LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juillet 2020
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 379 F-D
Pourvoi n° K 19-11.401
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUILLET 2020
La société My Money Bank, dont le siège est [...] , anciennement dénommée GE Money Bank, a formé le pourvoi n° K 19-11.401 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à M. X... W..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société My Money Bank, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. W..., et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 novembre 2018), suivant offre acceptée le 11 mai 2005, et acte authentique du 16 juin 2005, M. W... (l'emprunteur) a souscrit un prêt immobilier auprès de la société GE Money Bank, devenue My Money Bank (la banque). Par acte du 10 avril 2014, invoquant l'irrégularité de la clause stipulant l'intérêt conventionnel, il a assigné la banque en annulation de cette clause et, subsidiairement, en déchéance du droit à cet intérêt. La banque a opposé la prescription.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
2. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer non prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel fondée sur l'erreur dans le taux et la durée de la période, ainsi que dans le calcul du taux effectif global (TEG) annuel du prêt consenti à l'emprunteur, et de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt liant les parties, de dire que les intérêts au taux légal sont substitués au taux conventionnel prévu au prêt, de condamner la banque à rembourser à l'emprunteur le montant des intérêts prélevés indûment depuis la signature du prêt, avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2014, de fixer le taux applicable au contrat à hauteur d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de sa décision, de condamner la banque, sous astreinte, à produire un nouvel échéancier conforme, et de rejeter ses demandes, alors « que, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en jugeant que le taux de période serait erroné en se basant sur les seules affirmations du rapport de la société Humania consultants produit par M. W..., « validé en tant que de besoin par les rapports détaillés d'un expert-comptable et d'un mathématicien reconnus, MM. R... et S... », M. R... ayant contresigné les documents que lui a remis la société Humania consultants et M. S..., sur les travaux duquel la société Humania consultants déclarait fonder ses analyses, ayant spécifié la formule mathématique de calcul du TEG qu'il conviendrait d'utiliser selon lui, sans asseoir sa décision sur d'autres éléments du débat ou de preuve, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
3. Il résulte de ce texte que, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties.
4. L'arrêt se fonde exclusivement sur un rapport d'expertise, contesté par la banque, établi non contradictoirement à la demande de l'emprunteur.
5. En statuant ainsi, sans fonder sa décision sur d'autres éléments du débat ou de preuve, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. W... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société My Money Bank.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré non prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel fondée sur l'erreur dans le taux et la durée de la période, et ainsi que dans le calcul du taux effectif global annuel du prêt consenti à Monsieur W... et, infirmant ledit jugement, d'AVOIR prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt liant les parties, d'AVOIR dit que les intérêts au taux légal sont substitués au taux conventionnel prévu au prêt, d'AVOIR condamné la banque à rembourser à Monsieur W... le montant des intérêts prélevés indûment depuis la signature du prêt, jusqu'à la date de sa décision, avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2014, date de la mise en demeure, d'AVOIR fixé le taux applicable au contrat à hauteur d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de sa décision, d'AVOIR condamné la banque à produire un nouvel échéancier conforme pour le contrat de prêt en cause, sous astreinte de 200 € par jour de retard, à compter de la signification de sa décision et d'AVOIR débouté la banque de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « sur la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts (ou subsidiairement en déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels) : Le point de départ de la prescription quinquennale de l'action est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de