnel, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de Mme X..., en violation de l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-11577
Date de la décision : 09/07/2020
Sens de l'arrêt : Sursis a statuer
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 jui. 2020, pourvoi n°19-11577


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Gouz-Fitoussi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11577
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