LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juillet 2020
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 439 F-D
Pourvoi n° U 19-14.353
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 JUILLET 2020
La société Aquitaine énergie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-14.353 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la société Jaguar Network, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Alionis Networks, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pomonti, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société Aquitaine énergie, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Jaguar Network, et l'avis de Mme Pénichon, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Pomonti, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 20 décembre 2018), la société Alionis Networks (la société Alionis) a commandé le 14 février 2011 un groupe électrogène à la société Aquitaine énergie. La livraison étant intervenue le 4 juin 2013, la société Alionis, aux droits de laquelle vient la société Jaguar Network (la société Jaguar), a émis des réserves concernant la carrosserie, endommagée, du groupe électrogène puis, se plaignant du fonctionnement de la marchandise et de son état, a refusé de régler le solde du prix et a assigné la société Aquitaine énergie en résolution de la vente sur le fondement des articles 1134, 1147, 1184, 1604, 1615 et 1641 du code civil et en paiement de dommages-intérêts.
Examen du moyen unique
Enoncé du moyen
2. La société Aquitaine énergie fait grief à l'arrêt de constater la forclusion de l'action en garantie des vices cachés de la société Jaguar, d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en résolution de la vente pour manquement à l'obligation de délivrance et d'ordonner la résolution de la vente conclue entre la société Alionis et la société Aquitaine énergie, outre sa condamnation à des dommages-intérêts, alors « que l'existence d'un vice caché exclut toute action fondée sur la non-conformité de la chose vendue et, qu'en accueillant l'action en résolution de la vente pour manquement à l'obligation de délivrance conforme, après avoir constaté la prescription de l'action en garantie des vices cachés, la cour d'appel a violé les articles 1604, 1641 et 1648, alinéa 2, du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Contrairement au postulat du moyen, la cour d'appel n'a pas constaté l'existence de vices cachés mais s'est bornée à constater la forclusion de l'action fondée sur l'article 1641 du code civil. C'est par conséquent sans violer les textes visés par le moyen que, faisant droit à l'action dont la société Jaguar l'avait saisie, elle a prononcé la résolution de la vente pour manquement de la société Aquitaine énergie à son obligation de délivrance conforme.
4. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Aquitaine énergie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aquitaine énergie et la condamne à payer à la société Jaguar Network la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Aquitaine énergie.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR constaté la forclusion de l'action en garantie des vices cachés de la société JAGUAR NETWORK, D'AVOIR écarté la fin de non-recevoir que la société AQUITAINE ENERGIE a tiré de la prescription de l'action en résolution de la vente pour manquement à l'obligation de délivrance, D'AVOIR constaté que la société AQUITAINE ENERGIE a failli à son obligation de délivrance conforme, D'AVOIR ordonné la résolution de la vente conclue entre la société ALIONIS NETWORKS et la société AQUITAINE ENERGIE, suivant bon de commande n° [...] du 14 février 2013, aux torts de cette dernière, D'AVOIR condamné la société AQUITAINE ENERGIE à payer à la société JAGUAR NETWORK, venant aux droits de la société ALIONIS NETWORKS, la somme de 49.566,06 €, en remboursement des acomptes perçus, D'AVOIR ordonné la restitution à la société AQUITAINE ENERGIE du matériel livré le 4 juin 2013, D'AVOIR condamné la société AQUITAINE ENERGIE à récupérer et à faire enlever à ses frais, dans les locaux de la société JAGUAR NETWORK, venant aux droits de la société ALIONIS NETWORKS, le matériel livré le 4 juin 2013, dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt et ce, passé ce délai, sous astreinte de 80 € par jour de retard, dans la limite de 60 jours, ainsi qu'à payer à la société JAGUAR NETWORK, venant aux droits de la société ALIONIS NETWORKS, la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts, et D'AVOIR débouté la société AQUITAINE ENERGIE de 1'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE pour considérer l'action de la société Jaguar Network prescrite, en réalité forclose, et débouter l'appelante de ses demandes, le tribunal, après avoir écarté le délai de prescription de l'article L 217-2 du Code de la consommation, non applicable à des personnes morales agissant dans le cadre de leur activité, a retenu que l'action de la société Jaguar Network était fondée uniquement sur la garantie des vices cachés et n'avait pas été exercée dans le délai de deux ans de l'article 1648 du Code civil ; que si le délai de forclusion de l'action en garantie des vices cachés est acquis, l'action de la société Jaguar Network ayant été engagée plus de deux ans après que les défauts affectant le bien vendu eurent été signalés, la société Jaguar Network fondait également sa demande en résolution de la vente sur les articles 1184 et 1604 du Code civil, en faisant valoir que la société Aquitaine Energie avait manqué à son obligation de délivrance conforme ; qu'il s'ensuit que le Tribunal, en omettant d'examiner ce moyen, ne pouvait considérer l'action de la société Jaguar Network prescrite, sur le seul fondement de la garantie des vices cachés, alors que l'action en résolution de la vente, pour manquement à l'obligation de délivrance conforme, n'est soumise qu'au délai de prescription de droit commun, en l'espèce le délai de 5 ans de l'article L 110-4 du Code de commerce applicable aux obligations nées entre commerçants à l'occasion de leur commerce ; qu'en l'espèce, l'action de la SASU Jaguar Network fondée sur l'article 1604 du Code civil n'est nullement prescrite, l'assignation ayant été délivrée dans le délai de 5 ans suivant la livraison ;
ALORS QUE l'existence d'un vice caché exclut toute action fondée sur la non-conformité de la chose vendue ; qu'en accueillant l'action en résolution de la vente, pour manquement à l'obligation de délivrance conforme, après avoir constaté la prescription de l'action en garantie des vices cachés, la cour d'appel a violé les articles 1604, 1641 et 1648, alinéa 2, du code civil.