révélation de celle-ci à l'emprunteur ; que sur l'action fondée sur le défaut d'intégration dans le TEG des frais de notaire d'hypothèque, et d'assurance décès extérieure, en l'espèce, le tribunal a affirmé que la simple lecture des paragraphes "renseignements financiers", "frais d'acte "(évalués), et "coût de l'assurance déléguée obligatoire (évaluation)" figurant sur l'offre de prêt litigieuse, permettait à un emprunteur normalement diligent de comprendre que ni les frais d'acte notarié, ni le coût de l'assurance-décès n'étaient intégrés dans le taux effectif global ; que les erreurs et omissions invoquées auraient été ainsi révélées à M. W..., au jour de l'acceptation de l'offre, soit le 11 mai 2005 et sa demande fondée sur les éléments du taux effectif global a été déclarée prescrite ; qu'or, il y a lieu de rappeler que le prêteur doit démontrer que l'emprunteur a été en mesure de déterminer par lui-même l'erreur affectant le taux effectif global et le taux de période ; qu'il ne suffit pas de constater que l'offre contenait tous les éléments permettant à l'emprunteur de vérifier sa régularité, encore faut-il que la banque établisse que l'emprunteur présentait les compétences nécessaires pour prendre connaissance de l'erreur au moment de la réception de l'offre de prêt ; que M. W... devait ainsi comprendre que le taux effectif global était stipulé "hors frais d'acte", et que les mentions relatives à l'assurance et aux frais d'acte qui doivent toujours être intégrées au TEG, ne portaient qu'une évaluation, non intégrée au TEG ; que de même, il appartenait à la société GE Money Bank, au plus tard dans l'acte de prêt notarié, de préciser et fixer le montant des frais intégrés au TEG ; que tant les frais d'acte que d'assurances, par nature déterminables, étaient au plus tard au jour de la rédaction de l'acte authentique, déterminés ; que la banque n'apportant pas la démonstration de la lisibilité de ses actes relativement au taux effectif global, le point de départ du nouveau délai de la prescription quinquennale se situe à la date à laquelle M. W... a pris connaissance du défaut de prise en considération des éléments susvisés dans le taux effectif global ; que cette prise de conscience a eu lieu lors de la remise du rapport de l'expertise du taux effectif global confiée par M. W... à la société Humania consultants, intervenue le 4 octobre 2013 ; que M. W... ayant introduit son action par conclusions du 3 juin 2015, son action en nullité fondée sur le défaut de précision des frais d'acte et des frais d'assurance obligatoire, ne peut qu'être, par infirmation du jugement de ce chef, déclarée non prescrite ; que sur l'action fondée sur l'absence d'égalité de flux : Le tribunal a estimé non prescrite l'action fondée sur l'absence d'égalité des flux dans le calcul du taux effectif global réalisé par la banque, du fait que la simple lecture de l'offre de prêt ne permettait pas de déceler l'erreur ; qu'il est rappelé que les juges du fond doivent rechercher si l'emprunteur, quoique non professionnel, comme c'est le cas en l'espèce, disposait des compétences financières nécessaires lui permettant de déceler par lui-même, à la simple lecture de l'acte de prêt, les erreurs affectant le calcul financier du TEG au moment ou dans un temps voisin de la signature du contrat ; que cette position jurisprudentielle est conforme à l'article 1304 du code civil qui précise que le délai de prescription pour contester un contrat est de cinq ans à compter du moment où l'erreur est découverte ; qu'en l'espèce, il n'est ni allégué ni établi par le prêteur que l'emprunteur disposerait des compétences financières en la matière lui permettant de s'interroger sur ou de vérifier le calcul mathématique du taux effectif global au moment de la réception par lui de l'offre de prêt ; que dès lors, le point de départ du délai de prescription se situe à la date à laquelle l'emprunteur a pris effectivement connaissance de la méthode de calcul des intérêts proportionnels prescrite par les dispositions de l'article R. 313-1 ancien du code de la consommation, soit à la date du dépôt de son rapport d'analyses mathématiques par la société Humania Consultants, expert saisi aimablement par lui, le 4 octobre 2013 ; que le jugement est confirmé en ce qu'il a estimé non prescrite l'action en nullité de la stipulation d'intérêts engagée par M. W... ; que sur l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels : Le jugement ne peut être suivi en ce qu'il affirme que l'action tendant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur se prescrit par cinq ans à compter de la signature de l'offre préalable de crédit, dès lors que le seul point de départ du délai de prescription qui peut être retenu quant à l'erreur mathématique affectant la formule du taux effectif global portée à l'offre de prêt est la prise de connaissance effective par l'intermédiaire d'un expert saisi par l'emprunteur profane, du taux effectif global réel de la convention souscrite ; que sur le calcul du taux de période obligatoirement affiché dans le prêt immobilier souscrit : Il est constant que les parties se sont soumises aux dispositions d'ordre public des articles L 312-1 et suivants (anciens) du code de la consommation, qui trouvent application en l'espèce ; que le prêt consenti à M. W... étant un prêt immobilier soumis à l'article L 312-2 ancien du code de la consommation, son taux effectif global se détermine par rapport au taux de période et est proportionnel à ce taux, ainsi qu'il est précisé à l'article R 313-1 code de la consommation ancien pris dans sa rédaction en vigueur au moment de la conclusion du prêt en cause, qui dispose : "Sauf pour les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L 311-3" (crédits professionnels) et "à l'article L 312-2 du présent code" ( crédits immobiliers), "pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur. Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés. Pour les opérations mentionnées aux articles L 311-3 3° et à l'article L 312-2, lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu'annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale." ; qu'en cause d'appel, M. W... soutient que le taux de période, élément de base du calcul du TEG des prêts immobiliers, dont il admet désormais l'affichage, est erroné, dès lors que le TEG mentionné dans l'offre de prêt, de 3,35 %, n'est pas proportionnel au taux de période affiché, soit 0,279 % ; qu'il apparaît en effet que la société My Money Bank a affiché un taux de période arrondi, à trois décimales, qui ne permet pas de parvenir au taux annuel indiqué par la méthode proportionnelle applicable aux prêts immobiliers ; qu'elle a pourtant admis en première instance que le taux affiché n'était pas celui réel, qui serait de 0,27916653 % ; que le tribunal ne pouvait valider le calcul du taux effectif global annuel en partant du taux "réellement appliqué" par la société de prêt, puisque ce taux prétendu exact, comportant huit décimales, n'est pas celui affiché au contrat ; qu'en outre, la société Humania Consultants effectuant un calcul sur la base des éléments affichés au contrat, a précisé que le taux de période actuariellement défini est de 0,27964 % , un second calcul opéré sur la base des sommes réellement déboursées - en frais d'acte et frais de garantie notamment, qui ne figuraient pas davantage au contrat de prêt notarié - aboutissant à un taux de période de 0,31269% ; qu'en outre, le tribunal dans le jugement entrepris a opéré une confusion entre l'arrondi du résultat du rapport entre le taux de période et le taux effectif global annuel, qui est seul admis par la loi, et l'arrondi opéré par la société GE Money Bank du taux de période affiché, qui n'est autorisé par aucun texte ; que l'article R 313-1, II, alinéa 2 du code de la consommation, applicable à la cause, précise en ce qui concerne le taux de période : "Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre d'une part les sommes prêtées, et d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur..." ; qu'en indiquant expressément que le taux de période "assure" l'égalité des flux, le législateur affirme que le calcul actuariel légal de ce taux n'admet mathématiquement qu'une solution ; que M. W... invoque l'absence de respect par le prêteur de la durée de la période unitaire, découlant de l'application de l'article R 313-1 II al. 2 du code de la consommation selon lequel "Le taux de période est calculé ...à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur." ; que le rapport de la société Humania Consultants révèle que la périodicité des échéances de remboursement étant mensuelle, la durée de la période retenue par le prêteur n'est pas celle d'un mois normalisé de 30,41666 jours pour une année civile de 365 jours, mais, celle d'un mois de 30,3985075 jours, pour une année civile de 364,78 jours, ce qui revient encore pour l'établissement de prêt à exclure du TEG affiché le coût de 5,445761 jours sur la durée totale de 300 mois du prêt litigieux ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le taux de période affiché est bien erroné, et, partant, le taux effectif global annuel également ; que sur l'erreur dans le taux effectif global : En l'espèce, il y a lieu de tenir compte des analyses mathématiques effectuées par la société Humania consultants, qui démontrent outre l'absence d'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur, le caractère erroné du taux et de la durée de période, et conséquemment du TEG stipulé au prêt consenti à M. W... ; que selon les conclusions du rapport d'Humania Consultants, le total des remboursements supportés par l'emprunteur (132.539,50 €) est supérieur au capital disponible, lequel consiste lui-même en la différence entre le montant de capital emprunté et les charges affichées et intégrées par le prêteur au taux effectif global ; qu'il apparaît ainsi que le prêteur perçoit en exécution du tableau d'amortissement établi par lui, une somme de 850,50 € excédentaire par rapport au résultat de l'équation dérivée figurant à l'article R 313-1 ancien du code de la consommation ; que la société Humania Consultants ajoute que l'autre unique explication de ce défaut d'égalité des flux "est que le prêteur reconnaisse que le TEG par période communiqué...(est) erroné" ; que tel est le cas ici en présence du prêt immobilier litigieux, la société My Money Bank ayant reconnu en première instance que le taux de période calculé par elle, soit 0,27916653 %, n'était pas celui affiché, qui est illicitement arrondi à 0,279 %, et le calcul mathématique opéré par la société Humania Consultants conformément à la formule figurant en annexe à l'article R 313-1 du code de la consommation applicable à la cause, révélant que le taux de période effectif nécessaire à l'évaluation du coût du prêt immobilier de la cause est de 0, 27964 % ; que le calcul réalisé par la société Humania Consultants, démontrant l'erreur dans le taux de période et partant dans le taux effectif global annuel, est validé en tant que de besoin par les rapports détaillés d'un expert-comptable et d'un mathématicien reconnus, MM, R... et S... ; que sur la sanction du taux de période et du taux effectif global erroné : sur le fondement des articles 1304 et 1907 du code civil, la jurisprudence sanctionne, lorsque le TEG est erroné, par la nullité de la stipulation du taux de l'intérêt conventionnel dans tous les prêts et en ordonne la substitution par le taux légal ; que la nullité de la stipulation d'intérêts est également encourue par les stipulations d'intérêts inscrites aux actes authentiques de prêt immobilier, dès lors que le TEG annuel n'est pas proportionnel au taux de période ; que peu importe que le code de la consommation ne prévoie aucune sanction de l'erreur dans la détermination du taux de période, celle-ci dans un prêt immobilier déterminant le taux annuel, et non l'inverse ; que de même pour tous les crédits à la consommation, le défaut de mention du TEG dans l'offre préalable de crédit est sanctionnée par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels conformément à 1'article L 312-33 ancien du code de la consommation, auxquels se substituent les intérêts au taux légal ; que la mention d'un taux de période exact étant une condition de validité de la stipulation d'intérêts, l'inexactitude de cette mention, comme son absence, vicie la stipulation d'intérêt tout entière, la sanction de ce calcul erroné étant la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel prévu, à compter de la signature du prêt concerné ; que la cour dispose ainsi des éléments suffisants pour faire droit à la demande de nullité de la stipulation d'intérêts présentée par M. W..., dire que le taux d'intérêts légal se substituera au taux conventionnel stipulé à l'acte de prêt, condamner la société intimée à restituer les intérêts trop-perçus depuis la signature du contrat, ordonner la production par la SA My Money Bank d'un nouvel échéancier pour le contrat de prêts en cause, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; qu'en conséquence, le jugement entrepris est infirmé en toutes ses dispositions sur le fond » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE, aux termes du jugement entrepris, « la simple lecture des conditions particulières de l'offre de prêt ne permet pas de déceler les autres erreurs invoquées par Monsieur W... au soutien de ses demandes de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel à savoir le non-respect du principe d'égalité des flux, l'absence de proportionnalité entre le taux de période et le TEG et l'absence de prise en compte de l'année civile pour le calcul des intérêts ; que ces erreurs, à les supposer établies, ont été révélées à Monsieur W... par le rapport établi par la société HUMANIA CONSULTANTS le 4 octobre 2013 ; que la prescription des demandes de nullité fondées sur ces irrégularités a donc commencé à courir le 4 octobre 2013 » ;
ALORS en premier lieu QUE le point de départ de la prescription de l'action en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels est, s'agissant d'un prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur alléguée du taux effectif global ; que pour établir que Monsieur W... était à même, dès la conclusion du contrat de prêt, de constater l'erreur alléguée du taux effectif global du fait de l'absence de précision des frais d'acte et des frais d'assurance obligatoire, la société MY MONEY BANK rappelait, page 7 de ses conclusions d'appel, que « les conditions particulières du prêt mentionnent (pièce n°1 p.4) : - « Taux effectif global hors frais d'acte
3,350 % » (
) – pour les frais d'acte, ils sont évalués à « 2,005% du montant du prêt, étant précisé que seul le notaire peut en indiquer le montant exact » (
) – pour les frais d'assurance décès déléguée, ils sont évalués à « 0,830% du montant du prêt, étant précisé que le montant exact n'est pas connu au moment de l'émission de l'offre par le prêteur », - et au paragraphe ASSURANCE que « le coût de l'adhésion à une assurance extérieure par délégation n'étant pas connu au moment de l'édition de l'offre, le prêteur ne peut en donner qu'une évaluation. L'incidence en taux de l'assurance déléguée obligatoire est évaluée par la présente offre à 0,830 % » ; qu'en considérant qu'« il ne suffit pas de constater que l'offre contenait tous les éléments permettant à l'emprunteur de vérifier sa régularité, encore faut-il que la banque établisse que l'emprunteur présentait les compétences nécessaires pour prendre connaissance de l'erreur au moment de la réception de l'offre de prêt » (arrêt, p.5), pour juger que le délai de prescription de l'action n'aurait commencé à courir qu'à compter de la « prise de conscience » de Monsieur W... (ibid.) consécutive à la lecture d'un rapport d'expertise privé qu'il avait commandité, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 2224 du même code ;
ALORS en deuxième lieu QUE le point de départ de la prescription de l'action en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels est, s'agissant d'un prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur alléguée du taux effectif global ; qu'en jugeant que, concernant l'action fondée sur l'absence d'égalité des flux, le point de départ du délai de prescription se situe à la date à laquelle l'emprunteur a pris effectivement connaissance de la méthode de calcul des intérêts proportionnels prescrite par les disposition de l'article R. 313-1 ancien du code de la consommation, soit à la date du dépôt de son rapport d'analyses mathématiques par la société HUMANIA CONSULTANTS, bien que les données contenues dans l'offre de prêt suffisent à réaliser ce calcul, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 2224 du même code ;
ALORS en troisième lieu QUE, subsidiairement, en jugeant qu'il reviendrait à la société MY MONEY BANK d'établir que Monsieur W... était à même de comprendre le sens des informations relatives au TEG contenues dans son offre de prêt et de comprendre ses modalités de calcul, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;
ALORS en quatrième lieu QUE, subsidiairement, aucun texte ne sanctionne par la nullité de la stipulation d'intérêts le fait d'arrondir le taux de période à trois décimales ; qu'en jugeant que le taux de période serait erroné pour annuler la stipulation contractuelle d'intérêts du fait que le taux réel « prétendu exact, comportant huit décimales, n'est pas celui affiché au contrat » (arrêt, p.7), ce dernier ayant été « arrondi, à trois décimales » (ibid.), et que « peu importe que le code de la consommation ne prévoie aucune sanction de l'erreur dans la détermination du taux de période » (ibid. p.9), la cour d'appel a violé les articles L. 312-2 et R. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause ;
ALORS en cinquième lieu QUE, subsidiairement, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en jugeant que le taux de période serait erroné en se basant sur les seules affirmations du rapport de la société HUMANIA CONSULTANTS produit par Monsieur W..., « validé en tant que de besoin par les rapports détaillés d'un expert-comptable et d'un mathématicien reconnus, MM. R... et S... » (arrêt, p.8 in fine), Monsieur R... ayant contresigné les documents que lui a remis la société HUMANIA CONSULTANTS et Monsieur S..., sur les travaux duquel la société HUMANIA CONSULTANTS déclarait fonder ses analyses, ayant spécifié la formule mathématique de calcul du TEG qu'il conviendrait d'utiliser selon lui, sans asseoir sa décision sur d'autres éléments du débat ou de preuve, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS en sixième lieu QUE, subsidiairement, la société MY MONEY BANK faisait valoir, page 19 de ses conclusions d'appel, que la note de Monsieur R... et la note de Monsieur S..., respectivement datées des 28 octobre et 18 novembre 2014, n'avaient pas pu confirmer les conclusions postérieures du rapport de la société HUMANIA CONSULTANTS en date du 5 janvier 2015 ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société MY MONEY BANK sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS en septième lieu QUE, subsidiairement, pour contester les conclusions de l'expertise non judiciaire de la société HUMANIA CONSULTANTS réalisée pour le compte de Monsieur W..., la société MY MONEY BANK exposait, notamment, que parmi les insuffisances et erreurs commises par ce rapport, il devait être constaté « l'absence d'indication des postes de frais qui n'auraient pas été intégrés dans le TEG » (conclusions, p.16), l' « erreur dans les données retenues servant de base de calcul du TEG » (ibid.), puisque le rapport « se base sur le taux de période de l'offre déjà arrondi à la 3ème décimale » (ibid.), les incohérences résultant du fait que « ce rapport qui n'inclut aucun frais contredit les conclusions qui veulent inclure dans le TEG ces frais » (ibid. p.17), la méconnaissance de ce que l'affirmation du rapport selon laquelle « le total des remboursements supportés par l'emprunteur est supérieur au capital disponible, à savoir donc la différence entre le capital emprunté et les charges (frais de dossier, garanties) » dénonce en réalité une « situation parfaitement normale puisque c'est la valeur actualisée au taux de la période mensuelle des flux futurs qui doit être égale au montant disponible » (ibid.), la méconnaissance de ce que le tableau qualifié d'« amortissement » par le rapport « n'a qu'une valeur « prévisionnelle » et ne saurait correspondre aux conditions de remboursement du crédit » (ibid. p. 18), la méconnaissance de ce que « l'article L. 313-1 du code de la consommation dispose que les charges liées aux garanties et les honoraires de notaires ne sont pas inclus dans le TEG lorsqu'ils ne sont pas déterminables avec précision lors de la conclusion du prêt » (ibid.), le fait que dans son nouveau rapport du 22 novembre 2016, « les chiffres figurant dans ce tableau (pièce W... n°17) ne sont pas cohérents avec ceux mentionnés dans la précédente analyse de la Sté HUMANIA CONSULTANTS » » (ibid. p.20), le fait que « le précédent tableau chiffrait le taux de période à 0,28386% (pièce W... n°5), le nouveau tableau à 0,2796% (pièce W... n°17) » (ibid.), le fait qu' « en ne fournissant pas le détail de ses calculs des échéances, la Sté HUMANIA CONSULTANTS empêche toute vérification de leur régularité et comparaison avec ceux de la banque » (ibid. p.19), ainsi que « les erreurs pures de calcul mathématiques du tableau » (ibid.), ou encore le fait que, à la lecture du troisième rapport de la société HUMANIA CONSULTANTS, en date du 7 février 2017, confrontée à celle de son deuxième rapport, en date du 22 novembre 2016, « les deux rapports calculent un même taux de période de 0,27964%, alors que la somme de l'équation représente une différence de 44.954,17 (176.754,60 – 131.800,43) d'un rapport à l'autre » (ibid. p.25) ; qu'en jugeant que « le rapport de la société Humania Consultants révèle » un taux de période affiché erroné (arrêt, p.8) et que « le calcul réalisé par la société Humania Consultants démontr(e) l'erreur dans le taux de période et partant dans le taux effectif global annuel », sans répondre à aucune des critiques faites aux rapports successifs de la société HUMANIA CONSULTANTS, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS en huitième lieu QUE, subsidiairement, la seule sanction civile de l'inobservation des dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, est la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge ; qu'en prononçant la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt liant les parties et en disant que les intérêts au taux légal seraient substitués au taux conventionnel prévu, la cour d'appel a violé l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.